B. LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE NE SE FERA PAS SANS LE DYNAMISME DES CONSOMMATEURS ET DES ENTREPRISES, QUI EN SONT LES ACTEURS ESSENTIELS

1. Les modes de consommation des ménages sont au coeur de la transformation de nos économies

Selon un sondage IFOP de décembre 2020, cinq ans après l'Accord de Paris, 63 % des Français pensent qu'une consommation plus responsable est le principal levier de la transition écologique. Les citoyens se citent eux-mêmes comme acteur le plus efficace pour agir contre le dérèglement climatique, devant l'État ou les entreprises. Cela témoigne de la large adhésion des Français à la transition écologique, en synergie avec leurs préoccupations pour la qualité de vie, la santé et les économies d'énergie.

L'impact environnemental des achats est désormais intégré aux préférences des consommateurs. L'enjeu de la transition est maintenant de concevoir les mécanismes d'information et d'incitation qui permettent d'orienter les individus vers une consommation plus sobre en carbone, tout en respectant leurs préférences et donc sans renoncer à leur liberté de choix qui se trouve au fondement de nos sociétés libérales. La responsabilité individuelle reste le levier le plus efficace de la transition.

2. Responsables de 70 % des émissions de gaz à effet de serre, les entreprises sont à travers l'innovation des acteurs clefs de la transition écologique

La plupart des activités productives émettent, presque par définition, des gaz à effet de serre, qui ont un impact sur le dérèglement climatique. Toutefois, les entreprises adaptent leur offre à la demande de clients de plus en plus exigeants en matière d'impact environnemental. La responsabilité sociétale et environnementale des entreprises et la finance verte se développent rapidement, et le stock des « actifs échoués », c'est-à-dire des activités devenues non rentables en raison d'un impact environnemental trop négatif, s'accroît.

En outre, par les innovations de procédés et de produits qu'elles commercialisent, les entreprises contribuent à limiter leur empreinte carbone et celle de leurs clients. Ainsi, après quinze ans de progrès techniques, une même voiture émet beaucoup moins de CO 2 (cf. graphique 1 ( * ) ).

C. TROP LONGTEMPS, L'EMPREINTE CARBONE DE LA FRANCE NE S'EST AMÉLIORÉE QU'AU PRIX DE LA DÉLOCALISATION DE SES ÉMISSIONS

1. Les normes et la fiscalité environnementales ont augmenté les coûts de production en France, où l'environnement est pourtant relativement mieux protégé

Assez naturellement, la transition écologique s'est traduite en France par l'édiction de normes et taxes destinées à orienter le comportement des acteurs économiques. Cet alourdissement de la fiscalité et de la réglementation verte, sans diminution à due proportion de la taxation de la consommation, du travail et du capital, risque paradoxalement de décourager l'activité économique en France et de favoriser des importations dont l'empreinte carbone est souvent nettement plus élevée que celle d'une production nationale. À l'heure où les décisions de localisation de la production dépendent en grande partie de variables de coût, la réflexion sur les conséquences induites des nouvelles réglementations et taxations doit être conduite avec vigilance. De ce point de vue, un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières tel qu'actuellement discuté au niveau européen est souhaitable, pour limiter les « fuites de carbone » :

• un premier canal de ces fuites vient de la baisse du prix des énergies fossiles sur les marchés mondiaux consécutive à une moindre demande de la France ;

• un second canal de ces fuites tient à la délocalisation d'activités productives au sein de « havres de pollution » où les standards environnementaux sont moins exigeants.

La France et l'UE doivent veiller à ne pas devenir l'« idiot du village global » en s'imposant ce qu'elles n'exigent pas de leurs partenaires commerciaux. À ce titre, la lutte contre les importations agricoles et agroalimentaires doit être une priorité pour réduire l'empreinte environnementale de notre alimentation, renforcer notre souveraineté alimentaire et pérenniser les externalités positives de notre agriculture.

2. La réduction des émissions de CO2 en France a suivi les délocalisations

Plus difficile à estimer que les émissions « territoriales », l'empreinte carbone permet de tenir compte des fuites de carbone en incluant aussi les émissions « importées », qu'elles soient liées au mode de production ou à l'acheminement des produits (4 % des émissions mondiales de CO 2 sont liées au transport international). Un rapport du Haut Conseil pour le climat, publié en octobre 2020, estime que près de 42 % de l'empreinte carbone de la France correspond à des émissions importées. Celles-ci augmentent chaque année et devraient bientôt devenir la principale source d'émissions de la France.

Une certaine hypocrisie a eu cours pendant des années, consistant à se féliciter d'une stabilisation de nos émissions de GES, qui avait pour cause notable l'érosion de la base industrielle. Ainsi, le Royaume-Uni et la France, qui ont connu des trajectoires de décarbonation plus rapides que la Pologne ou l'Allemagne sur les deux dernières décennies, ont dans le même temps connu un recul marqué de la part de l'industrie dans leur production. La part des secteurs de l'industrie manufacturière et de l'industrie énergie dans les émissions de CO 2 a diminué en France depuis 1990 (cf. graphique).

UTCATF : utilisation des terres, changement d'affectation des terres et foresterie.

3. Réindustrialiser la France, c'est décarboner la planète

Les importations de soja du Brésil (déforestation importée), de panneaux solaires de Chine (impact environnemental de l'extraction de terres rares) ou de batteries de Pologne (énergie fortement carbonée) contribuent davantage à notre empreinte carbone que si on leur substituait des produits de fabrication française. L'impact des émissions importées extra-européennes provient d'abord des différences de standards, tandis que l'impact des émissions importées européennes provient surtout des volumes en jeu.

La production industrielle est plus émettrice de CO 2 en Allemagne ou en Pologne qu'en France. L'économiste spécialiste du climat Christian de Perthuis note que « le premier poste des émissions importées provient de nos échanges avec les partenaires européens. Le déficit commercial avec l'Allemagne compte lourdement dans notre empreinte carbone 2 ( * ) ».

Une étude du cabinet Deloitte évalue l'amélioration de l'empreinte carbone de la France que permettrait un rééquilibrage de la balance commerciale liée à des relocalisations dans plusieurs filières industrielles (verre plat, PVC, acier, aluminium) à près de 5 millions d'équivalent tonnes de CO 2 , pour une création ou un maintien de 9 600 emplois.

La transition ne se fera pas contre l'industrie, mais avec elle, puisqu'elle fournit des intrants à tous les secteurs de l'économie. Dès lors, le score carbone des produits doit être mesuré en « cycle de vie », sans quoi il conduit à majorer l'impact de l'industrie par rapport aux autres secteurs et celui du « fabriqué en France » par rapport aux autres pays.


* 1 France Stratégie, « Comment faire enfin baisser les émissions de CO 2 des voitures », note d'analyse n°78, 2019. https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-na78-2019-emissions-voitures-meilhan-20juin-bat.pdf

* 2 Christian de Perthuis, « Les trois thermomètres de l'action climatique, mode d'emploi », The Conversation, 2020. https://theconversation.com/les-trois-thermometres-de-laction-climatique-mode-demploi-129370

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