V. LA SUSPENSION DE L'AIDE AUX PAYS DU SAHEL : DES CONSÉQUENCES IMPORTANTES

A. UNE SUSPENSION DE TOUT FINANCEMENT DE L'ETAT VERS LE MALI, LE BURKINA FASO ET LE NIGER

Après avoir suspendu sa coopération avec le Mali dès novembre 2022, la France a suspendu son aide au Burkina Faso et au Niger à la suite du putsch du 26 juillet et de la solidarité affichée par la junte burkinabè.

Ainsi, tous les financements français sur le programme 209 portés par le réseau diplomatique et les opérateurs de notre action extérieure sur place ont été suspendus, à l'exception de l'aide humanitaire, de quelques projets ciblés en soutien aux populations proches du champ humanitaire, enfin de plusieurs projets mis en oeuvre par nos opérateurs en délégation ou avec des cofinancements de bailleurs multilatéraux, et dont l'arrêt pourrait faire courir un risque juridique. Les opérateurs « autonomes » (collectivités, universités, ONG) peuvent par ailleurs poursuivre leur coopération sans soutien financier de l'Etat.

La suspension de l'aide au Niger

Concernant le Niger, la quasi-totalité des personnels de l'AFD au Niger ont été rapatriés, le personnel à Ouagadougou ayant déjà été réduit auparavant. Le portefeuille de l'AFD comprenait 52 projets en cours d'exécution représentant plus de 725M€ d'engagements, dont 204M€ d'encours et 224M€ de reste à verser (RAV). Une part de 31% de ces engagements était sous forme de subventions (250M€), 21% de fonds délégués (169M€) dont 10% de l'UE et le reste principalement par le Partenariat Mondial pour l'Éducation. En termes de répartition sectorielle, l'éducation représentait 30% des concours, les infrastructures (énergie et eau/assainissement principalement) 16%, la gouvernance 14% et l'agriculture 13%. Pour l'année 2023, les aides budgétaires (80M€ - PSB et 15M€ - ABG) et un financement délégué européen sur l'énergie (10,5 M€) avaient déjà été approuvés mais pas été signés. 5 autres projets étaient en cours d'instruction. Un total de 29 OSC françaises et environ 50 OSC locales sont financées à hauteur de 11,1M€ par l`AFD. En ce qui concerne la Facilité de financement des collectivités territoriales (FICOL), 1 projet est en cours de mise en oeuvre et 1 autre en instruction pour un total de près de 2M€.

PROPARCO présente un encours de dette pour compte propre de 14,4M€, dont 1,9M€ à ACEP Niger sur facilité 209, sans sous-participation de l'AFD. L'essentiel de ce portefeuille est constitué du projet hôtelier CHN et à moindre titre d'expositions dans le secteur financier et les infrastructures. L'activité ARIZ y est plus réduite à 0,9M€ et le portefeuille FISEA est de 0,8M€ sur 3 entreprises. Expertise France mettait en oeuvre 10 projets au Niger, pour un volume d'affaires de 67,3M€ (46% AFD - 53% UE et 1% autres).

Un exemple de projet suspendu au Niger

Les travaux d'infrastructures principaux de la centrale solaire de Gorou Banda ont été finalisés, en revanche le financement des activités de maintenance, formation et certification reste pour l'instant suspendu. Aucun autre bailleur n'a prévu de reprendre le projet. Néanmoins, les infrastructures étant quasi finalisées avant le putsch, la Nigelec a pu injecter mi-octobre de l'énergie dans le réseau à partir de la Centrale, avec succès (autour de 16MW sur les 30MW prévus). Deux postes sur cinq fonctionnent donc déjà, et la Centrale devrait être 100% opérationnelle « mécaniquement » d'ici fin novembre. Faute de maintenance prévue, la pérennité de ce projet reste néanmoins en suspens.

La suspension de l'aide au Burkina Faso

Le portefeuille de l'AFD comprenait 52 projets en cours d'exécution représentant près de 789M€ d'engagements, dont 313M€ d'encours et 315 M€ de RAV. L'exposition en risque étant de 628 M€. Les projets présentent un co-bénéfice climat de 54%, et genre pour 60%. Une part de 35,3% des concours en exécution sont financés par des subventions (programme 209), 51,42% par des prêts souverains et 13,3% par des fonds délégués de partenaires (41% par l'Union Européenne (UE) et 59% par le Partenariat Mondial pour l'Éducation (PME)). En termes de répartition sectorielle, le secteur de l'Agriculture/sécurité alimentaire représente 26% des engagements, celui de l'Énergie 17%, du Développement urbain 20%, de l'Eau et Assainissement 13%, et de l'Éducation et la Formation professionnelle 13%. Le restant étant relatif aux secteurs de la gouvernance, de la cohésion et de la protection sociale. S'agissant des prêts non souverains, les octrois cumulés s'établissent à 98,7M€ pour un encours à date de 76,6M€. La répartition sectorielle sur la base des octrois totaux indique 79% pour l'eau et l'assainissement, 13% pour l'agriculture et la sécurité alimentaire, 5% pour l'éducation et la formation professionnelle, l'énergie et l'urbain représentant quant à eux 3% en cumulé (les financements de ces deux secteurs s'effectuant principalement via des prêts souverains rétrocédés). Les impayés concernent le secteur agricole pour 1,5M€.

Pour l'année 2023, 5 projets sont en cours d'instruction, dont 2 sur fonds délégués, pour un montant global de 59,5M€. Un projet de 10M€ a été d'ores et déjà octroyé, mais non signés en faveur d'une ONG française. Un total de 53 OSC françaises et environ 150 OSC locales étaient financées à hauteur de 23,7M€. En ce qui concerne la FICOL, 4 projets étaient en cours de financement pour un montant d'environ 3,6M€. Concernant PROPARCO, l'encours de dette et de subvention est de 82,5M€, dont 63,2M€ pour compte propre et 19,3M€ en sous-participation AFD.

Les expositions les plus importantes sur ce portefeuille portent sur des garanties au titre de l'activité de Trade Finance, qui permet de garantir les banques confirmantes d'instruments de Trade Finance émis par Coris Bank et Vista Bank, une ligne subordonnée à la SGBF et des opérations de financements de projets de production d'électricité solaire, portés par des opérateurs français (Groupe QAIR, AktivCo ou Green Yellow) et dans lesquels STOA est co-investisseur. PROPARCO gère également en encours de 8,9M€ de garanties et 2,5M€ d'investissement détenus à travers des fonds d'investissement (dont 1,4 à travers le Fonds d'investissement et de soutien aux entreprises en Afrique - FISEA).

Expertise France mettait en oeuvre 9 projets au Burkina Faso, pour un volume d'affaires de 28,8M€ (3% AFD - 11% part Etat et 56% UE).

La suspension de l'aide au développement au Mali

S'agissant par ailleurs du Mali où la dégradation accélérée des relations entre Bamako et Paris depuis fin 2021 a conduit à l'arrêt de l'ensemble des activités du Groupe AFD en novembre 2022, l'équipe réduite de Bamako (1 agent expatrié français, 13 cadres et agents locaux), conduit un processus collaboratif de clôture des concours, y compris avec les autorités maliennes, par voie d'avenant de clôture. 1 avenant a été signé ; 2 autres sont à la signature des partenaires maliens. Les discussions au niveau technique sont constructives (plusieurs avenants et dépenses de clôture en cours de négociation ; reversement de reliquat des comptes projet à l'AFD). Les risques de contentieux pour l'AFD (en particulier financier) sont donc réduits ; le Mali a par ailleurs honoré tous ses engagements financiers vis-à-vis de l'AFD.

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