Avis n° 114 (2017-2018) de Mme Catherine TROENDLÉ , fait au nom de la commission des lois, déposé le 23 novembre 2017

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N° 114

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2017

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2018 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME XIV

SÉCURITÉ CIVILE

Par Mme Catherine TROENDLÉ,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; MM. François Pillet, Jean-Pierre Sueur, François-Noël Buffet, Jacques Bigot, Mmes Catherine Di Folco, Sophie Joissains, M. Arnaud de Belenet, Mme Nathalie Delattre, MM. Pierre-Yves Collombat, Alain Marc , vice-présidents ; M. Christophe-André Frassa, Mme Laurence Harribey, MM. Loïc Hervé, André Reichardt , secrétaires ; Mme Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Mmes Agnès Canayer, Maryse Carrère, Josiane Costes, MM. Mathieu Darnaud, Marc-Philippe Daubresse, Mme Jacky Deromedi, MM. Yves Détraigne, Jérôme Durain, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Jean-Luc Fichet, Pierre Frogier, Mmes Françoise Gatel, Marie-Pierre de la Gontrie, M. François Grosdidier, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Sébastien Leroux, Henri Leroy, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Jean Louis Masson, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, Simon Sutour, Mmes Lana Tetuanui, Catherine Troendlé, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 235 , 264 rect. , 266 rect. , 273 à 278 , 345 et T.A. 33

Sénat : 107 et 108 à 113 (2017-2018)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Après avoir entendu M. Gérard Collomb , ministre d'État, ministre de l'intérieur et Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre de l'intérieur 1 ( * ) , le mardi 14 novembre 2017, la commission des lois, réunie le mercredi 22 novembre 2017, sous la présidence de M. Philippe Bas, président, a examiné, sur le rapport pour avis de Mme Catherine Troendlé 2 ( * ) , les crédits du programme Sécurité civile de la mission Sécurités du projet de loi de finances pour 2018.

Le rapporteur pour avis a noté qu'après une année d'épreuves et de réformes, les attentes à l'égard du projet de loi de finances pour 2018 étaient fortes. Le budget présenté témoigne, selon elle, d'efforts indéniables puisque les crédits inscrits s'élèvent à 855,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et 533,9 millions d'euros en crédits de paiement, soit des augmentations respectives de 82,12 % et de 5,15 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2017.

Le rapporteur pour avis a souligné que cette augmentation était la traduction de deux priorités majeures : d'une part le renouvellement nécessaire d'une partie de la flotte d'aéronefs de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, d'autre part, le recrutement de 31 démineurs supplémentaires.

Puis elle a évoqué la poursuite des différents chantiers relatifs aux moyens de communication de la sécurité civile. Elle s'est interrogée sur l'avenir du financement du système de gestion des appels-système de gestion opérationnelle (SGO-SGA) à destination des SDIS, du fait de la baisse significative du montant de la dotation de soutien aux investissements structurants des SDIS. Elle a exprimé sa profonde déception face à la baisse, inadmissible selon elle, de 60 % de cette dotation qui ne constituait pas une aide nouvelle de l'État en faveur de la sécurité civile, mais un redéploiement de fonds qui lui étaient déjà destinés.

Enfin, le rapporteur pour avis a souligné le caractère fondamental de la coopération européenne et internationale en matière de sécurité civile. Elle a rappelé le rôle stratégique de l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers et les enjeux centraux de son financement dont une part significative provient des cotisations et sur-cotisations acquittées par les SDIS. Elle a ainsi noté avec intérêt la proposition transmise par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) de suspendre en 2018 la sur-cotisation due par les SDIS en y substituant, pour un an, le produit de réserves déjà constituées.

Au bénéfice de ces observations et sur la proposition de son rapporteur pour avis, la commission des lois a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme Sécurité civile au sein de la mission Sécurités figurant dans le projet de loi de finances pour 2018.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Les personnels de la sécurité civile ont connu, en 2017, une année d'épreuves et de réformes.

Ils se sont mobilisés sans relâche, avec dévouement et professionnalisme, pour venir en aide, tout au long de l'année, aux bien trop nombreuses victimes d'attentats, de catastrophes naturelles et de feux de forêts, tout en s'adaptant à la réorganisation de l'encadrement supérieur des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), d'une part, et à la refonte de la prestation de fidélisation et de reconnaissance (PFR) des sapeurs-pompiers volontaires, d'autre part. Votre rapporteur tient à leur rendre un hommage appuyé et mérité.

Dans ce contexte, les attentes à l'égard du projet de loi de finances pour 2018 étaient fortes. Votre rapporteur aurait aimé qu'elles ne fussent point vaines. Certes, des postes de démineurs sont créés, une commande de six avions multi-rôles est en voie d'être passée afin de renouveler en partie la flotte aérienne de la sécurité civile, et les crédits alloués à la sécurité civile augmentent globalement. Une déception est toutefois notable. Elle tient à la baisse vertigineuse, de 60 %, des crédits destinés à la « dotation de soutien aux investissements structurants des services d'incendie et de secours », à l'heure où les besoins d'investissement des SDIS sont considérables et les efforts des collectivités territoriales conséquents. Aussi votre commission a-t-elle décidé de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme Sécurité civile au sein de la mission Sécurités figurant dans le projet de loi de finances pour 2018.

Après avoir analysé l'évolution de ces crédits, votre rapporteur accordera une attention toute particulière aux enjeux afférents au renforcement des moyens d'alerte et de communication et au développement de partenariats européens et internationaux en matière de sécurité civile.

