B. LA DÉMATÉRIALISATION DE LA PROPAGANDE DE NOUVEAU EN PROJET

Par trois fois, le Gouvernement a proposé la dématérialisation de la propagande électorale dans le cadre de projets de loi de finances 36 ( * ) . Par trois fois, cette mesure a été supprimée par l'Assemblée nationale. Le Gouvernement n'a pas pour autant renoncé à son projet : pour contourner l'opposition du Parlement, il avait prévu de demander à être habilité à légiférer par ordonnance sur cette dématérialisation, dans le cadre du projet de loi « Pour un État au service d'une société de confiance ». Cette demande d'habilitation a finalement disparu de la version du projet de loi présentée en conseil des ministres le 27 novembre 2017, mais tout indique que ce recul du Gouvernement sur la question de la dématérialisation n'est que provisoire.

Pour rappel, l'État prend actuellement en charge la mise sous pli et l'envoi des bulletins de vote et des documents de propagande électorale, et rembourse le coût du papier et l'impression des circulaires et bulletins de vote aux candidats dont les listes ont obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés 37 ( * ) . Selon le Gouvernement, « la dématérialisation de la propagande devrait permettre d'en assurer un meilleur accès en révisant ses modalités de diffusion, de mieux maîtriser les coûts liés à l'organisation des élections [...] et de garantir un meilleur impact environnemental » 38 ( * ) .

Sur le plan budgétaire comme environnemental, la dématérialisation de la propagande électorale est tentante :

- des économies attendues à hauteur de 414,3 millions d'euros pour la période 2018-2022, le coût de la propagande électorale représentant entre 50 et 60 % du coût total des élections ;

- la suppression de l'envoi de plusieurs tonnes de documents papier 39 ( * ) , dont une partie probablement importante est directement jetée.

Quant à l'amélioration de l'accès à la propagande électorale, votre rapporteur en doute fort. En tous cas, on ne dispose d'aucune étude sur les effets de cette suppression de la diffusion de la propagande en support papier et de la mise à disposition de bulletins de vote sur la participation électorale.

Si le Gouvernement propose en 2018 les mêmes modalités de diffusion de la propagande électorale que celles prévues lors de ses précédentes tentatives, la dématérialisation consisterait à mettre en ligne sur un site internet des bulletins de vote et circulaires électorales et à mettre à disposition un exemplaire de la circulaire électorale de chaque candidat à la mairie, au consulat ou à l'ambassade de la circonscription électorale.

Ces modalités ne prennent évidemment pas en compte les inégalités d'accès à internet. Cette inégalité peut être géographique : certaines zones rurales sont en effet très mal ou pas desservies 40 ( * ) . Elle peut aussi être économique ou encore générationnelle. En ce qui concerne le vote des jeunes électeurs, le Gouvernement met en avant le fait que « cette mesure est susceptible [...] éventuellement d'avoir un impact positif sur leur participation aux scrutins » 41 ( * ) : les suppositions tiennent lieu d'études d'impact... La dématérialisation de la propagande électorale n'est certainement pas de nature à améliorer la participation des citoyens les plus âgés et qui, pour beaucoup, ne sont pas familiarisés avec les nouvelles technologies.

Enfin, le niveau de l'abstention ne nous rassure pas sur la motivation des citoyens n'ayant pas accès à internet pour se déplacer en mairie afin de consulter la version papier de la propagande.

Parmi les arguments favorables à la dématérialisation de la propagande, le ministère de l'intérieur avance aussi la difficulté à trouver des prestataires fiables pour distribuer la propagande. Lors des dernières élections, dans une quinzaine de départements, l'envoi de la propagande a été marqué par des dysfonctionnements importants : retards, envois incomplets, erreur de circonscription. Ces dysfonctionnements serait dus à la disparition progressive, avec le développement du numérique, de prestataires capables d'assurer en peu de temps la distribution d'une quantité aussi importante de documents papier. Certains appels d'offres du ministère pour l'acheminement de la propagande sont infructueux. Les dysfonctionnements de l'acheminement de la propagande papier créant des inégalités entre électeurs, la solution pour le Gouvernement consiste donc à la supprimer. Une solution radicale, en effet !

Encore une fois, cette « modernisation » n'est envisagée que sous l'angle des économies budgétaires sans se poser la question de l'effet politique de la mesure, ici la participation électorale qui pose suffisamment de questions sans en rajouter. C'est tout simplement la question du prix de la démocratie qui doit se poser.

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La commission des lois a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » inscrits au le projet de loi de finances pour 2018.


* 36 Projets de loi de finances initiaux pour 2014, 2015 et 2017.

* 37 Code électoral, art. L. 167.

* 38 Projet annuel de performance « Administration générale et territoriale de l'État », annexé au projet de loi de finances 2018, p. 58.

* 39 La propagande électorale envoyée à l'occasion de l'élection présidentielle représente près de 9 000 tonnes de papier.

* 40 En 2017, environ 500 petites communes françaises , répertoriées dans un arrêté du 5 mai 2017, ont ainsi été classées en « zone blanche ». Cette nouvelle liste vient compléter celle que le gouvernement avait établie par un arrêté du 5 novembre 2015 , et qui recensait 238 communes non couvertes .

* 41 Évaluations préalables des articles du projet de loi de finances pour 2017, p. 301.

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