EXAMEN DES ARTICLES
Article 15
Habilitation donnée au Gouvernement afin de rendre
applicable
et adapter la législation sociale à Mayotte
Cet article demande au Parlement d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances pendant un délai de douze mois afin de faire converger la législation sociale à Mayotte vers la législation en vigueur sur le territoire métropolitain.
La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article modifié par deux amendements tendant à en préciser le champ.
I - Le dispositif proposé
A. La départementalisation de Mayotte en 2011 s'est accompagnée d'un objectif de convergence progressive de son système de protection sociale sur le droit commun à l'horizon 2036
1. La convergence sociale s'entend de l'alignement des droits et prestations sociales en matière de santé, famille, retraite et emploi...
L'archipel de Mayotte dispose d'un système de sécurité sociale spécifique défini par plusieurs ordonnances successives, le code de la sécurité sociale n'y étant pas applicable2(*). Devenu par référendum le 101e département français le 31 mars 20113(*), Mayotte est désormais une collectivité régie par l'article 73 de la Constitution exerçant des compétences dévolues au département et à la région (Drom), au même titre que La Réunion, la Guyane, la Martinique et la Guadeloupe.
Cette transformation a soumis le territoire de Mayotte au principe d'identité législative, en vertu duquel les lois et règlements adoptés postérieurement à la départementalisation y sont directement applicables.
En conséquence, ce principe impose la poursuite d'un objectif de convergence progressive des dispositions en matière de protection sociale et de sécurité sociale, qui a été fixée à échéance d'une génération (vingt-cinq ans) à compter de 20124(*), soit à l'horizon 2036.
Le versement des prestations sociales et le recouvrement des cotisations et contributions sociales est assuré depuis 1977 par un organisme de sécurité sociale unique, la Caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM). Cet organisme de droit privé doté d'une mission de service public gère depuis le 1er janvier 2015 les cinq branches de la sécurité sociale5(*), sous la tutelle des quatre caisses du régime général6(*), et a reçu délégation de la MSA pour le versement des prestations familiales des travailleurs non-salariés agricoles.
Au 31 décembre 2024, la CSSM comptait :
- 6 840 bénéficiaires de prestations vieillesse soit 44 millions d'euros de prestations ;
- 93 578 bénéficiaires de prestations familiales d'un montant total de 89 millions d'euros ;
- 221 333 personnes affiliées au régime général d'assurance maladie pour des dépenses de prestations de 483 millions d'euros ;
- et 14 932 comptes actifs de cotisants soit 296 millions d'euros de cotisations recouvrées7(*).
Les prestations familiales sont versées pour partie à Mayotte depuis 2002. Leur montant diffère pour certaines sensiblement de celui perçu en Hexagone.
Les prestations de retraite contributive sont soumises à des règles dérogatoires qui sont plus favorables que le droit commun, compte tenu de la courte durée d'assurance et des faibles salaires cotisés.
Enfin, les prestations maladie et les prestations versées en matière d'accident du travail et de maladie professionnelle sont alignées sur le droit commun, à l'exception de la protection médicale universelle (Puma), qui est remplacée par une affiliation sur le fondement de la résidence.