I. LES CRÉDITS ALLOUÉS À LA SÉCURITÉ CIVILE DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2018 : LA GRANDE RIGIDITÉ D'UN BUDGET GLOBALEMENT EN HAUSSE

A. UNE RIGIDITÉ INÉVITABLE FACE À DES RISQUES PAR NATURE ALÉATOIRES

Le programme 161 Sécurité civile de la mission Sécurités , piloté par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), finance les moyens nationaux de la sécurité civile, qu'il s'agisse des outils d'intervention opérationnels mis en oeuvre au quotidien pour le secours à personne et les opérations de déminage ou des moyens mobilisés en cas de catastrophes majeures, qu'elles soient naturelles comme les feux de forêt, les inondations, les tempêtes ou les séismes, ou technologiques avec les risques NRBC-E (nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosif).

Il présente la spécificité de prévoir des moyens financiers et humains en réponse à des risques difficilement prévisibles à l'échelle d'une année budgétaire , qu'il s'agisse d'incendies, d'inondations, ou d'ouragans, comme celui ayant frappé cette année Saint-Martin, Saint-Barthélemy, la Guadeloupe et la Martinique. Planifier l'allocation des crédits en réponse à la survenance de ces risques est donc particulièrement complexe. Plusieurs exemples en attestent.

Le montant des dépenses afférentes à l'utilisation de produits retardants dans la lutte contre les incendies (2,4 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement en 2018) est ainsi calculé sur la base d'une moyenne décennale constatée. L'utilisation de ces produits est, en effet, fortement liée aux conditions climatiques elles-mêmes soumises à un fort aléa. En effet, certaines années sont exceptionnellement denses. Bien que moins dévastatrice qu'en 2003, la « saison des feux » de l'année 2017 a connu un nombre de largages trois fois supérieur à la moyenne de la décennie précédente, ainsi qu'un nombre d'heures de vol deux fois supérieur.

L'amendement adopté par l'Assemblée nationale lors de l'examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2018, à l'initiative du Gouvernement, pour permettre le paiement en 2018 des indemnités de services en campagne (ISC) allouées aux personnels des formations militaires de la sécurité civile au titre de leur mobilisation dans le cadre de la saison cyclonique exceptionnelle connue en 2017 constitue une autre illustration de la difficulté à gérer ces aléas. Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur, a précisé lors des débats en séance plénière que cet abondement de 449 350 euros serait « gagé par une annulation du même montant de crédits du programme "Sécurité civile". Toutefois, la loi de finances rectificative de fin d'année comprendra une ouverture de crédits destinée à compenser cette dépense afin de ne pas restreindre les marges de manoeuvre du programme » 3 ( * ) .

La complexité de l'allocation des moyens résulte également de l' absence d'une véritable réserve budgétaire mobilisable pour faire face à des événements exceptionnels. En effet, il n'existe pas de fond ad hoc ou de mécanisme de solidarité interministérielle pour éviter que les surcoûts induits par une ou plusieurs crises ne se traduisent en un report de charges sur le budget de l'année suivante. La réserve nationale de fonctionnement et la réserve nationale d'investissement sont respectivement dotées de 610 000 euros 4 ( * ) et 300 000 euros 2 . Elles ont vocation à maintenir en condition opérationnelle et à renouveler a minima les équipements de la réserve nationale destinés à être déployés lors d'évènements d'envergure nationale, tels que des inondations ou des opérations de dépollutions.

B. UNE HAUSSE GLOBALE DES CRÉDITS POUR DES EFFORTS CIBLÉS

Les crédits du projet de loi de finances (PLF) pour 2018 alloués au programme 161 Sécurité civile de la mission Sécurités s'élèvent à 855,4 millions d'euros en autorisation d'engagement (AE) et 533,9 millions d'euros en crédits de paiement (CP), en augmentation respectivement de 82,12 % et de 5,15 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2017.

Ils témoignent de la volonté de l'État de soutenir certains dispositifs de sécurité civile jugés prioritaires , dans un contexte où les menaces rencontrées les années précédentes ne cessent de se confirmer. L'État est, en effet, « garant de la cohérence de la sécurité civile au plan national ». À ce titre, il « en définit la doctrine (...) coordonne ses moyens (...) évalue en permanence l'état de préparation aux risques et veille à la mise en oeuvre des mesures d'information et d'alerte des populations » 5 ( * ) .

Ainsi, l'augmentation des crédits de paiement et la hausse très significative des autorisations d'engagement trouvent leurs raisons principales dans le renouvellement d'une partie de la flotte d'aéronefs et la création de 31 postes de démineurs .

Évolution des crédits de la sécurité civile sur deux ans (en euros)

Numéro et intitulé
de l'action

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

• Ouvertes en LFI 2017

Demandées pour 2018

Évolution
(en %)

Ouverts en LFI 2017

Demandés pour 2018

Évolution
(en %)

11

Prévention et gestion des crises

33 328 984

32 313 991

-3,05 %

36 598 984

36 028 991

- 1,56 %

12

Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux

258 967 635

666 657 442

+ 157,43 %

294 651 783

340 451 116

+ 15,54 %

13

Soutien aux acteurs de la sécurité civile

167 899 300

144 955 038

- 13,67 %

168 049 300

146 755 038

- 12,67 %

14

Fonctionnement, soutien et logistique

9 495 541

11 467 983

+ 20,77 %

8 445 541

10 667 983

+ 26,31 %

TOTAL

469 691 460

855 394 454

82,12 %

507 745 608

533 903 128

5,15 %

Évolution des crédits de la sécurité civile sur cinq ans
(en millions d'euros)

1. Le renouvellement et l'entretien de la flotte aérienne

La première priorité de ce budget est la mise en oeuvre du projet de remplacement de la flotte de 9 Tracker 6 ( * ) dont le retrait progressif doit être échelonné sur les quatre prochaines années . Car après 60 années d'utilisation, en moyenne, le plafond de 25 000 heures de vol défini par le constructeur est en passe d'être atteint par chacun de ces appareils. Ce renouvellement correspond, pour le budget 2018, à 404,1 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 61,4 millions d'euros de crédits de paiement . Ce dernier montant rend possible le paiement d'une première traite au fournisseur à la fin de l'année 2018. En effet, ces appareils devraient être livrés deux par deux, la première livraison étant prévue en 2019, avant la saison des feux .

