EXAMEN EN COMMISSION

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Réunie le mercredi 17 novembre 2021, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission examine le rapport pour avis de M. Alain Duffourg sur le projet de loi de finances pour 2022 (programme « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Cohésion des territoires »).

M. Alain Duffourg , rapporteur pour avis . - Le programme 177, « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Cohésion des territoires », support financier de la politique publique de lutte contre le sans-abrisme porte, en 2021, les stigmates de la crise sanitaire, tout en connaissant de grandes transformations structurelles.

Ce programme finance en grande partie des structures d'hébergement aux différents statuts. Il s'agit principalement de centres d'hébergement d'urgence (CHU) ou de centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) qui permettent un accueil plus pérenne des personnes et un accompagnement social plus approfondi.

Pour faire face à la crise sanitaire, le parc d'hébergement généraliste a culminé à un niveau inédit de plus de 203 000 places en mars 2021, soit une augmentation de 40 000 places par rapport à février 2020. Il est prévu qu'un niveau de 200 000 places soit maintenu d'ici le 31 mars 2022 avant qu'une décrue progressive soit engagée au cours de l'année prochaine jusqu'à atteindre un seuil de 190 000 places en décembre.

Ce maintien d'un parc à un niveau historique a été salué par les acteurs de l'hébergement, mais ne doit pas obtenir un satisfecit précipité.

D'une part, des tensions existent toujours sur les structures d'hébergement. Des demandes sont encore non pourvues auprès des services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO) qui gèrent le numéro « 115 » et orientent les personnes vers une solution d'hébergement ou de logement. La perspective de la diminution du parc suppose également que les solutions alternatives soient au rendez-vous.

D'autre part, la qualité des places ouvertes est très variable. Le besoin rapide de places d'hébergement durant la pandémie a conduit à recourir à des nuitées hôtelières qui ont représenté jusqu'à 74 000 places en mars 2021. Or l'accueil en hôtel propose souvent des conditions de vie et d'accompagnement qui ne sont pas satisfaisantes et qui ne permettent pas aux personnes de recouvrer leur autonomie.

Les crédits proposés dans le PLF pour 2022 sont toutefois à l'image du parc d'hébergement, en forte hausse. Par rapport à la loi de finances initiale pour 2021, 477,5 millions d'euros supplémentaires ont été budgétés, soit une hausse de 24 % en neutralisant les transferts à d'autres programmes budgétaires.

L'hébergement d'urgence sera le principal destinataire de cet effort financier, puisque les crédits qui y sont consacrés croissent de 436,1 millions d'euros - soit une progression de 49 % - en cohérence avec l'augmentation des capacités d'accueil.

Les montants affectés aux CHRS sont quant à eux en légère hausse de 2 % et prennent en compte la reprise de la convergence tarifaire dont ils ont fait l'objet en 2021. Le plafonnement des tarifs avait été suspendu afin de permettre aux opérateurs de faire face aux coûts induits par la crise sanitaire. De même, la campagne retardée de contractualisation entre les gestionnaires des CHRS et l'État devrait reprendre, mais ne parviendra pas à s'achever avant le 1 er janvier 2023 comme le prévoit la loi pour l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ÉLAN).

Les crédits destinés à la politique de veille sociale connaissent une augmentation de 8 % pour 2022. Sur ce volet, la priorité devra être la remise à niveau du système d'information des SIAO qui connaît toujours d'importantes défaillances à l'incidence réelle sur toute la chaîne de l'hébergement et du logement adapté. Cette amélioration est d'autant plus urgente que de ce système d'information dépend la production d'un suivi statistique qui fait encore défaut au pilotage de la politique publique.

Enfin, les lignes budgétaires allouées aux actions de prévention de l'exclusion ont connu un changement de périmètre. Les allocations ou aides sociales financées par le programme, soit 34 millions d'euros, ont été transférées au programme 304, piloté par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), tandis que le programme 177 est dorénavant l'unique financeur des politiques de résorption des bidonvilles.

La hausse globale du budget initial consacré à la politique de lutte contre le sans-abrisme s'accompagne d'un nouvel engagement de la part de l'exécutif ; celui de ne voir aucune loi de finances rectificative abonder le programme 177 en 2022. Il s'agirait là d'une avancée importante qui apporterait de la sécurité pour les opérateurs du programme et contribuerait à sortir de la gestion dans l'urgence dont pâtit le secteur. Le programme 177 connaît en effet une sous-budgétisation chronique : l'exécution en 2021 serait ainsi supérieure à 709 millions d'euros par rapport à la budgétisation initiale.

Cet objectif de retour à la sincérité budgétaire est donc ambitieux. Espérons que nous pourrons constater une réussite dans un an.

