B. LA BUDGÉTISATION DU FONDS « BARNIER », DONT LES RESSOURCES ONT ÉTÉ RENFORCÉES À L'ASSEMBLÉE NATIONALE, EST LE PRINCIPAL ÉVÉNEMENT DU BUDGET 2021

Depuis 20 ans et du fait des extensions successives de son champ d'intervention, le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) dit fonds « Barnier » 21 ( * ) est devenu l' outil transversal de financement de la politique de prévention des risques naturels de l'État 22 ( * ) . En 2019, les interventions du FPRNM concernent principalement les inondations (115,6 M€), les séismes (40 M€) et les mouvements de terrain (23,2 M€).

La loi de finances pour 2018 a introduit un plafonnement à 137 M€ du prélèvement opéré au profit du fonds « Barnier » sur le produit des primes ou cotisations additionnelles relatives à la garantie contre le risque de catastrophes naturelles 23 ( * ) au profit du budget général de l'État 24 ( * ) . Cette ponction, sévèrement critiquée par la commission à l'occasion de l'examen des précédents budgets, aura privé la politique de prévention des risques naturels de 125 M€ au total en 3 ans et conduit à entamer la trésorerie du fonds de 30 %.

La budgétisation du FPRNM à hauteur de 205 M€ correspond donc en réalité à un retour à une situation normale , d'autant plus que la Cour des comptes avait critiqué la gestion du fonds par l'État dans un référé de décembre 2016, relevant en particulier que « les élargissements du champ d'intervention du FPRNM ont abouti à une débudgétisation critiquable des interventions de l'État en matière de prévention des risques naturels ». La Cour soulignait également que le financement du fonds « prive le Parlement d'une information suffisante pour exercer pleinement son contrôle de l'exécution des dépenses ». Dès lors, pour 2021, le Gouvernement propose d' intégrer le fonds « Barnier » sur le programme 181 25 ( * ) . L'administration précise que « les conditions d'emploi du fonds demeureront inchangées » et que l'intégration sera menée « en garantissant aux parties prenantes (collectivités notamment) la gouvernance mise en place et le respect des engagements financiers de l'État déjà pris antérieurement ».

En outre, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021 à l'Assemblée nationale, les députés ont adopté un amendement du Gouvernement sur les crédits de la mission écologie visant à augmenter de 210 M€ les ressources du fonds « Barnier » pour 2021 pour les porter au total à 415 M€ 26 ( * ) . Cette enveloppe complémentaire vise, selon l'exposé des motifs de l'amendement d'une part, à couvrir « les engagements correspondant à un acte de notification ou une convention cadre avec les bénéficiaires et ayant été délégués aux DDFiP, mais n'ayant pas fait l'objet d'un engagement juridique ferme créateur de droit au 1 er janvier 2021 » à hauteur de 160 M€ et, d'autre part, à mettre en oeuvre les annonces du Président de la République à la suite des inondations dramatiques des Alpes-Maritimes du 2 octobre dernier à hauteur de 50 M€ . Par ailleurs, le solde des comptes tenus par les DDFiP à fin juillet est créditeur de 586,7 M€ , correspondant à des opérations décidées dans le cadre du FPRNM (montants délégués, engagés ou non), mais non encore soldées.

Un second amendement du Gouvernement adopté par les députés rassemble les dispositions législatives relatives au fonds « Barnier » dans le code de l'environnement 27 ( * ) , il constitue désormais l'article 54 quinquies du PLF. À cet égard, la DGPR a confirmé que la suppression de la référence aux « marnières » dans les dispositions législatives relatives au fonds « Barnier » constitue uniquement une simplification rédactionnelle et non une diminution du périmètre d'intervention du fonds. De même, la reprise, dans le cadre d'un décret, des différents taux de participation du fonds « Barnier » inscrits en loi de finances pour 2004 28 ( * ) et en loi de finances pour 2006 29 ( * ) s'effectuera au moins à cadre constant . Pour certaines actions, la participation du fonds pourrait même augmenter.

