III. POUR UNE POLITIQUE VOLONTARISTE EN FAVEUR DU MULTILATÉRALISME

Le programme 105 est le programme support du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Il regroupe toutes les dépenses de fonctionnement des services en administration centrale et des implantations à l'étranger ainsi que les contributions obligatoires de la France aux organisations européennes et internationales et aux opérations de maintien de la paix (CI-OMP). Cette structure budgétaire, illustrée ci-contre, laisse très peu de marge de manoeuvre pour piloter la politique mise en oeuvre dans le cadre du P105.

Sur les 676,2 M€ dédiés aux CI-OMP, les 15 principales contributions représentent 605,68 M€ des crédits du P105. Ces CI-OMP auxquels sont ajoutés les 40,5 M€ du Conseil de l'Europe sont présentées dans le tableau ci-après.

Alors que les deux tiers de ses dépenses sont déjà « fléchées », le P105, instrument de pilotage de la diplomatie française, se déploie dans un environnement de plus en plus imprévisible et instable . La pandémie de COVID est un accélérateur de cette imprévisibilité dont les germes sont plantés depuis quelques années déjà, qu'il s'agisse de l'affaiblissement du multilatéralisme ou de l'exacerbation des revendications nationalistes. Les élections américaines ne constitueront vraisemblablement pas un remède au désengagement américain de notre environnement de sécurité. L'affirmation de la politique de puissance de la Chine, en Asie mais aussi en Afrique notamment, pose de vrais défis aux intérêts européens. Enfin, les crises touchent notre voisinage immédiat que ce soit en méditerranée orientale ou dans le Haut-Karabagh.

Le 22 octobre 2020, les informations transmises par le secrétariat de l'ONU sur la place de la France dans le triennium 2017 -2019 sont alarmantes. La somme des contributions volontaires et obligatoires françaises la place au 10ème rang des contributeurs des agences onusiennes, avec une participation annuelle de 1,1 milliard d'euros, dix fois inférieure à la contribution américaine, 1 er contributeur avec 10,5 milliards d'euros par an. Arrivent ensuite l'Allemagne, au deuxième rang, avec une contribution 4 fois supérieure à la nôtre, de 4,1 milliards, et le Royaume-Uni, au 3 ème rang, avec 3,6 milliards, puis, le Japon, la Suède, la Chine, la Norvège, le Canada, et les Pays-Bas (avec 1,2 milliard par an). Notre classement en tant que contributeur dans le triennium 2018-2020, devrait être moins bon.

La quote-part de la France au budget de l'ONU se réduit peu à peu, en raison de nos résultats économiques, passant de 6,03% sur la période 2004-2006 à 4,43% sur 2019-2021 . Pour rester dans le classement des 10 premiers contributeurs à l'ONU, il faudrait fournir un effort de plusieurs centaines de millions d'euros .

Parallèlement à l'érosion de notre rang de contributeur, plusieurs États manifestent leur volonté d'augmenter leurs contributions dans les organisations internationales , souvent avec l'ambition, affichée ou non, d'obtenir en contrepartie des postes de responsabilités. Le poste du Secrétaire général adjoint aux opérations de paix sera renouvelé en 2022. Il est traditionnellement occupé par un Français, Jean-Pierre Lacroix en l'occurrence, mais la concurrence s'affirme.

Ces évolutions risquent d'avoir un impact négatif sur la capacité de la France à peser à l'avenir sur les orientations des organisations internationales . Un certain décalage a pu être observé en raison de l'écart entre l'activisme diplomatique français et notre contribution réelle. Notre pays, à la manoeuvre politique et diplomatique, s'est retrouvé dans la gestion de certaines crises humanitaires 10 fois moins disant que nos partenaires européens. Notre capacité d'entrainement vis-à-vis de nos partenaires européens pourrait s'en ressentir cruellement . Ce serait d'autant plus regrettable que nos OPEX requièrent la participation de ces partenaire s et des organisations internationales, pour que l'action militaire puisse aboutir à des solutions politiques et de développement économique durables.

C'est dans ce contexte qu'en 2021 les contributions obligatoires de la France aux organismes internationaux diminueront de 16 M€ , grâce à un renforcement de l'euro face au dollar, qui réduira le coût des contributions versées en devises en 2021. Le MEAE a négocié de haute lutte avec Bercy une mesure nouvelle de 17,2 M€ au bénéficie des contributions volontaires du P105 . Elle sera principalement consacrée au renforcement de l'influence de la France dans les organisations dédiées à la sécurité internationale .

La contribution à l'AIEA (agence internationale à l'énergie atomique) bénéficiera au financement de missions de vérifications supplémentaires en Iran prévues par l'accord, et au renforcement de la sécurité contre le terrorisme nucléaire dans des pays tiers. Le concours supplémentaire à l'OIAC (Organisation pour l'interdiction des armes chimiques) sera dédié en priorité au fonds spécial pour les missions en Syrie en vue de la destruction complète du programme chimique syrien, et au fonds spécial pour la cybersécurité de l'OIAC. Enfin, les crédits dédiés à l' OSCE financeront la participation française aux missions d'observations électorales, notamment en Ukraine. Le fonds de consolidation de la paix de l'ONU bénéficiera de crédits supplémentaires au profit d'interventions flexibles et ciblées en fonction des besoins du terrain, dans le Sahel notamment, et dans les Balkans.

Le programme des jeunes experts associés (JEA) de l'ONU financera de jeunes chercheurs français ou de jeunes professionnels français pour les mettre à disposition des institutions onusiennes. Enfin, les moyens supplémentaires alloués aux organes juridiques des Nations-unies permettront de promouvoir la conception française du droit .

Grâce au travail de priorisation du MEAE, les crédits supplémentaires sont orientés vers des actions phares porteuses d'un réel sens politique et d'un effet de levier efficace en termes d'influence .

La commission dressera un bilan de l'impact de ces contributions supplémentaires , s'il est à la hauteur des promesses, il plaidera pour le renforcement et l'inscription dans la durée de cette politique de contribution volontaire supplémentaire dans le champ du P105 .

C'est un levier d'influence , conforme à l'ambition de rayonnement porté par la commission, c'est également un signal à l'usage de nos partenaires, comme de nos concurrents stratégiques.

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