B. UNE COMPLÉMENTARITÉ AVEC L'ÉDUCATION NATIONALE À CONSOLIDER

1. L'orientation, une question stratégique

Outre l'association étroite des professionnels, qui lui permet de répondre aux besoins des entreprises et des territoires, l'enseignement agricole possède de nombreux atouts : une autonomie réelle des établissements qui permet l'innovation pédagogique, une définition souple de l'offre de formation, des possibilités réelles de transition entre filières ou entre la voie scolaire et l'apprentissage.

Confrontées au rapport d'information de notre collègue M. Guy-Dominique Kennel consacré à l'orientation scolaire, ces réalités mettent en évidence la richesse de l'enseignement agricole et de sa spécificité 94 ( * ) .

L'existence de l'enseignement technique agricole dépend toutefois de sa capacité à attirer les élèves. Or, les effectifs tendent plutôt à décroître depuis 2008 : la baisse est plus prononcée dans les classes de 4 e et de 3 e , qui sont, pour l'essentiel, dans des établissements privés ; les effectifs scolarisés au lycée n'augmentent que très faiblement au regard de la progression démographique que connaît ce segment du système éducatif ( cf . I.B.2).

L'enseignement agricole n'accueillant d'élèves qu'à partir de la classe de quatrième dans l'enseignement privé et de la classe de la seconde dans l'enseignement public, l'orientation constitue pour cette composante du système éducatif un enjeu crucial, voire existentiel.

Les auditions menées par votre rapporteur pour avis corroborent les conclusions tirées de l'évolution des effectifs d'élèves : outre la logique malthusienne d'adaptation des effectifs aux moyens, qui mène parfois les établissements à refuser des élèves, l'orientation telle qu'elle est pratiquée à l'éducation nationale laisse une place insuffisante aux formations proposées par l'enseignement agricole, encore trop méconnues ou mal considérées.

La responsabilité en incombe en grande partie à la politique de l'éducation nationale consistant à retarder jusqu'au lycée, voire jusqu'à la classe de seconde générale et technologique, les choix d'orientation des élèves.

Votre rapporteur pour avis souligne que certaines académies ont eu pour objectif de réduire l'orientation des élèves de collège vers une MFR ou une classe de l'enseignement agricole, considérées comme des « filières de dérivation » et vers lesquelles l'orientation serait la sanction d'un échec. S'il convient de se défaire de la vision réductrice d'un enseignement technique agricole qui ne constituerait qu'une filière de remédiation, force est de constater que les établissements de l'enseignement agricole offrent aux élèves en difficulté une alternative intéressante ; les différentes familles de l'enseignement agricole savent faire réussir leurs élèves, par le recours à des pédagogies spécifiques et innovantes.

L'enseignement agricole constitue avant tout une filière d'excellence, dont les résultats en matière d'insertion professionnelle sont plus qu'enviables, et cette réalité est encore trop méconnue. Votre rapporteur pour avis regrette que les élèves et leurs parents ne soient pas suffisamment informés des formations offertes par l'enseignement agricole et de leurs débouchés .

Loin de toute concurrence, votre rapporteur pour avis soutient le développement de la complémentarité et des mutualisations entre l'enseignement agricole et l'éducation nationale. Ces mutualisations ne devraient pas avoir lieu au détriment de l'enseignement agricole, si l'on considère les résultats bien meilleurs obtenus dans certaines formations comparables à celles proposées par l'éducation nationale, à l'instar des formations du secteur tertiaire.

2. Développer les mutualisations

Votre rapporteur pour avis considère que les mutualisations entre l'enseignement agricole et l'éducation nationale constituent un gisement de gains d'efficience insuffisamment exploité.

En raison de leur dispersion sur le territoire, les établissements de l'enseignement agricole auraient tout à gagner à s'appuyer sur le maillage plus resserré de l'éducation nationale, et inversement, afin de mettre en commun certains moyens. Pourraient en effet être concernés l'affectation des enseignants, notamment de langues vivantes, les moyens de remplacement, la formation initiale et continue des enseignants, le déploiement et la maintenance des systèmes informatiques, les auxiliaires de vie scolaire (AVS).

