II. LES MESURES RELATIVES À LA BRANCHE VIEILLESSE

A. UN SOLDE EXCÉDENTAIRE DE LA BRANCHE VIEILLESSE POUR LA TROISIÈME - ET DERNIÈRE - ANNÉE CONSÉCUTIVE

1. La branche vieillesse : une dégradation continue du solde jusqu'en 2021

D'après les prévisions actualisées du présent projet de loi de financement, l'excédent du régime général d'assurance vieillesse atteindrait 1,3 milliard d'euros en 2017 . Tous régimes confondus, la branche vieillesse serait en excédent de 1,5 milliard d'euros cette année.

Cette amélioration prolonge le retour à un solde positif de 900 millions d'euros constaté en 2016 , qui a d'ailleurs marqué le premier exercice excédentaire de la branche vieillesse depuis onze ans .

Évolution du solde agrégé de la branche vieillesse et du FSV

(en milliards d'euros)

Source : annexes B au projet de loi de financement pour 2018

L'amélioration du solde entre 2016 et 2017 découle de deux facteurs :

- la poursuite du ralentissement des dépenses (+ 1,7 %, contre 1,9 % en 2016 et 3,2 % en 2015), grâce d'une part aux effets de la réforme des retraites de 2010 92 ( * ) , le relèvement des âges de départ sans décote et à taux plein ayant généré un creux de départs en retraite important en fin d'année 2016 ; d'autre part, à la faible revalorisation du montant des pensions de retraite en moyenne annuelle (+ 0,2 % en 2017), dans un contexte d'inflation faible ;

- une hausse du produit des cotisations sociales (+4 %), soutenues par une progression dynamique de la masse salariale et par une nouvelle hausse de taux de cotisations déplafonnées résultant de la réforme des retraites de 2014.

Cet excédent traduit les derniers effets de la réforme engagée en 2010 . D'après les informations transmises par la direction de la sécurité sociale, la loi de 2010 a eu un impact positif estimé à 17,3 milliards d'euros par rapport à une évolution à législation inchangée , soit un montant légèrement inférieur à l'évaluation initiale de l'étude préalable (18,6 milliards d'euros).

La dégradation du solde de la branche vieillesse prévue pour 2018 révèle ainsi qu'au-delà des effets structurels liés à la réforme du système de retraite précitée, une partie de l'amélioration enregistrée en 2016 et 2017 résulte de motifs conjoncturels , portant sur les dépenses, en raison d'une inflation faible, et sur les recettes.

Ainsi, en 2018, le solde de la branche vieillesse du régime général se dégraderait de 1,1 milliard d'euros par rapport à 2017, en raison d'un effet de ciseaux :

- une forte hausse des dépenses de la branche , résultant de la fin des effets du décalage de l'âge légal de départ en retraite , celui-ci étant porté à 62 ans pour la première génération entière, née en 1956 ; surtout, le retour d'une inflation plus soutenue signe également une revalorisation des pensions en moyenne annuelle plus élevée ; de façon plus générale, les dépenses d'assurance vieillesse des régimes obligatoires de base de sécurité sociale augmenteraient de 2,3 % entre 2017 et 2018 ;

- une diminution des recettes , qui résulte pour partie de la fin des hausses de taux de cotisations prévues par la loi retraite de 2014 : les produits de cotisations suivraient désormais la progression de la masse salariale du secteur privé ; les transferts reçus par la branche vieillesse diminuent de façon significative à la suite de la réforme du financement du minimum contributif prévue en loi de financement pour 2017 (cf. infra ).

La réforme du minimum contributif par la loi de financement pour 2017

Depuis la loi de 2010 portant réforme des retraites, le FSV finance une partie du minimum contributif (MICO), qui s'adresse aux travailleurs relevant du régime général, du régime des salariés agricoles et du régime social des indépendants ayant cotisé pendant tout ou partie de leur carrière sur la base de revenus modestes. Il s'ajoute à la pension du bénéficiaire, dans la limite d'un plafond fixé à 1 135,73 euros depuis le 1 er janvier 2016. Son coût total est de 7 milliards d'euros , dont 3,5 milliards d'euros financés par le FSV, pour un nombre stable de 6 millions de bénéficiaires .

La loi de financement pour 2011 a prévu le versement par le FSV d'un montant forfaitaire de 3,5 milliards d'euros , correspondant à la moitié du coût total , en direction des régimes de base de la branche vieillesse. Ensuite portée à 3,9 milliards d'euros par la loi de financement pour 2012, puis reconduite lors des trois exercices suivants, cette contribution est devenue proportionnelle à compter du 1 er janvier 2016 .

