III. L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS ET « EN FRANÇAIS » À L'ÉTRANGER : UNE DEMANDE FORTE, DES CONTRAINTES BUDGÉTAIRES, UNE OFFRE À REPENSER

Les crédits alloués à l'enseignement français à l'étranger représentent à eux seuls plus de 55 % des crédits du programme 185. Ils sont presqu'exclusivement dédiés au financement des « lycées français » 19 ( * ) à l'étranger. Quelques crédits sont également prévus pour développer des formes nouvelles de notre influence sur le secteur éducatif en français.

A. L'AEFE : DES « LYCÉES FRANÇAIS » TRÈS PERFORMANTS, MAIS AUX CAPACTÉS D'ACCUEIL LIMITÉES

1. Un réseau en expansion

Notre pays dispose d'un réseau d'enseignement français à l'étranger exceptionnel. Il ne compte pas moins de 495 établissements scolaires français homologués, implantés dans 137 pays : 74 sont « en gestion directe » par l'AEFE, 156 sont « conventionnés » 20 ( * ) avec l'AEFE et 265 établissements auto-financés sont « partenaires » 21 ( * ) de l'AEFE.

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication,d'après données AEFE 2016 (sans changement en 2017)

À la rentrée 2017, ce réseau scolarisait 342 000 élèves dont 125 000 Français. Deux tiers des élèves sont en effet « non-Français » ce qui illustre bien la double vocation de ce réseau : à la fois offrir aux Français expatriés une solution d'enseignement français mais aussi servir d'outil de notre diplomatie d'influence en scolarisant des élèves non-Français, issus des élites mais de plus en plus souvent des classes moyennes et moyennes-supérieures de certains pays d'implantation.

Répartition des élèves par nationalité dans les établissements du réseau AEFE à la rentrée 2016/2017

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication, d'après les réponses au questionnaire de votre rapporteur pour avis

Les résultats obtenus au baccalauréat par les élèves de terminale du réseau sont excellents : 96,7 % de réussite au baccalauréat de 2017, dont 75 % de mentions. Les étudiants des lycées français à l'étranger se distinguent également au Concours général des lycées ainsi qu'aux différentes olympiades.

L'augmentation des effectifs de l'enseignement français à l'étranger observée depuis de nombreuses années ne se dément pas : + 1,5 % en 2015, + 1,8 % en 2016, + 2 % en 2017. Cette croissance bénéficie principalement aux élèves nationaux (+ 2,2 % par rapport à la rentrée précédente) et aux autres étrangers (+ 4,25 %). En revanche, le nombre d'élèves français est globalement stable (+ 0,25 %).

La croissance des effectifs est cependant limitée par les capacités des établissements, leurs capacités physiques (certains établissements sont saturés et doivent organiser des tests à l'entrée pour sélectionner leurs élèves) mais aussi leurs capacités budgétaires dans le cas des établissements qui dépendent des crédits budgétaires de l'État.

2. Une subvention budgétaire étale

L'AEFE poursuit donc son « développement maîtrisé », conformément aux dispositions de son contrat d'objectifs et de moyens (COM) pour la période 2016-2018.

La subvention s'établit pour 2018 à 398,7 millions d'euros soit une quasi-stabilité par rapport à 2017 (+ 0,7 % en raison de l'évolution de la masse salariale). À cette subvention de fonctionnement issue du programme 185 s'ajoute une subvention du programme 151 destinée à financer les bourses sur critères sociaux des élèves français (110 millions d'euros en 2018).

Au total, ce sont quelques 500 millions d'euros qui sont alloués chaque année à l'AEFE et le Président de la République a annoncé le 2 octobre dernier que les moyens de l'AEFE seraient « sanctuarisés » au cours des prochaines années.

Évolution des subventions votées à l'AEFE (2015-2018)

(en millions d'euros)

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication, d'après les réponses au questionnaire de votre rapporteur pour avis

L'année 2017 a été particulièrement difficile pour l'AEFE en raison d'une annulation de 33 millions d'euros de crédits décidée cet été par le nouveau Gouvernement au titre de la réduction des déficits publics. Cette réduction brutale a conduit l'AEFE à programmer une réduction du nombre d'enseignants (-180 postes en 2018 et -160 en 2019) et à remonter le taux de la contribution versée par les établissements à l'AEFE (qui passe de 6 à 9 % de leurs recettes totales, soit une augmentation de 50 %). Un amendement de la commission des finances du Sénat propose de rétablir 30 millions d'euros de crédits sur le budget 2018.