La procédure de passation d'un marché public lancée par la direction générale de l'armement du ministère de la défense, seule habilitée à acquérir des appareils pour le compte de l'État, est actuellement en voie de finalisation et prévoit l'acquisition de 6 appareils . Certes, ce nombre est moins important que celui des 9 avions à remplacer, mais leur capacité d'action sera supérieure. En effet, le marché porte sur des avions possédant un rayon d'action de 2 500 kilomètres et pouvant aussi bien servir à des missions de guet aérien armé (GAAR) en mode bombardement d'eau qu'à des missions de transport de passagers ou de matériels, ou de transport « mixte » (passagers et matériels) . Outre leur mission première de lutte contre les feux de forêt, ces avions permettront de renforcer la capacité de projection du ministère de l'intérieur afin de faire face à certaines situations d'urgence, par exemple liées à la menace terroriste.

Répartition sommaire des personnels et appareils
du Bureau des moyens aériens de la DGSCGC 7 ( * )

Drones et sécurité civile

Après un développement militaire déjà ancien 8 ( * ) et une démocratisation auprès du grand public, la question de l'utilisation d'aéronefs sans pilote (drones) se pose désormais en matière de sécurité civile. Un groupe de travail ayant pour but d'affiner la doctrine applicable sur la base de différents retours d'expériences des acteurs la sécurité civile a été mis en place. Une première réunion s'est tenue au cours de laquelle les représentants de chacun des SDIS de France ont pu évoquer les contraintes réglementaires avec des représentants de la direction générale de l'aviation civile. Selon la DGSCGC, ces contraintes réglementaires, « très limitatives quant aux masses des appareils (donc leur charge utile), aux espaces aériens qui leur sont accessibles librement (en dessous d'une hauteur de 150 mètres) et aux distances de survol autorisées par rapport à leurs télépilotes, ne permettent pas une évolution du concept d'emploi qui les mettent en concurrence avec les aéronefs pilotés » 9 ( * ) .

Le remplacement d'une partie de la flotte aérienne s'accompagne de la stabilisation des crédits consacrés à sa maintenance afin de s'adapter à l'augmentation de l'activité opérationnelle connue ces deux dernières années ainsi qu'au vieillissement global de la flotte. Ces crédits concernent aussi bien le maintien en condition opérationnelle des avions que des hélicoptères. Ils s'élèvent à 41,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 68,3 millions d'euros de crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2018, contre respectivement 48,6 millions d'euros et 68 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2017.

Dépenses de maintenance des avions de la sécurité civile
en millions d'euros 10 ( * )

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

28,9

35,6

28,7

36,5

39,7

39,8

36,5*

39,6

39,9

* Compte tenu des reports de charges importants vers 2015, l'exécution redressée (charges rattachables à l'exercice) s'établit à 39,2 millions d'euros. Les autorisations d'engagement prévues en 2014 ont porté sur un marché déclaré infructueux en septembre 2014 et finalement passé en 2015.

Les crédits alloués à la flotte aérienne sont également destinés à financer une modernisation importante des équipements embarqués (10,5 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 11,2 millions d'euros en crédits de paiement).

Les hélicoptères de type EC 145 11 ( * ) et les avions de type King Air 200 12 ( * ) verront ainsi leurs équipements avioniques rénovés. Ils seront également dotés de moyen de surveillance de type optronique. Enfin, ils recevront des dispositifs radio compatibles avec le système Antarès .

2. La création de 31 postes de démineurs

Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit la création de 34 nouveaux postes au sein de la DGSCGC, dont 31 postes de démineurs qui viennent s'ajouter aux 15 postes créés en 2016 et aux 15 postes également créés en 2017.

Le bureau du déminage de la DGSCGC a pour missions principales d'identifier, détecter, neutraliser, enlever et détruire les munitions des dernières guerres et les objets suspects, sécuriser les voyages officiels et les grands évènements, assurer des actions de formation spécialisées et de coopération.

L'augmentation du nombre d'équivalents temps plein travaillé (ETPT) s'inscrit dans le cadre de la mise en oeuvre du plan « Déminage 2020 ». Décidé en 2016, ce plan prévoit la création de centres régionaux renforcés et l'adaptation des implantations du déminage pour répondre à l'évolution tant des risques naturels et technologiques que de la menace terroriste.

Le plafond d'emplois du programme Sécurité civile pour 2018

2 483 ETPT, soit + 33 ETPT (+ 34 ETPT hors transferts 13 ( * ) ) par rapport à 2017 :

- 135 personnels administratifs (+ 1) ;

- 436 personnels techniques (+ 11) ;

- 1 429 militaires (hors gendarmes) (0) ;

- 88 ouvriers d'État (- 2) ;

- 88 hauts fonctionnaires, corps de conception et de direction, et corps d'un commandement (police nationale) (- 2) ;

- 307 corps d'encadrement et d'application (+ 25).