Ainsi, avant la réforme de la loi de financement pour 2017, le FSV versait une contribution aux régimes à hauteur d'une fraction du coût réel du dispositif, fixée par décret, correspondant au minimum à 50 % du total .

La loi de financement pour 2017 a prévu de revenir progressivement sur la prise en charge par le FSV d'une partie des dépenses au titre du MICO .

En 2017, le transfert d'un milliard d'euros vers les régimes au titre de cette dépense a ainsi été prévu, pour un transfert intégral effectif en 2020 . Des réaffectations de recettes ont permis de compenser l'effet de cette mesure.

Source : commission des finances du Sénat

La trajectoire d'évolution du solde de la branche vieillesse du régime général (cf. supra ) donne à voir une dégradation continue jusqu'en 2021, date à laquelle le déficit atteindrait 3 milliards d'euros . Les charges nettes des régimes d'assurance vieillesse augmenteraient de 2,5 % en 2019 et 2,6 % en 2020, mais la reprise de l'inflation renforcerait le coût des revalorisations, à compter de 2019.

Cette trajectoire diverge de celle présentée en projet de loi de financement pour 2017, prévoyant une accentuation des excédents, devant atteindre 1,1 milliard d'euros en 2020 pour la branche vieillesse du régime général. La Cour des comptes mentionne un écart provenant « pour partie de transferts prévisionnels de recettes entre branches qui ont été intégrés aux trajectoires pluriannuelles de la loi de financement pour 2017 sans être portés à la connaissance du Parlement (pour 3 Md€ au total au bénéfice de la branche vieillesse à l'horizon 2020, répartis à parts égales entre les branches maladie, AT-MP et famille) » 93 ( * ) . Cette analyse témoigne de l'insincérité des projections présentées au Parlement par le précédent Gouvernement .

Projections des soldes de la branche vieillesse du régime général
entre 2018 et 2020

(en milliards d'euros)

2018

2019

2020

LFSS 2017

0,6

0,7

1,1

COR 2017

-0,7

-2,1

-3,5

PLFSS 2018

0,2

-0,8

-2,0

Source : commission des finances du Sénat, d'après la loi de financement pour 2017, le rapport du Conseil d'orientation des retraites de juin 2017 et les prévisions du présent projet de loi de financement

De façon générale, le Gouvernement a annoncé la mise en oeuvre au cours du quinquennat d'une réforme « systémique » visant à « faire en sorte qu'un euro cotisé ouvre les mêmes droits pour tous » 94 ( * ) .

Toutefois, alors qu'il avait été indiqué lors de la campagne présidentielle que cette dernière ne se traduirait pas par une modification de l'âge de départ à la retraite 95 ( * ) , la dégradation de la situation financière du système de retraite mise en évidence par le Conseil d'orientation des retraites (COR) dans son rapport annuel de juin 2017 96 ( * ) pourrait changer la donne. Le solde financier resterait ainsi déficitaire jusqu'en 2040 dans tous les scénarios économiques, alors qu'il devait dégager des excédents significatifs à partir du milieu des années 2020 dans deux des cinq scénarios d'après le précédent exercice de projection. Cette évolution défavorable tient principalement à la révision des hypothèses démographiques par l'Insee.

Votre rapporteur pour avis souligne que la situation des régimes de retraite reste préoccupante, dans un contexte de dynamisme à venir des dépenses et où les effets des réformes antérieures s'estompent progressivement . Le même constat est d'ailleurs dressé par la Cour des comptes, qui estime que « la dégradation importante des soldes de la branche vieillesse d'ici 2020, mise en lumière par le COR à périmètre inchangé de recettes, appelle également des mesures rapides de redressement » 97 ( * ) .

2. Le FSV : une trajectoire jusqu'en 2020 en « miroir » de celle de la branche vieillesse

La dégradation du solde de la branche vieillesse contraste avec l'amélioration de la situation financière du FSV d'ici 2020 .

Le déficit du FSV se stabilise à 3,6 milliards d'euros en 2017 et devrait se redresser ces prochaines années, grâce au transfert progressif du financement du minimum contributif du FSV à la branche vieillesse d'ici 2020, produisant une économie d'1 milliard d'euros en 2017.