Sur ce dernier point, les représentants de la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) ont assuré à votre rapporteur que des arrangements étaient trouvés au cas par cas au niveau déconcentré, afin de garantir un accompagnement stable et de qualité des élèves handicapés.

Votre rapporteur pour avis considère que cette coopération est parfois très active au niveau régional (cf. infra ), elle demeure trop dépendante des initiatives individuelles et de la bonne volonté des recteurs et des directeurs régionaux de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt (DRAAF). Ces initiatives doivent être encouragées et confortées par l'échelon central et par les ministres eux-mêmes.

Les coopérations entre l'enseignement agricole
et l'éducation nationale au niveau déconcentré

En Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes, l'affectation de jeunes dans les classes de quatrième et de troisième est mieux organisée avec le rectorat. Au moins un EPLEFPA périurbain permet de prendre en charge des élèves de seconde générale et technologique qui ne pouvaient pas trouver de place dans les lycées de secteur de l'éducation nationale. Dans cette même région, deux EPLEFPA sont dirigés conjointement par un personnel de direction issu du MEN, l'autre du MAAF.

En Auvergne et Rhône-Alpes, certaines classes de filière S sont partagées en termes de moyens entre l'enseignement technique agricole et l'éducation nationale au sein des EPLEFPA.

En Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, un établissement de l'éducation nationale disposant d'un BTS technico-commercial met en place une option « Agroéquipements » avec un recrutement privilégié de baccalauréats professionnels agricoles.

En Provence-Alpes-Côte d'Azur, le recteur et le DRAAF ont permis à deux enseignants en difficulté sur un établissement agricole de trouver une voie de détachement dans un établissement public du rectorat.

En Île-de-France, un établissement de l'enseignement agricole partage avec l'éducation nationale un cycle de filière scientifique. Les élèves et les enseignants se partagent leur emploi du temps entre les deux établissements.

En Alsace, le recteur et le DRAAF ont été signataires d'une convention de coopération couvrant les domaines de l'orientation, de l'offre de formation, de la santé des élèves, de la mutualisation des moyens et des statistiques et enquêtes. Dans cette même région, un établissement de l'enseignement agricole partage avec un établissement de l'éducation nationale un cycle de baccalauréat professionnel « Bio-industries de transformation ».

Source : Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt

En ce qui concerne la formation initiale et continue des personnels, celle-ci relève dans l'enseignement agricole de l'École nationale supérieure de formation de l'enseignement agricole (ENSFEA), anciennement désignée sous le nom de l'École nationale de formation agronomique (ENFA). Ses missions ont été redéfinies par le décret du 24 juin 2016 95 ( * ) , qui procède à une forme de recentrage sur le coeur de métier de l'établissement, à savoir la formation initiale et continue des personnels enseignants, d'éducation et d'encadrement de l'enseignement technique agricole ainsi que l'appui à ce dernier.

Au vu du coût « exorbitant » de la formation des professeurs et personnels de vie scolaire de l'enseignement agricole, que la Cour des comptes estime entre 20 000 et 35 000 euros par an 96 ( * ) , il s'agit d'un domaine privilégié de mutualisation avec l'éducation nationale, qui ne doit cependant pas conduire l'effacement de la spécificité de l'enseignement agricole. L'accréditation de l'ENSFEA pour la délivrance du master « Métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation » (MEEF), renouvelée au printemps 2016 pour cinq ans, devrait permettre le développement des échanges et des partenariats entre les deux systèmes de formation.

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Compte tenu de l'ensemble de ces observations, votre rapporteur pour avis émet un avis de sagesse sur l'adoption des crédits du programme « Enseignement technique agricole ».

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Votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

Votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication a émis un avis favorable à l'adoption des articles 55 octies et 55 nonies rattachés du projet de loi de finances pour 2017 .


* 94 Une orientation réussie pour tous les élèves, rapport d'information n° 737 (2015-2016) de M. Guy-Dominique Kennel, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, juin 2016.

* 95 Décret n° 2016-854 du 27 juin 2016 fixant les missions de l'École nationale supérieure de formation de l'enseignement agricole.

* 96 Cour des comptes, rapport public annuel 2016, février 2016, p. 645.

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