EXAMEN EN COMMISSION

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Réunie le 17 novembre 2021, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission examine le rapport pour avis de M. René-Paul Savary sur le projet de loi de finances pour 2022 (mission « Régimes sociaux et de retraite » et compte d'affectation spéciale « Pensions »).

M. René-Paul Savary , rapporteur pour avis . - Madame la présidente, mes chers collègues, il me revient de vous présenter les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions », que notre commission examine conjointement depuis 2018.

Cet avis budgétaire contribue à éclairer le Sénat sur l'objectif de dépenses de la branche vieillesse, que nous avons adopté vendredi dernier lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 et qui s'élève à 256,6 milliards d'euros. En effet, ce montant couvre les dépenses de l'ensemble des régimes obligatoires de base, y compris celles des régimes concernés par les deux missions budgétaires que je m'apprête à vous présenter.

En premier lieu, la mission « Régimes sociaux et de retraite » regroupe les crédits affectés aux subventions d'équilibre versées par l'État à onze régimes spéciaux de retraite en raison de leur ratio démographique particulièrement dégradé. Notez que la subvention dont bénéficient d'autres régimes spéciaux, notamment ceux des industries électriques et gazières, de l'Opéra de Paris et de la Comédie-Française, est retracée dans d'autres missions du budget général... Cela n'est pas de nature à aider à la clarté du débat !

Les crédits de la mission reculeraient de 1,55 % en 2022 pour atteindre 6,06 milliards d'euros, soit le niveau le plus bas atteint depuis dix ans. Leur lente régression s'explique essentiellement par la diminution progressive du nombre de bénéficiaires des régimes fermés percevant une subvention de l'État.

En effet, les charges de pensions de la plupart des régimes concernés diminueraient en 2022, à hauteur de - 0,4 % pour le régime du personnel de la SNCF, de - 1,1 % pour le régime des marins et de - 4,2 % pour le régime des mines. Celles du régime du personnel de la RATP augmenteraient quant à elles de 0,7 %, du fait de la stabilité de ses effectifs de pensionnés.

En ce qui concerne plus particulièrement le régime de la SNCF, qui représente à lui seul 54 % des crédits de la mission, rappelons que la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire a prévu la fin du recrutement au cadre permanent à compter du 1 er janvier 2020. Les nouveaux salariés de la SNCF sont donc affiliés au régime général, mais les personnels recrutés avant le 1 er janvier 2020, ainsi que les retraités actuels, dépendent toujours du régime spécial.

La caisse de retraite de la SNCF doit donc financer les pensions de ses affiliés, tandis que le nombre de cotisants ne cessera plus de diminuer dès lors qu'aucune nouvelle affiliation n'est possible depuis 2020. À l'inverse, la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) et l'Agirc-Arrco perçoivent les cotisations versées par les salariés recrutés par la SNCF à compter de 2020, sans pour autant avoir à verser de pensions avant que ces derniers ne liquident leurs droits.

Afin de neutraliser en partie ces effets, la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2020 a institué un mécanisme de transferts financiers entre la CNAV et l'Agirc-Arrco, d'une part, et la caisse de retraite de la SNCF, d'autre part. Les montants de ces transferts sont évalués annuellement en fonction de l'évolution des ressources et des charges respectives de chacun des régimes résultant de la fin du recrutement au cadre permanent. D'un montant de 10,2 millions d'euros en 2020, ces transferts devraient s'élever à 23,4 millions en 2021 et à 37,4 millions en 2022. L'État, quant à lui, prend en charge le besoin de financement restant, qui correspond au différentiel de taux de cotisations entre le régime général et le régime spécial, soit environ 40 % de la perte de cotisations pour la caisse de retraite de la SNCF.

En tout état de cause, j'attire votre attention sur le fait que la subvention d'équilibre versée par l'État représente entre 62 et 84 % des charges de pension des régimes concernés, voire 100 % dans le cas du régime de la Seita.

Après que nous avons demandé un effort supplémentaire à nos concitoyens en votant des mesures de redressement des comptes de la branche vieillesse, ce constat doit nourrir notre réflexion collective au sujet des règles de départ à la retraite applicables aux agents du cadre permanent de la SNCF, ainsi qu'à ceux de la RATP. Ceux-ci peuvent en effet liquider leurs droits dès 52 ans pour les conducteurs de train de la SNCF et les agents d'exploitation de la RATP et 57 ans pour le personnel du service sédentaire de la SNCF et les personnels de maintenance de la RATP.