Toutefois, comme l'affirmait Francis Delattre lors de l'examen du projet de loi de financement pour 2017 98 ( * ) , le transfert du MICO vers la branche vieillesse constituait une évolution souhaitable , mais pas une « solution miracle » pour la soutenabilité financière du FSV, dès lors que le transfert progressif de la part du MICO financée par le FSV s'est accompagné d'une réduction des recettes qui y étaient affectées. Il s'ensuit donc un délai avant que le transfert des charges excède celui des produits et permette d'améliorer le solde du FSV. Les effets du transfert du minimum contributif vers la branche vieillesse seraient maximisés en 2020 , année où le déficit du FSV, estimé à 1,5 milliard d'euros, serait, pour la première fois depuis 2013, inférieur à celui de la branche vieillesse.

L'amélioration de la situation économique 99 ( * ) et l'augmentation de 1,7 point du taux de CSG sur les revenus du capital auraient pu conduire à un redressement plus marqué de la situation financière du FSV . Or le solde du FSV ne se réduirait que légèrement en 2018 , pour atteindre 3,4 milliards d'euros, soit une amélioration de 200 millions d'euros par rapport à 2017.

Cette situation découle d'un choix contestable du Gouvernement. Alors que l'augmentation du taux de la CSG sur les revenus du capital devait augmenter les recettes du FSV - de 2,1 milliards d'euros -, le projet de loi de finances prévoit, dans le cadre du schéma de transfert proposé à l'article 20, un transfert de la totalité du rendement du prélèvement de solidarité sur le capital , actuellement affecté au FSV, à l'État, soit 2,6 milliards d'euros . L'effet de la hausse du taux de CSG est ainsi plus que neutralisé par le transfert de recettes proposé par le projet de loi de finances.

Incidence des mesures nouvelles proposées par les projets de lois financières pour 2018 sur le solde du FSV

(en millions d'euros)

2018

2019

2020

2021

Cumul

Revalorisation de l'ASPA

- 115

- 355

- 540

- 555

- 1 565

Perte du prélèvement de solidarité

- 2 567

- 2 643

- 2 725

- 2 817

- 10 752

Augmentation de 1,7 point de CSG sur les revenus du capital

2 061

2 141

2 211

2 289

8 703

Incidence nette sur le déficit

- 621

- 857

-1 054

- 1 083

- 3 614

Source : informations communiquées par le FSV

Au total, comme l'illustre le tableau ci-dessus, les mesures nouvelles proposées par les lois financières dégraderaient le solde du FSV de 600 millions d'euros en 2018 et de plus de 1 milliard d'euros en 2021.

Alors que le déficit cumulé du FSV atteindrait un montant de 15,5 milliards d'euros en 2021 , les mesures proposées par le Gouvernement ne sont ni opportunes, s'agissant du transfert du prélèvement de solidarité à l'État, ni financées, s'agissant de la revalorisation de l'ASPA.

Solde annuel du FSV de 2016 à 2021 avant et après les mesures proposées
par les lois financières pour 2018

(en milliards)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les informations communiquées par le FSV

Comme s'agissant de la branche maladie, l'apurement des dettes cumulées du FSV repose sur une reprise économique dynamique . En ce qui concerne le FSV, le retour à l'équilibre pourrait être envisagé en 2023, avec une hypothèse d'un niveau d'effectifs de chômeurs proche de celui de 2012, et le remboursement des dettes cumulées soldé à l'horizon 2030 , dans l'hypothèse d'une baisse moyenne du chômage de 3,2 % des effectifs par an, correspondant à une diminution moyenne annuelle de 100 000 chômeurs environ sur la période 100 ( * ) , conjuguée à une croissance annuelle moyenne des recettes sur le capital de 2,5 %.


* 92 Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

* 93 Cour des comptes, Rapport d'application des lois de financement de la sécurité sociale, septembre 2017.

* 94 Rapport économique, social et financier 2018, p. 25.

* 95 Programme présidentiel d'Emmanuel Macron, p. 13.

* 96 COR, « Évolutions et perspectives des retraites en France », rapport annuel, juin 2017.

* 97 Cour des comptes, Rapport d'application des lois de financement de la sécurité sociale, septembre 2017.

* 98 Avis n° 108 (2016-2017) de M. Francis Delattre fait au nom de la commission des finances, déposé le 8 novembre 2016.

* 99 En effet, la mission principale du FSV consistant à financer la prise en charge des cotisations des chômeurs, son solde est très sensible au niveau de l'emploi.

* 100 Données communiquées par le FSV.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page