Source : projet annuel de performance Sécurités 2018

II. LA MODERNISATION DES DISPOSITIFS DE COMMUNICATION : UN ENJEU ESSENTIEL COMPROMIS PAR LA BAISSE SIGNIFICATIVE DE L'AIDE À L'INVESTISSEMENT DES SDIS

A. UNE MODERNISATION DES DISPOSITIFS DE COMMUNICATION AU MILIEU DU GUÉ

Comme le soulignait déjà votre rapporteur lors de l'examen des crédits alloués à la sécurité civile dans le projet de loi de finances pour 2017 14 ( * ) , la modernisation et l'interopérabilité des dispositifs de communication constituent un enjeu majeur pour le renforcement de l'efficacité de la sécurité civile. Or plusieurs chantiers lancés au cours des dernières années ne sont toujours pas achevés.

1. Les difficultés de finalisation du réseau Antarès

Le raccordement des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) au service de radiocommunications numériques Antarès - le réseau des services publics concourant aux missions de sécurité civile - continue de se généraliser .

Ce chantier ne devrait toutefois être achevé qu'en 2019, soit avec deux ans de retard par rapport à la programmation initiale, ce que votre rapporteur regrette vivement , pour des raisons qui tiennent à la fois aux prestataires auxquels il a été fait appel et à des changements intervenus dans la maîtrise d'oeuvre.

Le taux de couverture des SDIS par le réseau Antarès devrait passer de 87,7 % en 2016 15 ( * ) à 92,3 % fin 2017, à 95,8 % fin 2018 et 100 % fin 2019. 3 millions d'euros de dépenses d'investissement sont prévus en 2018, et 2 millions d'euros en 2019, non seulement pour achever le déploiement du réseau mais également pour le moderniser.

Comme cela a été indiqué, les réflexions sur l'équipement de la flotte d'aéronefs par un système de radio compatible avec Antarès se poursuivent également. Les conclusions d'un groupe de travail relatif aux liaisons Antarès air-sol, créé en novembre 2014, ont été remises au cours du premier semestre 2016 : elles préconisent la définition d'une doctrine précise d'emploi de l'infrastructure nationale partageable des transmissions (INPT) en mode relayé 16 ( * ) pour les communications air-sol en basse altitude. Une phase pilote a été menée en 2017 et confirme les dysfonctionnements constatés pour une utilisation relayée du système et a abouti à la proposition de solutions palliatives . Ces dernières sont néanmoins jugées trop lointaines et onéreuses par la DGSCGC, tant du point de vue le leur développement que de leur certification.

Votre rapporteur souhaite donc que des solutions techniques soient effectivement trouvées pour Antarès, afin de rendre ce système relativement onéreux parfaitement opérationnel, si possible avant qu'il ne soit devenu obsolète... En effet, en parallèle des améliorations du réseau existant, des travaux se poursuivent pour définir un « réseau radio du futur » amené à prendre la suite de l'INPT, qui est le support d'Antarès, à l'horizon 2030-2035.

2. Un système d'alerte et d'information des populations (SAIP) toujours en développement

Le système d'alerte et d'information des populations (SAIP) a fait l'objet d'un très récent rapport d'information de notre collègue Jean-Pierre Vogel , au nom de la commission des finances 17 ( * ) .

Initié en 2009 par le ministère de l'intérieur, ce système vise à permettre aux acteurs de la gestion de crise de lancer l'alerte par une unique opération au moyen de différents vecteurs (sirènes et téléphonie mobile notamment) dans une zone géographique donnée.

Le rapport de notre collègue Jean-Pierre Vogel regrette la priorité donnée aux sirènes (elles concentrent 78 % des 81,5 millions d'euros consacrés au SAIP) au détriment des autres moyens d'alerte, alors même qu'un retard de 36 mois a été pris dans la livraison du logiciel central de commande de ce dispositif d'alerte , et préconise un rééquilibrage des moyens alloués à ce programme au profit notamment de la mise en place d'un dispositif ergonomique d'alerte au moyen des smartphones.

Pour l'heure, malgré le retard évoqué, le logiciel est en phase de tests et devrait être opérationnel au début de l'année 2018. Le déploiement des sirènes suit, lui, le calendrier initial. Au 1 er août 2017, 2 356 sites d'installations ont été visités par le prestataire et 1 538 installations ont été réalisées et réceptionnées. Dans l'attente de la livraison de leur logiciel de pilotage, ces sirènes sont pilotables à distance à partir des préfectures au moyen d'un outil provisoire.

S'agissant du volet « smartphones », une application d'alerte plus évoluée doit remplacer la version initiale mise en place en juin 2016, à la suite des évènements tragiques de 2015. Conformément aux recommandations du rapport de notre collègue Jean-Pierre Vogel, une évaluation de l'inspection générale de l'administration est en cours afin d'étudier les améliorations possibles et les technologies alternatives pouvant être mises en oeuvre.

3. Un système de gestion des appels - système de gestion opérationnelle (SGO-SGA) dans l'expectative

Les SDIS étant le plus souvent dotés de systèmes informatiques destinés à la réception des appels et à la gestion des opérations acquis indépendamment les uns des autres, onéreux et parfois proches de l'obsolescence, il a été décidé en 2016 de favoriser le développement d'un système unifié .

Le développement d'un système de gestion des appels - système de gestion opérationnelle du système (SGA-SGO), interopérable avec ceux des autres acteurs publics ou privés du secours et de la sécurité, a été confié à une équipe de préfiguration dédiée à partir d'avril 2017. Les modalités du déploiement de ce futur système d'information ont été présentées par votre rapporteur lors de l'examen des crédits alloués à la sécurité civile par le projet de loi de finances pour 2017 18 ( * ) .

