EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 17 novembre 2021, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, a procédé à l'examen des crédits du programme 152 - Gendarmerie nationale - de la mission « Sécurités ».

M. Philippe Paul, rapporteur pour avis . - Le budget de la gendarmerie prévu par le projet de loi de finances pour 2022 est un bon budget !

Avec 9,3 milliards d'euros en crédits de paiement, il augmente de 2,44% par rapport à 2021. Les dépenses de fonctionnement passent à 1,2 milliard en crédits de paiement, soit une augmentation de 14%, et les dépenses d'investissement passent à 284 millions en crédits de paiement, en hausse de 46%. Comme les dépenses de personnel n'augmenteront pour leur part que de 1,1%, la proportion des dépenses de fonctionnement et d'équipement augmente pour la première fois depuis longtemps par rapport aux dépenses de personnel, ce qui est une bonne chose.

Le Beauvau de la sécurité, qui s'est achevé en septembre dernier, a permis de dégager 202,1 millions de crédits de paiement supplémentaires pour l'équipement et l'investissement. Ces crédits permettront notamment le déploiement de 110 000 téléphones mobiles et 11 000 tablettes entre novembre 2021 et avril 2022.

Par ailleurs, le Beauvau a prévu 13 millions d'euros pour les mesures en faveur du personnel. En 2022, le schéma d'emplois de la gendarmerie nationale augmentera de 185 équivalents temps plein, essentiellement au profit des brigades territoriales.

S'agissant des véhicules de la gendarmerie, l'année 2022 devrait également être un « bon cru ». Au 30 septembre 2021, déjà, 3 221 véhicules ont été commandés par la gendarmerie nationale pour un objectif total de 3 707 véhicules sur l'année en cours. L'année prochaine, la dotation augmentera grâce à 100 millions d'euros de crédits débloqués dans le cadre du Beauvau de la sécurité et du plan de relance. Une dotation de 171 millions d'euros est ainsi prévue pour les moyens mobiles de la gendarmerie, dont 145 millions de véhicules et 25,5 millions de moyens blindés. Cette dotation exceptionnelle rendra possible l'acquisition de 5 500 véhicules en 2022. Elle permettra notamment de poursuivre le renouvellement des véhicules de maintien de l'ordre, qu'il s'agisse du remplacement des véhicules de commandement et de transmission, de celui des véhicules de groupe et d'équipe, ainsi que des véhicules blindés. En outre, 650 véhicules « verts » seront acquis sur le programme 362 « Écologie » pour 23,6 millions d'euros. Avec l'acquisition de 5°500 véhicules, on est presque en « sur-renouvellement » par rapport au rythme normal qui serait plutôt de 3°000 ou 3°500 par an.

En ce qui concerne les blindés, comme vous le savez, l'ensemble du parc de la gendarmerie, qui constitue un élément important de la capacité d'action de la force, notamment outre-mer, est marqué par la vétusté. La gendarmerie dispose de 84 véhicules blindés à roues (VBRG), entrés en service en 1974 (47 ans), et de 20 véhicules de l'avant blindés (VAB), dont 14 opérationnels, obtenus auprès de l'armée de Terre, d'une moyenne d'âge de 35 ans. C'est pourquoi une procédure d'appel d'offres a été lancée le 17 décembre 2020 pour l'acquisition de 90 véhicules blindés de maintien de l'ordre (VBMO), pour un budget d'environ 70 M€. C'est finalement l'entreprise alsacienne Soframe, du groupe Lohr, qui a remporté ce marché en octobre 2021. La tête de série doit être présentée à la fin du premier semestre 2022. La livraison doit s'échelonner sur 3 années, à raison de 30 véhicules par an. Ce renouvellement entraînera la réforme concomitante de l'ancien parc blindé.

Je souhaiterais enfin évoquer la réserve opérationnelle. Nous avons en effet auditionné le général Fortin, commandant des réserves de la gendarmerie, pour qu'il nous éclaire sur la montée en puissance annoncée par la Président de la République pour la réserve opérationnelle, avec un passage prévu de 30 000 à 50 000 réservistes.

Nous n'avons pas de doutes sur l'intérêt d'une telle montée en puissance, bien au contraire. La présidence française de l'Union européenne, l'opération POSEIDON sur le littoral de la Manche, la coupe du monde de Rugby en 2023 puis les JO en 2024 : ces événements vont s'ajouter à tous les autres besoins, avec par exemple les festivals d'été. Notre questionnement porte plutôt sur la crédibilité de cette montée en puissance d'un point de vue budgétaire. Actuellement, pour environ 30 000 réservistes et 24 jours annuels par réserviste, les crédits prévus sont de 71 millions d'euros. 24 jours, c'est peu par rapport aux réserves des armées : l'ambition du ministère est donc de monter à 30 jours par réserviste et par an, pour avoir le temps d'assurer à la fois la formation continue et des missions attractives. Un rapide calcul montre que pour monter à 50 000 réservistes et 30 jours par an, il faut passer de 71 millions à 148 millions d'euros de crédits ! C'est considérable. Or rien n'est prévu dans le PLF 2022 : on reste pour l'instant à 71 millions d'euros. Le commandement des réserves a certes fait une demande dans le cadre de la préparation de la LOPPSI, annoncée pour le début de l'année prochaine. Les crédits correspondants devront ensuite figurer dans la plus prochaine loi de finances après l'adoption de cette loi. Il nous faudra être très vigilants à ce sujet : la marche est très haute, mais l'enjeu en vaut la peine !

