Avis n° 141 (2019-2020) de M. Laurent DUPLOMB , Mme Françoise FÉRAT et M. Jean-Claude TISSOT , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 21 novembre 2019

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N° 141

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2019

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2020 ,

TOME I

AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT ET AFFAIRES RURALES

Par M. Laurent DUPLOMB, Mme Françoise FÉRAT

et M. Jean-Claude TISSOT,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas, présidente ; Mme Élisabeth Lamure, MM. Daniel  Gremillet, Alain Chatillon, Martial Bourquin, Franck Montaugé, Mmes Anne-Catherine Loisier, Noëlle Rauscent, M. Alain Bertrand, Mme Cécile Cukierman, M. Jean-Pierre Decool, vice - présidents ; MM. François Calvet, Daniel Laurent, Mmes Catherine Procaccia, Viviane Artigalas, Valérie Létard, secrétaires ; M. Serge Babary, Mme Anne-Marie Bertrand, MM. Yves Bouloux, Bernard Buis, Henri Cabanel, Mmes Anne Chain-Larché, Marie-Christine Chauvin, Catherine Conconne, Agnès Constant, MM. Roland Courteau, Pierre Cuypers, Marc Daunis, Daniel Dubois, Laurent Duplomb, Alain Duran, Mmes Dominique Estrosi Sassone, Françoise Férat, M. Fabien Gay, Mme Annie Guillemot, MM. Xavier Iacovelli, Jean-Marie Janssens, Joël Labbé, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Pierre Louault, Michel Magras, Jean-François Mayet, Franck Menonville, Jean-Pierre Moga, Mmes Patricia Morhet-Richaud, Sylviane Noël, MM. Jackie Pierre, Michel Raison, Mmes Évelyne Renaud-Garabedian, Denise Saint-Pé, M. Jean-Claude Tissot.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 2272 , 2291 , 2292 , 2298 , 2301 à 2306 , 2365 , 2368 et T.A. 348

Sénat : 139 et 140 à 146 (2019-2020)

Mesdames, Messieurs,

Il y a moins d'un an, les rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques s'inquiétaient des défis que l'agriculture allait devoir relever en 2019 : début d'application de la loi Egalim, craintes suscitées par la réforme de la PAC proposée par la Commission ainsi que la baisse massive de son budget dans la proposition de cadre financier pluriannuel, difficultés des opérateurs forestiers français et incertitudes sur le sort qui sera réservé aux marins français dans le cadre du Brexit .

Au moment de rendre leur avis pour 2020, ils constatent qu'aucune de ces inquiétudes n'a disparu.

Or cette inertie dans le traitement de ces problèmes contraste avec les attentes très fortes de nos agriculteurs pour améliorer leur quotidien de chef d'exploitation.

Les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » pour l'année 2020 prennent le risque de n'y rien changer.

Au-delà de ce décalage flagrant entre les attentes des agriculteurs et le budget présenté, les rapporteurs pour avis dénoncent le défaut de cohérence et le manque d'ambition des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » pour l'année 2020.

Malgré une apparente hausse vantée par le Gouvernement, les dotations nationales dédiées à l'agriculture n'évoluent pas réellement par rapport à 2019 une fois qu'est retraité le mouvement naturel de réengagement des mesures agro-environnementales pour la prochaine période.

Compte tenu de l'absence d'évolution significative des crédits entre 2019 et 2020, les rapporteurs ont proposé à la commission de reconduire l'avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » adopté l'année dernière.

Cet avis se justifie d'autant plus que le budget suscite des inquiétudes supplémentaires en actant des mesures contestables.

Pourquoi reculer les crédits de la réserve pour aléas en agriculture alors que les exploitants n'ont jamais été autant exposés aux risques climatiques ?

Comment expliquer le recul des crédits dédiés à la forêt alors que la crise des scolytes fait rage dans de nombreux départements ?

Pourquoi ne pas pérenniser le dispositif favorisant la compétitivité des cultures employant des travailleurs saisonniers au moment même où il est impératif de remettre la compétitivité au coeur des débats pour sortir l'agriculture de l'ornière ?

Ces incohérences nuisent à la crédibilité d'un budget qui fait abstraction de l'avenir de l'agriculture.

Les rapporteurs pour avis regrettent à cet égard le manque de solutions concrètes apportées par le Gouvernement pour répondre à la demande d'accompagnement des agriculteurs dans l'évolution de leur modèle de production. La réponse passera par des investissements significatifs en matière de recherche et d'innovation, par des incitations à acquérir des équipements permettant à court terme de réduire significativement l'utilisation des produits phytopharmaceutiques ou encore dans l'engagement à ne laisser aucun agriculteur sans solution technique en cas d'évolution de la réglementation.

En résumé, pour faire face à la détresse du monde agricole, il importe de mettre en avant non pas un budget gestionnaire mais bien un budget visionnaire. Ce n'est pas le cas cette année.

Compte tenu de ces trois arguments, et sur proposition de ses rapporteurs pour avis, la commission des affaires économiques a rendu un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » pour l'année 2020.

En revanche, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du compte d'affectation spécial « Développement agricole et rural » , pour sanctuariser ses crédits dans un contexte où son existence pourrait être remise en cause.

Lors de sa réunion du mercredi 27 novembre 2019, sur proposition de ses rapporteurs pour avis, la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable sur les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et un avis favorable sur les crédits du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » du projet de loi de finances pour 2020.

I. UNE AUGMENTATION DE 172 MILLIONS D'EUROS DES CRÉDITS EN AUTORISATIONS D'ENGAGEMENT ET DE 29 MILLIONS D'EUROS EN CRÉDITS DE PAIEMENT QUI NE RÉSULTE PAS D'UNE DÉCISION VOLONTARISTE DU MINISTÈRE

Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit, après passage à l'Assemblée nationale, une hausse de 172 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 29 millions d'euros en crédits de paiement du budget de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » .

Cette augmentation est répartie comme suit :

Évolution des crédits
de la mission (en M€)

LFI 2019

PLF 2020

Variation
par rapport à la LFI 2019

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 149 - Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture

1 679

1 761

1 820

1 762

+ 141

0

Programme 206 - Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation

536

535

570

570

+ 34

+ 35

Programme 215 - Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

618

625

614

619

- 3

- 6

Mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales »

2 833

2 922

3 004

2 951

+ 172

+ 29

*Après passage à l'Assemblée nationale

A. UNE REVALORISATION UNIQUEMENT EN AUTORISATIONS D'ENGAGEMENT POUR LE PROGRAMME 149 COMPTE TENU DU RÉENGAGEMENT DES MESURES AGRO-ENVIRONNEMENTALES ET CLIMATIQUES

Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit, après passage à l'Assemblée nationale, une hausse de 141 millions d'euros en autorisations d'engagement et une stabilité des crédits de paiement du programme 149.

1. + 168 millions en autorisations d'engagement et + 25 millions en crédits de paiement pour les MAEC, compte tenu du réengagement des contrats pour une nouvelle période

La principale évolution du programme 149 s'explique par une revalorisation de + 174 millions d'euros en autorisations d'engagement de l'action 24 - Gestion équilibrée et durable des territoires due au réengagement des contrats des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) pour une nouvelle période, conformément à la règlementation européenne.

En effet, ces contrats arrivant à échéance fin 2019, les montants des autorisations d'engagement ont été relevées à 232 millions d'euros (contre 63 millions l'année dernière) pour signer des contrats en 2020 permettant de couvrir les années à venir.

C'est un mouvement habituel, déjà connu dans le passé : le projet de budget 2015 avait été marqué par l'inscription d'une l'enveloppe quinquennale de mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) en AE de plus de 300 millions d'euros.

En conséquence, les crédits de paiement liés aux MAEC n'évoluent pas dans un même ordre de grandeur : ils augmentent de 25 millions d'euros par rapport à 2019 pour atterrir à un montant de 128 millions d'euros.

2. - 25 millions d'euros de baisse de la réserve pour aléas alors que les agriculteurs n'ont jamais été autant exposés aux risques climatiques

Depuis 2018, la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » comporte une réserve de crédits destinée à financer les surcoûts budgétaires dus aux aléas auxquels est exposée la mission.

Les rapporteurs pour avis réitèrent leur appréciation : une réserve de crise est principalement destinée à assurer l'État contre ses propres erreurs.

Dotée de 300 millions d'euros en 2018, la provision a été mobilisée pour payer les refus d'apurement (pour plus de 175 millions d'euros, soit 58 % des décaissements), le paiement d'un contentieux relatif à un dispositif d'aide financière aux agriculteurs corses en difficulté et les investissements informatiques de l'ASP (10 %) et, pour financer une partie du dispositif TO-DE (7 %). Au total, seuls 75 millions d'euros (25 %) ont été décaissés pour ouvrir des crédits venant en aide aux agriculteurs en cas de crise, après la sécheresse par exemple.

En 2019, le Gouvernement avait déjà réduit la dotation d'un tiers en la ramenant à 200 millions d'euros. Les mêmes causes provoquant les mêmes effets, l'utilisation de ces crédits sera principalement fléchée vers les apurements communautaires (environ 125 millions d'euros), le reliquat disponible devant contribuer au financement des indemnités pour calamités sanitaires ou naturelles, au même niveau que l'année précédente.

Au total, sur les 500 millions d'euros ouverts au titre de la dotation pour dépenses imprévisibles depuis sa création, plus des deux tiers des crédits ont couvert les erreurs de l'État dans l'attribution des aides. Seules un tiers des dépenses ont répondu à l'objet de la dotation en revenant aux agriculteurs.

Le Gouvernement lui-même ne s'y trompe pas, nommant dans le projet annuel de performance pour 2020, cette réserve « apurement communautaire » (page 73).

C'est d'ailleurs pourquoi, en 2020, le Gouvernement propose une nouvelle fois de réduire cette réserve de crise de 25 millions d'euros, ramenant la réserve à un montant de 175 millions d'euros, compte tenu d'estimations réduites sur les montants d'apurements communautaires à régler cette année.

Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, lors de son audition devant la commission des affaires économiques du Sénat, a même été plus loin : « Un budget doit être efficace. Mon objectif est en l'occurrence que la déduction pour aléas (DPA) arrive à zéro. Car le sujet n'est pas là. L'année dernière, 200 millions d'euros lui avaient été alloués. Or nous avons dépensé en réalité près de 300 millions d'euros au total. Un budget ne doit pas être construit à des fins d'affichage. L'objectif n'est pas de montrer que nous avons prévu 300 millions d'euros pour les agriculteurs. Il faut tout suivre, et y apporter une réponse dans le budget. Pour 2020, nous avons donc fait le choix de fixer le budget de la DPA à 175 millions d'euros. Mais nous mobiliserons bien sûr les sommes nécessaires si ce montant venait à être dépassé. Mon objectif est, à terme, la suppression de la DPA. 1 ( * ) »

Les rapporteurs pour avis ne peuvent que regretter ce choix. C'est une erreur stratégique au moment même où les agriculteurs n'ont jamais été autant exposés aux risques climatiques.

Le rapport 2 ( * ) de Mme Nicole Bonnefoy, fait au nom de la mission d'information sur la gestion des risques climatiques, adopté à l'unanimité au Sénat le 3 juillet 2019, a pourtant rappelé l'ampleur du défi auquel les agriculteurs vont être confrontés : une augmentation de la fréquence et de l'intensité des précipitations extrêmes ; des sécheresses qui seront plus nombreuses, plus longues et plus fortes.

Alors que le FNGRA est plafonné et que les dotations de la réserve de crise sont réduites chaque année, les rapporteurs pour avis s'interrogent sur la pertinence de la stratégie suivie par le Gouvernement pour préparer l'agriculture au défi des risques climatiques.

3. Un maintien des principales dépenses d'intervention
a) Le montant des aides à l'adaptation des filières à l'évolution des marchés est équivalent à celui de 2018

L'action n° 21 intitulée : « adaptation des filières à l'évolution des marchés » voit ses crédits reculer d'environ 1 % pour passer à 218 millions d'euros en AE et CP .

L'action porte essentiellement sur des aides aux exploitations agricoles ultramarines (80 % des crédits) dont le montant est stabilisé en 2019.

(1) Le montant des aides à l'économie agricole ultramarine est stabilisé

Le financement des aides à la filière canne à sucre dans les départements d'outre-mer versées par l'Agence de services et de paiement (ASP) est en 2020 au niveau de celui de 2019, à savoir un montant total de 124,4 millions d'euros.

Le dispositif recouvre plusieurs aides versées aux producteurs de canne à sucre de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion qui représentent une part significative de la surface agricole utile de ces îles (de 16 % à la Martinique à 52 % à la Réunion) :

- une aide aux planteurs de canne à sucre pour compenser les handicaps de production dans ces départements (56 M€) ;

- une aide au soutien logistique des départements d'outre-mer vers les ports de l'Union européenne, notamment afin de prendre en charge les coûts de transport (20,4 M€) ;

- une aide complémentaire au POSEI pour l'industrie sucrière d'environ 10 M€.

En complément, les entreprises sucrières ultra-marines reçoivent une aide de 38 M€ depuis le 1 er ctobre 2017 afin de compenser la fin des quotas sucriers au niveau de l'Union européenne.

L'Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer (ODEADOM), outre sa mission de renforcement de la concertation entre professionnels agricoles et administrations, a également un rôle de soutien financier aux filières ultramarines à travers plusieurs enveloppes :

- 6,1 M€ dits « crédits traditionnels » constituant le plus souvent la contrepartie nationale nécessaire à la levée de financements communautaires (dans le cadre du FEADER) ;

- 40 M€ issus du Comité interministériel de l'Outre-mer de 2009, appelés en conséquence « crédits CIOM », dédiés aux filières de diversification animale et végétale qui permettent d'abonder les fonds communautaires destinés à ces filières dans le cadre du programme européen POSEI.

Enfin, 5,1 M€ sont dédiés à la mise en oeuvre du volet agricole du plan Guyane, à savoir l'appui à l'agriculture dans les pays et territoires d'outre-mer, ainsi qu'une enveloppe supérieure à 1 M€ pour financer l'appui à l'agriculture dans les pays et territoires d'outre-mer. 23,2 M€ de crédits en provenance de FranceAgriMer contribuent également au développement des filières de ces territoires.

(2) + 6 millions d'euros pour le plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE)

Depuis 2015, le plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE), géré dans un cadre décentralisé avec les DRAAF et les conseils régionaux, est le dispositif unique fléchant des aides à la modernisation des exploitations agricoles. Il est cofinancé par le FEADER.

L'engagement initial de la programmation 2014-2020 du FEADER prévoyait une enveloppe annuelle de la part de l'État de 56 M€. Toutefois, compte tenu des enjeux, elle avait été portée à 86 M€ puis 84,5 M€ en 2016 et 2017 afin d'accélérer les investissements dans les exploitations, notamment à destination des filières élevage. Les crédits ont toutefois été ramenés à 56 M€ à compter de 2018. En deux années, les autorisations d'engagement ont ainsi été réduites de 27 % alors même que ces aides ont un effet de levier important pour l'investissement des exploitations agricoles.

À cet égard, si l'on peut se réjouir que les crédits pour la modernisation des exploitations agricoles, à l'action 23 « Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles » soient revalorisés de 5,7 millions d'euros en 2020 par rapport à 2019, il convient de rappeler que cela ne suffira pas pour augmenter sensiblement le taux de pénétration du dispositif dans les campagnes : moins de 4 % des entreprises agricoles sont bénéficiaires du plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE). Il ne faudrait pas, in fine , que la hausse des crédits ne serve qu'à couvrir une hausse des coûts de gestion d'un dispositif qui peine à être approprié par les acteurs.

(3) Des autorisations d'engagements de la dotation jeunes agriculteurs stabilisées

La dotation « jeunes agriculteurs » (DJA) est une aide essentielle pour doper l'installation de jeunes agriculteurs dans nos territoires. Le montant de base de la DJA varie de 8 000 à 36 000 € selon la zone d'installation (plaine, défavorisée et montagne), et peut être modulée à la hausse pour les installations hors cadre familial, les projets agro-écologiques, les projets favorables à l'augmentation de valeur ajoutée et de l'emploi ainsi que pour les projets caractérisés par un effort de reprise/modernisation important. Il en résulte une moyenne de la DJA autour de 28 000 €.

Les moyens dévolus à la politique d'installation sont maintenus en 2020 puisque les crédits affectés à l'installation de jeunes agriculteurs et stages à l'installation sont stables en autorisations d'engagement en 2020 (à 37,5 M€).

Il convient de noter que, comme l'année dernière, les crédits de paiement continuent de croître à 54 M€ en 2019, soit environ + 6 M€ par rapport à 2019, compte tenu de la revalorisation de la DJA à la suite de la suppression des prêts bonifiés aux jeunes agriculteurs en 2017.

(4) Un maintien des crédits nationaux dédiés aux ICHN

Les crédits nationaux dédiés à l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) ont été maintenus à leur niveau de 2019, soit près de 284 M€, maintenant l'enveloppe supplémentaire de 20,2 M€ accordée l'année dernière pour prendre en compte les conséquences du nouveau zonage imposé en 2018.

Pour rappel, le nouveau zonage a abouti à une forte incompréhension des agriculteurs quant aux critères retenus. En effet, si près de 5 000 communes sont sorties gagnantes en entrant dans le nouveau zonage, 1 300 communes en ont été exclues, les 4 000 agriculteurs de ces zones perdant toute possibilité de bénéficier des ICHN.

Pour les agriculteurs perdants, c'est un drame économique qui se traduit par la perte d'une aide substantielle .

L'accompagnement des agriculteurs sortant du zonage des ZDS prendra la forme d'un accompagnement individuel par l'octroi d'une aide dégressive en 2019 et 2020 correspondant, respectivement, à 80 % et 40 % du montant de l'ICHN de la programmation 2014-2020. La France mettra ainsi en oeuvre les possibilités ouvertes par la réglementation européenne en accordant aux agriculteurs sortant du zonage les montants d'indemnités les plus élevés possibles.

Conscient des difficultés posées par cette situation, le Sénat, dans sa résolution n° 127 du 22 juin 2018 , avait pourtant formulé deux exigences pour avancer sur ce problème que les rapporteurs pour avis entendent rappeler :

i. demander une révision des critères d'éligibilité des ZSCN en ajoutant des critères plus fins dans les règlements européens concernés (notamment un critère d'emploi ) ;

ii. de prendre en compte le critère de « continuité territoriale » pour la définition des ZSCS comme le permet d'ores et déjà la règlementation européenne , intégrant de ce fait les communes enclavées dans le zonage à contraintes spécifiques qui jusqu'ici se trouvent exclues de la cartographie retenue.