Sur la période 2017-2027, le coût global de ce projet est évalué à 180 millions d'euros , principalement financés par les contributions des services départementaux d'incendie et secours via un fonds de concours. Une participation de l'État est prévue, en principe à hauteur de 36,6 millions d'euros sur la même période, avec des versements annuels de 5 à 7 millions d'euros dans les premières années via la dotation de soutien aux investissements structurants des services d'incendie et de secours (DSIS).

Alors que l'établissement public chargé de la gestion de ce projet est en voie de création, votre rapporteur s'interroge néanmoins sur la viabilité de son financement par l'État . En effet, le montant de la dotation de soutien aux investissements structurants des services d'incendie et de secours devrait significativement baisser en 2018.

B. UNE BAISSE SIGNIFICATIVE ET INADMISSIBLE DE LA DOTATION DE SOUTIEN AUX INVESTISSEMENTS STRUCTURANTS DES SDIS

La réforme de la prestation de fidélisation et de reconnaissance (PFR) versée aux sapeurs-pompiers volontaires 19 ( * ) s'est traduite par une diminution significative du montant de la participation versée à ce titre par l'État aux départements , qui est passée de 32 millions d'euros en 2015 à 3,4 millions d'euros en 2017.

Concomitamment, il avait été décidé qu'une large partie de cette économie viendrait abonder un fonds de soutien aux SDIS , appelé « dotation de soutien aux investissements structurants des services d'incendie et de secours », et destiné à financer des projets « présentant un caractère structurant, innovant ou d'intérêt national » 20 ( * ) .

Cette dotation a pu bénéficier en 2017 d'un concours de 25 millions d'euros dont 5 millions d'euros ont été spécifiquement destinés à la Nouvelle-Calédonie au titre du transfert de la compétence « sécurité civile ». Les 20 millions d'euros restants étaient destinés à financer , d'une part, des projets locaux d'intérêt national et, d'autre part, des projets nationaux, au premier rang desquels figure la préfiguration du système SGO-SGA .

Votre rapporteur déplore vivement la baisse brutale des crédits destinés à abonder cette dotation dans le projet de loi de finances pour 2018, de l'ordre de 60 % , puisque son montant passerait de 25 millions d'euros à seulement 10 millions d'euros en autorisations d'engagement. Cette baisse est d'autant plus dommageable que les crédits affectés à cette dotation ne représentaient pas une aide nouvelle de l'État, mais bien un redéploiement de crédits déjà affectés aux missions de sécurité civile.

Les conséquences de cette perte « sèche », injustifiée et préjudiciable pour les SDIS sont inquiétantes.

La viabilité du projet SGA-SGO pourrait tout d'abord être remise en cause. La DGSCGC fait toutefois valoir que les crédits restants lui demeureront principalement affectés.

Mais c'est alors l'avenir des divers projets locaux qui risque d'être directement compromis. À cet égard, la DGSCGC fait valoir que les projets locaux notifiés au titre de l'exercice 2017 seront maintenus moyennant l'étalement de certains crédits de paiement. Cette réponse n'est nullement satisfaisante car il est normal que l'État honore les engagements qu'il a déjà pris, anormal qu'il diffère le versement des sommes dues et profondément choquant qu'il cesse à l'avenir de financer des projets locaux alors que les crédits mobilisés à cet effet provenaient d'un redéploiement de sommes autrefois à destination des sapeurs-pompiers volontaires ; d'autant que cette baisse intervient dans un contexte de chute des dépenses d'investissement des SDIS : - 6,5 % de 2015 à 2016 et - 14,6 % de 2007 à 2016. Cette diminution semble avoir pour sources croisées la stabilisation globale des budgets des SDIS alors que les dépenses de fonctionnement sont, elles, directement liées à un nombre toujours croissant d'interventions.

Source : commission des lois du Sénat d'après les comptes de gestion des SDIS.

Dépenses de fonctionnement et d'investissement des SDIS
depuis 2007 (en millions d'euros)

Ces diminutions de crédits interviennent alors que les inquiétudes sur l'avenir du maillage territorial de la sécurité civile se font de plus en plus fortes.

Votre rapporteur et notre collègue Pierre-Yves Collombat ont eu l'occasion de les évoquer et de souligner la nécessité de préserver un tel maillage dans leur rapport d'information d'octobre 2016, au nom de votre commission des lois, sur l'avenir du secours à personne 21 ( * ) .

Le Président de la République lui aussi , à l'occasion de son discours de remerciements aux forces mobilisées sur les feux de forêts et les récents ouragans du 7 octobre dernier, a reconnu l'importance d'un « maillage territorial qui structure notre territoire et permet une réponse au plus près des préoccupations de nos concitoyens » , maillage territorial « qu'il faut préserver et que nous préserverons » .

Le projet de loi de finances pour 2018 augure toutefois mal des actions qui seront concrètement mises en oeuvre pour atteindre cet objectif.

Votre rapporteur se félicite en revanche de l'introduction par l'Assemblée nationale, à l'initiative de notre collègue député Éric Ciotti et de plusieurs de ses collègues, d'un article 62 ter dans le projet de loi de finances pour 2018 tendant à prévoir, au sein d'un nouvel article L. 122-4-3 du code de la voirie routière, que « les véhicules d'intérêt général prioritaires ne sont pas assujettis au péage [ autoroutier ] » 22 ( * ) . Une telle disposition semble de nature à faciliter l'action des SDIS au service de nos concitoyens.