Si la budgétisation du fonds « Barnier » constitue une mesure de clarté positive, la commission souligne la nécessité d'assurer la stabilité de ces crédits à un niveau ambitieux pour les années à venir , compte tenu des défis auxquels la prévention des risques fait face.

Sur la période 1982-2019, le coût actualisé des catastrophes naturelles, tous périls confondus, s'élève à environ 38,5 Mds€ et la sinistralité moyenne (hors automobile) s'établit à 1 Md€ par an. Ce montant très important est à comparer aux 2,1 Mds€ mobilisés par le fonds « Barnier » sur la période 1995-2019. Les régions ayant le plus bénéficié des interventions du fonds « Barnier » sur cette période sont les suivantes : Occitanie (338,7 M€), Nouvelle-Aquitaine (300,4 M€), Auvergne - Rhône-Alpes (290 M€), Provence - Alpes - Côte d'Azur (264,5 M€) et Pays de la Loire (237,4 M€).

Au total, d'ici 2050, le montant des sinistres liés aux catastrophes naturelles va augmenter de 50 % du fait du réchauffement climatique et de la concentration de la population dans les zones à risques, d'après la mission sénatoriale sur les risques climatiques. Les primes versées par les assurés pourraient passer de 12 à 18 % pour couvrir les besoins d'indemnisation. Les propositions de la mission ont fait l'objet d'une proposition de loi visant à réformer le régime des catastrophes naturelles , adoptée à l'unanimité par le Sénat le 15 janvier 2020. Le rapporteur invite le Gouvernement à s'en saisir.


* 21 Ce fonds a été créé par la loi n° 95-101 du 2 février 1995 dite « Barnier » pour financer les expropriations de biens exposés à certains risques naturels menaçant des vies humaines. Son champ d'intervention a ensuite été élargi à d'autres catégories de dépenses, notamment par la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003.

* 22 Il intervient sur trois aspects principaux : l'acquisition de biens des particuliers (à l'amiable ou par voie d'expropriation), le financement de mesures de réduction de la vulnérabilité face aux risques, qui bénéficient notamment aux collectivités territoriales pour leurs études, travaux et équipements sur les territoires dotés PPRN et le financement des PAPI et de mesures contractualisées avec les collectivités territoriales (CPER-CPIER, contrats de convergence et de transformation) et le financement des études et travaux au bénéfice de l'État, notamment en matière de mise en conformité des digues domaniales de protection contre les crues et les submersions marines ainsi que les dépenses liées à l'élaboration des PPRN, à l'information préventive et à la mise en oeuvre de la directive inondation.

* 23 Aux termes de l'article L. 561-3 du code de l'environnement, le FPRNM est alimenté par un prélèvement obligatoire sur le produit des primes ou cotisations additionnelles relatives à la garantie contre le risque de catastrophes naturelles prévues à l'article L. 125-2 du code des assurances. Le taux de prélèvement a été rehaussé à plusieurs reprises, passant de 2 à 4 %, puis de 4 à 8 % et enfin de 8 à 12 % à compter du 1 er janvier 2009. Cette ressource est complétée des intérêts des fonds placés, des bénéfices sur réalisation de valeurs, des avances de l'État ainsi que des sommes reversées en cas de remboursement d'une expropriation.

* 24 Article 44 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 25 L'article 25 du PLF pour 2021 tire les conséquences de cette décision : affectation de la taxe alimentant le fonds « Barnier » au budget général, suppression de la mission de gestion comptable et financière de la caisse centrale de réassurance (CCR), versement de la trésorerie disponible au budget général, reprise des obligations antérieures et suppression du « Jaune » budgétaire.

* 26 Amendement à l'article 33 (État B).

* 27 Article L. 561-3 du code de l'environnement.

* 28 Article 128 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003.

* 29 Article 136 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005.

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