(5) La protection des éleveurs contre les grands prédateurs : un poste budgétaire amené à croître sur la durée

Comme chaque année, les crédits alloués à la protection des éleveurs contre les « grands prédateurs », notamment les actions de gardiennage, les analyses de vulnérabilité et l'accompagnement technique des éleveurs, augmentent, cette fois de 6 M€, pour un montant global de 24,7 M€. Depuis 2018, le budget de l'action aura augmenté de plus de 50 %.

Cette évolution structurelle ne fait, malheureusement aux yeux de vos rapporteurs, que rappeler la dangereuse et incontrôlable extension du domaine de prédation du loup et de l'ours sur le territoire métropolitain.

La sur-exécution de la sous-action, encore constatée en 2018 à hauteur de 5,8 M€ en crédits de paiements, laisse entendre que les besoins de financement sont en outre croissants et que les dégâts causés par les loups et les ours se multiplient de manière exponentielle.

(6) Une régularisation budgétaire de la ligne TO-DE

Au titre de l'année 2020, il est proposé de doter l'action n° 25 « Protection sociale » de 117 millions d'euros contre 135 millions d'euros ouverts par la loi de finances pour 2019.

La direction du budget a indiqué aux rapporteurs pour avis, lors de son audition, que cela s'assimilait à un débasage.

L'intégralité du coût du dispositif TO-DE au titre de l'exercice 2018 était couverte par le budget de la MAAFAR.

La dotation pour 2019 de la ligne TO-DE de l'action n 25 de la loi de finances pour 2019 comprenait une somme complémentaire pour payer les derniers mois de 2018, compte tenu du léger décalage de paiement de fin d'année.

En 2020, ce montant est moindre pour la MAAFAR dans la mesure où une partie du financement du TO-DE relève désormais du financement de la sécurité sociale (pour la partie relevant des allègements généraux).

La baisse du budget entre 2019 et 2020 de la ligne TO-DE s'expliquerait donc par ce phénomène.

4. 15 millions d'euros pour dépenses informatiques de l'Agence de services et de paiements (ASP)

L'évolution de l'action n° 27 « Moyens de mise en oeuvre des politiques publiques et gestion des interventions » , en plus de la baisse des moyens dédiés à la réserve pour aléas, s'explique par une dotation supplémentaire de + 15 millions d'euros à l'Agence de services et de paiements (ASP) pour couvrir de nouvelles dépenses informatiques.

Auditionné par les rapporteurs pour avis, le président-directeur général de l'agence a précisé que ce plan informatique visait à :

- financer des développements pour mettre à jour les logiciels de gestion ISIS et OSIRIS, compte tenu des retards de paiement constatés sur les aides. À cet égard, toutes les inspections réalisées ont conclu à la perspective de coûts encore très élevés de mise à niveau des outils de gestion ISIS et OSIRIS ;

- couvrir les dépenses de développement informatiques pour préparer l'ASP à la nouvelle cartographie de la PAC 2021/2027.

5. Une sanctuarisation des moyens de l'INAO

L'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) assure la gestion de l'ensemble des 1 100 signes d'identification de la qualité et de l'origine (SIQO) dénombrés en France.

Si les recettes budgétaires de l'INAO sont principalement constituées par les versements effectués par l'État (17 millions d'euros au titre du programme 149), l'opérateur reçoit une ressource plafonnée à 7,5 millions d'euros par an au titre des droits sur les produits bénéficiant d'un SIQO.

Aux termes de l'article L. 642-13 du code rural et de la pêche maritime, ce droit, acquitté annuellement, dépend des quantités produites. Le taux des droits est fixé, sur proposition du conseil permanent de l'INAO, par arrêté dans des limites déterminées par la loi 3 ( * ) .

L'article 6 du projet de loi de finances pour 2020, au motif d'une réduction du nombre de taxes à faible rendement, propose la suppression de cette petite taxe. La perte de recettes induite pour l'INAO par la suppression de cette taxe était compensée à hauteur de 7 millions d'euros par une hausse de la subvention pour charges de services publics imputée sur l'action n° 27 « Moyens de mise en oeuvre des politiques publiques et gestion des interventions » du programme 149.

Les députés ont voté contre cette suppression en première lecture contre l'avis du Gouvernement et du rapporteur général. En conséquence, le Gouvernement, par voie d'amendement lors de l'examen des crédits, a supprimé 7 millions d'euros de crédits sur le périmètre du programme 149 pour supprimer la compensation qui n'avait plus lieu d'être.

B. UNE REVALORISATION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 206 À HAUTEUR DE 35 MILLIONS D'EUROS POUR ADAPTER LA POLITIQUE SANITAIRE AU BREXIT ET À DE NOUVELLES RÉGLEMENTATIONS EUROPEENNES

Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit, après passage à l'Assemblée nationale, une hausse de 34 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 35 millions d'euros en crédits de paiement du programme 206.

Évolution des crédits du Programme 206 (en M€)

LFI 2019

PLF 2020

Variation
par rapport à la LFI 2019

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 01 - Prévention et gestion des risques inhérents à la production végétale

30

30

37

37

+ 7

+ 7

Action 02 - Lutte contre les maladies animales et protection des animaux

85

84

105

105

+ 20

+ 21

Action 03 - Prévention et gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires

21

21

21

21

- 1

0

Action 04 - Actions transversales

81

82

81

81

- 1

- 2

Action 05 - Élimination de cadavres et des sous-produits animaux

4

4

4

4

0

0

Action 06 - Mise en oeuvre de la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l'alimentation

310

310

318

318

+ 8

+ 8

Action 08 - Qualité de l'alimentation et offre alimentaire

4

4

4

4

+ 1

+ 1

Programme 206 - Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation

536

535

570

570

+ 34

+ 35

* Après passage à l'Assemblée nationale

1. + 13 millions d'euros induits par le Brexit, grâce au recrutement de 300 inspecteurs supplémentaires dont... 185 sont déjà recrutés

Le Brexit se traduira, mécaniquement, par un surcroît de dépenses sanitaires pour la France dans la mesure où elle assurera davantage qu'avant la surveillance des frontières européennes pour les importations d'animaux, de végétaux ou de denrées alimentaires.

À l'importation, cela se traduira par des contrôles des certificats sanitaires produits au Royaume-Uni ainsi que des contrôles dans les postes d'inspection frontaliers dont la nature dépendra des produits.

Les autorités françaises de contrôle sanitaire devront également produire un certificat sanitaire pour les produits destinés à l'exportation vers le Royaume-Uni.

Dans la perspective du Brexit , le schéma d'emplois prévus dans la loi de finances initiale pour 2019 par le programme 206 a été renforcé de 40 ETPT.

Les rapporteurs pour avis avaient estimé que « cet effort budgétaire était bien loin de répondre à l'ampleur de l'enjeu sanitaire » et avaient proposé, par voie d'amendement, de prévoir des recrutements supplémentaires. Le Gouvernement avait refusé cette initiative qui estimait que 40 ETP étaient suffisants.

Lors de leurs auditions, il leur a été confirmé que 185 ETP avaient finalement été recrutés en 2019, grâce à des économies réalisées en gestion ainsi qu'un redéploiement depuis des programmes dont le plafond d'emplois était surestimé (notamment les programmes du ministère de l'agriculture et de l'alimentation dédié à l'enseignement).

Pourquoi n'avoir pas inscrit dès l'année dernière ces recrutements s'ils étaient effectivement prévus ? Cela porte une atteinte à la sincérité budgétaire.

Cette année, le projet de loi de finances pour 2020 prévoit un schéma d'emplois de 300 ETPT (soit 320 ETP) au bénéfice du programme 206, pour un coût d'environ 11 millions d'euros selon le projet annuel de performance.

En réalité, dans la mesure où 185 ETP sont déjà présents, cela se traduira par un recrutement effectif de 135 ETP en 2020.

À défaut de Brexit , les rapporteurs espèrent que ces emplois supplémentaires ont permis de renforcer les contrôles sur les denrées alimentaires importées dès cette année.

En parallèle, des crédits ont été débloqués pour assurer la formation des nouveaux arrivants ainsi que des moyens permettant d'augmenter les moyens techniques dédiés aux contrôles, qui seront plus nombreux (+ 1,9 million d'euros sur l'action 04 du programme 206).

Au total, en tenant compte de ces moyens techniques et de la hausse des dépenses de personnel induite par ces recrutements, le projet de loi de finances pour 2020 prévoit une enveloppe supplémentaire de 10 millions d'euros pour préparer la France à cet événement en matière de politique sanitaire.

2. + 6 millions d'euros pour financer les missions confiées aux Fredon compte tenu d'une évolution de la règlementation européenne

Le réseau des fédérations régionales de défense contre les organismes nuisibles (Fredon) représente plus de 1 500 élus et emploie environ 400 salariés.

Présents dans chaque région, les Fredon travaillent majoritairement pour le compte de l'État et des collectivités territoriales afin de participer à la mise en oeuvre de la politique phytosanitaire.

En tant qu'organisme à vocation sanitaire (OVS), les Fredon sont délégataires pour :

- mener des inspections en vue de la délivrance du passeport phytosanitaire européen pour la mise sur le marché au sein de l'Union européenne et des certificats phytosanitaires à l'export pour les exportations vers les pays tiers ;

- réaliser la surveillance des organismes réglementés et émergents, notamment dans les périmètres de lutte constitués à la suite de la détection de foyers ;

- venir en appui des services de l'État pour organiser la lutte collective et contrôler la réalisation des mesures ordonnées lors de foyers.

Les Fredon, au titre de ces missions de services publics, reçoivent une subvention de l'État financée par l'action n° 01 du programme 206.

En décembre 2019, entrera en vigueur un nouveau règlement européen relatif à la santé des végétaux 4 ( * ) , qui impliquera une surveillance obligatoire d'environ 180 organismes de quarantaine par les Draaf et leurs délégataires, à savoir les Fredon. Cela se traduit par une multiplication par près de six du nombre d'organismes nuisibles à surveiller et, mécaniquement, par une hausse des contrôles nécessaires, estimé à environ 10 000 contrôles supplémentaires. Ce surcroît d'activité engendrera un surcoût estimé à + 3,5 millions d'euros.

Ce nouveau règlement européen étend l'obligation d'apposition du passeport phytosanitaire européen à l'ensemble des végétaux destinés à la plantation sauf les semences et à l'ensemble des semences listées dans les directives de commercialisation. Si les Fredon ne réalisent pas seules ces contrôles, ce nouveau périmètre va accroître mécaniquement le nombre de producteurs et de revendeurs soumis à contrôle compris entre 3 000 et 5 000 producteurs ainsi qu'entre 1 000 et 10 000 revendeurs. Cela va nécessiter 2 000 contrôles supplémentaires à déléguer aux Fredon, nécessitant un budget supplémentaire de 1,5 M€.

Enfin, un contrôle supplémentaire sera requis dans les lieux de production de végétaux hôtes d'organismes de quarantaine. Rien que pour la flavescence dorée, organisme de quarantaine de la vigne, l'impact de cette évolution en termes de coût de la délégation est établi à 500 000 €.

Au total, l'évolution de la dotation aux Fredon entre 2019 et 2020 est donc significative et passe de 15,5 M€ en LFI 2019 à 21,5 M€ dans le PLF 2020.

En outre, le réseau de surveillance biologique du territoire (SBT), qui constitue un réseau d'observateurs et d'animateurs qui permet la diffusion de bulletins de santé du végétal (BSV), va également être mobilisé pour la surveillance des organismes de quarantaine (OQ) dans le cadre de la mise en oeuvre des nouveaux règlements européens. Une dotation supplémentaire de 1 M€ est à enregistrer à cette fin.

Finalement, le projet de loi de finances prévoit de couvrir les surcoûts induits par la nouvelle règlementation européenne à hauteur de 7 M€ en revalorisant la dotation de l'action n° 01 du programme 206.

3. + 19 millions d'euros d'erreurs de budgétisation à corriger
a) Une sous-budgétisation de l'action n° 02 « Lutte contre les maladies animales et protection des animaux » en 2019, corrigée en 2020

L'année dernière, les rapporteurs pour avis se sont émus du recul significatif des crédits accordés au programme 206 en se demandant dès lors si la sécurité sanitaire était bien une priorité gouvernementale.

Très rapidement, compte tenu de l'évolution des risques sanitaires auxquels est soumise la France, la programmation est apparue insuffisante.

La hausse de 19 millions d'euros du budget de l'action n° 02 du programme 206 dans le projet de loi de finances pour 2020, passant de 86 à 105 millions d'euros et retrouvant ainsi son niveau de la loi de finances pour 2018, n'est au fond qu'un rattrapage d'une sous-budgétisation manifeste opérée l'année précédente, plutôt qu'un investissement massif en faveur de la sécurité sanitaire.

S'ajoutent à cet effet, notamment, la hausse des coûts liés aux contrôles officiels et à la gestion des foyers assurés par les services de l'État de 2,5 millions d'euros ainsi que la généralisation du dispositif de l'Observatoire des mortalités et des affaiblissements de l'abeille mellifère pour 0,5 M€.

En outre, l'évolution de la règlementation européenne induit, encore une fois, une adaptation des besoins nationaux. La baisse des cofinancements européens pour les dépenses occasionnées pour assurer la surveillance et la lutte contre l'encéphalopathie subaiguë spongiforme transmissible (ESST) engendre un besoin de 1 million d'euros que l'État va devoir porter. De même, la mise en conformité de la base nationale d'identification des animaux (BDNI) avec la règlementation européenne fait porter une charge supplémentaire de 1,5 million d'euros pour 2020.

b) Une baisse des dotations budgétaires à l'Anses sans recul des subventions pour charges publiques qui lui sont affectées

Les rapporteurs constatent, en outre, que les crédits budgétaires affectés à l'Anses par une subvention pour charges de services publics reculent de 4 millions d'euros par rapport à 2019. Ce recul paraît s'expliquer par la suppression de la « réserve » pour couvrir les aléas auxquels l'Anses est exposée compte tenu du Brexit constituée l'année dernière à hauteur de 5 millions. Il convient en effet de noter que le Brexit va amener à répartir sur les autres pays européens les dossiers en procédures décentralisées ainsi que la reconnaissance mutuelle aujourd'hui évalués par l'agence anglaise. L'Anses va devoir faire face à ce surcroît d'activité. Il n'est pas certain que ce risque ait disparu par rapport à l'année dernière mais les crédits pourront être, au besoin, déployés en gestion.

Au total, pour l'exercice de ses missions, l'Anses bénéficiera en 2020 de 105 millions d'euros de subventions pour charges de services publics, soit 3 millions d'euros de plus que l'année précédente.

En outre, l'Anses se voit affecter plusieurs taxes d'un rendement d'environ 30 millions d'euros dont principalement la taxe relative à la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants, des matières fertilisantes et de leurs adjuvants et des supports de culture, ainsi que des taxes sur les médicaments vétérinaires.

À cet égard, les rapporteurs constatent que l'augmentation de la taxe portant sur le chiffre d'affaires des produits phytopharmaceutiques prévue par le Gouvernement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour la création du fonds d'indemnisation des victimes de produits phytopharmaceutiques, aboutit au paradoxe de faire porter la collecte de la nouvelle taxe par l'Anses, alors qu'elle serait loin d'en être l'affectataire principal.

Enfin, l'Anses dégage des recettes propres à hauteur de 4 millions d'euros principalement en raison des prestations tarifées des laboratoires dans le cadre de leurs missions de laboratoires nationaux de référence ainsi que des recettes issues de contractualisation avec l'État, les collectivités territoriales ou l'Union européenne (pour 9 millions d'euros).

Vos rapporteurs rappellent enfin leurs recommandations émises déjà l'année dernière : dans les débats sociétaux actuels, notamment ceux relatifs à la dangerosité de certains produits, les avis de l'Anses sont malheureusement insuffisamment connus et diffusés. Ils regrettent cette mise à l'écart de l'expertise scientifique de l'agence alors même qu'elle devrait être le point de départ de toute discussion apaisée sur des sujets importants.

Il serait avantageux, à l'avenir, que l'Anses soit davantage en anticipation qu'en réaction aux débats de société pour remettre ses avis au centre de l'attention. En outre, une véritable amélioration de la communication et de la diffusion de ses avis est nécessaire pour éclairer les nombreux débats publics liés à son champ de compétence.

C. UN RECUL DE 3 MILLIONS D'EUROS EN AUTORISATIONS D'ENGAGEMENT ET DE 6 MILLIONS D'EUROS EN CRÉDITS DE PAIEMENT POUR LE PROGRAMME 215

Le projet de loi de finances 2020 du programme 215 s'établit à 614 M€ en autorisations d'engagement et 619 M€ en crédits de paiement, soit un recul au regard de la LFI 2019 de 3 M€ en AE et de 6 M€ en CP.

Évolution des crédits du Programme 215 (en M€)

LFI 2019

PLF 2020

Variation
par rapport à la LFI 2019

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 01 - Moyens de l'administration centrale

186

192

196

201

10

9

Action 02 - Évaluation de l'impact des politiques publiques et information économique

18

18

24

24

6

6

Action 03 - Moyens des DRAAF, des DAAF et DDT

346

346

326

326

- 20

- 20

Action 04 - Moyens communs

68

69

68

68

0

- 1

Programme 215 - Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

618

625

614

619

- 3

- 6

* Après passage à l'Assemblée nationale

Le décalage entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement s'explique surtout par la ligne « gestion immobilière de l'administration centrale » de l'action n° 1 du programme 215.

1. + 9 millions d'euros en autorisations d'engagement pour couvrir de nouvelles dépenses informatiques et se préparer au recensement agricole 2020/2021

L'essentiel de l'évolution du programme 215, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, s'explique par :

- une augmentation des dépenses informatiques du ministère dans le cadre du plan de transformation numérique ministériel, à hauteur de + 3,8 M€ en AE et + 2,4 M€ en CP ;

- un accroissement des crédits dédiés à la finalisation de l'organisation du recensement agricole qui débutera en septembre 2020 pour + 5,5 M€ en AE et CP.

À ces dépenses portées par le programme 215 s'ajoutent les 15 M€ accordés pour couvrir des dépenses informatiques de l'Agence de services et de paiement (ASP). Au total, plus de 25 M€ supplémentaires permettront, grâce à ce budget, de financer des dépenses informatiques au service de l'administration.

