EXAMEN EN COMMISSION

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Réunie le 27 novembre 2019 sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission examine le rapport pour avis de M. René-Paul Savary sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » du projet de loi de finances pour 2020.

M. René-Paul Savary , rapporteur pour avis des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite ». - Pour la troisième année consécutive dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances, notre commission examine conjointement les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ».

Cet avis budgétaire nous permet de consolider notre analyse sur l'objectif de dépenses de la branche vieillesse que nous avons adopté dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, d'un montant de 247,3 milliards d'euros. Ce montant couvre les dépenses de l'ensemble des régimes de base obligatoires, y compris des régimes intégrés concernés par ces deux missions.

Le CAS « Pensions » retrace principalement les recettes et les dépenses du régime de retraite de la fonction publique de l'État, qui sont par construction équilibrées, et qui atteindront en 2020 un montant de 59,6 milliards d'euros.De son côté, la mission « Régimes sociaux et de retraite » fixe les crédits budgétaires affectés aux subventions d'équilibre versées à onze régimes spéciaux de retraite.

En 2020, alors que ces onze régimes spéciaux verseront environ 9 milliards d'euros de prestations, ils bénéficieront de subventions d'un montant cumulé de 6,3 milliards d'euros, soit plus des deux tiers de leurs prestations financées par la solidarité nationale, et donc par l'impôt.

Le CAS « Pensions » regroupe trois programmes, dont deux concernent l'État en tant qu'employeur ou ancien employeur.

Le programme 741 retrace les dépenses des pensions de retraite ainsi que des allocations temporaires d'invalidité des fonctionnaires civils et militaires de l'État. Avec un montant de 56,1 milliards d'euros pour 2020, il représente plus de 94 % des dépenses du CAS « Pensions ». Ses recettes sont constituées, pour un peu moins des trois quarts, de la contribution employeur de l'État, d'un montant de 42,4 milliards d'euros. Cela représente un taux de cotisation théorique de 74,28 % pour les fonctionnaires civils et de 126,07 % pour les militaires.

Je rappelle que cette contribution couvre la part employeur de la cotisation retraite des fonctionnaires et qu'elle permet également d'équilibrer le régime en compensant son déséquilibre démographique et en finançant les prestations de retraite dérogatoires au droit commun pour les militaires notamment. Elle joue donc aussi le rôle de subvention d'équilibre du régime. Sachant que, dans ce système, les cotisations de base et complémentaires sont intégrées.

Le programme 742 concerne le Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État, qui versera, selon les prévisions, un montant de 1,9 milliard d'euros de prestations en 2020.

Enfin, le programme 743 regroupe les pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ainsi que les pensions ou rentes de régimes de retraite dont l'État est redevable, notamment au titre des engagements historiques et de reconnaissance de la Nation. Ces dépenses sont financées exclusivement par la solidarité nationale et atteindront en 2020 un montant de 1,6 milliard d'euros, en recul de 5,8 % par rapport à 2019, en raison d'une baisse du nombre des bénéficiaires.

La mission « Régimes sociaux et de retraite » est également composée de trois programmes, qui déterminent le montant des seules subventions d'équilibre aux régimes spéciaux.

Le programme 198, relatif aux régimes sociaux et de retraite des transports, affiche une dépense de 4,2 milliards d'euros pour 2020. Il correspond principalement aux subventions versées aux régimes de la SNCF - 3,3 milliards d'euros sur 5,3 milliards d'euros de prestations versées en 2020 - et de la RATP - 746 millions d'euros pour des dépenses de prestations s'élevant à 1,2 milliard d'euros en 2020. Il faut avoir à l'esprit qu'on compte presque deux fois plus de pensionnés que de cotisants.

Le programme 197 concerne le régime de retraite et de sécurité sociale des marins, qui comprend la subvention d'équilibre versée par l'État à la branche vieillesse de l'Établissement national des invalides de la marine (ÉNIM), pour un montant de 823 millions d'euros en 2020.

