B. LA QUESTION CENTRALE DU DROIT DES ÉTRANGERS :
UNE RATIONALISATION À L'ÉTUDE

Le contentieux des étrangers a pris au fil des ans une place centrale dans le contentieux administratif. Il représente en 2019 51 % des affaires enregistrées dans les cours administratives d'appel (CAA) et 41 % de celles enregistrées dans les tribunaux administratifs (TA) . Depuis 2015, le nombre des entrées dans cette matière a crû de 31 % devant les CAA et de 63 % devant les TA.

Au-delà de la masse qu'il représente, ce contentieux est très exigeant pour les magistrats et les greffes qui assurent des permanences 365 jours sur 365. Il complique singulièrement la gestion des juridictions.

Conscient de ces enjeux, le Premier ministre a commandé une étude au Conseil d'État. Faisant le constat de « procédures excessivement complexes, partiellement inadaptées et inutilement répétées », le groupe de travail présidé par Jacques-Henri Stahl propose, d'une part, de passer d'une douzaine à trois procédures contentieuses , applicables en fonction du degré réel d'urgence de l'action administrative et, d'autre part, de prévoir que l'administration se prononce, dès la première demande de titre de séjour, au regard de l'ensemble des hypothèses d'attribution d'un tel titre , seuls des éléments nouveaux pouvant être présentés à l'appui de demandes ultérieures.

La nécessité d'une réforme d'ordre procédural semble faire consensus. Aucune concrétisation législative n'est annoncée.

C. DEUX JURIDICTIONS SPÉCIALISÉES FORTEMENT EXPOSÉES

La Cour nationale du droit d'asile (CNDA), juridiction d'appel des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), est confrontée à une hausse très importante de ses entrées depuis plusieurs années 3 ( * ) . Le nombre de décisions rendues a atteint un pic historique de 66 464 affaires en 2019, en augmentation de 40,5 % par rapport à l'année précédente.

L'activité de la CNDA a été fortement touchée par la grève des transports et la mobilisation des avocats contre la réforme des retraites, début 2020, puis par la crise sanitaire 4 ( * ) ; seules environ 50 000 requêtes seront jugées en 2020.

Source : Extrait du rapport annuel 2019 de la CNDA

En 2021, l'OFPRA va reprendre son activité et il est important d'en tirer les conséquences pour la CNDA, à laquelle il reviendra également de résorber son stock d'affaires enregistrées. La CNDA a organisé l'ouverture de 4 salles d'audiences supplémentaires en février 2021, année au cours de laquelle elle planifie de rendre 80 000 décisions si les conditions sanitaires le permettent.

C'est la raison pour laquelle le rapporteur est favorable à un report sur l'année 2021 de la vingtaine d'emplois qui n'ont pu être pourvus en 2020 en raison de la crise sanitaire. Il s'agit d'une mesure a minima compte tenu de l'absence de création d'emplois en faveur de la CNDA dans le PLF 2021.

La Commission du contentieux du stationnement payant (CCSP), qui prend en charge les recours en matière de stationnement des véhicules sur voirie, connaît également une activité en progression . En 2018, première année d'activité, elle a enregistré 72 367 requêtes. En 2019, il est attendu entre 130 000 et 140 000 entrées.

Toutefois, cette prévision risque d'être révisée à la hausse . Par décision du 9 septembre 2020 5 ( * ) , le Conseil constitutionnel a censuré, avec effet immédiat, la disposition du code général des collectivités territoriales subordonnant la recevabilité du recours contentieux devant la CCSP au paiement préalable du montant de l'avis de paiement du forfait post-stationnement .

Cette situation est préoccupante pour la CCSP qui pourrait faire face à une augmentation très importante de son contentieux, la suppression de l'obligation de paiement préalable étant de nature à favoriser les recours dilatoires. Pour mémoire, en 2019, l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI) a émis 8,1 millions d'avis de paiement de forfait de post-stationnement.

L'article 54 quater adopté par l'Assemblée nationale, à l'initiative du rapporteur spécial, se propose d'encadrer l'obligation de paiement préalable - en fixant un plafond maximum et en prévoyant des exceptions - afin de se conformer à la décision du Conseil constitutionnel. Cette tentative de solution ne semble pas destinée à prospérer : une disposition similaire adoptée en PLF 2020 a déjà été censurée comme « cavalier budgétaire » par le Conseil 6 ( * ) . C'est la raison pour laquelle, Christian Bilhac, rapporteur spécial de la commission des finances du Sénat, propose un amendement de suppression.


* 3 Cette hausse s'est élevée à 34 % en 2017, 9,5 % en 2018 et 0,7 % en 2019.

* 4 Toutes les audiences ont été annulées pendant le confinement, puis les salles d'audience ont rouvert progressivement, empêchant une reprise à plein de l'activité juridictionnelle qui reste, par ailleurs, fortement touchée par la diminution du trafic ferroviaire (80 % des demandeurs d'asile résident hors d'Ile-de-France, ainsi que de nombreux juges vacataires).

* 5 Décision n°2020-855 QPC du 9 septembre 2020.

* 6 Décision n° 2019-796 DC du 27 décembre 2019 - Loi de finances pour 2020.

Page mise à jour le

Partager cette page