III. L'INTÉGRATION EUROPÉENNE ET INTERNATIONALE DES POLITIQUES DE SÉCURITÉ CIVILE : UNE NÉCESSITÉ ET UNE OPPORTUNITÉ POUR LA FRANCE

Le développement des coopérations européennes et internationales dans le domaine de la sécurité civile constitue, pour la France, à la fois une nécessité, compte tenu de l'ampleur des moyens à mobiliser pour répondre à certains événements exceptionnels, et une opportunité, eu égard notamment au rayonnement de l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers.

A. LE DÉVELOPPEMENT DES COOPÉRATIONS EUROPÉENNES ET INTERNATIONALES DANS LA MISE EN oeUVRE DES POLITIQUES DE SÉCURITÉ CIVILE

1. De la force d'intervention rapide de protection civile au mécanisme européen de sécurité civile

La protection civile n'est pas une compétence propre de l'Union européenne, les institutions européennes n'intervenant qu'en soutien des actions menées par les États.

Pour autant, certaines initiatives ont permis une coopération entre les États membres, en dehors ou par l'intermédiaire des institutions européennes .

Mérite d'être rappelée, à cet égard, l'expérience réussie de mutualisation des moyens de plusieurs États européens au sein d'une force d'intervention rapide de protection civile (FIRE) . Forts de pratiques similaires et d'expériences communes en matière de protection civile, l'Italie, la France, l'Espagne et le Portugal avaient ainsi décidé de travailler en commun, à partir de 2006, pour intervenir conjointement en cas de catastrophe importante.

Composée d'un détachement de 60 personnes pour chacun de ces quatre États, cette « FIRE 4 » avait pour principale mission d'intervenir en matière de recherche et de sauvetage à la suite de tremblements de terre, ainsi que sur les feux de forêts et les inondations. Elle est notamment intervenue à l'occasion de feux de forêts en Espagne en 2006 et en Grèce l'année suivante, cette dernière ayant rejoint la force, devenue « FIRE 5 » le 25 octobre 2007. La FIRE entendait également développer des actions de formation communes aux quatre puis cinq États concernés à travers une mutualisation des moyens et une culture commune de la gestion des opérations.

La FIRE a ensuite cédé la place à d'autres dispositifs d'intégration européenne en matière de sécurité civile, parmi lesquels le mécanisme européen de protection civile (MEPC) .

Créé en 2001 et développé par l'intermédiaire de deux décisions du Conseil de 2007, le MEPC est maintenant régi par une décision du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 prise dans le cadre de l'élaboration des perspectives financières 2014-2020.

Il a pour but de soutenir, coordonner et compléter les actions des États membres dans le domaine de la protection civile en améliorant l'efficacité des systèmes de prévention, de préparation et de réponse aux catastrophes naturelles et d'origine humaine de toutes sortes, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Union européenne. L'ensemble des États membres de l'Union européenne, auxquels s'ajoutent l'Islande, le Liechtenstein, la Norvège et l'Ancienne République Yougoslave de Macédoine qui ont décidé de participer au MEPC, mettent ainsi en commun, de manière coordonnée, des moyens pour venir en aide à des pays sinistrés . Les opérations du MEPC sont dirigées par le Centre de coordination des interventions d'urgence (ERCC) qui coordonne les interventions des pays participants.

Votre rapporteur tient à souligner le rôle central de la France au sein de ce mécanisme , à la fois par les moyens qu'elle mobilise (notamment ses avions bombardiers d'eau) et l'expertise qu'elle fait partager (envoi d'experts, organisation de formations et d'exercices...).

Le développement de cette coopération européenne et la préservation du maillage territorial de chacun des États membres de l'Union européenne en matière de sécurité civile supposent, selon votre rapporteur, une implication plus forte, singulièrement financière, de l'Union européenne. Actuellement, elle ne prend, par exemple, en charge que 55 % 23 ( * ) des coûts de transport des moyens projetés par les États dans le cadre du MEPC, dont le budget annuel est de 85,5 millions d'euros 24 ( * ) .

2. Les principales interventions extérieures de la DGSCGC de janvier 2016 à octobre 2017

Catastrophes naturelles

• Séisme en Équateur (avril - mai 2016)

Dans le cadre du MEPC, envoi de 30 militaires de la sécurité civile, 6 sapeurs-sauveteurs et sapeurs-pompiers, 1 expert environnement et du chef de l'équipe européenne de protection civile.

• Ouragan Matthew en Haïti (octobre 2016)

Dans le cadre du MEPC, envoi de 60 personnels de la sécurité civile et d'un expert français.

• Ouragan Maria à la Dominique (septembre 2017)

Envoi d'un détachement de 60 personnels des SDIS de Martinique et Guyane, de l'EMIZ 25 ( * ) Antilles, d'un militaire FAA 26 ( * ) et de la FNRASEC 27 ( * ) et d'un sapeur-pompier français au sein de l'équipe européenne de protection civile.

Feux de forêt

• Dans le cadre du MEPC, engagement des moyens aériens de la sécurité civile (Canadair et Beechcraft) : Chypre (juin 2016), Israël (novembre-décembre 2016), Portugal (juin 2017) et Italie (juillet-août 2017).

• Dans le cadre du MEPC, envoi de 70 sapeurs-sauveteurs, et d'un sapeur-pompier français au sein de l'équipe européenne de protection civile au Chili (janvier-février 2017) .

Déminage

• Formation, audit et présentation : Irak (mai 2016 et mai 2017), Israël (novembre 2016 et octobre 2017), Russie (décembre 2016), Émirats arabes unis (février et mars 2017), Sénégal (mars-avril 2017) et 6 conférences (majoritairement en Europe de l'Est).