Pour les rapporteurs pour avis, cela revient à dire que les 25 millions d'euros d'économies réalisées en ponctionnant la réserve pour aléas censée aider les agriculteurs à mieux faire face aux risques auxquels ils sont exposés ont été recyclés directement pour financer des dépenses informatiques de l'administration du ministère.

2. - 11,5 millions d'euros sur les dépenses de personnel compte tenu d'un schéma d'emplois et d'un transfert sortant

Le plafond d'emplois du programme 215 est fixé à 6 872 ETPT contre 7 254 ETPT en 2019, soit une baisse de 382 ETPT.

Cela s'explique par trois effets :

- un effet schéma d'emplois de - 54 ETPT pour l'extension en année pleine de celui de 2019 et de - 76 ETPT pour le schéma d'emplois 2020 ;

- une correction technique de - 50 ETPT compte tenu de la moindre nécessité d'octroyer des effectifs complémentaires pour traiter les retards de versement des aides de la PAC ;

- d'un transfert sortant d'environ - 200 ETPT vers le programme 354 au titre de la création des secrétariats généraux communs des directions départementales et le programme 41 qui rassemble les apprentis dans les programmes employeurs du ministère de l'agriculture et de l'alimentation pour permettre une meilleure lisibilité.

Budgétairement, les dépenses de personnel figurant au programme 215 reculeront, entre 2019 et 2020, de 11 M€ environ passant de 555,5 à 544 M€.

Dans le détail, d'après les chiffres transmis par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, le schéma d'emplois permet de réaliser une économie de 3 M€ tandis que le transfert réduit de 6,5 M€ le budget du programme 215.

II. UNE SATISFACTION : LE RECUL DU GOUVERNEMENT SUR LA BAISSE DES FINANCEMENTS AUX CHAMBRES D'AGRICULTURE

Les agriculteurs sont redevables d'une taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour financer les chambres d'agriculture (TCA-TFPNB). Cette taxe contribue à hauteur, au maximum, de 292 M€ au financement des chambres d'agriculture et en représente la principale source de recettes.

La taxe est établie dans la circonscription territoriale de chaque chambre d'agriculture et son taux est fixé, chaque année, par les chambres d'agriculture dans la limite d'un plafond de rendement déterminé par le ministre de l'agriculture après avis de l'APCA.

Une part du produit de la taxe est reversée :

- par les chambres départementales d'agriculture aux chambres régionales d'agriculture à hauteur de 10 % minimum de la recette fiscale totale régionale ;

- dans la limite de 5 % à un fonds national de solidarité et de péréquation constitué au sein du budget de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture. Ce fonds est destiné à fournir aux chambres d'agriculture une ressource collective pour la mise en oeuvre de la péréquation et de la modernisation du réseau.

Le projet de loi de finances pour 2020 déposé par le Gouvernement ambitionnait de revoir considérablement ces modalités de financement des chambres d'agriculture.

Son article 27 prévoyait :

- la baisse de 45 M€ du plafond d'affectation de la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TA-TFPNB) aux chambres d'agriculture ;

- le reversement de la taxe non plus aux chambres départementales d'agriculture mais aux chambres régionales qui pourront redistribuer le produit de cette taxe, dans une limite de 70 % de la recette totale, aux chambres départementales.

Cette position revenait à imposer une régionalisation forcée des chambres d'agriculture en asséchant les financements des chambres départementales.

Pour les rapporteurs pour avis, cela constituait une erreur stratégique majeure. Les chambres d'agriculture ont un rôle central à jouer auprès des agriculteurs aujourd'hui pour mieux les conseiller, mieux les accompagner, mieux les faire évoluer. C'est d'ailleurs la position que défend le Gouvernement en augmentant, à chaque loi agricole, les missions des chambres d'agriculture. Dans cette perspective, il était totalement contradictoire de proposer la réduction de leurs financements.

Face à la mobilisation des députés et sénateurs de tous les groupes politiques, le Gouvernement a annoncé en séance publique renoncer à son projet de réforme de financement des chambres d'agriculture.

En contrepartie, avant le 1 er juin 2020, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur les modalités de financement de l'ensemble des chambres d'agriculture et sur le processus de modernisation et de mutualisation du réseau des chambres d'agriculture.

Les rapporteurs pour avis ne peuvent que saluer ce revirement.

III. DES INQUIÉTUDES NOUVELLES INDUITES PAR CERTAINES MESURES BUDGÉTAIRES

A. TO-DE : REPOUSSER LA DATE DE SA PÉRENNISATION POUR MIEUX LE SACRIFIER ?

1. Les exonérations de cotisations patronales pour travailleurs occasionnels et demandeurs d'emplois (TO-DE)

Depuis 1985, les employeurs de travailleurs saisonniers bénéficient d'une réduction de cotisations sur ces contrats par le biais d'un dispositif spécifique pour l'emploi des travailleurs occasionnels et de demandeurs d'emplois en agriculture (dit « TO-DE ») 5 ( * ) .

S'ils relèvent du régime de protection sociale agricole, les employeurs qui embauchent en CDD des travailleurs saisonniers ou en CDI des demandeurs d'emploi bénéficient d'une exonération de cotisations patronales et contributions sociales. Celle-ci est limitée à une période maximum d'emploi de 119 jours ouvrés, consécutifs ou non, par année civile pour un même salarié.

Avant 2019, le dispositif TO-DE permettait une exonération totale pour les cotisations patronales dues au titre des assurances sociales (prestations familiales et assurances sociales agricoles), à l'exception de la cotisation « accidents du travail », ainsi qu'une exonération de certaines cotisations patronales conventionnelles pour les rémunérations égales ou inférieures à 1,25 fois le montant mensuel du SMIC. Cette exonération devenait ensuite linéairement dégressive au-delà de 1,25 SMIC jusqu'à s'annuler pour les rémunérations égales ou supérieures à 1,5 SMIC.

La facturation du dispositif TO-DE, établie par la Caisse centrale de mutualité sociale agricole en février2019, et supportée par l'action n  25 « Protection sociale » du programme 149 s'élevait en 2018 à 540 M€.

2. Grâce à la mobilisation parlementaire, ce dispositif n'a pas été supprimé en 2019

Estimant que le renforcement des allègements généraux à compter de 2019 bénéficierait au secteur agricole dans son ensemble, le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2018 proposait, en son article 8, de supprimer les exonérations spécifiques applicables pour l'emploi des travailleurs occasionnels et de demandeurs d'emploi (TO-DE).

La proposition gouvernementale a été refusée par une grande majorité des parlementaires, à l'Assemblée nationale comme au Sénat. L'amendement des rapporteurs de la commission des affaires économiques du Sénat avaient par ailleurs fait l'unanimité et avaient rétabli le dispositif.

In fine , cette mobilisation des représentants des territoires avait permis d'obtenir un quasi-maintien du dispositif.

L'exonération reste déterminée conformément à un barème dégressif linéaire en fonction de la rémunération perçue par le salarié, dans les conditions suivantes : celle-ci est totale pour une rémunération mensuelle inférieure ou égale à 1,20 SMIC mensuel (au lieu de 1,25 SMIC avant 2019), dégressive pour les rémunérations comprises entre 1,20 SMIC mensuel et 1,6 SMIC (contre 1,5 SMIC avant 2019) puis nulle pour une rémunération mensuelle égale ou supérieure à 1,6 SMIC.

Au total, en 2019, la compensation des allègements de cotisations patronales en faveur des travailleurs saisonniers est estimée à 476 M€.

Son financement sera couvert :

- d'une part, par la compensation du dispositif transitoire qui se décompose en deux points :

1. la part des exonérations correspondant aux allègements généraux sera compensée par l'affectation d'une fraction de TVA à la MSA et à l'UNEDIC ;

2. le surplus d'exonération correspondant au maintien d'un plateau d'exonération totale à 1,2 SMIC par rapport aux allègements généraux sera compensé par crédits ministériels du MAA à la MSA et à l'UNEDIC ;

- d'autre part, la compensation du dispositif TO-DE tel qu'il était en vigueur jusqu'à fin décembre 2018, et qui s'applique sur la période d'activité du 4 ème trimestre 2018 pour les salariés déclarés sera entièrement compensé par crédits ministériels du MAA à la MSA.

Le Sénat plaidait pour la pérennisation du dispositif. Cela n'a pas été retenu. La solution moins ambitieuse adoptée finalement à l'Assemblée nationale dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 ne prévoit le maintien de ce dispositif que durant une période de deux ans.

Il est donc programmé que le dispositif TO-DE soit abrogé à compter du 1 er janvier 2021 6 ( * ) .

3. Sa disparition programmée en 2021 serait une erreur stratégique

Le constat des rapporteurs n'a pas été modifié depuis l'année dernière : la suppression de ce dispositif TO-DE sur les travailleurs saisonniers est un drame pour certaines filières fortement dépendantes des coûts de main-d'oeuvre .

C'est le cas de la filière fruits et légumes, de l'horticulture ou de la filière viticole par exemple compte tenu de la consommation de main-d'oeuvre saisonnière au moment des récoltes. La main-d'oeuvre représente près de 60 % du coût de revient d'une pomme par exemple.

Or ces filières font l'objet d'une concurrence féroce de la part de nos voisins européens compte tenu de coûts de main-d'oeuvre largement inférieurs.

À titre d'exemple, les coûts du travail saisonnier en France sont 27 % plus élevés qu'en Allemagne, 37 % plus élevés qu'en Italie et 75 % plus élevés qu'en Pologne.

En conséquence, la pomme française, vendue en moyenne 2,5 € le kilo, se retrouve concurrencée directement par une pomme polonaise vendue 0,9 € le kilo.

Cette concurrence menace directement l'avenir de certaines de ces filières.

D'une part, les produits des filières concernées, par exemple les fruits et légumes, sont massivement importés en France à des prix défiant toute concurrence alors même qu'ils ne respectent pas l'ensemble des contraintes environnementales imposées aux producteurs français.

Ainsi, la part des fruits et légumes produits en France dans la consommation des ménages français est passée de 66 % en 2000 à 51 % en 2016 selon FranceAgriMer. C'est une baisse de près de 30 % en 16 ans, qui devrait inéluctablement se poursuivre si rien n'est fait.

D'autre part, ces produits ne peuvent être exportés faute d'une compétitivité suffisante, entraînant un surcroît d'offre en France pesant sur les prix nationaux donc sur les revenus des agriculteurs concernés.

Le renchérissement des coûts du travail saisonniers renforcera encore les très grandes difficultés rencontrées actuellement dans les territoires ruraux pour trouver suffisamment de saisonniers au moment des récoltes. Il ne serait d'ailleurs pas surprenant qu'il soit constaté une accélération massive du recours à de la main-d'oeuvre étrangère saisonnière.

La suppression du TO-DE pénalisera paradoxalement les filières les plus investies dans les solutions agroenvironnementales en ayant recours à de la main-d'oeuvre saisonnière puisque les modes de production qui font appel à plus d'agro-écologie nécessitent plus de main d'oeuvre.

Elle revient donc à accroître les charges pour les producteurs les plus investis dans des agricultures respectueuses de l'environnement : c'est un très mauvais signal pour les filières. Plus grave encore : c'est une trahison des promesses des États généraux de l'alimentation.

4. Au Sénat, la mobilisation ne faiblit pas pour acter définitivement sa pérennisation

Les rapporteurs ont, en leur nom, déposé des amendements identiques lors du débat sur le PLFSS au Sénat cette année afin de pérenniser le dispositif TO-DE dans sa forme actuelle.

Interpelé lors de son audition devant la commission des affaires économiques, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a pris un engagement clair : « Sur le TO-DE, je n'ai jamais dit : « Je ne vous dis rien pour la suite. » Je suis très clair : j'avais d'ailleurs posé, ici au Sénat, quinze jours avant d'être nommé ministre de l'agriculture, une question au Gouvernement sur ce sujet. Je n'ai aucun état d'âme sur le TO-DE - cela aurait été une erreur de le supprimer. Je ne peux cependant m'engager que sur un budget annuel. Ma position est qu'on ne parle plus de cette affaire. C'est que l'année prochaine cela continue, que l'année d'après cela continue, etc. sauf si on trouve un autre système. 7 ( * ) »

Si telle est la position du Gouvernement, pourquoi ne pas avoir dès lors soutenu les amendements appelant dès cette année à la pérennisation du dispositif ? Les problèmes dénoncés l'année dernière sur tous les bancs de l'Assemblée nationale comme du Sénat, notamment le problème de compétitivité des exploitations agricoles françaises, vont-ils disparaître comme par magie en deux ans ?

Si telle est la position du Gouvernement, comment interpréter les propos de M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, en séance publique lors de l'examen des amendements des rapporteurs proposant de pérenniser le dispositif : « le compromis retenu par le Gouvernement est celui qui est issu des deux lectures du PLFSS par les deux chambres. Il consiste à maintenir le régime décrit par M. le rapporteur général jusqu'au 31 décembre 2020 - j'émets donc, pour les mêmes raisons que la commission, un avis défavorable sur les amendements n os 272 rectifié bis et 780 rectifié bis - et à construire, au cours de la période 2019-2020, de nouvelles modalités d'intervention auprès du monde agricole. Je pense ainsi à diverses dispositions, figurant dans le projet de loi de finances, en faveur de la constitution d'une épargne de précaution ou au maintien d'un régime spécifique en matière de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), ce qui représente, en termes de dépenses fiscales, un engagement de 1,25 milliard d'euros. D'autres dispositifs doivent également être mentionnés, qu'ils relèvent de l'accompagnement de la gestion des crises ou de la mise en oeuvre de la loi Égalim. [...]. Les mesures votées l'an dernier au titre du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour la période 2019-2020, constituent selon nous un bon compromis » ?

Les amendements des rapporteurs ont été largement adoptés en séance publique au Sénat en faisant, une nouvelle fois, l'objet d'un très large accord transpartisan.

B. UNE POLITIQUE SANITAIRE D'EXCELLENCE MALGRÉ UNE PROLIFÉRATION DES RISQUES

1. Des risques sanitaires maîtrisés grâce à une vigilance qui doit demeurer extrême

Malgré la multiplication des risques, la France demeure aujourd'hui dotée d'un des dispositifs de sécurité sanitaire sur les denrées alimentaires les plus performants au monde. Elle doit rester sur ses gardes tant les conséquences des épizooties et épidémies sont importantes pour les agriculteurs.

En matière de santé végétale, plusieurs organismes nuisibles à la santé des végétaux sont préoccupants.

Le Xylella fastidiosa a été détecté pour la première fois en 2015 en Corse. La bactérie, transmise et véhiculée par des insectes vecteurs, s'attaque à un très large spectre de végétaux : vignes, oliviers, arbres fruitiers, agrumes, chênes, rosiers, etc., et cause leur dépérissement voire leur mort. Ses conséquences peuvent être dramatiques pour certaines filières comme en attestent les ravages causés par cette bactérie, agent de la maladie de Pierce, sur les vignobles californiens depuis la fin du XIX e siècle.

D'autres nuisibles végétaux demeurent (le chancre coloré du platane, le charançon rouge du palmier, les cercosporioses pour la production bananière...).

En matière de santé animale, de nombreux risques majeurs sont maîtrisés.

Le risque des encéphalopathies spongiformes transmissibles classiques est maîtrisé en France.

Le dispositif de surveillance de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), reposant sur une surveillance événementielle par les éleveurs et les vétérinaires en élevage ainsi que sur des tests systématiques à l'abattoir et sur les animaux à risque et à l'équarrissage pour les animaux de plus de 48 mois, a fait preuve de son efficacité, tout comme le dispositif mis en place pour dépister la « tremblante » sur des ovins par des tests rapides à l'abattoir et à l'équarrissage (seuls 5 cas ont été détectés en 2018).

La France est indemne de fièvre aphteuse en Union européenne et a recouvert, depuis 2017, son statut indemne d'influenza aviaire hautement pathogène (IAHP). Cette évolution a permis d'obtenir la réouverture des marchés à l'exportation vers les pays tiers pour la filière volaille.

Le cas de la tuberculose bovine est en revanche plus inquiétant. L'acquisition du statut officiellement indemne en 2001 est essentielle pour le commerce des animaux et de leurs produits, puisque c'est un des critères principaux de compétitivité de l'élevage bovin français. Si le nombre de troupeaux trouvés infectés chaque année demeure faible, compte tenu de détections précoces en élevage, la situation de certaines zones demeure très inquiétante, en particulier en région Nouvelle-Aquitaine qui concentre 80 % des foyers français. En 2018, le nombre de foyers, qui demeure tout à fait maîtrisé, a augmenté de 30 %.

Un rapport du CGAAER 8 ( * ) remis au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en 2017 souligne les difficultés à maintenir un niveau suffisant de mobilisation des différents acteurs sur le long terme pour atteindre l'éradication de la maladie : « La tuberculose bovine se caractérise par son évolution lente ainsi qu'actuellement par sa persistance dans les troupeaux, la faune sauvage et le milieu extérieur ; son agent causal ( Mycobacterium bovis ) est dorénavant rarement à l'origine de cas humains en France. L'arrêt trop précoce des prophylaxies et l'imperfection des tests de diagnostic ont largement participé à sa réapparition et au retard du plan de lutte. Cependant, la difficulté même de la lutte contre la tuberculose n'a pas conduit à mobiliser un dispositif adapté à l'enjeu, qu'il s'agisse de la stratégie, de la gouvernance, du pilotage et de l'appui scientifique et technique. Les constats effectués tant au niveau central qu'au niveau des départements appellent une reprise en main par l'État du dossier et une affirmation forte de sa stratégie en matière de maintien du statut de pays officiellement indemne et de conformité aux règles communautaires . »

À signaler également l'apparition en 2019 de deux foyers de maladie d'Aujeszky chez les suidés dans les départements des Alpes-de-Haute-Provence et du Vaucluse. À l'exception de la Réunion et des Alpes-de-Haute-Provence, la France demeure officiellement indemne de cette maladie. De même, deux foyers de brucellose porcine ont été détectés dans les Hautes-Pyrénées et dans le Lot au premier semestre 2019.

Enfin, le premier cas de fièvre catarrhale ovine (FCO), également appelée maladie de la langue bleue, à sérotype 4, a été identifié le 6 novembre 2017 sur un veau provenant d'une exploitation de Haute-Savoie. Malgré les mesures d'urgence mises en place pour éradiquer la maladie, l'évolution du nombre de foyers dans plusieurs départements a impliqué le passage de l'ensemble du territoire national en zone réglementée BTV-4. Selon le site du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, « 87 cas ont été notifiés à l'OIE et à l'Union européenne, concernant 7 départements 9 ( * ) ».