La convergence sociale en matière de
prestations sociales ;
différences entre Mayotte et
l'Hexagone
Prestations maladie |
Prestations familiales |
Prestations de solidarité |
Le montant des indemnités journalières maladie, maternité et paternité et des prestations versées en matière d'accident du travail et de maladie professionnelle est identique entre Mayotte et l'Hexagone. |
Ne sont pas servies à Mayotte les prestations d'accueil du jeune enfant que sont les primes à la naissance et à l'adoption, la prestation partagée d'éducation de l'enfant (PreParE) et l'allocation de soutien familial. |
Le montant du revenu de solidarité active versé à Mayotte est inférieur de 50 % au montant versé en Hexagone et sa perception est soumise à une condition de résidence de 15 ans. Le revenu de solidarité (RSO) n'est pas versé à Mayotte. |
Il existe une seule catégorie de pension d'invalidité à Mayotte contre 2 en Hexagone. Les montants minimum et maximum diffèrent également. |
Le montant du complément de libre choix du mode de garde versé à Mayotte est inférieur de 13 % au montant versé en Hexagone. |
Le montant de l'allocation adulte handicapé versée à Mayotte est inférieur de 50 % au montant versé en Hexagone. |
Le capital décès est versé forfaitairement en Hexagone depuis 2015 et son niveau à Mayotte est fixé par un décret 2012-15 du 5 janvier 2012. |
Le montant des allocations familiales versées à Mayotte est inférieur à partir du 3ème enfant au montant versé en Hexagone8(*). |
Le montant de la prime d'activité versée à Mayotte est inférieur de 50 % au montant versé en Hexagone. |
La complémentaire santé solidaire et la protection universelle maladie ne sont pas versées à Mayotte. |
Le montant du complément familial versé à Mayotte équivaut à 57% de celui versé en Hexagone. |
Les montants de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (Aeeh) sont identiques. |
Prestations d'autonomie |
Prestations logement |
Prestations de retraite |
Les montants de l'allocation journalière du proche aidant sont identiques. |
L'aide personnalisée au logement et la prime de déménagement ne sont pas servies à Mayotte. |
Le niveau maximum de la pension de retraite du régime général versé à Mayotte équivaut à 68 % de celui versé en Hexagone |
Les allocations de logement familial et de logement social sont versées à Mayotte et leur montant dépend de différents paramètres. |
Le montant du minimum contributif et de l'allocation veuvage sont identiques. |
|
Le montant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées versée à Mayotte équivaut à environ 60 % de celui en Hexagone. |
Source : Caisse de la sécurité sociale de Mayotte
2. ...ainsi que du montant des cotisations finançant le système de protection sociale.
La convergence des taux de cotisations et contributions applicables aux employeurs et aux salariés résidant sur le territoire de Mayotte est prévue jusqu'en 2036 à l'article 19 du décret n° 2012-1168 du 17 octobre 2012.
L'alignement des droits sociaux s'est fait par étapes, afin de ne pas déstabiliser l'économie mahoraise, marquée par un faible taux d'activité (37 % de chômage recensé en 2025), ainsi qu'une forte prévalence du travail dissimulé. Cela s'est matérialisé par un assujettissement progressif de la population aux cotisations et à une hausse échelonnée de leurs taux9(*).
Des réductions spécifiques de cotisations ont ainsi été créées pour les travailleurs indépendants depuis le 1er janvier 2012 et pour les micro-entrepreneurs depuis le 1er avril 2020, dans l'objectif de favoriser la création d'emplois. Le recouvrement des cotisations des travailleurs indépendants n'étant ni micro-entrepreneurs, ni travailleurs agricoles, est interrompu depuis 2015. La reprise du recouvrement des cotisations des travailleurs indépendants était prévue au 1er janvier 2025 mais est désormais ajournée, au plus tard au 31 décembre 2025, par l'article 25 de la loi du 24 février 2025 d'urgence pour Mayotte.
Le plafond de la sécurité sociale (PSS), utilisé pour le calcul de certaines prestations sociales, est revalorisé depuis 2012 dans les mêmes conditions que celui applicable dans l'Hexagone, majoré de 5,1 %10(*). En 2025, le plafond de la sécurité sociale à Mayotte s'élève à 2 821 euros, soit 71,9 % du PSS de droit commun.
La baisse du taux de cotisations patronales en matière d'allocations familiales appliquée dans l'Hexagone pour les salariés dont la rémunération est inférieure à 3,5 Smic depuis 2014 n'a pas été transposée à Mayotte. Le rattrapage du taux de cotisations patronales maladie-maternité, invalidité, décès sur celui de l'Hexagone est prévu en 2028.