• Activités opérationnelles : Guinée Conakry (février-avril 2016), Sommet franco-africain (janvier 2017) et 22 déplacements à l'étranger pour sécuriser la visite du Président de la République en 2016 et 13 en 2017 (état au mois d'octobre 2017).

Expertise

Missions d'expertise dans le cadre du mécanisme européen de protection civile et sur demande des Nations Unies : Ukraine (avril 2016), Équateur (avril-mai 2016), Grèce (mars-novembre 2016), Italie (septembre 2016), Togo (juin 2017) et Arménie (septembre 2017).

B. L'ENSOSP COMME FER DE LANCE DU RAYONNEMENT EUROPÉEN DE LA SÉCURITÉ CIVILE FRANÇAISE

1. Une école d'excellence d'ores et déjà au centre des enjeux européens et internationaux

Installée à Aix-en-Provence depuis 2007, l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP) exerce cinq missions principales 28 ( * ) :

1° La mise en oeuvre de la formation initiale et continue des officiers de sapeurs-pompiers professionnels et volontaires ;

2° L'organisation, en matière d'incendie et de secours, de formations destinées notamment aux élus, aux fonctionnaires, aux cadres des entreprises et aux experts français ou étrangers ;

3° L'animation du réseau des écoles de sapeurs-pompiers , et notamment la coordination, en liaison avec les préfets de zone, des formations, des recherches et des actions de coopération assurées par ces écoles ;

La recherche, les études, l'évaluation, la prospective, la veille technologique ainsi que la diffusion de l'information y afférente dans les domaines relevant du champ de compétence des services départementaux d'incendie et de secours ;

5° Le développement d'actions de coopération internationale , notamment en matière de formation et de recherche, dans ses champs de compétence.

Les échanges avec les autres acteurs européens de la sécurité civile sont un préalable indispensable à la mutualisation future de leurs moyens d'actions . Les différents États possèdent souvent des cultures fortes et distinctes en la matière et seule l'émergence de doctrines d'action communes peut rendre miscibles leurs moyens propres au sein d'actions communes.

L'ENSOSP jouit déjà d'un rayonnement conséquent en Europe. Elle propose d'ailleurs des programmes de formation en langue espagnole à destination des services d'incendie et de secours qui sont de compétence régionale en Espagne. Cette ouverture s'est de plus révélée être une amorce pour le développement de diverses actions en Amérique du Sud.

L'ENSOSP a également adapté ses moyens techniques pour diversifier la plage de formations proposées. Lors de son déplacement le 6 novembre dernier, votre rapporteur a eu l'occasion de se rendre sur la plateforme dédiée à la lutte contre les fuites et feux de gaz et, plus particulièrement, de dihydrogène . L'École a ainsi anticipé l'utilisation en hausse qui est faite de ce gaz du fait, notamment, de la démocratisation de la technologie « pile à combustible » et de son utilisation déjà amorcée dans les véhicules électriques et hybrides. Les caractéristiques particulièrement dangereuses et spécifiques de ce gaz donnent en outre tout son intérêt à cet outil. Cette plateforme est ainsi utilisée dans le cadre de formations dispensées à un nombre important de sapeurs-pompiers étrangers, en provenance de Californie par exemple .

2. Concilier efficience et ambition pour assurer le financement de l'ENSOSP

Le financement des dépenses de fonctionnement de l'ENSOSP est assuré par trois types de recettes : les recettes issues de facturation de prestations par l'École, les recettes versées par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et les recettes versées par l'État.

La participation de l'État est prévue par le contrat d'établissement dont le dernier en cours est établi pour la période de 2016 à 2020. Le versement prévu au budget 2018 s'élève à 6,6 millions d'euros . Cette somme comprend une part relative au remboursement de l'emprunt souscrit par l'ENSOSP pour sa délocalisation à Aix-en-Provence. Cette part s'élève pour 2018 à 3,3 millions d'euros (capital et intérêts compris), soit la moitié de la dotation.

Les recettes en provenance du CNFPT sont versées à plusieurs titres. Le premier est la cotisation de « droit commun » correspondant à 0,9 % de la masse salariale des SDIS. Au même titre que les communes, les départements, les régions, leurs autres établissements publics, cette cotisation est versée au CNFPT afin « d'assurer le financement complémentaire d'un programme national d'actions de formation spécialisées dont bénéficient leurs agents » 29 ( * ) . Étant affectée à la formation de l'ensemble des personnels et pas seulement aux officiers, seule une partie du produit de cette cotisation est reversée à l'ENSOSP.

Le deuxième correspond à la sur-cotisation versée par les SDIS au CNFPT et qui est affectée au financement de la formation des officiers de sapeurs-pompiers professionnels 30 ( * ) . Elle est assise sur la masse des rémunérations versées aux sapeurs-pompiers professionnels. Son taux actuel est de 0,86 % et ses recettes sont entièrement affectées à l'ENSOSP.

Les produits issus de la cotisation et de la sur-cotisation sont accompagnés d'une contribution au titre des formations de maintien et de perfectionnement des acquis , ainsi que, le cas échéant, une contribution exceptionnelle pour la formation des capitaines (la dernière a été versée en 2014).

Source : contribution écrite du CNFPT

Votre rapporteur souligne le caractère stratégique du financement de l'ENSOSP . Il doit en effet être suffisamment conséquent pour permettre à l'école de poursuivre avec la même excellence ses missions de formation, notamment pour les nouvelles formations qui lui incombent, comme celle des catégories « A+ » de sapeurs-pompiers créée l'année dernière par décret 31 ( * ) .