2. Des investissements pour renforcer la sécurité sanitaire des Français

Quelques dépenses figurant dans ce budget doivent être signalées pour le programme 206 :

(i) la gestion de la peste porcine africaine dans le Grand-Est induit un besoin d'engagement de crédits à moyen terme notamment en surveillant et en entretenant les clôtures installées. Pour 2020, ce budget est estimé à 3 M€ par an. Il sera sans doute reconduit l'année prochaine ;

(ii) l'acte médical vétérinaire sera revalorisé cette année de 13,99 € HT à 14,18 € HT, après une première revalorisation en 2019 ;

(iii) figure au budget une hausse des crédits pour environ + 2 M€ pour les contrôles destinés à détecter des résidus de substances interdites comme des activateurs de croissance ou de résidus de médicaments vétérinaires chez l'animal ou dans les denrées d'origine animale ;

(iv) les stages tutorés des étudiants vétérinaires en milieu rural proposés par l'École nationale vétérinaire de Toulouse ont vu leur budget valorisé à 0,6 M€, contre 0,3 M€ dans le projet de loi de finances pour 2019.

Les rapporteurs pour avis reprennent position en faveur de ces stages tutorés.

Lors de leur dernière année de cursus, les étudiants peuvent réaliser un stage tutoré d'une durée d'au moins 18 semaines en milieu rural. À ce jour ce sont près de 80 élèves qui ont pu en bénéficier. 95 % d'entre eux ont fait le choix d'exercer, à l'issue de leurs études, en productions animales.

Ces stages tutorés incarnent donc une solution pratique, concrète et directement opérationnelle au problème plus global de raréfaction du nombre de vétérinaires en élevage dans nos campagnes.

Leur généralisation par l'ouverture de davantage de places est une nécessité au regard du défi posé par l'apparition de déserts vétérinaires, comme sont apparus précédemment des déserts médicaux.

C. AU NOM DE LA SÉCURITÉ SANITAIRE DES CONSOMMATEURS ET DE LA LUTTE CONTRE LA CONCURRENCE DÉLOYALE EXERCÉE SUR LES PRODUCTEURS, RENFORCER LES CONTRÔLES SUR LES DENRÉES ALIMENTAIRES IMPORTÉES

Le rapport d'information n° 528 (2018-2019) fait au nom de la commission des affaires économiques par le groupe d'études « Agriculture et alimentation », sur la place de l'agriculture française sur les marchés mondiaux a rappelé la pénétration croissante des importations dans la consommation alimentaire française.

Depuis 2000, les importations ont été presque doublées en France (+ 87 %) et couvrent une part de plus en plus importante de l'alimentation des Français.

Ces éléments doivent régulièrement être rappelés :

- la part des fruits et légumes français dans la consommation des ménages français se réduit chaque année. Près d'un fruit et légume sur deux consommés en France est aujourd'hui importé, contre un tiers en 2000 ;

- les importations représentent 34 % de la consommation intérieure de volailles en 2017 alors qu'elle ne comptait que pour 13 % en 2000 ;

- même dans le secteur des produits laitiers, où la France dispose de positions solidement établies, la valeur des importations a été multipliée par deux entre 2005 et 2017, compte tenu de l'augmentation des importations de fromages et de beurre ;

- la France importe ainsi 25 % de sa consommation de porc, notamment des jambons bio depuis l'Espagne, pour répondre aux habitudes alimentaires des Français.

Si pour la viande bovine les importations en volume semblent stabilisées voire légèrement en baisse, cela constitue une exception sans doute temporaire compte tenu des signatures, déjà effectives ou en cours de négociation, de traités de libre-échange avec des pays fortement exportateurs de viandes bovines à des prix compétitifs.

Finalement, selon certains experts entendus lors des travaux du groupe d'études Agriculture et alimentation, les Français pourraient se nourrir un jour par semaine intégralement avec des produits importés.

Si l'on peut raisonnablement affirmer que les garanties que ces denrées aient été produites en respectant les mêmes normes de production imposées aux agriculteurs français sont relatives, les moyens dédiés aux contrôles en France sur les produits importés sont plus faibles que d'autres pays européens.

Comme l'a confié à la commission des affaires économiques du Sénat l'ancien directeur général de l'alimentation, Patrick Dehaumont, lors d'une audition le 13 février 2018 dans le cadre de l'affaire Lactalis, « un cabinet privé a étudié pour le compte des autorités néerlandaises les moyens consacrés à l'inspection dans les différents États membres pour les contrôles en remise directe. La France y consacre 0,3 euro par habitant et par an ; les Pays-Bas, 1,5 euro par habitant et par an ; la Belgique, 1,7 euro et le Danemark, 2,4 euros. »

Avec le Brexit et les accords de libre-échange, la France va devenir de plus en plus exposée aux importations de pays tiers : il est donc nécessaire de se doter des moyens de contrôles à l'importation suffisants au nom de la sécurité sanitaire de nos consommateurs et afin d'assurer enfin une concurrence loyale avec nos producteurs.

Pour ne pas alourdir les finances publiques, il est possible de redéployer de la masse salariale du ministère vers ces fonctions pour alléger les formalités administratives imposées à nos agriculteurs tout en renforçant les contrôles sur les denrées importées.

D. UNE BAISSE DES CRÉDITS DE LA FORÊT PROPOSÉE AU PIRE MOMENT

Le budget pour 2020 propose une baisse des crédits de la forêt au pire moment.

Tout d'abord, les dotations allouées à la forêt par l'action n° 26 « Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois » représentent 8 % des 3 milliards de crédits du budget de l'agriculture. Non seulement le niveau des crédits alloués à la forêt est faible, pour la forêt qui occupe plus de 30 % de la superficie de l'hexagone, mais le projet de loi de finances propose pour 2020 de les diminuer de 2,5 % - avec 247,5 M€ en crédits de paiements contre 253,7 en 2019 - alors que la forêt doit faire face à un niveau de risque et à une multiplication de catastrophes rarement atteints par le passé.

En effet, les épisodes de sécheresse ont affaibli les défenses naturelles des peuplements forestiers qui cèdent, par pans entiers, aux attaques des insectes ravageurs, et en particulier des scolytes qui se présentent sous la forme de petits scarabées.

Les forestiers doivent donc déployer plus de moyens pour endiguer les attaques sanitaires et prélever le bois mort. Du côté de leurs recettes, l'augmentation des volumes de bois mis sur le marché fait mécaniquement plonger les cours et le bois scolyté prend une teinte bleue qui risque également de faire baisser leur valeur.

Ensuite, l'essentiel des dotations est alloué à la forêt publique . Les crédits alloués à l'Office national des forêts (ONF), établissement public industriel et commercial (EPIC) chargé de la gestion des forêts publiques, sont maintenus avec :

- un versement compensateur de 140,4 M€ ;

- une dotation pour ses missions d'intérêt général (MIG) de 26 M€ ;

- et une contribution exceptionnelle de 12,4 M€.

Pour sa part, le Centre national de la propriété forestière (CNPF), établissement public administratif (EPA) qui se charge de dynamiser la gestion des forêts privées - celle-ci représente 75 % de la superficie forestière de l'hexagone - recueillerait 14 M€ (contre 15 l'an dernier) soit moins de 5 millièmes du budget de l'Agriculture.

Une telle diminution de crédits d'un million d'euros serait très mal venue car, si elle était confirmée, elle obligerait le CNPF à réduire ses effectifs sur le terrain, au moment où la forêt privée en a le plus besoin pour gérer les crises sanitaires, savoir quelles essences replanter et continuer à lutter contre le morcellement de la forêt privée. Le CNPF fait aujourd'hui travailler 465 salariés pour un équivalent plein temps contractuel de 451,6 emplois.

Par ailleurs, ce budget propose de maintenir les autres dotations à un niveau insuffisant mais stable avec, en particulier, 29,5 M€ consacrés au financement des sept axes prioritaires du programme national de la forêt et du bois (PNFB 2016-2020) et 18,5 M€ affectés au fonds stratégique de la forêt et du bois (FSFB), pour l'amélioration de la desserte forestière, le renforcement des peuplements à faible valeur économique, la signature de prêts participatifs de développement entre Bpifrance et les scieries ou entreprises de travaux forestiers et le nouveau fonds de prêts sans garantie en faveur de l'aval forestier, déployé dans le cadre du GPI.

Pour éviter une catastrophe forestière, adapter nos forêts et leur permettre d'alimenter en matière première une filière d'activité économique rurale et décarbonée, les rapporteurs pour avis estiment nécessaire de définir une politique forestière de choc.

Tel n'est pas encore le cas puisqu'afin d'endiguer la contamination des bois scolytés et replanter des essences plus résistantes aux nouvelles conditions climatiques, le Gouvernement a annoncé le 8 octobre dernier des mesures de soutien d'un montant de 16 M€ sur trois ans alors que nos voisins allemands ont décidé de mobiliser sur quatre ans environ 800 M€ répartis à peu près à parts égales entre l'État fédéral et les Länder.

Il convient donc de « changer de braquet » et de définir une méthode adaptée aux enjeux en territorialisant mieux l'action de l'ONF et en décloisonnant, autant que faire se peut, la gestion des forêts privées et publiques dans une logique de massifs ; en effet, les attaques d'insectes ravageurs ne connaissent pas de frontière entre parcelles publiques et privées.

E. DES INQUIÉTUDES POUR LE SECTEUR DE LA PÊCHE

L'action n° 28 du programme n° 149, qui porte les crédits de l'État dédiés au soutien et au développement de la pêche maritime et de l'aquaculture augmente, dans le projet de loi de finances pour 2020, d'environ 1 M€ en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement.

Toutefois, les rapporteurs pour avis renouvellent leurs inquiétudes relatives au sort réservé aux pêcheurs français dans le cadre du Brexit .

En l'absence d'accord spécifique sur cette question, toute privation d'accès aux eaux britanniques pour les bateaux de pêche français aura des effets mécaniques dramatiques pour l'économie littorale française.

D'un point de vue économique, le directeur des pêches maritimes et de l'aquaculture a confirmé aux rapporteurs pour avis que l'interdiction concernerait 527 navires au total, et plus spécifiquement les 180 navires qui réalisent plus de 20 % de leur chiffre d'affaires grâce à la pêche réalisée dans ces eaux.

En retenant cette chute d'activité, le Brexit aurait pour effet de mettre en péril le chiffre d'affaires de la pêche française pour environ 170 M€, soit environ un cinquième de l'activité annuelle.

En matière d'aménagement du territoire, les ports de Boulogne-sur-Mer et de Cherbourg qui réalisent plus de 50 % de leur activité dans les eaux britanniques seraient les plus exposés, tout comme certains armateurs bretons (qui y réalisent plus de 80 % de leur activité le plus souvent).

Au total, ce sont entre 1 400 emplois et 1 500 marins qui sont exposés à cette interdiction qui peut avoir lieu du jour au lendemain, sans compter l'effet sur les industries de transformation ou sur les employés des ports.

Le directeur a en outre confirmé aux rapporteurs pour avis que des indemnités à hauteur de 50 M€ environ, cofinancés par le FEAMP et des crédits nationaux, étaient d'ores et déjà budgétées afin de compenser la perte d'activité des marins concernés.

IV. UNE ERREUR STRATÉGIQUE : L'ABSENCE TOTALE DE PRISE EN COMPTE DES IMPÉRATIFS D'INNOVATION EN AGRICULTURE

A. RELEVER LE DÉFI ENVIRONNEMENTAL PASSE PAR DAVANTAGE D'INNOVATION EN AGRICULTURE

Le défi environnemental se pose avant tout à notre agriculture. Nos agriculteurs sont les premiers concernés par le défi climatique car la nature est leur environnement et la terre leur outil de travail.

Dans nos campagnes, la transition agroenvironnementale a débuté depuis longtemps et elle se poursuit aujourd'hui. Il n'y a pas une exploitation dont les pratiques d'aujourd'hui sont profondément plus favorables à l'environnement que celles d'il y a 50 ans.

Cette réalité de nos territoires ruraux doit être impérativement rappelée car le discours actuel est mal vécu par nos agriculteurs, qui se sentent accusés de tous les maux.

Toutefois, face à l'urgence climatique, nos citoyens veulent aller plus vite. Mais un soutien massif aux professions agricoles et un accompagnement au plus près du terrain sont nécessaires sans quoi, nous risquons de décourager un monde agricole confronté à une crise massive des vocations liée à une stigmatisation croissante, des revenus souvent insuffisants et à une concurrence féroce de l'emprise foncière urbaine.

Laisser nos agriculteurs sans solution alternative à la fin des produits phytosanitaires, c'est in fine menacer la production agricole française et prendre le risque de substituer à notre production, considérée comme la plus sûre du monde, des importations massives difficilement contrôlables de produits agricoles qui ne respectent pas nos normes de production et où seront, sans doute, utilisés des pesticides interdits en France qu'on ne pourra pas tracer.

Or l'autosuffisance alimentaire de la France est chaque année de moins en moins établie depuis 2000, la France accusant même son premier déficit commercial agricole avec ses voisins de l'Union européenne cette année.

Accélérer cette tendance qui mettrait en péril notre souveraineté serait, finalement, contraire à l'objectif initial de protéger l'environnement.

Cet exemple démontre que la France et l'Union européenne ne relèveront le défi climatique qu'en accompagnant leur agriculture.

Et c'est essentiel car l'agriculture permet déjà l'ouverture et l'entretien des paysages ou encore le stockage du carbone dans les sols.

Cette voie pour concilier ambition agricole, souveraineté alimentaire et environnement ne passe pas par l'invocation mais par l'innovation .

Tous les outils doivent être mobilisés pour faire progresser encore notre agriculture : recherche sur des alternatives moins néfastes, homologation de produits qui existent aujourd'hui et permettent déjà un meilleur respect de l'environnement, notamment les produits de biocontrôle, utilisation du numérique, recours aux nouvelles technologies dans de nouveaux équipements, ...

Pour accompagner cette transition voulue par tous, tous les moyens doivent être au rendez-vous.

Au niveau européen bien sûr, et les orientations budgétaires à venir de la politique agricole commune sont à cet égard très inquiétantes.

Au niveau national ensuite. Or le budget proposé cette année oublie totalement d'investir significativement ce chantier de l'innovation en agriculture.

C'est la raison principale pour laquelle les rapporteurs pour avis ne peuvent accepter ce budget de gestion, bien loin d'un budget de vision attendu par les agriculteurs.

B. QUELLES POLITIQUES PUBLIQUES POUR LA RECHERCHE ET L'INNOVATION EN AGRICULTURE ?

La politique de recherche et d'innovation en agriculture mobilise aujourd'hui des moyens publics variés comme les crédits de la MIRES, le CASDAR, des crédits du PIA, les contrats de plan États-Régions, des crédits des conseils régionaux pour un montant estimé par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation de l'ordre de 1,5 Md €/an.

Ces moyens comprennent les contributions du ministère chargé de la recherche pour la couverture de la masse salariale des instituts de recherche comme l'INRA et l'IRSTEA, des soutiens inscrits sur les crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, des financements visant à financer des activités de recherche sur un mode projet opérés par de nombreux acteurs comme l'Ademe, l'Agence nationale de la recherche (ANR), FranceAgriMer (FAM) ou l'Agence française de biodiversité (AFB).

À ces crédits directement fléchés sur les pratiques agricoles s'ajoutent les actions d'autres organismes de recherche en pointe au niveau mondial sur les questions d'environnement ou de santé comme le Cirad, le CNRS, l'Inserm, l'Anses, Ifremer, le CEA, ou les universités.

Il faut y ajouter les effets du crédit Impôt Recherche (CIR), qui sont estimés à 120 M€ concernant les industries agroalimentaires et 90 M€ directement pour la recherche en l'agriculture, soit 3,6 % du budget global du CIR.

Enfin, la recherche et l'innovation passent également par l'action essentielle des instituts techniques agricoles (ITA), les instituts techniques agro-industriels (ITAI), les organismes à vocation agricole et rural (ONVAR) et, bien sûr, celles des entreprises directement engagées en agriculture.

C. ALLER PLUS LOIN EN SOUTENANT L'INNOVATION DIRECTEMENT RECUPÉRABLE PAR LES AGRICULTEURS

Les rapporteurs pour avis ont souhaité relever deux lacunes du projet de loi de finances pour 2020 dans le domaine de l'innovation agricole.

1. Accélérer le recours à des équipements de nouvelle génération pour réduire l'usage des produits phytopharmaceutiques, améliorer la veille sur la santé et le bien-être des animaux et réduire l'exposition des agriculteurs aux aléas climatiques

Même si le plan EcoPhyto II prévoit le renforcement de la place des agroéquipements de nouvelles génération et d'outils d'aide à la décision au sein des exploitations, notamment au travers d'aides à l'investissement pour des équipements identifiés, force est de constater que le taux de pénétration de ces équipements demeure à ce stade trop faible.

Dans le cadre des PCAE, des crédits publics sont affectés au financement d'investissements et de matériels d'optimisation et de réduction de l'usage des phytosanitaires. En ont bénéficié 3 311 dossiers, en 2018.

C'est insuffisant au regard de l'ampleur du défi que doit relever l'agriculture française.

C'est pourquoi les rapporteurs pour avis ont plaidé, en première partie du projet de loi de finances pour 2020, en faveur d'un mécanisme simple et à la hauteur des enjeux.

Les agriculteurs doivent pouvoir être incités à mieux se prémunir contre les risques croissants auxquels ils sont exposés. Face aux crises climatiques et sanitaires à répétition qu'ils subissent, des solutions concrètes doivent leur être proposées.

De plus, de nouveaux types de pulvérisateurs ou l'utilisation de drones en agriculture permettent, d'ores et déjà, de réduire considérablement les usages des intrants.

Se développe en parallèle un ensemble de technologies basées sur l'existence de capteurs permettant avec des algorithmes qualifiés de caractériser les végétaux, plante par plante, afin d'agir buse par buse. Ces équipements, dont les mises en vente ont déjà débuté, permettent de réduire l'usage des produits phytopharmaceutiques dans une proportion pouvant aller jusqu'à 90 %.

Toutefois, ces technologies particulièrement précises sont délaissées par les agriculteurs en raison du coût d'investissement très important, notamment sur ces marchés qui viennent de naître et n'ont pas encore acquis une certaine maturité. Compte tenu de leurs externalités positives directes pour le consommateur et le citoyen, il convient d'en favoriser le déploiement au-delà de la problématique du coût.

