II. POLITIQUES D'AVENIR : UN RENOUVEAU DES FILIÈRES INDUSTRIELLES DU NUCLÉAIRE ET DU SPATIAL À ACCOMPAGNER

A. UN TOURNANT HISTORIQUE POUR LA FILIÈRE NUCLÉAIRE FRANÇAISE QUI NÉCESSITE UN RENFORCEMENT DE LA RECHERCHE NUCLÉAIRE

1. Un renouveau inédit et attendu de la filière nucléaire française pour soutenir la décarbonation de notre économie

Alors que la filière nucléaire française subissait un regrettable déclin depuis les années 2010 faute d'une stratégie politique, énergétique et industrielle appropriée pour atteindre l'objectif de décarbonation de notre production d'énergie à horizon 2050, le renouveau engagé depuis les deux dernières années trouve enfin ses premières traductions budgétaires significatives dans le cadre de ce projet de loi de finances pour 2024.

En juin dernier, l'adoption de la loi relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes a permis de concrétiser l'ambition du discours de Belfort prononcé par le Président de la République le 10 février 2022. Au-delà des dispositions prises pour prolonger l'exploitation du parc nucléaire existant, la construction de 6 nouveaux réacteurs de type EPR 2, notamment sur les sites de Penly, de Gravelines et du Bugey, a été actée.

Lors du dernier Conseil de politique nucléaire du 19 juillet 2023, il a également décidé qu'un effort significatif de recherche en faveur des petits réacteurs modulaires (PMR) et innovants (RMA) était indispensable, tout comme le renforcement conséquent des effectifs et des infrastructures de recherche de la branche civile de la filière nucléaire.

2. Un renforcement indispensable des moyens budgétaires et humains du CEA pour soutenir le renouveau de la filière

Dans la continuité des évolutions législatives récentes et des dernières décisions gouvernementales, ce projet de loi de finances pour 2024 est marqué par un renforcement des moyens alloués au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), fer de lance de la recherche nucléaire en France et en Europe. Ainsi, en 2024 :

· les subventions versées par l'État devraient s'élever à 4,17 Md€ contre 3,83 Md€ en 2023, dont 1,36 Md€ pour ses activités civiles et 2,81 Md€ pour ses activités militaires, ces dernières connaissant la plus forte hausse budgétaire ;

Source : commission des affaires économiques, à partir des données budgétaires

· une hausse de 204 ETPT dont 146 ETPT pour ses activités de recherche et de développement (R&D) est prévue, le CEA souhaitant recruter jusqu'à 500 ETP en R&D dans les prochaines années afin d'accompagner la relance de la filière nucléaire, être à la pointe des innovations et demeurer à la frontière technologique.

La hausse des subventions versées au CEA permettra notamment de poursuivre le financement du réacteur de recherche Jules Horowitz dédié principalement à l'étude des matériaux et des combustibles nucléaires sous irradiation, un dernier versement de 26,6 M€ étant prévu en 2024 au titre du PIA 3. Le CEA a également obtenu des financements dédiés à la construction de deux nouvelles infrastructures de recherche dans le domaine des réacteurs à sels fondus.

Tout en souhaitant préserver ses acquis dans le domaine des réacteurs à neutrons rapides (RNR) et des réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium (RNR-Na), le CEA accélère désormais ses activités de R&D dans le domaine des réacteurs à neutrons rapides à sels fondus (MSR) et des autres modèles de réacteurs offrant plusieurs avantages potentiels par rapport aux réacteurs traditionnels. En 2024, les moyens budgétaires qui seront mobilisés pour le « Nucléaire de demain » devraient ainsi s'élever à 68 M€.

La rapporteure souhaiterait également rappeler que le renforcement des moyens du CEA est d'autant plus nécessaire que l'établissement est amené à animer encore davantage l'écosystème national de R&D en matière nucléaire, ainsi que d'accompagner les jeunes entreprises innovantes dans la maturation de leurs projets.

3. Une attention particulière à accorder au CEA au regard de son exposition à la hausse des coûts de l'énergie

Si tous les organismes de recherche sont contraints d'adapter leur budget à la hausse générale des prix, et en particulier à la hausse des prix de l'énergie, le CEA, en raison de la nature de ses activités, est particulièrement exposé au contexte inflationniste.

Alors que les surcoûts énergétiques liés aux activités civiles du CEA sont estimés à 56 M€ pour l'année 2023, ces surcoûts n'ont été que partiellement compensés, à hauteur d'environ 30 M€ pour les activités civiles et les infrastructures de recherche.

Même si les effets de la hausse des prix de l'énergie devraient être moindres que l'année passée, le CEA anticipe tout de même une hausse de 31 M€ en 2024 dont 23 M€ pour sa facture d'électricité et 8 M€ pour sa facture de gaz. La rapporteure constate que ces surcoûts ne sont que partiellement compensés dans le cadre de ce projet de loi de finances, le reste à charge étant évalué à 21 M€. La rapporteure considère que cette compensation partielle des surcoûts énergétiques est incompatible avec l'objectif affiché de relance de la filière nucléaire française, dont le CEA est l'un des fers de lance.

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