B. LE SCHÉMA D'INTÉGRATION COMPREND PLUSIEURS ÉTAPES SUCCESSIVES

Les articles 7 et 8 du présent projet de loi comprennent les dispositions législatives nécessaires à l'intégration d'Expertise France au sein de l'AFD, en procédant en deux étapes .

Premièrement, l'article 7 prévoit que l'AFD est autorisée à détenir tout ou partie du capital de la société par actions simplifiée (SAS) Expertise France (III de l'article 7).

Par ailleurs, l'article 7 procède à un « toilettage » bienvenu des dispositions relatives à la définition des missions de l'AFD, sans les modifier ni réformer la tutelle de l'opérateur.

En effet, le I de l'article 7 modifie l'article L. 515-13 du code monétaire et financier afin de basculer au niveau législatif certaines dispositions réglementaires relatives à ses missions .

Ainsi, le nouvel article L. 515-13 prévoit que l'AFD exerce une mission permanente d'intérêt public au sens de l'article L. 511-104, en vue de 43 ( * ) :

- contribuer à la mise en oeuvre de la politique d'aide au développement de l'État à l'étranger ;

- contribuer au développement des collectivités territoriales mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution .

Ce même article L. 515-13 prévoit que l'AFD contribue à l'action extérieure de la France , permettant ainsi d'asseoir l'autorité hiérarchique du chef diplomatique sur les antennes locales de l'agence ( cf. supra ).

De plus, il inscrit au niveau législatif que le conseil d'administration de l'agence inclut deux députés et deux sénateurs , tel que le prévoit déjà l'actuel article L. 515-13 et R. 515-17 du code monétaire et financier. Toutefois, ces dispositions précisent, contrairement au droit en vigueur, que ces parlementaires sont désignés par les commissions permanentes chargées des affaires étrangères.

Or, le rapporteur pour avis estime que cette précision n'est pas nécessaire, à double titre . D'une part, le dispositif proposé est plus restrictif que le droit en vigueur , alors même que la double tutelle du ministère des affaires étrangères et du ministère de l'économie et des finances justifie qu'un membre de la commission des finances soit représenté au sein du conseil d'administration. D'autre part, l'article 4 de la loi du 3 août 2018 visant à garantir la présence de parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement (OEP) 44 ( * ) prévoit que le droit commun de ces nominations est la désignation par les présidents de leur assemblée .

Estimant qu'une procédure dérogatoire de nomination n'apparaît pas justifiée, la commission des finances a adopté un amendement COM-151 visant à prévoir que les députés et sénateurs membres du conseil d'administration de l'AFD soient respectivement désignés par le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat .

Par cohérence, elle a adopté les amendements COM-150 à l'article 5, et COM-152 à l'article 8, sur le même fondement .

Le II de l'article 7 autorise l'AFD à gérer des fonds publics et privés dans le cadre d'opérations financées par les personnes suivantes :

- l'Union européenne ;

- des institutions ou organismes internationaux ;

- des collectivités publiques ;

- des États étrangers ;

- des établissements de crédit et banques de développement ;

- des personnes morales publiques ou privées, de droit français ou de droit étranger.

L'AFD peut également confier la gestion de fonds à ces personnes .

D'après les éclairages apportés au rapporteur pour avis par la direction générale du Trésor, ces délégations de fonds se distinguent des subventions , notamment en ce que le délégataire est sollicité par l'AFD, et devient en ce sens un prestataire de celle-ci 45 ( * ) . Le délégataire contractualise avec les participants au programme financé en son nom, et non pas pour le compte de l'AFD. Il est rémunéré par l'AFD. Cette disposition est particulièrement importante pour l'intégration d'Expertise France au sein du groupe AFD, afin de sécuriser juridiquement l'accroissement des activités de l'AFD confiées à Expertise France . Actuellement, cette possibilité de délégation reste marginale.

À l'exception de quelques précisions, la rédaction proposée reprend presque à l'identique les dispositions antérieurement prévues par l'article 10 de la précédente loi d'orientation de 2014 46 ( * ) .

Deuxièmement, l'article 8 transforme Expertise France en SAS , à compter du 1 er juillet 2021 , et en modifie la gouvernance afin de l'intégrer sous forme de filiale au groupe AFD. L'article 8 prévoit les dispositions nécessaires à la transmission des biens, droits, obligations, contrats d'Expertise France à cette nouvelle SAS, ainsi que d'autres dispositions visant à sécuriser le changement de statut juridique. Il indique que son capital est public .