C'est pourquoi la mise en place d'un dispositif de suramortissement spécifique sur des agroéquipements agréés apparaît être une solution pertinente.

Si des solutions existent pour réduire, à court terme, l'usage des produits phytopharmaceutiques et améliorer la veille sur la santé et le bien-être des animaux, pourquoi ne pas les favoriser dès maintenant ?

Réaliser un suramortissement à hauteur de 40 % de la valeur d'origine des biens, hors frais financiers, permettra de réduire considérablement le coût d'acquisition de ces équipements pour les exploitants agricoles, individuellement ou via leur adhésion à une CUMA.

2. Stimuler la recherche sur les produits de biocontrôle

L'enjeu est également de promouvoir des alternatives aux produits phytopharmaceutiques, pour ne laisser aucun agriculteur sans solution.

À cet égard, le développement des produits de biocontrôle est essentiel.

La notion de biocontrôle est définie au niveau national, à l'article L. 253-6 du code rural comme « les agents et produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures. Ils comprennent en particulier :

1° les macro-organismes ;

2° les produits phytopharmaceutiques comprenant des micro-organismes, des médiateurs chimiques comme les phéromones et les kairomones et des substances naturelles d'origine végétale, animale ou minérale . »

Toutefois, les produits de biocontrôle n'ont pas de définition européenne. Ainsi, à l'exception des macro-organismes qui ne font pas l'objet d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) mais d'une autorisation d'introduction dans l'environnement par voie d'arrêté interministériel, les produits de biocontrôle sont des produits phytopharmaceutiques au sens du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil.

La liste des produits de biocontrôle autorisés est fixée par une note de service de la direction générale de l'alimentation (DGAL), publiée au bulletin officiel du ministère chargé de l'agriculture. Elle comprend plus de 480 produits.

Le nombre de demandes d'autorisations de mise sur le marché augmente chaque année.

Certaines mesures ont été prises pour favoriser l'autorisation de mise sur le marché des produits de biocontrôle.

Des facilités sont accordées notamment aux dossiers concernant des produits phytopharmaceutiques répondant aux critères des produits de biocontrôle. Ils bénéficient notamment d'une prise en charge sans délai et d'une taxe de soumission des dossiers pouvant être réduite jusqu'à 2 000 € pour les produits contenant des substances « faible risque » ou naturelles sans transformation chimique. Dans les autres cas de produits de biocontrôle, la taxe est réduite de moitié (soit une économie d'environ 25 000 € par rapport aux autres produits).

En outre, l'Anses conduit de façon prioritaire les évaluations et l'instruction de ces dossiers par une identification dès l'arrivée du dossier. Le délai pour statuer sur une demande d'AMM est restreint à 6 mois pour les produits de biocontrôle au lieu de 12 mois pour les produits phytopharmaceutiques « classiques ».

La recherche doit encore progresser pour accélérer l'émergence d'autres alternatives aux produits phytopharmaceutiques.

Une solution pour la stimuler serait de mettre en place un crédit d'impôt recherche majoré pour ces dépenses de recherche afin de créer un appel d'air pour ce type de produits et d'inciter, à très court terme, à investir fortement dans la recherche de solutions alternatives, pour concilier à la fois l'exigence de compétitivité de notre agriculture et l'impératif de répondre aux problématiques environnementales.

D. AMÉLIORER LE CASDAR POUR MIEUX L'INSCRIRE DANS LA DURÉE

Le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (Casdar) est un instrument financier clé du dispositif de recherche publique agricole. Il est dédié à la mise en oeuvre du programme national de développement agricole et rural (PNDAR) établi pour la période 2014-2020, dont relèvent :

- l'accompagnement des démarches collectives vers des pratiques et des systèmes permettant d'associer performances économique, sociale et environnementale, en particulier ceux relevant de l'agro-écologie ;

- la mise en oeuvre d'actions de recherche finalisée et appliquée ;

- la conduite d'études, d'expérimentations et d'expertises ;

- la diffusion des connaissances par l'information, la démonstration, la formation et le conseil ;

- l'appui aux initiatives locales entrant dans le cadre de sa mission.

Le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (Casdar) constitue un budget modeste de 13 M€, alimenté par le rendement de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitations agricoles prévue par l'article 302 bis MB du code général des impôts depuis 2015.

Cette taxe est composée :

- d'une partie forfaitaire de 76 à 92 euros par exploitant ;

- et d'une partie variable fixée à 0,19 % du chiffre d'affaires jusqu'à 370 000 euros et 0,05 % au-delà de ce seuil.

Deux programmes permettent un fléchage des dépenses.

Les crédits du programme 775 « Développement et transfert en agriculture » financeront, pour 65 M€, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020, les mesures ci-dessous :

- 40,5 M€ pour les programmes de développement agricole et rural des chambres d'agriculture et de l'APCA.

Les chambres d'agriculture doivent assurer le pilotage d'actions de développement et de transfert permettant de développer de nouvelles pratiques dans les exploitations agricoles, visant en particulier l'agro-écologie. Les programmes régionaux de développement agricole et rural (PRDAR) sont mis en oeuvre par les chambres régionales et départementales d'agriculture et associent d'autres acteurs du développement agricole et rural concernés dans la région ;

- 7,7 M€ pour les programmes des organismes nationaux à vocation agricole et rural (Onvar).

Les organismes nationaux à vocation agricole et rural (Onvar) sélectionnés par un appel à propositions conduisent des programmes de développement agricole et rural permettant de développer des pratiques innovantes dans les exploitations agricoles ;

- 8 M€ pour le programme tendant à favoriser le progrès génétique animal mis en oeuvre via FranceAgriMer par des organismes chargés de la sélection génétique des animaux d'élevage ;

- 4 M€ pour des appels à projets régionaux lancés par FranceAgriMer dans le cadre de l'assistance technique régionalisée (ATR) ;

- 3,25 M€ pour des appels à projets régionaux portés par les Draaf relatifs à l'animation des groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE) ;

- 1,5 M€ pour des appels à projets nationaux et des actions transversales.

Les crédits du programme 776 « Recherche appliquée et innovation en agriculture » financeront, pour 71 M€, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020, les mesures ci-dessous :

- 39,2 M€ pour les programmes pluriannuels de recherche et de développement agricole et rural, en application des articles D. 823-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime des instituts techniques qualifiés, répondant aux objectifs et thématiques prioritaires du PNDAR 2014-2020 ;

Répartition des montants des programmes pluriannuels
de recherche et développement des instituts techniques
(source : réponse au questionnaire budgétaire)

2018 (exécution)

2019

Instituts et centres techniques agricoles

Montant (€)

Montant (€)

ACTA

3 030 876

2 842 876

ARVALIS

« programme protection intégrée »

3 410 293

3 410 293

ARVALIS

Programme « vers des systèmes pluri-performants »

6 646 000

6 646 000

ASTREDHOR

861 922

861 922

Terres Innovia
(ex CETIOM)

1 149 806

1 223 806

CTIFL

2 691 489

2 684 342

FNPPPT

138 420

138 420

ITAB

1 024 952

1 024 952

IFPC

351 363

351 361

IFV

4 856 230

4 856 230

IFIP

4 404 695

4 404 695

Institut de l'élevage « Programme socio-économique »

2 519 911

1 846 998

Institut de l'élevage « Programme technique »

5 718 702

6 391 615

ITAVI

1 578 250

1 578 250

ITB

535 116

560 116

ITEIPMAI

701 790

701 790

TOTAL

39 619 815

39 523 666

- 5,3 M€ pour des actions thématiques transversales afin de mutualiser les travaux de recherche appliquée sur des thématiques d'intérêt commun prioritaire (réseau ACTA, acquisition de références en élevage, lutte contre les maladies de dépérissement du vignoble) ;

- 2,2 M€ pour des « actions d'accompagnement » portant sur la mise en oeuvre des chantiers nationaux du PNDAR, des problématiques d'actualité ou de situations d'urgence ;

- 24 M€ pour les appels à projets « Innovation et partenariat », « Recherche technologique », « Réseau Mixte de Technologie », « Semences et sélection végétale », « Expérimentation » et « Lutte contre le dépérissement du vignoble » mis en oeuvre par FranceAgriMer.

Les programmes pluriannuels de recherche
et de développement agricole et rural

L'action financera, en 2020 , six appels à projets principaux répondant aux orientations stratégiques du PNDAR et de ses thématiques prioritaires :

- « Recherche technologique pour la compétitivité et la durabilité des filières de la production à la transformation » des instituts techniques. Les projets sont portés par les instituts techniques qualifiés agricoles ou agro-industriels. Ils visent notamment à développer des partenariats avec les instituts techniques agro-industriels (ITAI) sur des sujets de recherche d'intérêt commun aux secteurs agricoles et agro-alimentaires ;

- « Innovation et partenariat ». Les travaux doivent apporter des résultats ou des outils rapidement transférables vers le développement et la production agricole. Les projets sélectionnés privilégient à la fois le caractère innovant, la capacité à nouer des partenariats structurants pour des thématiques prioritaires pour le secteur agricole (agro-écologie, agriculture biologique, Ecophyto, Ecoantibio). Les opérations financées sont choisies après évaluation par un jury spécifique ;

- « Semences et sélection végétale ». Cet appel à projets dans le domaine des semences et de la sélection végétale vise à rapprocher la recherche publique et les professionnels du secteur des semences, pour fournir ensuite aux entreprises et aux exploitations agricoles des variétés adaptées à des conditions culturales diversifiées et répondant aux objectifs de réduction des intrants. Les opérations financées sont choisies après évaluation par le comité scientifique du Comité technique permanent de la sélection des plantes cultivées ;

- « Expérimentation » mis en oeuvre par FranceAgriMer. Il vise à renforcer l'efficacité économique des filières en contribuant à la mise en place d'une politique en appui aux projets agro-écologiques. Il comprend des actions d'expérimentations conduites notamment dans les secteurs de la production laitière, de l'élevage, de la viticulture et des oléoprotéagineux ;

- « Lutte contre le dépérissement du vignoble ». Cet appel à propositions mis en oeuvre par FranceAgriMer vise à mobiliser les acteurs de la recherche, de l'innovation et du développement pour co-construire les réponses et les solutions attendues par les professionnels pour lutter contre le phénomène de baisse pluriannuelle subie de la productivité du cep pouvant être suivie par sa mort prématurée, brutale ou progressive ;

- « Les réseaux mixtes technologiques (RMT) » sont agréés pour la période 2014-2019.

Chaque projet est suivi par un comité de pilotage et fait l'objet de rapports en cours de réalisation (annuels ou à mi-parcours) et d'un rapport final, systématiquement analysés par la direction générale de l'enseignement et de la recherche, la direction générale de l'alimentation ou FranceAgriMer dans leur domaine de compétence respective, avant versement du solde.

Source : réponses aux questionnaires budgétaires et projet annuel de performance

Les rapporteurs pour avis rappellent leur attachement à la philosophie du Casdar : aider au financement de la recherche et de l'innovation en agriculture.

Toutefois, ils ont le sentiment que les agriculteurs n'identifient peut-être pas les résultats des actions financées par le Casdar.

Ils en bénéficient par le biais des conseils apportés par les chambres d'agriculture, les Onvar ou les ITA, via les articles présents dans les revues techniques qui reprennent les résultats de projets financés par le Casdar, via les GIEE....

Ils en bénéficient aussi au travers d'innovations concrètes. Un document produit par les instituts techniques pour le salon international de l'agriculture en 2019 a listé quelques innovations. Il figure en annexe du présent rapport.

Les équipes du ministère auditionnées par les rapporteurs pour avis ont identifié le manque de visibilité des financements Casdar. Des efforts de communication sont actuellement en cours de mise en oeuvre. Des analyses d'impact seront également réalisées en 2020 à partir d'études de cas.

Elles ont également indiqué que « pour permettre une meilleure appropriation des résultats issus de projets et programmes financés notamment par le Casdar, une cellule Recherche Innovation Transfert a été créée en 2018. Réunissant l'INRA, l'ACTA et l'APCA, elle se concentre sur la transformation des résultats de la recherche appliquée en connaissances mobilisables par les conseillers agricoles et les agriculteurs (le premier thème traité a été la gestion de l'enherbement et la réduction des herbicides dont le glyphosate. Les thèmes suivants porteront sur les alternatives à l'utilisation du cuivre en viticulture, la meilleure utilisation des plantes de service et le développement des protéines végétales pour la diversification des cultures et l'autonomie protéique des élevages) 10 ( * ) . »

Enfin, elles ont précisé aux rapporteurs pour avis qu'une mission d'inspection sur l'appui aux services pour la conception du futur PNDAR a été diligentée.

Compte tenu de certaines velléités de réaliser des économies faciles sur le budget du Casdar, les rapporteurs pour avis appellent à la plus grande vigilance et rappellent leur attachement au maintien du Casdar, tout en saluant la volonté d'améliorer la communication autour de ces crédits et l'ambition du ministère de rendre plus efficaces ces dépenses.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 27 novembre 2019, la commission a examiné le rapport pour avis sur les crédits relatifs à la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » du projet de loi de finances pour 2020.

Mme Sophie Primas , présidente . - Mes chers collègues, avant d'aborder la discussion sur les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » pour 2020, je vous propose d'aborder un autre point.

Nous avons adopté, en juillet dernier, un rapport d'information présenté par notre rapporteur Fabien Gay sur l'affaire des faux steaks hachés distribués aux associations caritatives dans le cadre du FEAD.

Il est important d'assurer un suivi des recommandations que nous avons adoptées et, au besoin, de leur donner une traduction législative quand l'opportunité se présente. Cela fait aussi partie de notre travail de contrôle et je sais que vous y êtes collectivement attachés.

A cet égard, M. Gay souhaiterait vous présenter rapidement un amendement qui tire les conclusions de ce dernier et qui pourrait être examiné dans le cadre du projet de loi de finances sur les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». M.Gay, si vous pouvez nous présenter l'amendement rapidement.

M. Fabien Gay . - Merci Madame la Présidente. C'était la 18 e recommandation de notre rapport qui disait que ce n'était pas aux associations de payer les conséquences de la crise dont elles ont été les victimes. Elles supportent des frais de stockage et des frais de rachat de steaks de substitution que nous avons estimés à plus d'un million d'euros en juillet dernier. La facture s'alourdit de jour en jour. Nous avons pris deux engagements : nous avons écrit un courrier avec vous, Madame la présidente, ainsi qu'avec les deux rapporteurs spéciaux de la mission, Monsieur Bazin et Monsieur Bocquet, au ministre Darmanin pour lui demander de débloquer la situation. Nous attendons son retour. Nous proposons en parallèle de déposer un amendement fléchant un million d'euros au sein de la mission pour que les associations soient très vite remboursées. J'ai revu les quatre associations et aujourd'hui ça pèse dans leurs finances. Elles sont très attentives à ce que de l'argent puisse très rapidement être débloqué. Je pense qu'elles seront très sensibles si nous pouvions signer très largement cet amendement. C'était la 18 e recommandation de notre rapport, et c'est pourquoi nous ouvrons largement l'appel à co-signature. Je vous remercie Madame la présidente.

Mme Sophie Primas . - Merci beaucoup. Donc vous l'avez compris, appel à co-signature sur l'amendement qui était la 18 e recommandation du rapport adopté à l'unanimité de notre commission.

Nous allons donc passer sur la mission  « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». Je laisse la parole à nos rapporteurs pour avis : Laurent Duplomb, Françoise Férat et Jean-Claude Tissot.

M. Laurent Duplomb . - Merci Madame la présidente,

Je voudrais commencer mon propos par un point d'actualité. Vous savez qu'aujourd'hui beaucoup de tracteurs convergent vers Paris et que beaucoup de tracteurs seront en manifestation partout en France. Cela montre une fois de plus de plus le désarroi d'une profession qui ne sait plus à quel saint se vouer et, malheureusement, le budget de l'agriculture de cette année ne va pas apporter de réponses satisfaisantes à leurs demandes.

Je voudrais proposer, Madame la présidente, de rejeter ce budget de l'agriculture. Je présenterai la partie qui me correspond en trois points.

Le premier point est une satisfaction. Beaucoup de sénateurs ont lutté, ont signé des tribunes ou ont interpellé le Gouvernement ces dernières semaines pour contester la proposition de diminuer de 45 millions les recettes affectées aux chambres d'agriculture qui aurait lourdement pénalisé les chambres départementales. Le Gouvernement a reculé sur ce prélèvement qui n'était pas une économie pour l'État mais une très légère diminution des impôts des contribuables qui sont propriétaires de terrains agricoles. Cela représentait moins de 1 euro à l'hectare. Quand on sait que les agriculteurs propriétaires sont propriétaires de 50% au maximum des terrains qu'ils exploitent, cela représente 50 centimes d'économies par hectare exploité. Cet effet d'annonce dissimulait très maladroitement la réelle volonté du Gouvernement : diminuer le budget affecté aux chambres pour les forcer à évoluer sur le sujet de leur régionalisation. Je pense qu'après le mouvement des gilets jaunes et compte tenu du désarroi du monde agricole et du monde rural, ce n'était pas un bon signal. Les chambres départementales sont des outils de proximité. En faire des chambres régionales dans certaines régions qui sont des regroupements de 12 départements était une erreur. Le Gouvernement a également reculé sur sa proposition de supprimer les taxes INAO ce qu'il convient de saluer également. Il faut rappeler que les taxes INAO aident le développement des appellations. Je voulais commencer mon propos par cette double satisfaction.

Mon deuxième point consiste à dénoncer une fausse information sur ce budget. Si vous lisez comptablement ou mathématiquement le budget, vous verrez qu'il augmente de 172 millions d'euros mais si on entre un peu plus dans le détail, on se rend compte que l'augmentation n'est due qu'au réengagement pluriannuel des mesures agro-environnementales, comme cela avait déjà été le cas dans le passé, notamment dans le budget pour 2016. Les MAEC - les mesures agro-environnementales - augmentent, en autorisations d'engagement, de 168 millions d'euros. Ce n'est donc pas un budget en augmentation qui prend en compte le désarroi des agriculteurs : c'est simplement un budget reconduit d'une année sur l'autre, c'est-à-dire un budget qui conserve son rythme de croisière alors que je pense, au sens propre comme au sens figuré, que l'agriculture est loin de vivre une période de douce croisière.