Je souhaite également aborder les réformes au long cours conduites dans le secteur de l'hébergement et du logement adapté et qui sont véritablement d'ordre structurel.

Tout d'abord, l'année 2022 marquera la fin du plan quinquennal pour le « Logement d'abord ». Ce plan entend développer les modes de logement adapté comme les pensions de famille, les intermédiations locatives (IML) ou les dispositifs financés par l'aide à la gestion locative sociale (AGLS). Il s'agit de mettre fin au parcours d'insertion par étape au profit d'une orientation directe vers ces dispositifs. Les objectifs assignés au plan étaient de créer 10 000 places en pension de famille et 40 000 places supplémentaires en IML sur cinq ans.

La crise sanitaire a eu des effets contrastés sur le développement du logement adapté. La création de places en pension de famille a été retardée par la crise avec seulement 5 353 places ouvertes de 2017 à septembre 2021. En revanche, 30 500 places ont été créées en intermédiation locative depuis 2018. L'objectif initial devrait donc être atteint en 2022 et a même été rehaussé à 43 000 places.

En 2021 a ensuite été lancée l'initiative du service public de « la rue au logement », qui doit répondre aux difficultés de gouvernance d'une politique publique mise en oeuvre quasi exclusivement par des tiers associatifs.

Sur le plan national, la gestion budgétaire du programme 177 a été transférée de la DGCS à la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (Dihal), qui disposait déjà du pilotage « métier ». La concrétisation sur le terrain du service public « de la rue au logement » prendra néanmoins du temps. Parmi les chantiers ouverts, l'État souhaite replacer les SIAO comme pierre angulaire de la chaîne de l'hébergement et du logement adapté en intégrant leur gouvernance. De même, une nouvelle réforme de la tarification des places en CHRS est en cours et devrait aboutir en 2023.

Enfin, un changement de logique est à l'oeuvre quant à la gestion « au thermomètre » du secteur, régulièrement pointée du doigt. La politique de lutte contre le sans-abrisme souffre en effet d'une gestion dans l'urgence rythmée par les périodes hivernales et les incertitudes qu'elles entraînent quant au nombre de places exceptionnellement ouvertes puis pérennisées en sortie de saison. Les usagers de ce service public, de même que les opérateurs du programme, se retrouvent dès lors sans visibilité.

La ministre Emmanuelle Wargon a souhaité la mise en place d'une programmation pluriannuelle de l'hébergement et du logement adapté. Elle consisterait à donner une trajectoire de moyen et long terme sur le nombre de places et sur la configuration des modes d'accueil en fonction des besoins dans chaque territoire. Cette programmation devra accompagner la transformation qualitative de l'offre d'hébergement. Une instruction ministérielle de mai dernier prévoit ainsi que 7 000 places d'hôtels devront être converties en 2021 en places d'hébergement dans des structures plus durables, telles que les CHU ou CHRS.

Le parachèvement de cette stratégie serait l'adoption à intervalle régulier d'une loi de programmation pluriannuelle, à l'instar de ce qui est mis en place pour d'autres politiques. Porté par la Fédération des acteurs de la solidarité et accueilli favorablement par le Gouvernement, ce projet apparaît tout à fait intéressant et pourrait constituer un outil supplémentaire d'une gestion maîtrisée de l'hébergement et du logement adapté.

Au regard des moyens financiers supplémentaires engagés par l'État dans ce PLF et des réformes amorcées, qui me semblent aller dans le bon sens, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits soumis à notre examen.

Mme Catherine Procaccia . - Toutes les réquisitions de gymnases ou de salles par le Gouvernement en faveur de Roms ou de migrants figurent-elles dans le rapport, notamment lorsqu'il est question des places d'hébergement ? Ces réquisitions ont souvent lieu sans que les mairies aient été contactées auparavant.

M. Alain Duffourg , rapporteur pour avis . - Les réquisitions de gymnases ou d'autres salles sont comprises dans les places dites « exceptionnelles », ouvertes dans l'urgence comme peuvent l'être aussi les places en hôtel.

Mme Catherine Procaccia . - N'y a-t-il pas un moyen d'éviter ces mises à disposition à l'improviste ? Dans mon département, 3 ou 4 gymnases sont réquisitionnés chaque année.

M. Alain Duffourg , rapporteur pour avis . - Il est difficile de prévoir qui sont précisément les personnes sans-abri. On intervient donc au coup par coup, ce qui contribue à la gestion à très court terme du programme. L'objectif d'une programmation pluriannuelle des capacités d'hébergement serait justement d'y mettre fin.

Pour terminer et pour parfaire votre information sur le programme, je veux indiquer que 50 % des personnes hébergées sont de nationalité étrangère.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Cohésion des territoires ».

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