Taux de cotisations en vigueur à Mayotte au 1er janvier 2025
Cotisations patronales |
Cotisations salariales |
|||
Allocations familiales |
Vieillesse |
Maladie |
Vieillesse |
Maladie |
5,40 % Dans l'Hexagone, il est de 3,45 % pour les salaires < 3,5 Smic et de 5,25 % dans les autres cas |
9,90 % = + 1,35 point comparé au taux plafonné de droit commun |
5,10 % contre 7 % dans l'Hexagone |
5,43 % = - 1,47 point comparé au taux de droit commun |
4,87 % Les salariés mahorais cotisent pour l'assurance maladie-maternité invalidité décès depuis 2018 |
Source : Caisse de sécurité sociale de Mayotte
La convergence sociale en matière de cotisations
Le code de la sécurité sociale n'étant pas directement applicable sur le territoire mahorais, la protection sociale des travailleurs indépendants non agricoles relevant du régime local est régie par l'ordonnance n° 96-6122 du 20 décembre 1996.
Les travailleurs indépendants non agricoles cotisent sur une assiette définie au II de l'article 28-8 de l'ordonnance précitée, qui sera réformée au 1er janvier 202611(*). Ils cotisent au titre des seules cotisations pour financer le régime de retraite de base obligatoire, le régime d'assurance maladie-maternité et le régime des prestations familiales, ainsi qu'à une contribution sociale spécifique visant à remplacer la CSG et la CRDS à Mayotte.
Seuls les professionnels libéraux, principalement des médecins et avocats, cotisent à un régime de retraite complémentaire et à un régime invalidité.
Les cotisations des travailleurs indépendants agricoles mahorais sont calculées en fonction de la surface agricole de l'exploitation pondérée et du domaine de production, comme pour l'ensemble des travailleurs indépendants agricoles ultramarins. Leur montant est fixé annuellement par arrêté, selon la surface pondérée de l'activité exercée et l'évolution du salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic). Ils ne sont pas redevables de la CSG ni de la CRDS. L'article 26 de la loi n° 2023-3250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024 habilite le Gouvernement à réformer par ordonnance, dans un délai de dix-huit mois, l'assiette sociale des exploitants agricoles ultramarins, afin qu'elle prenne en compte leurs revenus professionnels, comme c'est le cas en métropole.
Les exploitations agricoles ultramarines dont la surface est inférieure à 40 hectares pondérés bénéficient d'une exonération de cotisations d'assurance maladie, maternité, d'invalidité, de prestations familiales et vieillesse de base. Cette exonération bénéficie à 98 % des exploitations ultramarines, et est compensée annuellement par le budget du ministère chargé des outre-mer. En 2022, elle s'élevait à 13 millions d'euros.
Les travailleurs indépendants maritimes relèvent soit du régime local, soit de l'Établissement national des invalides de la marine (Enim), selon que le navire sur lequel ils embarquent bat pavillon mahorais ou métropolitain.
B. Le dispositif proposé : une accélération de la convergence sociale à l'horizon 2031
1. Les ambitions du Gouvernement pour accélérer la convergence des prestations sociales demeurent floues
Dans le cadre de la reconstruction de Mayotte suite aux dégâts matériels importants causés par le passage du cyclone Chido le 14 décembre 2024 et de la tempête Dikeledi le 13 janvier 2025, le Gouvernement souhaite améliorer durablement les conditions de vie des Mahorais en renforçant l'objectif de convergence social fixé à 2036, avec une première étape à l'horizon 2031.
Selon l'étude d'impact il s'agit d'aboutir à une convergence du niveau des prestations sociales et des cotisations versées à Mayotte vers la législation applicable dans les autres Drom. La hausse des cotisations annoncée ne diffère a priori pas de l'objectif de convergence déjà fixé, détaillé notamment à l'article 19 du décret n° 2012-1168 du 17 octobre 2012 précité. Le calendrier de reprise du recouvrement des cotisations, suspendu au plus tard jusqu'au 31 décembre 2025, n'est toutefois pas explicité.
L'alignement des prestations sociales est accéléré à l'horizon 2031, sans que le détail des prestations visées et de leur montant ne soit explicité de façon exhaustive.