J'en viens au compte d'affectation spéciale « Pensions ». À la différence d'une mission, un CAS retrace non seulement des dépenses, mais également des recettes, et doit être en permanence à l'équilibre. C'est la raison pour laquelle ses excédents annuels sont cumulés sur le plan comptable, bien que les sommes correspondantes soient reversées au budget de l'État. Ainsi, il est garanti à chaque instant que toutes les dépenses du CAS auront été financées par des recettes préalables en lien direct avec la dépense.

En 2022, les recettes du CAS devraient augmenter de 0,4 % par rapport à 2021, pour s'établir à 61,2 milliards d'euros. 94 % de cette somme sont dédiés au versement des pensions civiles et militaires de retraite et aux allocations temporaires d'invalidité servies par l'État. Les crédits afférents afficheraient une hausse de 1,5 % du fait des nouvelles liquidations, ainsi que des revalorisations, prévues à + 1,1 % au 1 er janvier 2022 pour les pensions de retraite et à + 1,6 % au 1 er avril 2022 pour les pensions d'invalidité.

Les dépenses correspondantes sont principalement financées par des recettes de contributions employeurs. En effet, bien que le taux de retenue pour pension, c'est-à-dire de cotisation « salariale », ait été porté à 11,10 % en 2020, le taux de contribution employeur de l'État est fixé de façon à équilibrer les dépenses et a fortement augmenté entre 2006 et 2014, atteignant 74,28 % pour les fonctionnaires civils et 126,07 % pour les militaires.

Au total, poursuivant sa trajectoire baissière, le CAS ne devrait plus dégager qu'un excédent de 261 millions d'euros en 2022, contre 600 millions en 2021. Le solde cumulé - sur le plan comptable - atteindrait 10 milliards d'euros en 2022, soit le niveau le plus haut jamais constaté.

Toutefois, les dépenses de pensions étant plus dynamiques que les recettes de cotisations, le CAS devrait devenir déficitaire à compter de 2023 ou 2024. En effet, le régime des fonctionnaires de l'État pâtit d'une trajectoire démographique de plus en plus défavorable, tandis que l'inflation accroît les charges de pension et que les efforts de maîtrise des effectifs de la fonction publique empêchent la progression du nombre d'actifs cotisants. Le montant du solde cumulé devrait permettre d'absorber les déficits prévisionnels, ce qui permettra d'éviter une hausse des taux de contribution dans l'immédiat.

Néanmoins, le service des retraites de l'État estime que, à long terme, cette tendance devrait se prolonger et que le solde cumulé du CAS devrait s'amenuiser progressivement pour atteindre 1 milliard d'euros. À défaut de recourir à des mesures paramétriques permettant de redresser la situation, il devra alors sans doute être envisagé d'augmenter de nouveau les taux de contribution. Le service des retraites de l'État estime toutefois que cette hypothèse n'est pas souhaitable, car elle inciterait les employeurs publics à privilégier le recrutement de contractuels à celui de fonctionnaires. Une alternative consisterait alors à normaliser les taux de contribution et à prévoir le versement par l'État d'une subvention d'équilibre au régime.

Voilà, en quelques mots, mes chers collègues, les observations que je peux formuler au sujet de la mission et du CAS. Compte tenu de la nécessité d'assurer le versement des pensions et du caractère de constatation de la quasi-totalité des crédits demandés, je vous propose, comme les années précédentes, d'émettre un avis favorable à leur adoption, sous les réserves que j'ai soulevées et qui tiennent notamment à la nécessaire contribution de tous les Français sans exception au redressement des comptes de la branche vieillesse et à la préservation du système de retraite par répartition, auquel nous sommes toutes et tous attachés.

M. Olivier Henno . - On a vu lors du vote sur le PLFSS combien le covid avait impacté les régimes de retraite. A-t-il eu un impact sur les recettes de la mission et du CAS ? Si oui, cet impact a-t-il été mesuré ? La mortalité a augmenté et nous avons même perdu en espérance de vie, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale.

