III. LE RAPPROCHEMENT BIENVENU DE LA RECHERCHE PUBLIQUE ET DES ENTREPRISES RESTE À CONFIRMER DANS LES CHOIX BUDGÉTAIRES

C'est probablement sur les liens entre la recherche publique et les entreprises que la marge de progrès de notre pays est la plus importante. Les indicateurs sur ce point apparaissent en effet particulièrement mauvais :

Le rapport annexé au projet de loi confirme que la densification des relations de la recherche publique avec les entreprises « reste une priorité majeure du Gouvernement ». On trouve en effet plusieurs mesures bienvenues dans le dispositif et dans le rapport annexé, qui s'inspirent assez largement du rapport du troisième groupe de travail préparatoire à la loi.

Dans le corps du texte, quelques dispositifs s'inscrivent dans cette orientation :

- l' article 4 crée un « contrat doctoral » à durée déterminée pour le recrutement de doctorants dans le secteur privé , qui se substitue aux différents types de contrats à durée déterminée aujourd'hui utilisés en vue de mieux adapter le cadre contractuel à la situation des doctorants ;

- l' article 13 renforce, dans l'esprit du rapport dit Beylat-Tambourin 26 ( * ) , les dispositifs dérogatoires au droit de la fonction publique créés par la loi dite « Allègre » de 1999 27 ( * ) afin de permettre aux personnels de la recherche publique d'être plus facilement associés aux opérations industrielles et commerciales de valorisation des innovations. Ainsi, d'une part, pour créer une entreprise ou apporter son concours scientifique à une entreprise, il ne sera plus nécessaire que l'objet de l'entreprise soit de valoriser les travaux de recherche réalisés par le chercheur en question - il sera, en revanche, toujours nécessaire que la création de l'entreprise s'effectue dans le cadre d'un contrat de valorisation conclu entre l'entreprise et l'employeur public du chercheur ; d'autre part, l'article ouvre la possibilité de participer en tant qu'associé ou dirigeant à une entreprise existante dont l'objet est d'assurer, en exécution d'un contrat conclu avec l'employeur public du chercheur, la valorisation de travaux de recherche et d'enseignement ;

- l' article 14 étend, pour les personnels de recherche comme pour les enseignants-chercheurs, les possibilités de cumul d'activités à temps partiel, de mise à disposition et de perception d'un complément de rémunération au titre de ces mises à disposition en vue de faciliter la mobilité public-privé ;

- l' article 14 bis introduit par les députés en commission réintroduit un congé d'un an bénéficiant aux salariés du privé souhaitant enseigner ou participer à une activité de recherche. Ce dispositif avait été créé par une ordonnance de 2007 et supprimé, semble-t-il par erreur, dans une ordonnance de 2018 ;

Afin de sécuriser le dispositif et de s'assurer de sa bonne application sur le terrain, la commission a adopté un amendement visant à mieux aligner le régime de ce congé sur celui du congé pour création ou reprise d'entreprise et renvoyer davantage d'éléments à la négociation collective ( COM-97 ).

- l' article 15 , enfin, crée un dispositif d'intéressement qui, selon l'exposé des motifs du projet de loi, est créé pour « valoriser les personnels qui s'impliquent dans des missions de recherche partenariale ».

Le rapport annexé au projet de loi précise également que les moyens nouveaux dégagés avec la trajectoire financière permettront de :

a) « créer 500 start-ups de haute technologie par an à partir de 2030, à comparer à environ 170 aujourd'hui » ;

b) labelliser 15 « pôles universitaires d'innovation » (PUI) valorisant les actions de transfert de connaissances et de technologies des universités vers les entreprises, qui s'ajoutent aux SATT ;

c) financer une hausse de 50 % des conventions industrielles de formation par la recherche (ou « CIFRE », dispositif subventionnant l'emploi de doctorants en entreprise pour effectuer des travaux de recherche en lien avec leurs thèses) d'ici à 2027 ;

d) financer la création de convention industrielle de mobilité en entreprise des chercheurs (ou « CIMEC »), équivalent des conventions Cifre mais pour les chercheurs ;

e) doubler les financements consacrés par l'ANR aux différents dispositifs de recherche partenariale (public/privé) : « chaires industrielles » (subventions versées à des projets de R&D du secteur privé en lien avec les laboratoires publics), « Labcom » (subvention versée pour la création de laboratoires communs entre un laboratoire public et une PME ou une ETI) et instituts labellisés Carnot (mécanisme de subvention aux laboratoires publics permettant aux laboratoires très impliqués dans la recherche partenariale avec les entreprises d'obtenir un financement supplémentaire, qui sera « plus que doublé »). Ces dispositifs s'ajoutent aux structures de recherche partenariale créées par le PIA (IRT et ITE) et dont le financement est poursuivi dans le cadre du PIA 4.

Enfin, le rapport annexé évoque « une réflexion [qui] sera [...] engagée en vue de renforcer de façon sélective, en lien avec les régions, les plateformes technologiques publiques et de développer leurs liens avec les PME et les ETI ». Il conviendrait de conforter cette orientation, l'exemple des plateformes régionales de transfert technologique lancées par le CEA ayant fait ses preuves.

Pour le rapporteur, si cet effort est tout à fait bienvenu, il appelle néanmoins deux remarques :

- la priorité affichée au rapprochement entre la recherche publique et les entreprises se heurte à une mesure figurant au projet de loi de finances pour 2021 et consistant à supprimer le doublement d'assiette pour les dépenses sous-traitées par des entreprises à des laboratoires publics dans le cadre du crédit d'impôt recherche ;

- de nombreux interlocuteurs ont attiré l'attention du rapporteur sur la nécessité de rehausser l'ambition poursuivie par le Gouvernement sur le renforcement des moyens octroyés aux conventions Cifre et aux Instituts Carnot . Il apparaît en effet que les premières font face à une demande importante qui ne peut actuellement pas être financée, pour un besoin financier relativement limité - de l'ordre de 3 à 4 millions d'euros dès 2021. Les seconds font face à une diminution croissante du taux moyen de l'abondement versé par l'ANR, qui était de 30 % en 2006 et est descendu à 11,8 % en 2019, en raison de l'augmentation du nombre d'instituts Carnot à enveloppe quasi-constante. Le label Carnot est un moyen vertueux d'inciter la recherche publique à se rapprocher des entreprises : il faut les doter à la hauteur des besoins.


* 26 Jean-Luc Beylat et Pierre Tambourin, Propositions de modernisation de la loi Allègre et de simplification de l'intéressement, 2017.

* 27 Loi N° 99-587 du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche.

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