L'alignement annoncé du montant du RSA et de la prime d'activité sur celui en vigueur dans l'Hexagone s'accompagnerait d'une convergence du Smic net versé à Mayotte sur le Smic net national d'ici à 2031. Cette convergence débuterait par un alignement du Smic brut par voie réglementaire dès 2026, ce qui ne relève pas du cadre du présent article12(*).
Afin de compenser la hausse du coût du travail résultant de ces mesures concomitantes d'augmentation des cotisations et du Smic, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi en faveur des entreprises à Mayotte (CICE)13(*), d'un taux de 9 % applicable aux rémunérations inférieures à 2,5 Smic, continuerait à s'appliquer dans l'attente de l'introduction du dispositif d'exonération de cotisations dit Lodéom, applicable dans les autres Drom.
Les annonces du Gouvernement en matière de convergence sociale à Mayotte
Selon l'étude d'impact et le rapport annexé au texte du projet de loi de refondation, il est envisagé d'aligner les prestations sociales d'ici à 2031 comme suit :
• En matière de prestations maladie, il est envisagé d'étendre dès le 1er janvier 2026 la complémentaire santé solidaire aux personnes bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé (AAH) et de l'allocation spéciale pour les personnes âgées (Aspa), ainsi que la protection médicale universelle. Il est également prévu d'aligner les prestations d'invalidité sur le montant en vigueur en Hexagone à l'horizon 2030.
• S'agissant des prestations de solidarité, le montant du RSA14(*), de la prime d'activité et de l'allocation adulte handicapé serait aligné sur le montant versé en Hexagone d'ici à 2031.
• La convergence des prestations familiales se traduirait par l'extension en 2026 du complément familial différentiel. Il est précisé dans le rapport annexé que « le niveau de naissance à Mayotte n'appelle pas d'alignement rapide des prestations familiales, y compris la prestation d'accueil du jeune enfant. »
• S'agissant du recouvrement, il est prévu d'aligner le montant des cotisations et contributions sociales d'ici à 2036, et ce alors même que Mayotte dispose de cotisations patronales et salariales spécifiques et que la collecte des cotisations des travailleurs indépendants n'étant ni micro-entrepreneurs, ni travailleurs agricoles, est interrompue depuis 2015. La reprise du recouvrement des cotisations des travailleurs indépendants était prévue au 1er janvier 2025 mais est désormais ajournée, au plus tard au 31 décembre 2025, par l'article 25 de la loi du 24 février 2025 d'urgence pour Mayotte.
2. Le dispositif de l'habilitation sollicitée est extrêmement large
Le Conseil d'État, dans son avis du 17 avril 2025, a proposé au Gouvernement de supprimer la référence explicite à une convergence de la législation applicable à Mayotte vers la législation applicable dans les autres collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, au motif qu'une telle rédaction de la loi était contraire à la lettre du texte de l'article 73, lequel autorisait seulement une adaptation de la législation applicable de plein droit aux caractéristiques et contraintes particulières d'une seule collectivité.
À la suite de cet avis, le Gouvernement a réécrit le dispositif de l'article 15 afin de prévoir une convergence de la législation applicable à Mayotte vers celle applicable de plein droit. Le champ de l'habilitation sollicité est désormais très large, en ce qu'il comprend l'ensemble des prestations de sécurité sociale visées à l'article L. 111-1 du code de la sécurité sociale et l'ensemble des règles de remboursement des frais de santé.
Sont également visées les cotisations, contributions et impositions affectées au financement des régimes de sécurité sociale, ainsi que les dispositifs fiscaux contribuant à l'amélioration de la compétitivité et de l'emploi. Interrogée par le rapporteur, la direction de la sécurité sociale a indiqué vouloir modifier la totalité des règles d'assiette, de taux, d'exonérations et de recouvrement afin d'aboutir à une convergence complète vers le droit commun.