D'après le Gouvernement 47 ( * ) , l'option de SAS a été « jugée plus robuste sur le plan juridique que les autres options qui s'avéraient par ailleurs moins adaptées pour générer les synergies attendues du rapprochement » 48 ( * ) . D'après l'étude d'impact, d'autres options auraient pu être envisagées, mais ont été écartées pour les raisons suivantes :

- la création d'un dispositif ad hoc rattachant l'EPIC Expertise France à l'EPIC AFD a été écartée en raison de l'absence de modèle préexistant ;

- la création d'un groupement d'EPIC, avec des EPIC « filles » dépendant d'un EPIC « mère » n'a pas été privilégiée en raison des limites de l'expérience de la SNCF ;

- la création d'un groupement d'intérêts économiques (GIE) n'a pas été retenue car il était estimé qu'elle limitait les synergies attendues du rapprochement ;

- la transformation d'Expertise France en société anonyme (SA) a constitué une piste sérieuse, mais le statut de SAS lui a été préféré car il permettait de prévoir plus aisément des dérogations au droit commercial 49 ( * ) .

Sur ce dernier point, plusieurs dispositions de l'article 8 visent à préserver l'autonomie d'Expertise France et le rôle de l'État .

Ainsi, le conseil d'administration comprendra quatre représentants de l'État, à parité avec l'AFD, et deux personnalités qualifiées nommées par décret, sur dix-huit membres 50 ( * ) . De plus, les statuts de la société sont approuvés par décret . Enfin, deux commissaires du Gouvernement sont nommés respectivement par le ministre chargé du développement et le ministre chargé de l'économie. Ceux-ci peuvent faire opposition aux délibérations et décisions du Conseil d'administration, qui, à défaut, sont exécutoires de plein droit huit jours après leur réception.

Par ailleurs, sur le plan financier, le poids de l'AFD reste minoritaire par rapport à celui de l'Union européenne , qui représente 50 % de son chiffre d'affaires.

En première lecture, la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale a adopté un amendement, à l'initiative du rapporteur et avec un avis favorable du Gouvernement, visant préciser les rôles respectifs du président du conseil d'administration et du directeur général . Le premier organise et dirige les travaux du conseil d'administration, et veille au bon fonctionnement des organes de la société. Il est nommé par décret , sur proposition conjointe des ministres chargés du développement et de l'économie. Il délègue « l'ensemble de ses prérogatives de gestion opérationnelle » au directeur général . Expertise France a indiqué au rapporteur pour avis que la question de la nomination du directeur général relèvera des statuts de la société .

Le rapporteur pour avis s'est interrogé sur la pertinence d'un schéma d'intégration aussi complexe, en procédant en plusieurs étapes . En effet, après la promulgation de la loi, encore faut-il que l'AFD acquiert « tout ou partie » du capital d'Expertise France, désormais transformée en SAS.

En effet, alors que les auditions menées ont confirmé que l'intégration d'Expertise France en tant que filiale de l'AFD était un objectif partagé par l'État et l'ensemble des parties prenantes, la rédaction choisie à l'article 7 pourrait être lue comme le fait que l'AFD ne détiendrait pas la totalité du capital d'Expertise France , laissant ainsi la porte ouverte à d'autres participations au capital.

La direction générale du Trésor a indiqué au rapporteur pour avis que le choix de cette rédaction permettait initialement de sécuriser juridiquement le transfert d'Expertise France à l'AFD , notamment en ménageant la possibilité pour l'État de détenir une fraction du capital d'Expertise France, si cela s'avérait nécessaire pour conserver ses prérogatives au sein du conseil d'administration.

Cette piste semble aujourd'hui écartée par les services de l'État qui mènent une réflexion en vue de simplifier le processus d'intégration , sous réserve de sa faisabilité juridique.


* 43 Ces missions sont actuellement prévues par l'article R. 515-6 du code monétaire et financier.

* 44 Loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence de parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement (OEP).

* 45 Par exemple, en 2016, l'AFD a contracté un contrat de coopération déléguée avec le ministère de la coopération suisse pour le financement d'une partie de la mise en oeuvre de la première phase d'un programme sectoriel de l'éducation et de la formation au Niger.

* 46 Loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.

* 47 Étude d'impact.

* 48 Réponse écrite de la direction générale du trésor.

* 49 Par exemple, d'après la direction générale du Trésor, le statut de SA aurait nécessité au moins deux actionnaires et aurait soulevé des difficultés opérationnelles liées à l'encadrement législatif des conditions de quorum et de majorité pour la prise de décision, ainsi que la multiplication de conventions réglementées.

* 50 Dont le président.

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