Trois augmentations budgétaires sont à signaler mais elles sont subies : 6 millions d'euros concernant la prévention des dégâts causés par les prédateurs - ça ne favorise pas l'agriculture ; 10 millions d'euros de plus sur le Brexit qui entraînera un besoin de réaliser davantage de contrôles aux frontières sur les denrées alimentaires ; enfin, et c'est finalement la seule décision que le ministère aura prise cette année, 25 millions d'euros pour des dépenses informatiques et pour anticiper le recensement agricole. En clair, compte tenu de ces éléments, dire que le budget augmente pour faire face aux difficultés des agriculteurs est une fausse information.

Le troisième point constitue une réelle déception et c'est pour ça que je vous demanderai de rejeter le budget de l'agriculture. Dans ce budget, rien n'est fait pour préparer l'avenir de l'agriculture. Le budget de la mission devrait permettre, par les financements apportés, de tracer une stratégie, de dessiner un plan, d'accompagner l'innovation, le développement numérique, de  traiter des problèmes tel que la couverture des agriculteurs face aux aléas climatiques, ou de lutter contre la formation de déserts vétérinaires en milieu rural. Dans ce budget, rien ne permet d'ouvrir ces débats essentiels. Nous avons voulu, avec les deux autres rapporteurs, élargir nos auditions sur ces éléments plus prospectifs : nous avons reçu les professionnels des solutions de biocontrôle et les syndicats du machinisme agricole. Nous nous rendons compte que l'agriculture a fait d'énormes progrès ces dernières années - les équipements d'épandage des produits phytopharmaceutiques en sont l'exemple typique avec la mise en place des buses anti-dérive ; avec la mise en place de l'intelligence embarquée avec la géolocalisation, nous avons la coupure des rampes automatiques qui permet de ne pas avoir une double dose au même endroit, ce qui diminue mécaniquement la quantité de phytosanitaires de 10 à 30 %... Aujourd'hui, s'ouvre une nouvelle ère avec l'intelligence artificielle embarquée : nous pourrons, avec un même outil, reconnaître une mauvaise herbe devant le tracteur puis en temps réel, transformer la bouillie nécessaire avec le produit phytosanitaire nécessaire, au microgramme près, pour traiter uniquement la plante par la rampe du pulvérisateur. Cela permettrait de diminuer entre 70 et 90 % des volumes de phytosanitaires. Si ce n'est pas le ministère de l'agriculture qui se charge de développer ces outils, de les vulgariser et de permettre leur accès aux agriculteurs, comment peut-on traiter les problèmes de notre agriculture avec une ambition partagée, celle de diminuer les volumes de produits phytosanitaires utilisés ?

Faute de ces outils, on ajoute des contraintes à l'exploitant. À chaque fois qu'on fait cela, on ouvre les portes un peu plus grandes aux importations. N'oublions jamais que nous consommons un peu plus d'un jour par semaine des produits agricoles importés et que sans doute un quart de ces produits importés ne correspondent pas à nos normes. On se devrait d'avoir ces éléments en tête. Et, pourtant, le budget de l'agriculture n'y répond pas.

J'ai proposé un amendement sur le suramortissement en première partie de ce projet de loi de finances qui a d'ailleurs été adopté par le Sénat. Cet amendement de suramortissement permettra de guider les investissements qui seront faits par des filières agricoles qui gagnent de l'argent - actuellement celle du porc parce que les cours ont augmenté - de façon à les inciter à se poser les bonnes questions pour préparer l'avenir. Ce dispositif de suramortissement, travaillé avec les filières, permettra d'inciter à réduire les risques d'exposition aux risques climatiques, de diminuer l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et d'améliorer la prise en compte du bien-être animal. Dans l'hémicycle, le Gouvernement a répondu que cela ne servait à rien parce que les agriculteurs avaient déjà l'épargne de précaution. Mais l'épargne de précaution n'a rien à voir. On ne peut pas dire aux agriculteurs il faut que vous épargniez pour préparer les aléas climatiques et les évolutions sanitaires et de l'autre côté leur dire on ne vous aide pas sur le suramortissement et sur les investissements pour l'avenir. Ce sont deux choses complémentaires et pas contradictoires. Ces éléments-là alimentent la légitime déception induite par ce budget.

Pour terminer, malgré un avis défavorable sur l'adoption de ce budget, nous pouvons déposer des amendements en notre nom afin de recueillir l'avis du ministre sur ces sujets en séance publique. Je vous proposerai, à cet égard, deux amendements d'appel. Le premier porte sur l'évolution des produits phytosanitaires. Aujourd'hui, il y a une ligne dans le budget du programme 206 qui permet de financer un accompagnement de la diminution des produits phytosanitaires qui est de 330 000 euros. Je vous propose dans cet amendement de la faire symboliquement passer de 330 000 à 1 330 000 euros.

Le deuxième amendement d'appel concerne les contrôles aux frontières sur les denrées alimentaires. On ne peut pas continuer à mettre autant de contrôleurs pour contrôler les exploitations en France, par exemple pour contrôler la surface cultivée d'une parcelle qui est toujours la même. Je propose qu'on puisse mettre ces contrôleurs aux frontières pour contrôler les produits importés qui ne correspondent pas à nos normes. C'est pour cela que je vous propose de passer cette ligne en ajoutant 3,4 millions d'euros qui correspondent à 100 ETP supplémentaires.

Petite anecdote sur les amendements que nous vous avions proposés l'année dernière. Ils ont tous été rejetés par le Gouvernement en séance publique mais finalement en partie mis en place pendant l'année.

Pour terminer, je vous propose donc de rejeter le budget de cette mission mais de voter favorablement sur le budget du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (CASDAR). Actuellement, on a une vraie question à se poser sur le CASDAR. Traditionnellement, on donne un avis de sagesse ou on rejette le budget du CASDAR faute de lisibilité sur ce qu'il finance. Le budget du CASDAR c'est 136 millions d'euros sur les cotisations des agriculteurs. Ces 136 millions servent, pour une part, environ 40 millions, aux chambres de l'agriculture, mais également aux instituts techniques, aux différentes associations qui ont la capacité de faire des investissements et de l'innovation. Nous n'avons pas besoin de tirer sur le CASDAR. Si Bercy veut récupérer les 45 millions qu'ils n'ont pas pu avoir par la réduction de la taxe sur les chambres d'agriculture, le risque est que l'année prochaine, ils se focalisent sur le CASDAR. Si nous donnons un avis de sagesse ou si nous rejetons le budget du CASDAR, nous donnerions la possibilité au ministère de reprendre notre décision en soulignant que si nous le rejetons, nous ne sommes pas convaincus de l'utilité du budget du CASDAR. Nous devons au contraire démontrer notre attachement à ce système qui est le seul à fonctionner comme cela dans le monde, avec des cotisations des agriculteurs qui permettent de financer l'innovation. Cela demande aussi - c'est pour cela que nous avions concentré nos auditions sur le CASDAR - que nous ayons pendant l'année des propositions pour rendre le CASDAR plus lisible, plus transparent et pour qu'il permette de mieux répondre aux attentes et aux enjeux stratégiques de l'agriculture.

Je vous demande donc de rejeter le budget de la mission agricole mais de voter favorablement sur le CASDAR.

Mme Françoise Férat . - Merci Madame la présidente et merci Laurent.

Au-delà de cette vision globale du budget, je souhaitais à mon tour vous faire part de quelques annonces qui ne manquent pas de nous inquiéter sur deux sujets : la compétitivité de notre agriculture et l'excellence de notre politique sanitaire qu'il convient de préserver.

Nos travaux ne cessent de rappeler que nos agriculteurs évoluent dans un marché mondial et qu'à force de parler de montée en gamme, on en oublie l'impératif de compétitivité. Je dois dire que l'année dernière nous avions réussi à remettre ce débat au coeur de l'actualité en sauvant le dispositif d'exonération dégressive de cotisations patronales pour les employeurs de travailleurs saisonniers (le TO-DE). Or il est toujours programmé que ce dispositif disparaisse en 2021. Il ne faut pas s'y résigner et nous avons déposé, avec Laurent et Jean-Claude, en notre nom, un amendement appelant à sa pérennisation. Il a été adopté au Sénat, avec l'avis défavorable du Gouvernement. En revanche, le Ministre nous l'a affirmé en commission : il est pour que ce dispositif se poursuive cette année, l'année prochaine, l'année suivante, ... Pourquoi ne pas l'acter dès aujourd'hui ?

Concernant la politique sanitaire, nos auditions permettent chaque année de dresser un état des lieux des risques auxquels nos agriculteurs sont exposés.

Le risque de peste porcine africaine demeure extrêmement présent. La clôture semble avoir contenu, jusqu'à présent, le risque, mais il convient de demeurer vigilant. Le budget prévoit à ce titre le maintien d'une ligne de 3 millions d'euros par an - cela me semble léger - pour des mesures de surveillance particulière. C'est essentiel pour notre filière porcine.

Il convient de noter également une recrudescence des cas de tuberculose bovine, même si la France reste bien sûr indemne, ainsi que l'apparition de quelques cas en 2019 de maladie d'Aujeszky et de brucellose. Ces cas sont maîtrisés grâce à l'excellence de notre système sanitaire de détection et de traitement, qu'il convient à chaque fois de saluer.

Concernant les végétaux, la surveillance va être renforcée à la suite de l'entrée en vigueur de deux nouveaux règlements européens en décembre 2019. Ils impliqueront une surveillance obligatoire d'environ 180 organismes de quarantaine, c'est-à-dire une multiplication par près de 6 du nombre d'organismes nuisibles à surveiller. Cela se traduira, mécaniquement, par une hausse des contrôles nécessaires, estimés à environ 10 000 contrôles supplémentaires, pour les FREDON, d'où la hausse du budget qui leur est accordée cette année d'environ 6 millions d'euros.

Concernant la sécurité sanitaire des produits que nous importons, nos préoccupations sont toujours aussi vives. Nous ne le répéterons jamais assez : les Français consomment de plus en plus de produits alimentaires importés, qui n'ont sans doute pas les mêmes garanties en matière de sécurité sanitaire que l'alimentation produite en France. Aujourd'hui, les contrôles sur les normes de production de ces denrées sont majoritairement réalisés dans le pays qui exporte. Il importe donc de renforcer les contrôles inopinés en France pour accroître notre sécurité alimentaire et surtout garantir une concurrence loyale avec nos agriculteurs.

C'est pourquoi nous avions soutenu, dès l'année dernière, que le recrutement de 40 ETP pour faire face au Brexit était insuffisant. Le Gouvernement nous avait répondu que nous fantasmions. Il en a finalement recruté non pas 40 mais 185 dès cette année, et il projette d'en recruter 175 de plus en 2020... Nous ne pouvons que nous féliciter d'avoir eu raison trop tôt. C'est pour acter ces recrutements anticipés et continuer de les réaliser cette année qu'au total, par rapport au budget de l'année dernière, le budget 2020 prévoit une hausse de 320 ETP des effectifs du programme 206 pour le Brexit. Mais je vais tempérer votre enthousiasme : ces emplois ont été financés par une réduction du plafond d'emplois du programme 146, celui qui est dédié à l'enseignement supérieur agricole. Je m'en suis inquiétée auprès de notre administration qui m'a répondu qu'il n'y avait pas à s'en faire.

Mais ces dépenses en faveur de notre sécurité sanitaire ne vont pas assez loin. Je rappelle que les Français - les chiffres sont importants - dépensent 0,3 euro par habitant et par an pour les inspections sanitaires sur les produits destinés à la consommation : c'est 1,5 euro par habitant aux Pays-Bas, 1,7 euro en Belgique et 2,4 au Danemark. Avec le Brexit et les accords de libre-échange, la France va devenir de plus en plus exposée aux importations de pays tiers : il est donc nécessaire de nous doter des moyens de contrôles à l'importation suffisants au nom de la sécurité sanitaire de nos consommateurs et afin d'assurer enfin une concurrence loyale avec nos producteurs. Pour ne pas alourdir les finances publiques, il est possible de redéployer de la masse salariale du ministère vers ces fonctions pour alléger les formalités administratives imposées à nos agriculteurs tout en renforçant les contrôles sur les denrées importées.

Le Brexit inquiète également nos pêcheurs, qui peuvent se voir interdire l'accès aux eaux britanniques. Le budget prévoit une aide d'urgence en cas de fermeture de ces eaux pour indemniser les navires restant à quai faute d'une activité économique suffisante : ce sont environ 50 millions d'euros qui ont été budgétés, tant par le FEAMP que par les crédits nationaux.

Je ne peux enfin pas conclure mon intervention, comme l'a évoqué mon collègue Laurent Duplomb, sans parler de la situation de nos vétérinaires. Dès l'année dernière, nous alertions sur le risque de voir apparaître dans nos campagnes des déserts vétérinaires, comme sont apparus des déserts médicaux. La tendance se poursuit cette année, faute d'une action résolue du ministère sur le sujet.

Je vous rappellerai ici trois tendances inquiétantes.

Premièrement, le nombre annuel de recrutements de vétérinaires stagne depuis 2016.

Deuxièmement, l'urbanisation des jeunes vétérinaires s'accroît encore un peu, avec des spécialisations de plus en plus tournées vers les animaux de compagnie. Par conséquent, le nombre de vétérinaires en élevage dans les zones rurales diminue.

Troisièmement, se développe un recours accru à des vétérinaires formés à l'étranger : 43 % des primo-inscrits à l'ordre national chaque année ont été formés à l'étranger, la moitié en Belgique sans doute par expatriation et l'autre moitié dans des pays comme la Roumanie ou l'Espagne.

On ne peut pas s'engager à aider nos éleveurs tout en les privant, en pratique, de la relation privilégiée qu'ils ont avec leurs vétérinaires ruraux. Des solutions existent, je le rappelle : je pense aux stages tutorés obligatoires en école nationale vétérinaire.

Et je rejoins donc Laurent dans sa démonstration en ajoutant qu'en plus du manque d'ambition de ce budget gestionnaire bien loin du budget visionnaire dont nous avons besoin, des facteurs d'inquiétudes nous appellent à vous inviter à ne pas adopter les crédits de la mission.

Je laisse la parole à Jean-Claude.

M. Jean-Claude Tissot . - Merci Madame la présidente, merci Françoise.

Je ne peux que confirmer les propos que nous venons d'entendre : ce budget ne permettra pas de répondre aux nombreuses attentes de nos agriculteurs.

Il témoigne d'ailleurs d'une vision court-termiste à laquelle nous ne pouvons pas souscrire.

Cela est visible dans trois domaines : la gestion des risques climatiques, la politique forestière et le fonds d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques.

Mon premier point concerne la gestion des risques climatiques.

En 2018 a été constituée une réserve pour aléas dotée de 300 millions d'euros. Elle a été réduite  en 2019 à 200 millions d'euros. Cette année, le Gouvernement l'ampute une nouvelle fois à hauteur de 25 millions d'euros pour la ramener à 175 millions d'euros.

Le ministre a annoncé lors de son audition devant notre commission qu'il ne voulait plus de cette réserve à terme. Même avec le renforcement de la solution assurantielle, c'est une erreur car, comme l'a démontré le rapport de Nicole Bonnefoy adopté à l'unanimité de la mission d'information sur les risques climatiques, les agriculteurs vont être très exposés à des sécheresses plus nombreuses et plus violentes - on l'a vu cette année, tout comme à des tempêtes de grêle et de pluies plus violentes et fréquentes. Et ces effets sont déjà perceptibles ! Les sécheresses des deux dernières années le démontrent.

Le ministre ne fait, au fond, que rétablir la vérité sur cette réserve budgétaire contre les risques qui n'est en fait qu'une assurance de l'État contre ses propres dysfonctionnements. Depuis sa création, la réserve a servi à financer à 70 % des apurements communautaires à l'Union européenne. On est très loin, nous le voyons bien, d'une vision stratégique destinée à permettre une meilleure prévention et une meilleure indemnisation des agriculteurs face aux risques climatiques auxquels ils sont exposés.

Mon second point concerne la politique forestière.

Souvenez-vous, l'an dernier nous avons dit : « la forêt va dans le mur ». Et nous y sommes, avec une cascade de réactions en chaîne qui se résume en trois phases.

En premier, la sécheresse a affaibli les défenses naturelles des arbres ; les insectes ravageurs ont ainsi pris le dessus et provoqué des dégâts considérables, avec, en particulier, des forêts du grand Est et des essences comme l'épicéa qui sont dévastées. Je précise que la crise sanitaire est, en réalité, assez générale : elle menace toutes les essences et ne se limite pas aux attaques de scolytes qui sont des petits scarabées. Deuxième phase : une fois morts ou scolytés, les arbres doivent être prélevés et mis sur le marché, ce qui implique des dépenses supplémentaires pour les forestiers. Leurs recettes vont cependant diminuer car l'augmentation des volumes fait baisser les prix, d'autant que le bois scolyté prend une teinte bleue ce que les acheteurs considèrent comme un facteur de dépréciation. Troisième phase : personne ne sait quelles essences replanter et les dégâts de gibier menacent la replantation.

Bref : les crédits de la forêt restent à un niveau ridiculement bas - 8 % du budget de l'agriculture - et en plus ils baissent de 2,5 %. Plus encore, ces crédits concernent essentiellement la forêt publique et je proposerai de ne pas pénaliser l'organisme qui dynamise la gestion de la forêt privée au moment où on en a le plus besoin en lui allouant 1,5 million de plus par un amendement d'appel déposé pour faire réagir le ministre. Bien entendu, c'est une goutte d'eau budgétaire : l'Allemagne, à titre de comparaison, prévoit 800 millions d'euros supplémentaires pour aider sa forêt face à la crise ; de notre côté nous proposons 16 millions d'euros sur trois ans. Mon dernier point concerne le fonds d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques.

Le Sénat a adopté une proposition de loi visant à créer un fonds d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques en 2018. Dans une version remaniée ciblée sur les maladies professionnelles, lors de la loi Egalim, la création du fonds a été votée à l'unanimité. Le Gouvernement, après l'avoir longtemps repoussée, a acté, à l'article 46 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, la création du fonds. Mais à la lecture de cette proposition gouvernementale, la solution proposée n'est pas satisfaisante.

Le dispositif prévoit une simple extension du régime de prise en charge des maladies professionnelles pour les agriculteurs salariés et non-salariés, ainsi qu'une prise en charge « forfaitaire » qui n'assurera pas une réparation intégrale des préjudices subis.

Peut-être serait-il opportun de rappeler au Gouvernement la rédaction initiale du Sénat sur ce sujet : un périmètre délimité aux maladies professionnelles et une réparation non forfaitaire des préjudices.