Le visa des règles applicables à l'offre de soins permettra, selon la direction de la sécurité sociale, de modifier les règles de financement du centre hospitalier de Mayotte ainsi que les règles applicables aux professionnels de santé libéraux, dans le cadre d'une restructuration de l'offre de soins. Il est enfin prévu d'étendre les règles du code de la sécurité sociale relatives à l'échange d'informations, au contrôle et à la lutte contre la fraude, ainsi qu'au contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale.
III - La position de la commission
La commission se félicite de l'accélération de la convergence sociale à Mayotte dans le cadre d'une vaste entreprise de refondation qu'elle appelle de ses voeux, à la suite des sinistres importants qui ont touché l'archipel mahorais au cours des derniers mois.
La demande d'habilitation sollicitée par le Gouvernement emporte sa conviction au regard de la technicité du chantier de la convergence des prestations sociales et de leur financement, qui nécessite une réflexion d'ampleur afin de s'ajuster au mieux aux spécificités mahoraises que sont une démographie atypique (50 % de la population est âgée de moins de 20 ans), une forte immigration irrégulière ainsi qu'une économie fragile.
Si la méthode ne pose ainsi pas difficulté dans son principe, la commission se montre toutefois sceptique quant à la possibilité pour le Gouvernement de tenir l'échéance de douze mois sollicitée, et ce alors même que plusieurs ordonnances sont d'ores et déjà annoncées.
Sur proposition de son rapporteur, la commission des affaires sociales a toutefois voulu apporter deux restrictions quant à l'habilitation conférée au Gouvernement. La première vise à exclure de la convergence sociale l'extension à Mayotte de l'aide médicale d'État, dans un contexte où la lutte contre l'immigration irrégulière apparaît une priorité, comme en attestent les premiers articles du présent projet de loi. À cette fin, elle a adopté l'amendement COM-46 à l'initiative du rapporteur. La seconde vise à exclure du champ de l'habilitation les « dispositifs fiscaux contribuant à l'amélioration de la compétitivité et de l'emploi », qui ne relèvent pas de la convergence sociale mais du domaine fiscal. Tel est l'objet de l'amendement COM-47 adopté par la commission.
La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.
Article 16
Extension à Mayotte du régime de retraite
complémentaire
de l'institution de retraite complémentaire des
agents non titulaires
de l'État et des collectivités publiques
(Ircantec)
Cet article rend applicable aux agents contractuels de droit public le régime de retraite complémentaire de l'Icantec en le dissociant de l'extension du régime de retraite complémentaire de l'Agirc-Arrco aux salariés de droit privé, tel que cela était prévu par la loi du 27 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer.
La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
I - Le dispositif proposé
A. Les salariés contractuels de droit public et les salariés de droit privé mahorais ne sont pas affiliés à un régime de retraite complémentaire
Les agents contractuels de droit public en poste à Mayotte sont affiliés au régime de base local, qui existe depuis 1987 et est géré par la Caisse de sécurité sociale de Mayotte, mais ne cotisent pas au titre de la retraite complémentaire.
Conformément à l'article 1er du décret n° 2003-589 du 1er juillet 2003, les assurés relevant du régime général ou des régimes agricoles de l'assurance vieillesse avant de résider à Mayotte bénéficient d'un droit d'option leur permettant de maintenir leur affiliation à ces régimes pendant une durée de trois ans renouvelable une fois, à leur demande et sous réserve de l'accord de leur employeur. Ils peuvent donc à ce titre bénéficier d'une retraite complémentaire.
Le législateur avait initialement souhaité, dans un souci d'égalité entre les salariés contractuels de droit public et les salariés de droit privé, prévoir l'extension concomitante des régimes de retraite complémentaire de l'Ircantec et de l'Agirc-Arcco à Mayotte. L'article 23-8 de l'ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte conditionnait ainsi l'application du régime de l'Ircantec à Mayotte, dans des conditions définies par décret, à la date d'entrée en vigueur d'un accord relatif à l'application de celui de l'Agirc-Arcco qui devait être conclu entre les partenaires sociaux gestionnaires desdits régimes et les partenaires sociaux représentatifs au niveau du département, conformément au texte de l'article 23-7 de l'ordonnance précitée.