Enfin, le programme 195, relatif aux régimes de retraite des mines, de la Seita et divers, réunit les crédits consacrés à des régimes en extinction rapide et aux caractéristiques démographiques extrêmement dégradées, pour un montant de 1,2 milliard d'euros. La principale dépense correspond à la subvention d'équilibre au fonds spécial de retraite de la caisse des mineurs, d'un montant un peu inférieur à 1,1 milliard d'euros.

Il est à noter que, comme nous en avions exprimé le souhait à plusieurs reprises, ce programme ne porte plus la subvention au régime complémentaire des exploitants agricoles - 55 millions d'euros en 2019. En effet, ce régime de retraite n'est ni un régime de base ni un régime fermé et sa présence dans cette mission était donc peu compréhensible. La suppression de cette subvention a été compensée, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, par l'affectation à ce régime de droits de consommation sur les alcools.

Bien entendu, l'étude de ces différents régimes et de leur coût pour l'État nous donnera l'occasion d'aborder en séance la future réforme systémique des retraites, promise depuis le début du quinquennat et régulièrement repoussée.

Je vous avais longuement décrit, l'année dernière, le chemin de convergence progressive de plusieurs des principaux paramètres régissant le régime de retraite des fonctionnaires et des agents des régimes spéciaux avec les règles du régime général.

Je ne vous avais pas masqué non plus les importantes différences qui subsistaient, ainsi que le profond attachement « culturel » de nombreux affiliés à leur régime spécial, reflet d'une histoire ou de contraintes perçues comme spécifiques.

Tandis qu'approchent la date du 5 décembre et la mobilisation à venir de nombreux agents de plusieurs régimes, il faut reconnaître que nous n'y voyons toujours pas clair sur les intentions du Gouvernement, ni en matière de préservation de tel ou tel régime, ni sur les modalités d'entrée en vigueur de la réforme, ni sur les évolutions paramétriques qui permettront de rééquilibrer les comptes de la branche vieillesse d'ici à 2025.

La fameuse formule du cardinal de Retz selon laquelle on ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment sert souvent en politique... Mais, sur un sujet aussi inflammable que les retraites, l'ambiguïté alimente les craintes en ne donnant de visibilité à personne et risque de servir de carburant aux mobilisations.

Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits du CAS « Pensions » et de la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Toutefois, comme ces dernières années, je vous propose d'assortir cet avis d'une réserve concernant les règles de départ à la retraite des régimes de la SNCF et de la RATP, encore trop éloignées du droit commun, malgré les mesures prises tendant à rapprocher les âges de départ à la retraite du droit commun.

Mme Cathy Apourceau-Poly . - Les mesures que le Gouvernement a annoncées sur les régimes de retraite sont très claires : il veut s'attaquer à ses fondamentaux, et c'est bien pourquoi les salariés ont prévu de descendre dans la rue le 5 décembre. Les élus CRCE seront à leurs côtés.

Nous avons rencontré des représentants de ces salariés affiliés à ces régimes autonomes, et ils nous ont fait part de leur inquiétude quant à l'avenir de ces régimes, lesquels participent au financement du régime général. Pensez-vous que les prestations spécifiques des régimes autonomes ou spéciaux, qui correspondent aux particularités des métiers peuvent perdurer dans un régime universel ? Et est-il normal que l'État ponctionne dans les réserves constituées par les adhérents à ces régimes au fil des années pour faire face au prochain choc démographique auquel ces professions pourraient être confrontées ?

M. René-Paul Savary , rapporteur pour avis . - Faisons un point sur ce que nous savons. La réforme propose un mode de calcul différent de celui que nous connaissons, mais propose la même trajectoire budgétaire : 13,8 % du PIB sont consacrés à la retraite. Cela représente 316 voire 318 milliards d'euros. Selon les simulations, dans les années à venir, nous serions amenés à consacrer une part équivalente du PIB aux retraites. En revanche, il y aurait moins de cotisants et plus de pensionnés aux retraites plus longues. Aucune mesure paramétrique de rééquilibrage n'est prévue. Selon les études et les prévisions, le régime serait déficitaire de 9 à 17 milliards d'euros en 2025 et la trajectoire se dégraderait jusqu'en 2030.

