III. UNE ERREUR STRATÉGIQUE : FAIRE DES ÉCONOMIES SUR LE DOS DES AGRICULTEURS EN RÉDUISANT LE BUDGET DU CASDAR POUR, FINALEMENT, EN REMETTRE EN CAUSE L'EXISTENCE

A. LES CRÉDITS DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL » SONT EN RECUL DE 10 MILLIONS D'EUROS PAR RAPPORT À 2020

Le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (CASDAR) est le bras armé du programme national de développement agricole et rural (PNDAR), instrument pivot pour le financement de la recherche appliquée dans le domaine agricole.

Le CASDAR est un fonds financé par les agriculteurs. Il est abondé par les recettes issues de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles, prévue par l'article 302 bis MB du code général des impôts (CGI), fondée sur une partie forfaitaire de 76 à 92 euros par exploitant et d'une partie variable fixée à 0,19 % du chiffre d'affaires jusqu'à 370 000 euros et 0,05 % au-delà de ce seuil.

Depuis 2012, le rendement de cette taxe a oscillé entre 130 et 143 millions d'euros. Même en 2016, année marquée par des récoltes céréalières historiquement basses, le rendement de la taxe était de 131 millions d'euros. La recette effective s'est établie à 136,5 M€ en 2018 et 142,9 M€ en 2019.

Ces recettes permettent de financer plusieurs dépenses destinées à financer la recherche appliquée et l'innovation en agriculture, par le programme 776, ou des dépenses permettant de diffuser auprès d'agriculteurs des progrès techniques et innovations afin d'assurer le développement agricole (programme 775).

Schématiquement, les dépenses du compte sont affectées pour un tiers aux instituts techniques, un tiers aux chambres d'agriculture et l'APCA, et un tiers aux appels à projet.

L'assiette de la taxe étant basée sur le chiffre d'affaire des exploitations agricoles de l'année N-1, le Gouvernement estime que le rendement de la taxe en 2021 sera inférieur de 10 millions d'euros au rythme normal à la suite des mauvaises récoltes de céréales et à la crise de la Covid-19 qui va fortement impacter le chiffre d'affaires 2020 de certains secteurs comme l'horticulture et la viticulture.

C'est pourquoi il propose de réduire le plafond prévisionnel des recettes du CASDAR à 126 millions d'euros. Par conséquent, cela se traduira très concrètement par une réduction de 10 millions d'euros l'année prochaine du financement de la recherche appliquée dans le domaine agricole (5 millions en moins pour le programme 775 et 5 millions de moins pour le programme 776).

Plusieurs choix alternatifs s'offraient pourtant au Gouvernement pour éviter cette baisse de plafond. Il pouvait, par exemple, laisser le plafond actuel fixé à 136 millions d'euros, en dépit de prévisions d'encaissements inférieures. C'est ce qu'il a fait entre 2014 à 2017, lorsque le plafond de crédits fixé en LFI, de 147,5 M€ en AE et CP, a été supérieur à la recette effective qui a varié entre 131 M€ et 137 M€.

Un autre choix aurait été de compenser cette baisse prévisionnelle (et circonstancielle) de recettes afin d'éviter un recul peu stratégique des dépenses sur de la recherche appliquée. Comme le prévoit l'article 21 de la LOLF, il pouvait le faire directement sur le CASDAR en activant la possibilité de compléter le compte spécial « par des versements du budget général, dans la limite de 10 % des crédits initiaux de chaque compte ».

Le Gouvernement a pourtant fait le choix de réduire le plafond de recettes affectées à la recherche agricole appliquée.

Les rapporteurs estiment que cette baisse, si elle était adoptée telle qu'elle, serait sans doute définitive. D'une part, le plafond ne sera pas relevé en cours d'année par le ministère des finances, même si les prévisions se révélaient plus positives, alors même que la LOLF le permet. D'autre part, les rapporteurs font le pari, tout en le regrettant, que l'année prochaine, le plafond ne sera pas relevé.

Les rapporteurs rappellent, en outre, que le Gouvernement envisage une baisse de l'activité agricole de l'ordre de 8 % pour fonder sa prévision. Or une note de conjoncture de l'Insee parue le 8 septembre dernier estime que l'activité agricole devrait être stable cette année, à -1 % par rapport à l'avant-crise. Toutes choses égales par ailleurs, il est donc difficilement compréhensible que le niveau de la prévision pour 2021 soit inférieur à celui de 2016, année connue pour une sécheresse historique.

Les rapporteurs estiment que derrière un argument de sincérisation du CASDAR se dissimule la volonté de faire une économie budgétaire en réduisant la norme de dépenses de l'État à peu de frais, tout en tuant à petit feu le CASDAR.

Autrement dit, le ministère a priorisé la réalisation d'économies budgétaires sur le dos de la recherche appliquée qui a pour but, notamment, de trouver des solutions alternatives crédibles à des pesticides, recherche financée explicitement par les agriculteurs, plutôt que de réaliser des mesures d'économies dans les dépenses de personnel ou de fonctionnement des services centraux du ministère.

Le débat va donc bien au-delà d'un tour de passe-passe budgétaire : c'est une erreur stratégique, considérant la recherche appliquée comme une variable d'ajustement en dépense.

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