FRANCE MÉDIAS MONDE : DES MOYENS INSUFFISANTS, DES INCERTITUDES À VENIR

Les perspectives de France Médias Monde sont inquiétantes, malgré ses résultats, d'autant que plane sur elle une grande incertitude liée à la nouvelle loi sur l'audiovisuel à l'ère du numérique qui viendra en discussion début 2020 à l'Assemblée nationale et au printemps au Sénat.

I. UN CONTRAT D'OBJECTIFS AMBITIEUX, UNE EXCÉCUTION CONTRARIÉE

A. UN CONTRAT AMBITIEUX À LA HAUTEUR DES ENJEUX

Le COM 2016-2020 2 ( * ) répondait au triple défi auquel l'audiovisuel extérieur est aujourd'hui confronté : l'intensification de la concurrence, la révolution numérique et les évolutions technologiques, avec le passage progressif à la TNT en Afrique, et, enfin, le développement de la haute définition. Le constat reste d'actualité.

Il permettait de stabiliser le financement public à 96 % des ressources et affirme ainsi la vocation de service public de la société. Il témoignait ainsi de la capacité de l'État à récompenser l'efficacité de la gestion d'un opérateur vertueux et de l`importance qu'il attache à ces médias en appui de sa politique d'influence. Le PLF 2020 après les PLF 2018 et 2019 compromettent la réalisation de ces objectifs ou les repoussent au mieux à l'horizon 2022, malgré les remarquables et opiniâtres efforts de limiter les coûts de fonctionnement.

B. DES ARBITRAGES BUDGÉTAIRES QUI IMPOSENT DE LOURDES CONTRAINTES

1. Une contrainte budgétaire importante

La trajectoire de financement arbitrée par le Gouvernement en juillet 2018 à horizon 2022 prévoit une baisse de la dotation allouée à FMM à hauteur de 3,5 M€ (HT) par rapport à 2018. Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit l'allocation à FMM d'une dotation de 255,2 M€ (HT) en recul de 1 M€ par rapport à 2019 et en retrait de 9,9 M€ par rapport à la trajectoire fixée dans le COM.

Trajectoire de financement de FMM par la contribution à l'audiovisuel public

(en millions d'euros)

COM

LF

Écart

2016

244,0

244,0

0

2017

251,5

251,5

0

2018

259,3

257,8

1,9

2019

265,1

256,2

6,9

2020

265,1

255,2

9,9

2015/2020

21,1

13,2

9,9

Taux de couverture des nouveaux développements

100%

62,6%

37,4%

Cette remise en cause de la trajectoire de financement intervient deux ans après l'engagement du COM et donc après le lancement des nouveaux développements (lancement de France 24 en espagnol 3 ( * ) , passage partiel de la diffusion de France 24 en HD 4 ( * ) ) qui alourdissent les coûts de fonctionnement. Elle place l'opérateur dans une situation difficile alors qu'il doit faire face, par ailleurs, à des augmentations incompressibles de ces charges liées :

• aux effets glissement de la masse salariale dans le cadre de la NAO ;

• à l'augmentation des amortissements liés aux programmes d'investissement technique ;

• à l'obligation de mise en oeuvre du Règlement général sur la protection des données et au renforcement de sa protection contre les risques de cyberattaques ;

• aux indexations contractuelles inéluctables (augmentation des coûts de l'électricité, des coûts de maintenance, des frais de diffusion et de distribution...).

2. La recherche d'économies de fonctionnement et de structures, au-delà de l'objectif ambitieux de maitrise des charges déjà inscrit dans le COM est de moins en moins possible

Pour financer ces impasses budgétaires, la société, certes, parvient encore à force de renégociations coûteuses en énergie et avec le concours de ses personnels à réaliser des nouvelles économies sur son fonctionnement :

• en maîtrisant l'évolution de la masse salariale (53 % du budget global) 5 ( * ) par :

o des gains de productivité liés aux départs non remplacés dont les coûts ont été provisionnés en 2017,

o la baisse des remplacements de personnel (piges et CDD) au sein de la rédaction de RFI et de la direction technique dans le cadre de l'allongement du temps de travail des personnels permanents de l'activité radio.

• en réduisant certains coûts de fonctionnement, en notant toutefois que certaines de ces économies n'ont pas d'effets sur les exercices suivants :

o réforme de la rédaction en anglais de RFI dans le cadre du passage au numérique,

o renégociation du contrat avec la Société pour la perception de la rémunération équitable 6 ( * ) ,

o économies sur les dépenses de communication et de marketing (y compris de France 24 en espagnol qui vient d'être lancée et a besoin d'un fort soutien pour développer sa reprise sur le continent latino-américain),

o économies liées aux appels d'offres dans le cadre des renouvellements de contrats,

o renégociation anticipée du bail des locaux du siège en 2019 avec une économie actuelle de 1,3 M€ hors indexation et une prise en charge de travaux de rénovations par le bailleur à hauteur de 2,9 M€ sur la durée du bail.

De surcroît, l'impasse budgétaire ne peut pas être compensée par un accroissement des ressources propres, qui, au demeurant, ne représentent que 4 % des ressources de FMM :

• celles-ci ne progressent significativement que du fait de la hausse des subventions des bailleurs de fonds internationaux, avec en contrepartie une augmentation des charges des projets de développements que ces subventions financent à due concurrence, donc sans impact sur le résultat ;

• leur montant est peu élevé en raison de facteurs structurels :

o morcellement du marché publicitaire mondial, d'ores et déjà dominé par les diffuseurs anglophones,

o limitation du champ de commercialisation des espaces publicitaires spécifiques aux médias d'information (interdiction de parrainer des journaux ou magazines par exemple),

o la volatilité du montant des ressources publicitaires numériques, dont le niveau dépend du référencement des contenus, lui-même étant fonction du paramétrage des algorithmes de recommandation des principaux acteurs du numérique.

Le changement de portage de la commercialisation des espaces publicitaires de France 24 en Afrique depuis 2018 n'a pas fait évoluer significativement les recettes.

Le décret permettant l'ouverture de la publicité de marque pour RFI Ile-de-France, prévu par le COM, n'a toujours pas été publié (trois ans après l'ouverture du marché à Radio France). Les restrictions à la diffusion en linéaire de France 24 sur la TNT en Ile-de-France et outre-mer vont réduire sa capacité à opérer sur des marchés solvables.


* 2 Ce contrat a fait l'objet d'une présentation exhaustive dans un rapport d'information de la commission préalable à son adoption par le conseil d'administration de FMM et à sa signature par l'État (Sénat - Rapport d'information n° 147(2016-2017) par Mme Garriaud-Maylam, p. 15 http://www.senat.fr/rap/r16-147/r16-1470.html ) et de développements dans son avis sur le PLF 2018 Avis n° 110 (2017-2018) de Mme Garriaud-Maylam et M. Vall p. 11 et suiv : http://www.senat.fr/rap/a17-110-10/a17-110-101.pdf

* 3 Voir infra p.16.

* 4 Voir infra p.27.

* 5 La masse salariale de FMM est passée de 139,4 M€ en 2017 à 141,8 M€ en 2018 soit en dessous des objectifs fixés par le COM, il devrait en demeurer ainsi en 2019.

* 6 1,1 M€ en 2018, mais seulement 0,3 M€ reconductible les années suivantes et 0,8 M€ liée à l'application rétroactive sur 2017 et 2018 des nouvelles conditions applicables.

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