Surtout, pourquoi l'État devrait-il être le seul à ne pas participer au financement du fonds d'indemnisation ? C'est sous sa responsabilité que sont délivrées les autorisations de mise sur le marché des produits, les AMM, il est donc normal qu'il assume cette responsabilité en participant à l'indemnisation des victimes agricoles de ces produits. De plus, à faire reposer le financement uniquement sur les fabricants de produits phytopharmaceutiques, immanquablement la hausse va être reportée sur les agriculteurs ce qui augmentera considérablement encore les charges. Sur ces trois points, je constate trois désaccords profonds avec les positions que nous pouvons défendre régulièrement dans l'hémicycle ou en commission.

C'est pourquoi, avec les mêmes arguments qu'ont pu développer Françoise Férat et Laurent Duplomb, je vous propose de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de la MAAFAR mais d'émettre un avis favorable sur les crédits du CASDAR. Je vous remercie.

M. Daniel Gremillet . - Je voudrais remercier nos trois rapporteurs pour leur travail. Le secteur de l'agriculture est face à des défis et à des exigences franco-françaises. Elles ne sont ni internationales ni européennes : elles sont bien françaises. À la lecture de ce budget, on a le sentiment que nous ne sommes pas à la hauteur des ambitions et des enjeux qui sont devant nous. En matière agricole, par rapport au contrôle des denrées importées, je partage complètement la proposition qui est proposée. Il faut que nous soyons cohérents : nous avons voté l'article 44 lors de la loi Egalim - il ne s'agit pas que le Sénat soit en contradiction sa position ! Il faut que les Français aient dans leur assiette des produits répondant à ce qu'on exige des agriculteurs français. Il faut donc s'assurer que ce qui vient de l'extérieur soit de la même nature. Encore faut-il avoir les moyens de mettre en oeuvre ce qui a été voté. Je me réjouis de cette proposition parce qu'on est vraiment en cohérence entre ce qu'on peut décider lorsqu'on légifère et ce qu'on met en oeuvre dans le budget, immédiatement, dès lors que le texte est en application.

Deuxième exemple sur les vétérinaires. Je partage complètement ce qui a été dit. Mais je vais encore plus loin. Le risque de désert vétérinaire fait peser un risque énorme à la population humaine et n'est pas uniquement un risque sur les productions animales, mais bien un risque sanitaire ! Je rappelle que certains épisodes touchent bien sûr les animaux mais certaines maladies sont transmissibles à l'homme. Le dossier de la profession vétérinaire est donc un dossier qui intéresse l'ensemble des Français, où qu'ils soient. C'est un dossier majeur car les vétérinaires sont les gardiens du temple sur le territoire. C'est un vrai enjeu et là encore, si on est dans une situation favorable en France en termes de qualité de vie, ils en sont en grande partie responsables.

Je terminerai sur le dossier forêt. J'ai été très déçu de l'audition du ministre la semaine dernière. L'enjeu est majeur et la réponse tape complètement à côté. Je serai tenté de dire, là encore, qu'il n'y a aucun cap fixé par le ministère. La forêt serait susceptible d'apporter beaucoup de réponses aux enjeux de notre époque. On est très en retard en France sur le séchage du bois ce qui fait qu'on met sur le marché des produits qui ne sont pas conformes à la règlementation européenne. Résultat des courses : ce sont des produits qui viennent d'Allemagne qui sont dans nos bâtis.

Je partage complètement les propositions de nos rapporteurs, surtout celle de sceller dans le marbre le CASDAR parce que le CASDAR c'est 100 % des crédits financés par les agriculteurs et il est absolument essentiel que ces moyens permettent d'adapter l'agriculture aux défis.

Mme Anne-Catherine Loisier . -Je salue le travail conjoint et cohérent de nos trois collègues.

Ce qui ressort est qu'il y a visiblement un manque de vision et de projection dans l'avenir sur les questions agricoles et forestières. J'ai le sentiment qu'il y a une totale absence de prise en considération des dangers, en tout cas des menaces sur les aspects sanitaires, que ce soient les vétérinaires ou que ce soient les problèmes que rencontre la forêt avec la vulnérabilité qui est liée au changement climatique et donc les attaques parasitaires de plus en plus importantes et sur toutes les essences. L'Allemagne a pris la mesure du danger en investissant 800 millions pour rapidement évacuer les bois malades des parcelles. Ce que nous ne faisons pas aujourd'hui. Malheureusement on peut penser que c'est chronique et qu'il y aura un désastre au printemps prochain parce que les parasites repartiront de plus belle.

Je voulais juste revenir sur les aspects forestiers en soulignant la problématique sur le plafonnement des taxes affectées qui a déjà été évoquée par notre collègue Martial Bourquin il y a quelques jours. La forêt, malgré ses besoins d'investissements majeurs, est touchée par ce fléau puisqu'on plafonne la taxe de défrichement. Il y a seulement 2 millions qui viennent à la forêt et les 4 autres repartent dans le budget de l'État. Le fonds stratégique n'est pas réévalué. Je pense qu'il faut qu'on interroge le ministre là-dessus. Quand il a été créé, on était à 25 millions d'euros, aujourd'hui on en est à 18 millions. Donc au lieu de l'augmenter pour permettre le reboisement de la France, on le diminue. Concernant le CNPF, il est important qu'il y ait des acteurs - la forêt privée couvre une grande partie de notre territoire, les 2/3 de nos forêts - et aujourd'hui il y a 450 acteurs qui peuvent faire ce travail de conseil et de préconisation sur le terrain. Ce n'est vraiment pas le moment de diminuer les effectifs.

Notre collègue posera la question au ministre cet après-midi sur le plan scolyte et les 16 millions d'euros promis. Comment sont-ils mis en oeuvre sur le terrain ? Je voulais aussi vous alerter sur le problème que rencontrent de plus en plus de communes face à un déséquilibre de leur budget de fonctionnement puisqu'elles ne peuvent pas compter sur les recettes habituelles en matière de forêt et elles risquent d'avoir de grandes difficultés pour établir leur budget 2020. Donc peut-être conviendrait-il d'interroger le ministre sur ce sujet. Cela ramène la question sur sa capacité à mettre en oeuvre rapidement ce programme d'actions et de débloquer rapidement ces 16 millions d'euros sur l'ensemble des territoires forestiers.

M. Joël Labbé . -Mes chers collègues, je ne vais pas non plus voter les crédits de la mission agriculture. Une partie de vos arguments, je les entends : il y a effectivement un manque d'ambition dans ce budget mais il y a un manque d'ambition criant vers la transition agro-écologique, pour moi c'est évident et fondamental. Par rapport à la montée en gamme qui est quand même absolument souhaitable, on en oublie la question de la compétitivité. Effectivement, dans le cadre de l'alimentation mondialisée, à trop courir après une compétitivité par rapport au sud-est asiatique et au Brésil, on n'y arrivera pas. Mais on arrive quand même à gagner des marchés : on va vendre des cochons en Chine. On ne peut pas dire que ce n'est pas bien pour l'agriculture quelque part mais d'un autre côté on continue à importer des cochons d'Espagne. La filière porc ne se porte pas si mal, mais est-ce seulement durable ? J'ai renoncé à essayer de convaincre la majorité ici mais je n'ai pas renoncé à m'exprimer et à essayer de convaincre sur des avancées possibles vers la relocalisation de la production de l'alimentation qui est une nécessité future absolue. Je vais poser deux amendements particuliers concernant l'aide pour la restauration collective publique. Si on l'a votée, c'est qu'on avait des raisons de la voter et d'imposer le local et le bio. Par contre, il y a des difficultés, notamment pour certaines communes pauvres. Il s'agit de cibler ces communes pauvres pour les soutenir avec 15 millions d'euros, ce n'est pas rien mais ce n'est pas non plus la mer à boire. Le second est le soutien supplémentaire aux projets alimentaires territoriaux pour développer les filières de proximité parce qu'il y a une nécessité de mettre en place les filières de proximité.

M. Michel Raison . -À mon tour de féliciter avec sincérité les trois rapporteurs qui ont su démontrer qu'au-delà d'un budget stagnant - on y est habitués - il y a un manque de vision d'avenir au moment crucial où tout le monde se rend compte que la ferme France s'affaiblit. Tout doit se côtoyer en agriculture : il n'y aura jamais qu'un seul système, qu'une seule solution. Il y a d'abord toutes sortes de clientèles en France et dans le monde et si la ferme France se replie sur elle-même, ce n'est pas uniquement l'affaire des agriculteurs, c'est l'affaire de tous les Français puisque que la force de production alimentaire est stratégique pour un pays. Nous avons le droit de nous soucier de l'avenir de cette ferme parce qu'elle ne se construit pas d'année en année, elle se construit longtemps en avance ! Il est nécessaire d'agir dès maintenant pour que dans 20 ans on ne soit pas complètement déstabilisés. Laurent Duplomb a insisté sur la recherche : formation et recherche sont évidemment les mamelles de l'avenir. Permettez-moi une expression : si on veut que le bébé pousse bien, il faut que dès le début il tête du bon lait. La recherche est extrêmement importante : il faut que le ministère nous entende et qu'il y ait une mise à plat des dossiers agricoles et non uniquement des discours qui caressent l'opinion.

M. Henri Cabanel . -Je remercie les trois rapporteurs. Pour avoir été rapporteur pendant quelques temps, je sais tout le travail qui a été effectué et je connais la frustration quand on fait des propositions qui ne sont pas suivies. Je commencerai par les satisfactions et les partagerai avec Laurent Duplomb sur les chambres de l'agriculture, le fait de conserver le budget des chambres départementales, parce que je pense que la proximité est très importante pour notre agriculture. Il faut accompagner nos agriculteurs au plus près. Et j'embrayerai sur le manque de vision sur la formation des agriculteurs qui me paraît indispensable pour accélérer l'évolution de notre agriculture. Aujourd'hui, les agriculteurs sont obligés d'avoir un « certiphyto », valable pour 5 ans. Je pense qu'il faut le faire évoluer vers une vraie formation qui puisse accompagner les agriculteurs vers un avenir plus serein car, effectivement, dans ce budget, il n'y a pas de vision, si ce n'est au niveau des MAEC. Je souligne l'effort qui est fait parce que quoi qu'on veuille, il faudra quand même que les agriculteurs aillent vers une agriculture plus durable, tant souhaitée par notre société.

Concernant l'innovation, j'étais hier dans mon département à Montpellier puisque s'inaugurait le salon du SITEVI, un salon international des techniques agricoles. Je l'avais dit dans l'hémicycle il y a quelques années : les efforts devraient être portés sur les appareils de traitement. Effectivement il y a de grandes innovations dans lesquelles il me semble que le ministère devrait faire beaucoup d'efforts pour lutter afin qu'il y moins d'intrants dans les parcelles. Le problème est le prix de ces appareils. Les agriculteurs ne pourront pas s'équiper s'il n'y a pas une aide conséquente. Cela permettrait de diminuer de moitié les traitements avec des produits phytosanitaires avec une meilleure efficacité.

Sur la pêche, un Brexit sans accord serait dramatique - on l'avait prédit il y a quelques années. Il va y avoir toute une filière économique de la côte atlantique qui va disparaître parce que ce n'est pas parce qu'on va mettre 50 millions d'euros de plus pour désarmer les bateaux qu'on va trouver des solutions pour tous ceux qu'on va laisser de côté. Je m'étonne qu'il n'y ait pas une vision sur l'avenir de cette pêche.

Enfin, sur les risques climatiques, je suis d'accord avec Jean-Claude Tissot, il est important de garder l'enveloppe et de ne pas la diminuer d'année en année : la solution assurantielle seule ne compensera pas tout. On ne luttera contre les aléas climatiques qu'avec une multitude d'outils dont les crédits du budget général sur la gestion des risques.

Pour finir, je me fais un peu de souci. Avec Daniel Gremillet et d'autres collègues, nous avons auditionné les SAFER.  Je pense que les agriculteurs sont en danger parce que tout un tas de sociétés acquièrent du foncier au détriment des agriculteurs et si nous n'y prenons pas garde, s'il n'y pas une loi sur le foncier, comme l'avait promis le président Macron, si on ne prévoit pas un véritable statut de l'agriculteur, demain, les agriculteurs deviendront les salariés de ces grandes entreprises. C'est un danger qui nous menace et auquel il faut être très attentif.

M. Alain Duran . - Je voudrais revenir sur une ligne budgétaire et m'indigner de l'augmentation de 6 millions que prévoit ce budget sur la ligne « prédateurs ». Ce choix traduit une incohérence entre le discours et les actes. L'incapacité de nos gouvernants à contenir ces situations insupportables qu'ils ont créées eux-mêmes en décidant de réintroduire des loups dans les Alpes, des ours dans les Pyrénées pose de grandes difficultés sur les territoires. Ce n'est pas avec des millions qu'on va régler le problème. Ils seraient plus utiles dans d'autres secteurs. Une incohérence entre les discours et les actes parce que là, avec des millions d'euros, on est en train de détruire une agriculture exemplaire, qu'on appelle tous de nos voeux. C'est une agriculture propre, sans pesticides, sans intrants, ce sont des circuits courts, une viande de qualité, qui respecte le bien-être animal. Et qui plus est avec ces millions d'euros, on fabrique encore plus de fragilités, on fabrique de l'angoisse, du mal-être pour une profession qui, honnêtement, n'en a pas besoin aujourd'hui. Je voulais simplement dire que ces choix sont insupportables ; on les traduit avec des millions d'euros et ce n'est pas acceptable. Nos territoires ruraux et nos territoires de montagne n'en peuvent plus. La colère monte et je ne crois pas que ce soit avec cette ligne abondée de 6 millions qu'on apportera une vraie réponse au vrai problème.

M. Franck Montaugé . -Merci à nos collègues rapporteurs pour leur travail. Deux petits points. Je ne vois pas dans ce budget, comme certains l'ont dit, d'anticipation à caractère budgétaire par rapport à la transition que va induire nécessairement la future politique agricole commune. On craint tous les questions budgétaires par rapport à ce budget-là. Je ne vois rien en termes de vision, d'anticipation dans ce budget par rapport aux difficultés considérables dans lesquelles l'agriculture française risque probablement de se trouver avec cette future politique agricole et en disant cela, j'espère me tromper. Je ne vois pas non plus de moyens suffisants en matière de formation et de recherche et en particulier sur le numérique dans le domaine agricole, ce qu'on peut appeler le « big data » agricole. Il y a un enjeu de souveraineté nationale par rapport à ce sujet considérable que l'on néglige complètement. On va se réveiller quand il sera trop tard et quand des données stratégiques pour l'agriculture et pour la France seront dans les mains d'acteurs qu'on ne pourra plus maitriser, si ce n'est pas déjà le cas. Il y a un gros sujet et on passe complètement à côté. Ce budget est un budget de reconduction et il n'est pas du tout à la hauteur des enjeux auxquels doit faire face l'agriculture pour exister au XXI e siècle au plan national, européen et mondial.

M. Pierre Cuypers . - Je voudrais revenir sur deux sujets. Je trouve que dans le budget de la forêt, il n'y a pas de mesure importante qui permettrait d'éradiquer un certain nombre de pandémies. Je pense à la chenille processionnaire qui aujourd'hui est en train d'envahir notre pays et nous n'avons pas de mesure qui soit prise avec des budgets conséquents. Or aujourd'hui on est en train de se faire grignoter. Dans mon département, on ne peut plus vivre à certaines périodes de l'année en raison du poil urticant. Il n'y a pas de moyen pour contenir ce phénomène ! Il faut que l'on arrive à traiter ce problème avec des budgets qui soient à la hauteur. Deuxièmement, je voulais poser une question à Laurent Duplomb qui souhaitait avoir 100 ETP supplémentaires pour le contrôle. Connaît-on le nombre de fonctionnaires attachés à l'agriculture ? Est-ce qu'on peut aussi avoir un éclairage sur l'évolution de la masse salariale des fonctionnaires qui sont attachés à l'agriculture par rapport à un nombre d'agriculteurs qui diminue de jour en jour ?

M. Franck Menonville . - Je voudrais vraiment remercier et féliciter les rapporteurs pour le travail qu'ils ont réalisé afin de nous éclairer sur ce budget. Je serai un peu plus équilibré sur ce budget. Grâce à notre mobilisation, on a quand même réussi à infléchir des éléments qui auraient accentué la situation de l'agriculture, comme sur la question des chambres d'agriculture pour lesquelles nous avons réussi à maintenir le budget et le maillage territorial. Ne pas imposer à marche forcée une régionalisation est une chose importante. L'an dernier, nous avons réussi à nous mobiliser pour que le TO-DE soit maintenu ; c'est une bonne chose qu'il le soit encore cette année. Il faut l'inscrire dans le temps, en tout cas le temps qui sera nécessaire pour garantir la compétitivité des exploitations concernées. Je pense qu'il faut également maintenir le CASDAR pour le mobiliser et en faire un outil stratégique dans le but d'accompagner toute la recherche et l'innovation. Ce sont les points assez positifs. Ma deuxième partie d'intervention sera plus négative et ira dans le sens de plusieurs interventions de mes collègues. Effectivement, c'est un budget purement budgétaire : on reproduit ce qui se fait depuis plusieurs années, des lignes budgétaires relativement linéaires, sans prendre en compte, que ce soit au niveau de l'agriculture ou de la forêt, les enjeux qui sont les nôtres en matière de formation, d'innovation, d'investissements sur l'avenir - on parlait d'intelligence artificielle. Avec le verbe nous pouvons faire beaucoup - transition écologique, transition agro-écologique, sortie des phytosanitaires, mais sur le terrain, c'est par l'innovation, par la recherche et par un investissement important que nous arriverons à répondre effectivement à ces enjeux. Le budget ne correspond pas et n'a pas de vraie vision d'avenir mais il ne fait que des arbitrages budgétaires.