Mme Monique Lubin . - Sans chercher à rouvrir le débat, je rappelle que, pour les conducteurs de la RATP, qui travaillent sous terre en permanence, dans des conditions assez difficiles et avec des salaires qui sont loin d'être mirobolants, le régime de retraite était de nature à les motiver à exercer ce métier. Il est problématique de redéfinir un contrat après qu'il a été signé.

Pour les fonctionnaires, c'est la quadrature du cercle... Si l'on continue d'en baisser le nombre, il est évident que se posera la question du financement de leurs retraites, donc de l'augmentation éventuelle du taux de cotisation. Reculer l'âge de départ ne réglera pas le problème : il y aura de toute manière un problème d'équilibre.

J'ai participé lundi matin à un colloque du Conseil d'orientation des retraites (COR) sur le thème « le COR est-il trop optimiste ? » Je vous invite à en lire les actes lorsqu'ils paraîtront, car ce colloque était particulièrement intéressant. Quatre économistes, parmi les meilleurs du pays, se sont exprimés - deux que l'on qualifie d'« optimistes » et deux de « pessimistes ». Tous avouent avec une grande modestie qu'ils ne sont pas capables de prévoir ce qui se passera dans dix, vingt ou trente ans.

Mme Catherine Procaccia . - L'indemnité temporaire de retraite (ITR), régime de surretraite pour les fonctionnaires de l'État passant leur retraite dans les Outre-mer, qui s'éteindra en 2028, est-il toujours traité dans un programme à part ?

M. René-Paul Savary , rapporteur pour avis . - L'impact du covid a été mesuré. Il n'est pas énorme. Au régime général, on relève 35 000 décès supplémentaires par rapport à la tendance. Dans le cas du régime des fonctionnaires de l'État, la surmortalité liée au covid a conduit à une moindre dépense de l'ordre de 36 millions d'euros pour l'année 2020 et de 150 millions d'euros pour l'année 2021, le régime dans son ensemble représentant plus de 6 milliards d'euros.

Par ailleurs, la crise n'a pas eu d'impact économique sur les fonctionnaires, qui ont continué à toucher leur traitement. Il n'y a donc pas eu de moindres rentrées de cotisations.

Madame Lubin, vous avez tout à fait raison à propos de la RATP : les conditions particulières du régime de retraite font partie du contrat. Dès lors, évoquer une suppression des régimes spéciaux, c'est remettre en cause les engagements collectifs de carrière qui ont été négociés. Il est normal que la remise en cause de cette base de la discussion suscite un certain nombre de réactions. Il faut, en contrepartie, tenir d'autres engagements. Ce n'est pas simple.

S'agissant du COR, il est vrai qu'il est très compliqué de faire des prévisions à quinze, vingt, voire cinquante ans : l'équilibre ou le déséquilibre dépendent des taux de croissance, de la productivité, mais également du taux de chômage et de la natalité. Toujours est-il que, compte tenu, notamment, de l'augmentation importante de l'espérance de vie et de la dégradation du ratio démographique, tout laisse à penser que, quel que soit le scénario, on n'arrivera pas à l'équilibre, à moins d'une diminution des pensions par rapport au revenu moyen.

Si l'on ne fait rien, il y aura inévitablement un appauvrissement progressif des retraités. Il faudra inéluctablement choisir entre travailler plus longtemps pour créer plus de richesses et accepter une diminution du niveau de vie des retraités. Nous n'échapperons pas à ce choix de société.

Madame Procaccia, il n'y a pas de mention particulière de l'indemnité temporaire de retraite outre-mer dans les documents budgétaires relatifs au CAS « Pensions » sur l'indemnité temporaire de retraite outre-mer. Je n'ai jamais vu de chapitre spécial qui lui soit dédié depuis que j'examine cette mission. Tout est globalisé, au sein des programmes 741 et 743. Cela dit, je vais mener l'enquête... Je peux, en revanche, vous donner quelques renseignements sur quelques vieux régimes spéciaux en cours d'extinction - les chemins de fer d'Afrique du Nord et du Niger-Méditerranée, les transports urbains tunisiens et marocains, les chemins de fer franco-éthiopiens -, mais cela ne répondra pas à votre question.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».

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