Si les partenaires sociaux se sont effectivement accordés le 22 juin 2017 sur l'application de l'Agirc-Arcco à Mayotte avec un effet rétroactif à compter de 2014, cet accord prévoyait toutefois qu'une telle rétroactivité serait intégralement financée par l'État à hauteur de 500 milliards d'euros. Or, il ne relevait pas de la compétence des partenaires sociaux d'entériner le principe d'un financement par la solidarité nationale, de sorte que cet accord a finalement été suspendu.
B. Le dispositif proposé : l'application du régime de retraite complémentaire de l'Ircantec à Mayotte
Le présent article réécrit intégralement le dispositif de l'article 23-8 de l'ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2022 en dissociant l'application à Mayotte du régime de retraite complémentaire de l'Ircantec de celui de l'Agirc-Arcco, et en prévoyant qu'il est rendu applicable à une date fixée par décret, et au plus tard deux ans après la promulgation de la présente loi.
Le Conseil d'État précise également aux termes de son avis du 17 avril 2025, que le pouvoir réglementaire pourra prévoir des règles contributives pour les salariés de droit public qui soient dérogatoires de celles applicables aux contractuels de droit public relevant du régime général d'assurance vieillesse, sans qu'il soit nécessaire de le mentionner expressément dans la loi. Ces paramètres devront toutefois s'inscrire dans le cadre d'une convergence avec le droit commun.
Les prestations d'assurance vieillesse versées à Mayotte
Au 31 décembre 2024, la Caisse de sécurité sociale de Mayotte comptait 6 840 bénéficiaires de prestations vieillesse, dont 3 525 retraités parmi lesquels 3 232 percevaient une retraite personnelle et 268 une pension de réversion.
Le montant mensuel maximum versé à Mayotte était en 2024 de 1 932 euros par mois, soit 68,4 % du maximum versé en Hexagone. En revanche, les minimum contributif (MiCo), et le MiCo majoré, qui garantissent un montant minimal de pension pour les faibles salaires, sont alignés sur l'Hexagone, et sont respectivement de 733 euros et de 876 euros. Ces minima de pension ne sont toutefois accessibles qu'aux personnes ayant atteint l'âge légal de la retraite, ce qui représente une faible proportion des retraités mahorais. Aussi, selon l'étude d'impact, en 2019, la pension moyenne de retraite versée par le régime mahorais s'élevait à 280 euros par mois.
L'ordonnance n° 2021-1553 du 1er décembre 2021 a amélioré les droits à la retraite des futurs pensionnés en permettant la validation rétroactive de trimestres pour les personnes affiliées au régime local de retraite de Mayotte et ayant été salariées entre 1987 et 2002, en raison de la disparition des archives de la Caisse de sécurité sociale de Mayotte.
Enfin, l'article 40 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 a adapté la réforme des retraites d'avril 2023 au territoire de Mayotte en décalant dans le temps le report de l'âge légal de départ à la retraite. À la suite de la réforme des retraites de 2010, l'âge légal de départ à la retraite était fixé à 62 ans pour la génération née en 1961 (atteints en 2023), contre 1955 pour les assurés du régime général (atteints en 2014). Le décret n° 2024-766 du 8 juillet 2024 a adapté la montée en charge de la réforme au territoire de l'archipel comme suit :
Calendrier de montée en charge du report de l'âge d'ouverture des droits à Mayotte
Sources : Article D. 161-2-1-9 du Code de la sécurité sociale et article 3 du décret n° 2024-766 du 8 juillet 2024
III - La position de la commission
La commission approuve le principe de l'extension du régime de retraite complémentaire de l'Ircantec à Mayotte, qui participe de l'amélioration du niveau de ressources des retraités mahorais et de la convergence sociale, ainsi que de l'attractivité des postes de contractuels de droit public dans la fonction publique d'État et territoriale.