M. Bernard Buis . -Je rejoins Franck Menonville sur la satisfaction du budget des chambres d'agriculture qui a été maintenu. Je crois que c'est important et tout le monde était mobilisé. Deux mots concernant l'innovation. Dans la Drôme, tous les deux ans, on a un salon qui s'appelle Tech&Bio où on voit beaucoup de matériel qui était au départ destiné à l'agriculture biologique - aujourd'hui beaucoup de conventionnels utilisent des robots désherbants ou autres ; ce qui permet d'avoir beaucoup moins de produits phytosanitaires. Effectivement, l'achat de ce matériel est assez onéreux mais la région Rhône-Alpes et le département de la Drôme financent les acquisitions ; ce qui fait que les agriculteurs peuvent avoir des subventions jusqu'à hauteur de 60 % pour acheter ce matériel qui devient très intéressant. Ce matériel est peu utilisé et il pourrait très bien se répandre. J'ai une inquiétude sur la loi foncière évoquée par mon collègue. On assiste de plus en plus à des acquisitions de fermes en montagnes par des associations qui défiscalisent puisqu'elles bénéficient de dons défiscalisés et la SAFER ne peut pas lutter dans la mesure où cela a pour effet de multiplier par quatre les prix du foncier. Aujourd'hui, on a donc des réserves naturelles qui sont inutilisées ainsi que des réserves d'animaux sauvages avec, derrière, un gros problème avec la prédation puisque sur ces montagnes-là, on a des loups à profusion et cela pose un problème pour l'agriculture environnante. Je pense que la loi foncière sera vraiment attendue.

M. Laurent Duplomb . - Je vais essayer d'être rapide pour répondre à toutes les questions et on le fera à plusieurs voix s'il y a des choses à ajouter. Sur la question de Daniel Gremillet sur les exigences franco-françaises, n'oublions pas que la compétitivité entre la France et les autres pays est caractérisée par trois points essentiels. Le premier est la différence de coût de la main d'oeuvre : 1,5 fois plus cher en France qu'en Allemagne, 1,7 fois plus cher en France qu'en Espagne, plus de 2 fois plus cher en France qu'en Pologne sur certaines productions. Deuxième élément de manque de compétitivité et d'exigences franco-françaises, c'est qu'entre 2016 et aujourd'hui, il y a 6 à 7 % de charges supplémentaires en France pour le même produit. Le troisième élément est donné par l'OCDE qui classe la France comme le pays où les normes environnementales sont les plus importantes. Ce qui crée obligatoirement des distorsions de concurrence avec les voisins qui sont juste à côté. Ce qui explique que 25 % du porc consommé en France est espagnol ou allemand alors qu'il y a encore quelques années, le porc français était encore exporté en Allemagne.

Sur les menaces sanitaires, je voudrais élargir le propos d'Anne-Catherine Loisier. En Chine, aujourd'hui, ce sont des millions de porcs chinois qui sont abattus, pas abattus pour être consommés, mais pour être enterrés, pour être détruits et enfouis. Aujourd'hui, en Chine, ce sont des fosses de dizaines de millions de mètres cubes qui sont creusés tous les jours pour enfouir les cochons. C'est ça la réalité de la Chine. Aujourd'hui, un agriculteur chinois qui a un voisin ayant attrapé la peste porcine africaine vend en une journée la totalité de son élevage. Sinon, en 8 jours, il est décimé. Le porc en France était à 80 centimes le kilo, aujourd'hui, il est passé à 1 euro 80 et il est vendu en Chine jusqu'à 6 euros le kilo.

Les experts disent que même si on arrive à se relever de la peste porcine africaine, cela prend plus de 10 ans. Ça veut dire que les cours du porc risquent d'être élevés près de 10 ans. Si cette crise arrive en France, ce serait une crise extrêmement grave qui serait loin d'être traitée en quelques semaines. Tout cela devrait aussi nous poser des questions.

Une remarque sur la relocalisation. Il faut qu'on développe les circuits courts. Il n'y a aucun problème là-dessus. Mais, comme pour les produits phytosanitaires, il ne faut pas opposer les produits locaux et le reste. Mon département produit 410 millions de litres de lait. Et ce n'est pas un département de Bretagne, c'est un département du Massif central où on produit du lait à plus de 600 mètres d'altitude. Si on voulait faire boire les 410 millions de litres aux 230 000 habitants, il faudrait qu'ils en boivent matin, midi et soir et tout le reste des 20 et quelques heures. On a besoin de relocaliser pour apporter un sentiment d'appartenance au consommateur mais, d'un autre côté, on ne peut pas tuer tout ce qui a été monté par l'agroalimentaire, secteur dont certaines industries sont des coopératives créées par les agriculteurs regroupés pour pouvoir peser sur 3 facteurs : la consommation directe qui passe par les GMS ou les circuits courts, la consommation hors foyer qui correspond à 1/3 de la production et les exportations qui compte pour 25 % des revenus des agriculteurs. Si on s'attache absolument à relocaliser, on oublie la nécessité d'exporter un certain volume.

Michel Raison, je pense que l'agriculture est en panne uniquement parce qu'il y a un manque de vision. Quand Gambetta disait qu'il fallait faire chausser les sabots de la République aux paysans, cela a abouti à ce qu'il y ait beaucoup de paysans sur les monuments aux morts entre 1914 et 1918, tout simplement parce qu'ils défendaient leurs terres, leurs propriétés. Une loi foncière ne doit jamais oublier que les agriculteurs et les paysans se sont battus pour avoir un lopin de terre et qu'il n'y a pas encore si longtemps flottait au-dessus d'eux une épée de Damoclès le 31 mars de chaque année parce qu'étant métayers, leur propriétaire pouvait les renvoyer du jour au lendemain en mettant quelqu'un d'autre à leur place. Cette loi foncière doit rester, sur le statut du fermage, une protection pour l'agriculture.

Cher Henri Cabanel, un point sur la formation des agriculteurs. N'oublions jamais qu'on a cédé une tentation dans le passé qui a abouti à arrêter de faire des stages à l'extérieur, de faire des kilomètres pour aller se former ailleurs. C'était une erreur. Quand je vois qu'un jeune s'installe à l'âge de 16 ans après avoir fait un apprentissage chez ses parents, une formation uniquement chez ses parents, dans un lycée agricole à 15 ou 30 kilomètres de chez lui, j'ai l'impression de retourner 80 ans en arrière. Il faut se poser cette question essentielle du décloisonnement de la formation agricole.

Sur les appareils de traitement, il y a effectivement un boulevard de développement.

Alain Duran, sur le loup, ce sont les paradoxes d'une société qui ne s'assume plus. Et sur l'agriculture, c'est malheureusement un exemple parmi d'autres. Quand on interdit le glyphosate et qu'on importe des céréales canadiennes qui sont toutes défanées au glyphosate, c'est la même chose. On ne regarde pas les problèmes en face et on oppose sans arrêt les choses. On veut une agriculture qui soit digne de ce nom et respectueuse de l'environnement et on lui met des contraintes tellement importantes que derrière on conduit certains agriculteurs au suicide et on diminue leur capacité de production.

Franck Montaugé, sur la PAC, je ne suis pas complètement d'accord avec toi. Il y a 15 millions d'euros dans ce budget qui sont consacrés par l'Agence de services et de paiements à la réforme informatique du traitement d'une certaine évolution de la PAC, et en particulier à une évolution de la PAC en termes de contrôles qui ne se feront plus sur place mais qui pourraient se faire de manière informatique en temps réel. Cela pourrait avoir des avantages sur le délai de paiement des aides PAC mais cela peut avoir d'autres inconvénients avec des vérifications à un jour près, à heure près, sans souplesse particulière.

Pierre Cuypers, il y a 15 130 fonctionnaires qui travaillent dans l'agriculture pour 500 000 agriculteurs. Cela fait un fonctionnaire pour 30 agriculteurs, c'est énorme. Et si on ajoute l'enseignement, on monte à 31 000 ce qui fait un fonctionnaire pour 15 agriculteurs.

Franck Ménonville, sur le TO-DE et CASDAR, je suis tout à fait d'accord. Il faut qu'on incite le gouvernement à continuer le TO-DE après la date fatidique.

Bernard Buis, je voudrais souligner cette reconnaissance que la région Rhône-Alpes-Auvergne avec son président fait un travail exceptionnel pour financer du matériel pour réduire l'utilisation de produits phytosanitaires.

Mme Françoise Férat . - J'ajouterai simplement quelques éléments. Henri Cabanel, sur les pêcheurs, tout est fait comme si on ne croyait pas au Brexit. On a mis 50 millions pour voir. Il fallait mettre quelque chose parce qu'on ne sait jamais. Mais ce n'est pas à la hauteur des difficultés qui s'annoncent à l'avenir. Sur les vétérinaires, Daniel Gremillet a raison. Qui mieux que ce binôme éleveur-vétérinaire peut repérer et encadrer d'éventuelles difficultés que ce soit en termes d'épidémie ou de maladie ? Une remarque plus générale et personnelle : pour moi l'agriculture est une chaîne où tous les maillons sont indispensables et qu'on a envie de localiser et de protéger. Mais il n'y a pas de vision. On gère le quotidien du mieux qu'on peut, on colmate les points qui dérangent. C'est comme si on attendait une rentrée d'argent car on sait que l'embellie va arriver mais dans le domaine de l'agriculture, elle ne va pas arriver. Qui mieux que les parlementaires dans les territoires sont au courant de ce qui s'y passe vraiment ? C'est un ensemble qu'il nous faut continuer de porter et de crier fort. Je salue l'engagement et la motivation de Laurent Duplomb.

M. Jean-Claude Tissot . - Je vais être bref. Je suis rassuré : je pensais être trop d'accord avec Laurent Duplomb mais on garde certaines divergences sur certains sujets. Je voudrais remercier mes collègues pour ce travail collégial mais aussi mon collègue Henri Cabanel qui était le précédent rapporteur.

Pour informer Alain Duran, on a une audition du préfet avec le groupe pastoralisme qui va nous faire part du plan loup qu'il a mis en place. Sur la forêt, je suis complètement d'accord, il faut un grand plan sanitaire et un grand plan de prévention.

Si on compare simplement les budgets, puisqu'on se compare souvent à l'Allemagne, 800 millions d'euros en Allemagne vont être investis sur la forêt tandis que nous n'en débourserons que 16 millions, dont 6 seront dédiés aux transports. Sur la relocalisation, je suis de l'avis de Joël Labbé mais il faut faire attention à ce que la marche ne soit pas trop haute. Je ne crois pas au fait d'imposer des choses aux gens. On arrive à des objectifs qu'on peut définir ensemble certes, mais grâce à l'adhésion des gens. Je pense qu'on est dans la bonne dynamique. Aujourd'hui des gens qui étaient très loin d'une production raisonnée comprennent que c'est une vraie demande sociétale.

Quand Laurent Duplomb parle de la problématique du porc, il ne faut pas oublier que la filière se porte bien parce qu'on a une rigueur en termes de règles, en termes de normes. C'est aussi l'antagonisme : quand on a beaucoup de normes, on évite les maladies.

Pour le budget de la PAC, on a un groupe de travail là-dessus et on a un vrai point de vue à faire valoir.

Quand on parle d'une réforme foncière, cela ne veut pas dire qu'on va spolier les gens qui ont acheté des terrains. Je suis d'accord avec Laurent Duplomb, il faut être très attentif à la règle du fermage parce que dans nombre d'endroits c'est la seule manière d'exploiter.

Mme Sophie Primas . - Merci à tous d'avoir participé à ce débat très riche. Je vous rappelle qu'il y a une proposition d'avis défavorable sur l'ensemble des crédits de cette mission et une proposition d'avis favorable sur les crédits du CASDAR.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales et un avis favorable sur les crédits du compte d'affectation spéciale Développement agricole et rural.

Mme Sophie Primas . - Afin d'interpeller le ministre en séance, les rapporteurs proposent à leur nom des amendements. Je leur laisse la parole pour qu'ils présentent rapidement ces amendements.

M. Laurent Duplomb . - Je propose de monter la ligne budgétaire dédiée à la promotion des alternatives aux produits phytopharmaceutiques de 300 000 euros à 1,3 million d'euros afin d'accompagner les agriculteurs après certaines interdictions de produits phytosanitaires. Je propose également d'augmenter de 3,4 millions d'euros la ligne correspondant aux contrôles des produits phytosanitaires importés de manière à ce qu'on se donne les moyens de mettre en place l'article 44 de la loi Egalim, c'est-à-dire de faire rentrer des produits qui répondent aux mêmes normes que celles qu'on impose à nos agriculteurs français.

Mme Françoise Férat . - Mon amendement concerne les stages tutorés. On a constaté que 80 élèves ont pu en bénéficier et que 95 % de ceux-là ont choisi d'exercer en production animale en zone rurale. Donc je vous propose de financer plus de places en augmentant cette ligne comme l'année dernière au total de 1,5 millions d'euros. Il manquerait 900 000 euros à ce stade pour atteindre ce niveau voté l'an passé au Sénat. Je vous propose d'adopter un amendement pour atteindre ce niveau.

M. Jean-Claude Tissot . - J'ai deux amendements : remettre le million d'euros pour le CNPF avec tous les arguments qu'on vient de développer sur la forêt et puis encourager l'État à participer au fonds d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques à hauteur de 5 millions d'euros.

M. Laurent Duplomb . - Je vous remercie d'avoir passé pas mal de temps sur l'agriculture. Je pense qu'elle le méritait.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 15 octobre 2019

- Office national des forêts : M. François BONNET , directeur général adjoint.

- Direction du budget : M. Morgan LARHANT , sous-directeur.

- Chambres d'agriculture de France : MM. Claude COCHONNEAU , Président, Enzo REULET , chargé de missions - affaires publiques, France, Europe, International - direction communication et relations publiques.

- Caisse centrale de la mutualité sociale agricole : M. Régis JACOBE , vice-président, Mme Christine DUPUY , directrice de la réglementation, M. Christophe SIMON , chargé des relations parlementaires.

Mercredi 16 octobre 2019

- Ministère de l'agriculture et de l'alimentation : Mmes Marie-Agnès VIBERT , cheffe du service gouvernance et gestion de la PAC, Manon HURÉ , cheffe du bureau des établissements publics.

- Direction générale de l'alimentation au sein du ministère de l'agriculture : MM. Bruno FERREIRA , directeur général, Benjamin GENTON , sous-directeur du pilotage des ressources et des actions transversales, Mmes Marie LUCCIONI , adjointe au sous-directeur du pilotage des ressources et des actions transversales, Leldja CHAIB , secrétariat général - service des affaires financières, sociales et logistiques.

- AXEMA : MM. Alain SAVARY , directeur général, David TARGY , responsable du Pôle économique, Christophe RONDEL , conseil en communication.

Mardi 22 octobre 2019

- Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation : M. Frédéric GUEUDAR DELAHAYE , directeur des pêches maritimes et de l'aquaculture.

- Union des industries de la protection des plantes : M. Bruno BARANNE , président, Mmes Eugénia POMMARET , directrice générale, Emmanuelle PABOLLETA , directrice communication et affaires publiques.

- Cerfrance : MM. Hervé DEMALLE , président du Conseil national, Philippe BOULLET , directeur du pôle performance et prospective du Conseil national, Gilles PERDRIOL , référent fiscal du Réseau.

- ACTA - Réseau des instituts des filières animales et végétales : M. Sébastien WINDSOR , président.

- Ministère de l'agriculture et de l'alimentation : MM. Christian LIGEARD , directeur des affaires financières, sociales et logistiques, Christian JACQUOT , chef du bureau de la fiscalité, Philippe LINTANF , chef du bureau de la synthèse budgétaire.

Mercredi 23 octobre 2019

- Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail : Mmes Agathe DENÉCHÈRE , directrice générale adjointe, Sophie LE QUELLEC , directrice de cabinet, directrice de la communication et des relations institutionnelles, Caroline SEMAILLE , directrice générale déléguée, pôle produits réglementés.

Mardi 5 novembre 2019

- IBMA France : M. Denis LONGEVIALLE , secrétaire général.

- Agence de services et de paiement : M. Stéphane LE MOING , président-directeur général.

Mercredi 6 novembre 2019

- FranceAgriMer : Mme Christine AVELIN , directrice générale, M. Jacques ANDRIEU , chef de la mission filières.

- DGPE-DGER (Casdar) : Mmes Bénédicte HERBINET , sous-directrice de la recherche, de l'innovation et des coopérations internationales, Elisabeth LESCOAT , adjointe à la sous-directrice de la recherche, de l'innovation et des coopérations internationales, MM. Sébastien BOUVATIER , adjoint au sous-directeur de la performance environnementale, Thierry THURIET , chef du bureau développement agricole et chambres d'agriculture.

- Fredon France : MM. Joël ROUILLÉ , président, Olivier PÉCHAMAT , directeur réseau et affaires juridiques.

ANNEXE

Document produit par les instituts techniques pour le salon international de l'agriculture en 2019 - Consultable à l'adresse internet : http://www.acta.asso.fr/fileadmin/user_upload/21_innovations_SIA_2019.pdf .


* 1 Audition devant la commission des affaires économiques du Sénat du 12 novembre 2019.

* 2 Rapport d'information n° 628 (2018-2019) de Mme Nicole Bonnefoy, fait au nom de la mission d'informaiton sur la gestion des risques climatiques.

* 3 0,15 € par hectolitre pour les vins d'appellation d'origine ; 0,12 € par hectolitre ou 1,2 € par hectolitre d'alcool pur pour les boissons alcoolisées d'appellation d'origine autres que les vins ; 0,03 € par hectolitre pour les produits vitivinicoles bénéficiant d'une indication géographique protégée ; 0,075 € par hectolitre ou 0,75 € par hectolitre d'alcool pur pour les boissons alcoolisées bénéficiant d'une indication géographique autres que les produits vitivinicoles bénéficiant d'une indication géographique protégée ; 10 € par tonne pour les produits agroalimentaires ou forestiers d'appellation d'origine autres que les vins et les boissons alcoolisées ; 7,5 € par tonne pour les produits bénéficiant d'une indication géographique protégée, autres que les produits vitivinicoles et boissons alcoolisées. 0,075 € par hectolitre ou 0,75 € par hectolitre d'alcool pur pour les boissons alcoolisées bénéficiant d'un label rouge autres que les produits vitivinicoles bénéficiant d'une indication géographique ; 7,5 € par tonne pour les produits bénéficiant d'un label rouge autres que les produits vitivinicoles et boissons alcoolisées.

* 4 Règlements relatifs à la santé des végétaux (2016/2031/UE) et aux contrôles officiels (2017/625/UE)

* 5 Article L. 741-16 du code rural et de la pêche maritime.

* 6 Au 4° du III de l'article 8 de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.

* 7 Audition devant la commission des affaires économiques le mardi 12 octobre 2019.

* 8 CGAAER, rapport n° 15054-12 de février 2017 de la mission d'expertise et de conseil sur la mise en oeuvre de la politique de prévention et de lutte contre la tuberculose bovine.

* 9 https://agriculture.gouv.fr/la-situation-de-la-fco-en-france

* 10 Réponse au questionnaire budgétaire.

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