EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LA SUPPRESSION DU RÉGIME DE SÉCURITÉ SOCIALE ÉTUDIANT : UNE MESURE DE SIMPLIFICATION ATTENDUE, PRÉCONISÉE DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES PAR LE SÉNAT

A. UN MODE DE GESTION SINGULIER

1. Les principes régissant le régime étudiant : une délégation de gestion à des mutuelles dédiées

Le principe d'une sécurité sociale spécifique - gérée par les étudiants et pour les étudiants - a répondu à la volonté de renforcer l'autonomie de cette catégorie de la population tout en lui apportant une protection adaptée à ses besoins. Cette revendication a été portée par les organisations étudiantes dès 1946, notamment dans le cadre de la charte adoptée lors du congrès de Grenoble de l'Union nationale des étudiants de France (Unef).

Sur le modèle de la « loi Morice » relative à la fonction publique 2 ( * ) , la loi du 23 septembre 1948 3 ( * ) a confié la gestion de la couverture obligatoire des risques maladie et maternité des étudiants à des mutuelles dédiées, dans le cadre d'une délégation de service public du régime général .

• Les principes régissant ce régime sont codifiés aux articles L. 381-4 à L. 381-8 du code de la sécurité sociale : l'affiliation est obligatoire pour les élèves et étudiants des établissements d'enseignement supérieur, des écoles techniques supérieures, des grandes écoles et des classes préparatoires à ces écoles, jusqu'à un âge limite actuellement fixé à 28 ans ; elle s'effectue toutefois à titre subsidiaire, c'est à dire s'ils ne relèvent pas d'un autre régime, notamment du fait de l'exercice d'une activité professionnelle.

Les « mutuelles » d'étudiants assurent en fait principalement la gestion de la couverture obligatoire de base bien qu'elles aient développé une offre de protection complémentaire en santé. Ces organismes perçoivent du régime général des remises de gestion, calculées sur la base du nombre d'assurés et correspondant aux frais administratifs engagés pour la gestion et la liquidation des prestations de base d'assurance maladie et maternité.

Le statut d'opérateur unique 4 ( * ) de la Mutuelle nationale des étudiants de France (Mnef), créée en 1948 et devenue en 2010 La Mutuelle des étudiants (LMDE), a pris fin en 1972 avec l'habilitation par le ministère des affaires sociales de sept mutuelles régionales 5 ( * ) : ces sociétés mutualistes étudiantes régionales (SMER), regroupées au sein du réseau EmeVia, sont aujourd'hui au nombre de dix.

• Le système ainsi mis en place est atypique à plusieurs égards :

- d'une part, le modèle français ne se retrouve pas dans la plupart des autres pays européens : une note de législation comparée établie en 2012 par le Sénat à la demande de votre commission des affaires sociales a montré que dans les huit autres pays étudiés, les étudiants étaient en règle générale soumis au même régime que le reste de la population 6 ( * ) . Cela laisse à penser que la prise en compte de l'autonomie des jeunes et de leurs besoins ne passe pas forcément par l'institution d'un régime social ad hoc ;

- d'autre part, ce système offre aux étudiants le choix entre deux centres de gestion du régime obligatoire de base , qui sont placés en situation de concurrence alors que la cotisation et le niveau des prestations servies sont strictement identiques. Comme le relevait notre collègue Catherine Procaccia 7 ( * ) , « la confusion est renforcée pour les étudiants par le fait que les mutuelles ont développé une offre de couverture maladie complémentaire » , facultative, proposée en même temps que le rattachement à l'un ou l'autre de ces réseaux, avec le risque que cette couverture soit inutile ou redondante par rapport à celle proposée par les complémentaires santé des parents auxquelles les étudiants demeurent en majorité rattachés (à plus de 45 % d'après l'enquête santé 2016 de l'Observatoire de la vie étudiante, contre de l'ordre de 15 % optant pour un contrat proposé par les mutuelles étudiantes).

Cette situation ne contribue pas à la lisibilité d'ensemble d'un système de protection sociale français déjà difficile à appréhender, en particulier pour des jeunes qui en découvrent le fonctionnement .

2. Un paysage qui a récemment évolué avec l'adossement de la Mutuelle des étudiants au régime général en 2015

Des évolutions plus récentes ont modifié le paysage du système de sécurité sociale étudiant.

En raison des difficultés notamment financières rencontrées par la LMDE, son adossement au régime général a été mis en place à compter du 1 er octobre 2015 pour améliorer la qualité du service aux assurés : la LMDE a conservé la maîtrise de l'affiliation physique des étudiants et des actions de prévention. Pour sa part, l'assurance maladie assure la gestion directe de l'ensemble des activités du régime obligatoire, depuis l'ouverture des droits jusqu'au versement des prestations, en intégrant la gestion des changements de situation, le suivi de la carte Vitale et la relation client.

Le montant des remises de gestion 8 ( * ) versées par la caisse nationale d'assurance maladie à la LMDE a été ajusté en conséquence : son montant unitaire par affilié s'établit à 7,80 euros en 2016 ; il est ramené à 5,60 euros en 2017 et 4,40 euros pour 2018.

Pour les mutuelles régionales, ce montant est de 47 euros par affilié en 2016. Il poursuit une baisse continue depuis 2012, passant de 54,72 euros à 46 euros en 2017 (soit - 16% en cinq ans).

Les mutuelles étudiantes en 2016

Organisme

Nombre d'affiliés

Remises de gestion (en millions d'euros)

LMDE

807 100

6,30

SMEREP (Ile-de-France)

219 100

10,30

SMERAG (Antilles Guyane)

2 800

0,13

SMEREB (Bourgogne Franche-Comté)

32 000

1,50

SMERRA (Rhône-Alpes Auvergne)

132 100

6,21

SMECO (Centre)

44 500

2,09

SMENO (Nord)

150 100

7,05

MEP (Sud-Est)

99 800

4,69

MGEL (Grand Est)

111 800

5,25

SMEBA (Bretagne)

121 700

5,72

VITTAVI (Sud-Ouest et La Réunion)

99 500

4,68

Total SMER

1 013 300

47,62

Total LMDE + SMER

1 820 400

53,92

Source : Direction de la sécurité sociale


* 2 Loi n° 47-649 du 9 avril 1947.

* 3 Loi n° 48-1473 du 23 septembre 1948.

* 4 A l'exception toutefois de la Lorraine où la MGEL, qui préexistait, était seule compétente.

* 5 Le Conseil d'Etat a confirmé en 1975 le principe du pluralisme de la gestion du régime étudiant.

* 6 Note de législation comparée sur l'assurance maladie et les étudiants (Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède), Sénat, mai 2012.

* 7 Rapport sur la proposition de loi visant à réformer le système de sécurité sociale des étudiants, par Mme Catherine Procaccia au nom de la commission des affaires sociales, Sénat, n° 86 (2014-2015), 12 novembre 2014.

* 8 En application de l'article R. 160-26 du code de la sécurité sociale (décret n° 2017-656 du 27 avril 2017), ces remises de gestion sont déterminées « en fonction notamment du nombre de bénéficiaires, de la nature et de l'étendue des activités déléguées et dans le respect des budgets fixés dans la convention d'objectifs et de gestion » passée entre les mutuelles étudiantes et la Cnam.

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