Le régime par points est un régime à rendement défini qui doit être équilibré. La valeur du point est un facteur supplémentaire d'équilibre. Le rapport Delevoye préconise que 100 € cotisés garantissent le versement de 5,5 € de retraite par an. Le rendement prévisionnel en 2025 serait donc de 5,5 % selon les informations dont nous disposons aujourd'hui. Avec des cotisants en moins, le rendement serait toutefois différent et c'est sur la valeur de service du point que l'on joue. Il existe donc une régulation automatique du système par points.

Par ailleurs, on nous dit que 100 % des spécificités seront prises en compte. Nous n'avons cependant aucune information sur le devenir des réserves des différentes caisses, notamment du régime complémentaire Agirc-Arrco. Ces 120 milliards d'euros entreront-ils dans le pot commun ? Bénéficieront-ils d'une traçabilité ? Quel sera le mode de gouvernance du nouveau régime ? Dans un régime par points, on peut prendre des mesures de solidarité et de spécificité en tenant compte de la pénibilité. Le régime par points qui nous est proposé, par opposition à notre régime par répartition actuel, sera automatiquement adossé à un régime de solidarité nationale. Aujourd'hui, cette solidarité nationale représente 20 % des 120 milliards d'euros. Demain, ce sera approximativement 25 % avec les réversions, mais il sera possible de prendre en considération les spécificités comme la pénibilité par exemple.

M. Martin Lévrier . - Les dépenses de retraite représentent 13,8 % du PIB, mais ce dernier augmente tous les ans. Vous avez omis de le préciser. Or c'est un élément important qu'il convient de citer. Le pourcentage de l'augmentation compense en effet depuis des années la chute de la démographie.

M. René-Paul Savary , rapporteur pour avis . - Là, il y a une erreur dans le raisonnement ! L'augmentation du PIB est bien prise en considération dans le calcul du déficit. Il ne faut cependant pas oublier que les retraites et les salaires ne suivent pas le même rythme d'augmentation et que, derrière, la retraite ne suit pas. Il est dit que le niveau de vie relatif des retraites va diminuer. Les pensions de retraite, quant à elles, vont continuer à augmenter, moins fortement cependant que les salaires ou que le PIB : en effet, leur évolution est calée sur l'inflation, et non sur la croissance. On peut donc parvenir à consacrer moins de 13,8 % du PIB en 2025 ou en 2030 et avoir des pensions plus importantes qu'aujourd'hui. Le pouvoir d'achat relatif des retraités diminuera en comparaison. Leur pouvoir d'achat réel, lui, pourra continuer d'augmenter, mais moins rapidement que les salaires. C'est un sujet compliqué et certaines impressions intuitives sont parfois inexactes.

M. Alain Milon , président . - M. Lévrier n'est pas convaincu.

M. Martin Lévrier . - Évidemment que je ne suis pas convaincu. Je ne parlais pas du déficit. S'agissant des retraités et des pensions de retraite, je vous rappelle que le projet proposé indexe les pensions sur l'augmentation des salaires et non plus sur l'inflation.

M. René-Paul Savary , rapporteur pour avis . - Mais non ! Les salaires portés au compte sont indexés sur les salaires mais les pensions restent indexées sur les prix.

M. Martin Lévrier . - Ce n'est pas le débat d'aujourd'hui.

M. Alain Milon , président . - Je vous rappelle que nous risquons de vivre des moments épiques ces prochains mois. Un séminaire gouvernemental sur ce sujet est organisé dimanche prochain. Dans le même temps, nous examinerons en séance en nouvelle lecture le PLFSS pour 2020.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et au compte d'affectation spéciale « Pensions », sous le bénéfice d'une réserve concernant les règles de départ à la retraite des régimes de la SNCF et de la RATP.

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