EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. UNE NOUVELLE VISION DE LA RÉGULATION DES CONTENUS EN LIGNE

A. UNE RÉGULATION JUGÉE LONGTEMPS IMPOSSIBLE

1. Deux facteurs ont contribué à prévenir le débat sur la régulation

L'idée d'imposer une forme de régulation des plateformes a longtemps buté sur deux facteurs principaux.

D'une part, les grands acteurs de l'Internet ont promu une vision très ouverte du monde et de leur rôle . Les outils numériques mis gracieusement au service des utilisateurs, outils le plus souvent particulièrement attractifs et bien pensés, sont supposés améliorer la liberté d'expression 1 ( * ) et permettre à chacun de développer sa créativité et de faire connaître ses opinions et ses travaux. Vue sous cet angle, l'idée d'une supériorité « morale » des géants de l'Internet, réputés « oeuvrer pour le bien », a pu constituer un frein à toute tentative de régulation, placée du côté des « passéistes ».

D'autre part, la mythologie propre à Internet , où des sociétés qui font aujourd'hui concurrence à des États sont nées il y a moins de vingt ans dans des garages californiens, a conforté la vision d'une économie « start up », où il convenait de créer les conditions les plus favorables possibles à ce bouleversement économique dont tant était attendu. Les pays se sont d'une certaine manière mis en position de faiblesse face à un monde numérique souvent mal compris qui promettait des miracles économiques, sous réserve d'une absence de contrainte.

L'alliance de cette supériorité « morale » et d'espoirs économiques a tracé le cadre dans le monde entier - l'exception notable des régimes autoritaires - d'un espace numérique dérégulé , par opposition à un monde réel soumis à des règles et à des normes juridiques précises.

2. Une irresponsabilité finalement consacrée en 2000 par la directive « e-commerce »

Finalement, le principe général d'irresponsabilité des hébergeurs a été consacré au niveau européen par la directive « e-commerce » de juin 2000, elle-même transposée dans le droit français par la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN).

Le principe est celui d'une absence totale de responsabilité des « hébergeurs » considérés comme des acteurs purement passifs qui ne font qu'accueillir des contenus déposés par leurs utilisateurs. Le seul cas prévu de responsabilité est celui d'un signalement pour des propos ou d'une notification par une autorité publique pour des contenus dits « odieux » (articles 6 et 6-1 de la LCEN).


* 1 De fait, les réseaux sociaux ont pu jouer un rôle dans la « révolution des couleurs » en permettant d'échapper à la censure de régimes autoritaires.

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