B. LES MODALITÉS DE REPRISE DE LA DETTE

1. Un montant de 136 milliards d'euros

L'article 1 er du projet de loi organique et l'article 1 er du projet de loi ordinaire prévoient une nouvelle reprise de la dette sociale par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) à hauteur de 136 milliards d'euros.

Ce montant est détaillé à l'article 1 er du projet de loi ordinaire :

- 31 milliards d'euros permettraient de couvrir les déficits cumulés non repris au 31 décembre 2019 de la branche maladie du régime général (16,2 milliards d'euros), du Fonds de solidarité vieillesse (9,9 milliards d'euros), de la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles (3,5 milliards d'euros) et de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales - CNRACL (1,2 milliard d'euros) ;

- 92 milliards d'euros permettraient de couvrir les déficits cumulés non repris de la branche maladie du régime général, du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), de la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles pour les exercices 2020 à 2023 ;

- la Cades reprendrait également, à partir de 2021 , un tiers de la dette des établissements publics de santé au 31 décembre 2019. Le montant de cette reprise, qui n'est pas précisé dans le projet de loi ordinaire, est évalué, dans l'étude d'impact, à 13 milliards d'euros , contre 10 en novembre dernier. Les modalités de cette prise en charge sont appelées à être précisées à l'occasion du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. Elle viserait l'encours actuel (30,1 milliards d'euros fin 2019) et les frais financiers annuels (8,6 milliards d'euros en 2019).

Si le montant des déficits cumulés 2020-2023 excède 92 milliards d'euros, les transferts sont affectés par priorité à la couverture de la dette ou des déficits les plus anciens et, en 2023, par ordre de priorité à la branche maladie du régime général, au FSV puis au régime des non-salariés agricoles.

Si les montants et les dates des opérations seront fixés par décret, il est d'ores et déjà prévu pour la dette au 31 décembre 2019 un versement en trois temps :

- 5 à 10 milliards d'euros seraient transférés avant le ralentissement observé sur les marchés au mois d'août ;

- 15 milliards d'euros seraient transférés dans un second temps, d'ici à la fin de l'exercice ;

- aux termes du projet de loi, le solde devra être transféré avant le 30 juin 2021.

À compter de 2020, le montant total de la reprise de la dette (déficits cumulés et emprunts des établissements publics de santé) ne pourra excéder 40 milliards d'euros par an.

La reprise par la Cades d'une nouvelle partie de la dette sociale pourrait déboucher sur une progression de son encours de 65 milliards d'euros sur le seul exercice 2020 25 ( * ) . La dette reprise par la Cades restant à amortir atteindrait alors 137,4 milliards d'euros.

Évolution de la dette reprise par la CADES 2019 - 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

2. Une prorogation de 8 ans

La Cour des comptes a jugé à plusieurs reprises plausible l'hypothèse d'une extinction de la dette portée par la Cades en 2024. La reprise d'une partie de la dette de l'Acoss et des hôpitaux remet aujourd'hui en question cet horizon.

Le transfert de nouvelles dettes à la Cades est encadré par l'article 4 bis de l'ordonnance de 1996. Celui-ci, modifié par la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, dispose que tout nouveau transfert de dette à la Cades est accompagné d'une augmentation des recettes de la caisse permettant de ne pas accroître la durée d'amortissement de la dette sociale 26 ( * ) . Le Conseil constitutionnel a souligné la valeur organique de cette règle dans sa décision du 29 juillet 2005 27 ( * ) .

Cet article été précisé par la loi organique du 13 novembre 2010, qui dispose que tout nouveau transfert de dette à la Cades doit être accompagné d'une augmentation du produit d'impositions de toute nature ou de la réalisation d'actifs affecté à la caisse permettant de ne pas accroître la durée d'amortissement de la dette sociale 28 ( * ) . Par dérogation, la même loi organique disposait que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 pouvait prévoir des transferts de dette conduisant à un accroissement de la durée d'amortissement de la dette sociale dans la limite de quatre années, conduisant de fait à un report de l'extinction de la Cades de 2021 à 2025. Le Conseil constitutionnel a jugé, à l'occasion de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 , qu'il était nécessaire que la LFSS prévoie l'ensemble des ressources affectées au remboursement de la dette sociale jusqu'au terme prévu pour celui-ci et que ces ressources soient suffisantes pour que ce terme ne soit pas dépassé, prohibant donc tout report au-delà de 2025 29 ( * ) . Il a également jugé que si la LFSS peut prévoir un transfert financé à due concurrence par des recettes affectées aux régimes de sécurité sociale, cette compensation ne doit pas conduire à une dégradation des conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale de l'année à venir.

Il résulte des conditions imposées par le législateur organique et la jurisprudence du Conseil constitutionnel que toute nouvelle reprise sans changement d'horizon ne saurait être effectuée sans augmentation des ressources de la Cades. La majoration de celles-ci ne devant avoir d'effet sur l'équilibre des comptes sociaux, elle ne peut intervenir qu'en cas de situation excédentaire ou si cette condition n'est pas respectée, qu'à la suite d'un relèvement des prélèvements obligatoires dédiés à la sécurité sociale.

Le Gouvernement ne souhaitant pas activer ce levier, l'article 1 er du projet de loi organique prévoit un report de la date d'extinction de la Cades du 31 décembre 2025 au 31 décembre 2033 .


* 25 Cette estimation intègre les 25 milliards d'euros de déficit cumulés non repris de l'ACOSS au 31 décembre dernier et 40 milliards d'euros au titre de la dette de l'ACOSS pour 2020.

* 26 Article 20 de la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

* 27 Décision du Conseil constitutionnel n° 2005-519 DC du 29 juillet 2005.

* 28 Loi organique n° 2010-1380 du 13 novembre 2010 relative à la gestion de la dette sociale.

* 29 Décision n° 2010-620 DC du 16 décembre 2010.

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