Progressivement, compte tenu de la contrainte budgétaire et de l'augmentation régulière des refus de détachement en provenance du ministère de l'Éducation nationale, les établissements font de moins en moins appel à des professeurs de l'éducation nationale expatriés pour assurer leur mission dans les lycées français de l'AEFE.

Évolution du taux de refus de détachement

(en % des demandes)

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication, d'après données AEFE

Ceux-ci sont remplacés par des personnels recrutés localement par les établissements. Mais le pays d'implantation ne présente pas toujours les ressources nécessaires à ces recrutements et il faut prendre garde à ce que ces changements ne débouchent pas sur une moindre qualité de la prestation.

Évolution des effectifs expatriés et résidents 22 ( * )

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication, d'après données AEFE

3. Une enveloppe de bourses maîtrisée

La France est l'un des rares pays qui accompagnent l'expatriation de leurs ressortissants par un système de bourses sur critères sociaux. Sur les 125 000 élèves français, le réseau comptait en 2016 quelques 25 660 boursiers 23 ( * ) , soit un peu plus de 20 % de boursiers .

L'enveloppe budgétaire pour 2018 est fixée, dans le programme 151 de la présente mission « Action extérieure de l'État », à 110 millions d'euros , un montant bien inférieur aux 125,5 millions d'euros 24 ( * ) que le Gouvernement s'était engagé à maintenir suite à la réforme des bourses de 2013. Toutefois, le montant des bourses effectivement versées aux familles n'a jamais dépassé les 100 millions d'euros jusqu'en 2015 :

- en 2016, sur les 115,5 millions d'euros initialement prévus en loi de finances initiale, après application de la réserve de précaution de 8 % et l'annulation d'un crédit de 19 millions d'euros, seuls 87,26 millions d'euros ont été effectivement versés à l'AEFE ;

- en 2017, sur les 110 millions d'euros initialement prévus en loi de finances initiale, après application de la réserve de précaution de 8 % et l'annulation d'un crédit de 2 millions d'euros, seuls 99,2 millions d'euros ont été effectivement versés à l'AEFE.

Il est donc hautement probable que les 110 millions d'euros inscrits au PLF 2018, enveloppe stable par rapport à 2017, seront suffisants. D'autant plus que le ministère intègre dans ses précisions un gain de change et qu'il tient compte d'une enveloppe de crédits disponibles au titre des années antérieures dans les comptes de l'AEFE.

4. Des droits de scolarité préoccupants

Il convient néanmoins de rester vigilant sur l'un des principaux déterminants de la dépense de bourses scolaires : le niveau des tarifs de scolarité pratiqués par les établissements 25 ( * ) . Les droits de scolarité dans les établissements d'enseignement français à l'étranger sont en effet en progression constante. En moyenne, ils étaient de 4 000 euros en 2012/2013 et sont passés à 5 000 euros quatre ans plus tard soit une augmentation de près de 25 % ! En moyenne, les établissements français demeurent cependant moins chers que leurs homologues anglo-saxons mais dix établissements du réseau AEFE vont jusqu'à facturer entre 25 000 et 35 000 euros pour une année scolaire.

Évolution des tarifs de scolarité moyens par continent (rentrées 2012-2016), en €/an


Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication, d'après les réponses au questionnaire de votre rapporteur pour avis


* 19 Selon l'expression consacrée. Il s'agit aussi bien entendu d'écoles et de collèges.

* 20 La Mission laïque française, principal partenaire associatif, gère quant à elle 88 établissements homologués (cf. infra ).

* 21 À la demande de l'État, l'AEFE a renforcé son rôle en matière d'animation du réseau homologué en signant des accords de « partenariat » avec des établissements autofinancés.

* 22 Dans ses huit recommandations du rapport précité, la Cour des comptes avait préconisé de réduire progressivement la proportion d'expatriés au profit des résidents et de valoriser le statut de recruté local. Entre 2017 et 2018, on observe bien une diminution des postes d'expatriés et de résidents.

* 23 Soit 15 747 familles, sur un total de 18 980 familles ayant déposé un dossier de demande de bourse.

* 24 Montant cumulé de la « prise en charge » (dite PEC) et des bourses en 2012. Le Gouvernement avait pris cet engagement suite à la réforme de la PEC et à l'introduction d'un mécanisme d'enveloppe fermée.

* 25 Un rapport de Claudine Lepage et Philippe Cordery avait formulé plusieurs propositions qui ont été reprises sous la forme d'un « plan d'action ».

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