Sous réserve de ces quelques remarques, nous vous invitons à donner un avis favorable aux crédits du programme 152 pour 2022.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure pour avis . - Après le plan de relance, la gendarmerie nationale bénéficie des suites du Beauvau de la sécurité, qui s'est tenu entre février et septembre 2021, dans la continuité du livre blanc de la sécurité intérieure. Comme l'a souligné Philippe Paul, les crédits de la gendarmerie nationale sont ainsi en nette progression au sein du PLF 2022, en particulier en fonctionnement et en investissement.

Je rappelle que les travaux du livre blanc doivent trouver une issue dans une nouvelle loi de programmation de la sécurité intérieure. Celle-ci a récemment été annoncée par le Président de la République. Il est un peu dommage qu'il faille attendre l'extrême fin du quinquennat pour avoir cette loi de programmation. Après la loi de programmation sur la solidarité internationale, cela devient un peu une mauvaise habitude !

Car si les crédits sont en hausse en 2022, il ne s'agit toujours que de plans ponctuels, et non du résultat d'une véritable programmation pluriannuelle.

Prenons par exemple les crédits de l'immobilier de la gendarmerie. Vous le savez, on assiste à une dégradation constante des conditions de logement dans l'immobilier domanial, résultat d'un sous-investissement persistant, malgré des plans de rénovation ponctuels. Un effort substantiel avait déjà été accompli en 2021 grâce au plan de relance. En 2022, avec le Beauvau de la sécurité et la suite du plan de relance, l'enveloppe pour l'immobilier atteint le montant conséquent de 157 millions d'euros en crédits de paiement. Ce nouvel effort, réel et substantiel, laisse néanmoins selon moi persister deux questions :

- sur quel socle le PLF 2023 sera-t-il construit l'année prochaine, en l'absence de nouveau « Beauvau » et une fois le plan de relance achevé ? Si l'on se base sur les seuls crédits du programme 152 du présent PLF, hors « Beauvau » et plan de relance, c'est un montant de seulement 76 millions d'euros qui est prévu, ce qui est très insuffisant ;

- même avec les ajouts substantiels du plan de relance et du « Beauvau », on reste loin des crédits nécessaires pour maintenir le parc immobilier domanial en bon état, puisqu'il faudrait en réalité 300 millions d'euros par an, dont 200 millions d'euros pour la rénovation et 100 millions d'euros pour l'entretien.

Au total, malgré une deuxième année de hausse des crédits, la question de l'immobilier de la gendarmerie nationale n'apparaît donc pas définitivement résolue. Les pistes présentées en novembre 2020 dans le Livre blanc de la sécurité intérieure (partenariats public-privé, pérennisation du recours à la délégation de maîtrise d'ouvrage aux collectivités territoriales, création d'une société foncière en charge de la gestion du parc domanial, etc), ces pistes ne se sont pas, pour l'heure, concrétisées. Ces interrogations devront donc impérativement trouver des réponses dans la future loi de programmation de la sécurité intérieure.

Par ailleurs, sur la question de la réserve opérationnelle et de sa montée en puissance, je partage les doutes de mon co-rapporteur Philippe Paul. Je voudrai ajouter quelques éléments à ce sujet.

Premièrement, si l'on veut augmenter massivement le recrutement, il faut que les entreprises soient plus accommodantes. Actuellement, la garde nationale va à leur rencontre pour qu'elles autorisent les réservistes à dépasser les 5 jours prévus par la loi. Il faut accentuer ces efforts, notamment auprès des grandes entreprises qui, nous dit-on, sont paradoxalement moins favorables à cette démarche que les PME.

Deuxièmement, il faut améliorer la gestion de l'enveloppe budgétaire de la réserve. Le général Fortin, commandant des réserves, nous a assuré que cette enveloppe n'est plus, comme il y a quelques années, la variable d'ajustement budgétaire du programme 152. On ne se retrouvera donc plus avec des coupes sombres de 30% en deuxième partie d'année comme par le passé. En revanche, les engagements opérationnels effectués en fin d'année voient toujours leur mise en paiement réalisée en début d'année suivante, entraînant des reports de rémunérations. Ainsi, 21,9 millions d'euros ont été reportés de 2020 à 2021, et 10,7 M€ seront sans doute reportés de 2021 sur 2022. Il a là des améliorations possibles et nécessaires, car ces reports ne sont pas bien compris par les réservistes. En tout état de cause, la description de la nouvelle architecture du commandement des réserves que nous a fait le général Fortin nous rend optimistes, car elle montre que la problématique des recrutements et de la formation est bien prise en compte.

Troisièmement, la gendarmerie n'est pas très bien lotie par rapport aux armées. Celles-ci sont en mesure d'employer les réservistes plus de 30 jours par an, contre 24 jours seulement pour la gendarmerie. Il est donc impératif que la montée en puissance des effectifs, à raison de 3 000 supplémentaires par an environ, soit accompagnée d'une augmentation du nombre de jours par réserviste. Or, pour le moment, il n'a été communiqué que sur l'augmentation des effectifs, ce qui pourrait faire craindre un ajustement à la baisse des jours de mission. Il nous faudra donc être très vigilants sur ce point lors de l'examen du projet de loi de programmation.

Sous réserve de ces observations, mon groupe votera en faveur des crédits du programme 152 « gendarmerie nationale ».

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 152 « Gendarmerie nationale ».

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