III. L'AFD DOIT FAIRE FACE À LA HAUSSE DES TAUX D'INTÉRÊT

L'AFD recevra en 2024, du P209, 848,6 M€ d'AE et 825,6 M€ de CP pour les dons projet, et 190 M€ d'AE et 155,6 M€ de CP pour les dons-ONG. Ainsi, le niveau d'engagement reste similaire au niveau attribué en 2023 à l'agence avec environ 1 milliard d'euros au total pour les dons.

En revanche, la hausse forte et rapide des taux d'intérêt depuis 2022 a pour effet collatéral d'augmenter très fortement les crédits nécessaires à la bonification des prêts de l'AFD au sein du programme 110 : 1,7 Md€ d'AE contre 1,39 en 2023 et 380M€ en CP. L'augmentation massive en AE va ainsi de pair avec un volume d'activité en prêts et une répartition géographique globalement stables. Les CP sont en hausse en raison de l'augmentation des AE engagées depuis 2019.

Autre effet de la hausse des taux : le volume d'APD déclaré diminue pour un même volume de prêts. A activité équivalente, le contexte de taux actuel conduit donc à une hausse de la consommation de bonification et à une baisse de l'APD générée. Ainsi, l'effet de levier des prêts par rapport à la consommation de ressources budgétaires a baissé mais il reste très favorable : il est estimé à 1,5 pour 2023 (les prêts de l'AFD génèrent 1,5 EUR d'APD en moyenne pour 1 EUR de ressource budgétaire consommé contre un rapport de 1 pour 1 pour les dons). Si les taux d'intérêt continuent à monter, ce qui est cependant peu probable, il deviendra plus efficace de faire des dons que des prêts pour obtenir un même volume d'APD.

IV. LE RÉ-ENDETTEMENT DES PAYS AFRICAINS : UNE RESPONSABILITÉ INÉGALEMENT PARTAGÉE

A. UNE DETTE MAJORITAIREMENT DÉTENUE PAR LES ACTEURS PRIVÉS ET PAR LA CHINE

À la fin des années 90, une crise de la dette systémique avait frappé de nombreux pays africains, les obligeant à réduire la majeure partie de leurs dépenses sociales pour pouvoir rembourser les annuités de la dette. À partir de 1996, le programme pays pauvres très endettés (PPTE) a concerné 42 pays, dont les trois quarts situés en Afrique subsaharienne, et a permis de supprimer une grande partie de cette dette.

On assiste aujourd'hui à un retour de la crise de la dette. Plusieurs pays sont d'ores et déjà en situation de faillite : Zambie, Ghana, Éthiopie. S'agissant de la responsabilité de la communauté internationale et des banques de développement dans ce phénomène, on peut indiquer que, dans ces trois derniers cas, au-delà des détenteurs domestiques, les créanciers privés et la Chine, qui prête souvent au travers de banques publiques se comportant comme des créanciers privés, détenaient entre 17% et 32% de la dette totale et plus de la moitié de la dette externe dans deux cas sur trois. Ainsi, hormis le cas du Ghana, la Chine détenait entre les deux tiers et les trois quarts de la dette bilatérale externe (dette hormis créanciers privés et multilatéraux), un tiers pour le Ghana.

En dehors du cas de l'Éthiopie, les créanciers multilatéraux détenaient des niveaux de dette relativement contenus (moins de 15% de la dette totale, 25% en Éthiopie). Surtout, les bilatéraux hors Chine (dont le club de Paris mais pas exclusivement) ne représentent jamais plus de 6% de l'encours total, en général à conditions concessionnelles.

Au total, on peut estimer que la tendance des emprunteurs à privilégier les créanciers privés (domestiques ou étrangers) et à favoriser la Chine parmi des créanciers bilatéraux est un facteur de risque accru, plus que l'irresponsabilité dont auraient fait preuve les banques multilatérales ou les bilatéraux hors Chine comme ceux du Club de Paris.

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