Issues pour une part significative de cotisations acquittées par les SDIS, ces recettes doivent également bénéficier d'une gestion la plus efficiente possible pour rendre compatible le financement efficace de l'école avec le maintien des moyens des SDIS. À ce titre, votre rapporteur note avec très grand intérêt que le CNFPT, dans la contribution écrite qu'il lui a adressée, a indiqué que : « Afin de réduire l'excédent du budget annexe [qui résulte du niveau moyen de consommation de l'offre de formation du CNFPT], le CNFPT envisage, pour l'exercice 2018, de voter un taux de cotisation additionnelle à 0 %. La contribution du CNFPT à l'ENSOSP sera prélevée sur l'excédent du budget annexe des sapeurs-pompiers professionnels. Les SDIS cotiseront donc uniquement sur la cotisation de base à 0,9 % en 2018. Cela représentera pour les SDIS une économie de l'ordre de 8 millions d'euros en 2018 » 32 ( * ) .

*

* *

Au bénéfice de ces observations et sur la proposition de son rapporteur pour avis, votre commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme Sécurité civile au sein de la mission Sécurités figurant dans le projet de loi de finances pour 2018.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES, CONTRIBUTIONS ÉCRITES ET DÉPLACEMENT EFFECTUÉ

1. Personnes entendues

Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises

M. Jacques Witkowski , directeur général

Mme Claire Chauffour-Rouillard , sous directrice des affaires internationales, des ressources et de la stratégie

M. Antonin Flament , chef du bureau des ressources humaines et financières

Fédération nationale des sapeurs-pompiers

Colonel Éric Faure , président

2. Contributions écrites reçues

M. Olivier Richefou, président de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours (CNSIS)

Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT)

3. Déplacement effectué

Lundi 6 novembre 2017 à Aix-en-Provence - École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP)

Accueil, entretien et visite de l'école avec M. le contrôleur général Hervé Enard , directeur, M. le colonel Jean-Michel Langlais , directeur adjoint et M. Matthieu Lacaille , secrétaire général.


* 1 Le compte rendu de cette audition est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20171113/lois.html#toc1

* 2 Le compte rendu de cette réunion est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/lois.html

* 3 Intervention de la ministre en séance publique du 3 novembre 2017 à l'Assemblée nationale.

* 4 En autorisations d'engagement et crédits de paiement.

* 5 Voir l'article L. 112-2 du code de la sécurité intérieure.

* 6 Les Tracker de la DGSCGC sont des avions bombardiers d'eau bimoteur à turbopropulseurs dérivés d'appareils conçus dans les années 50 et initialement destinés à la lutte anti-sous-marine par la marine américaine.

* 7 Données issues de réponses au questionnaire budgétaire.

* 8 Voir notamment le rapport d'information de MM. Cédric Perrin, co-président, Gilbert Roger, co-président, Jean-Marie Bockel et Raymond Vall, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat. Ce rapport peut être consulté à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-559-notice.html

* 9 Source : réponses au questionnaire budgétaire.

* 10 Ibid.

* 11 Hélicoptère dont le premier vol a eu lieu en 1999, pouvant transporter jusqu'à 8 personnes et adapté aux conditions de vol difficiles. 35 unités constituent la flotte de la sécurité civile.

* 12 Avions bimoteur à turbopropulseurs de la société Beechcraft dont le premier vol a eu lieu en 1974. La flotte de la sécurité civile en compte 3 unités.

* 13 Un transfert sortant d'un personnel technique depuis le programme 161 vers le programme 152 « Gendarmerie nationale » est prévu dans le cadre du renforcement de la connaissance des structures et des besoins matériels de la sécurité civile au sein du service de l'achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure (SAELSI).

* 14 Rapport disponible à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/a16-146-16/a16-146-16.html

* 15 Source : réponses au questionnaire budgétaire.

* 16 En opposition au mode direct qui permet une communication de poste à poste, le mode relayé fait transiter le signal entre deux postes via un relais radio. Il est notamment nécessaire pour les communications sur longues distances.

* 17 Rapport d'information n° 595, fait au nom de la commission des finances sur le système d'alerte et d'information des populations (SAIP) par M. Jean-Pierre Vogel, déposé le 28 juin 2017. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/r16-595/r16-595.html

* 18 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/a16-146-16/a16-146-16.html

* 19 Loi n° 2007-1867 du 27 décembre 2016 relative aux sapeurs-pompiers professionnels et aux sapeurs-pompiers volontaires.

* 20 Article L. 1424-36-2.-I du code général des collectivités territoriales issu de l'article 17 de la loi du 27 décembre 2016 précitée.

* 21 Secours à personne : propositions pour une réforme en souffrance. Rapport d'information de M. Pierre-Yves Collombat et Mme Catherine Troendlé, fait au nom de la commission des lois, déposé le 12 octobre 2016. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/r16-024/r16-024.html

* 22 Nouvel article 62 ter du projet de loi de finances pour 2018 adopté par l'Assemblée nationale en première lecture.

* 23 Hors cas de la réserve volontaire pour laquelle la prise en charge peut s'élever jusqu'à 85 %.

* 24 Source : réponses au questionnaire budgétaire.

* 25 État-major interministériel de zones de défense et de sécurité.

* 26 Forces armées aux Antilles.

* 27 Fédération nationale des radioamateurs au service de la sécurité civile.

* 28 Décret n° 2004-502 du 7 juin 2004 relatif à l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers.

* 29 Article 12-2 de loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

* 30 Article 12-2-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

* 31 Décret n° 2016-2002 du 30 décembre 2016 portant statut particulier du cadre d'emplois de conception et de direction des sapeurs-pompiers professionnels.

* 32 Source : contribution écrite du CNFPT.

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