La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
Article
17
Augmenter le nombre de pharmacies d'officine
Cet article permet l'octroi d'une licence de pharmacie d'officine pour chaque tranche de 7 000 habitants recensés dans le territoire de santé auquel appartient la commune ou pour chaque tranche de 7 000 habitants recensés dans l'intercommunalité.
La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article modifié par l'amendement qu'elle a adopté.
I - Le dispositif proposé vise à réformer temporairement les critères d'implantation des officines pharmaceutiques à Mayotte pour surmonter les contraintes du cadre légal existant
A. Le cadre légal existant établit des quotas démographiques qui freinent l'implantation des officines
1. Les critères d'ouverture des pharmacies d'officine
Le cadre juridique actuel régissant l'installation des pharmacies d'officine à Mayotte est défini par l'article L. 5511-3 du code de la santé publique, qui établit des conditions strictes pour la délivrance des licences d'exploitation. Ce dispositif s'articule selon une logique démographique à deux niveaux, en fonction de la taille de la commune concernée.
Pour les communes de 15 000 habitants ou plus, une licence peut être délivrée pour chaque tranche de 7 000 habitants recensés dans la commune. Pour les communes de moins de 15 000 habitants, une licence peut être délivrée pour chaque tranche de 7 000 habitants recensés dans le territoire de santé auquel appartient la commune. Le décompte s'effectue exclusivement sur la base de la population communale officiellement recensée.
Ces règles se distinguent de celles en vigueur dans l'Hexagone, où une licence ne peut être délivrée que dans les communes dépourvues de pharmacie et recensant au moins 2 500 habitants ou dans les communes de plus de 2 500 habitants et disposant d'au moins une pharmacie, lorsque la population atteint une tranche entière supplémentaire de 4 500 habitants recensés15(*).
L'article L. 5511-2-1 du code de la santé publique dispose que le directeur général de l'agence régionale de santé de Mayotte est l'autorité compétente pour délivrer les licences d'exploitation d'officine. L'instruction des demandes de licence comprend l'analyse de la conformité aux critères démographiques précités et implique la consultation des instances représentatives de la profession.
Comme dans l'Hexagone, la demande d'autorisation doit faire apparaître que la création sollicitée permet une desserte en médicaments optimale au regard des besoins de la population résidente du lieu d'implantation.
2. Des spécificités importantes dans le parcours de soins des patients
Ce cadre présente des limites spécifiques dans le contexte mahorais.
En premier lieu, les données démographiques sont obsolètes car le dernier recensement de la population de l'île remonte à l'automne 2017.
En deuxième lieu, la densité officinale à Mayotte est nettement inférieure à la moyenne nationale, créant des situations d'inégalité d'accès aux médicaments et aux services pharmaceutiques.
Ainsi, Mayotte ne comptait que 24 officines de pharmacies sur son territoire, en 2021, soit une densité moyenne d'une officine pour 10 688 habitants, sur la base du recensement de 2017. En comparaison, le département hexagonal avec la densité d'officines la plus faible d'alors, l'Eure, comptait une officine pour 4 196 habitants pour une moyenne nationale d'une officine pour 4 240 habitants16(*).
La déclaration d'activité des pharmacies d'officine à l'agence régionale de santé de Mayotte permet d'apprécier un chiffre d'affaires annuel moyen de 1 861 626 euros pour l'année 2023. Selon une étude de la direction générale des entreprises, sur le territoire national, 76 % des pharmacies ont un chiffre d'affaires annuel inférieur à 2,6 millions d'euros, dont 47 % entre 1,3 millions d'euros et 2,6 millions d'euros. Les officines de pharmacie à Mayotte ont donc une activité, reflétée par leur chiffre d'affaires annuel, semblable à l'activité moyenne des pharmacies d'officine nationales.
Répartition des pharmacies d'officine à Mayotte au 17 janvier 2025
Source : Direction générale de l'offre de soins
La croissance démographique de Mayotte, estimée à plus de 3,8 % par an, accentue continuellement le déséquilibre entre l'offre pharmaceutique disponible et les besoins de la population. Cette situation peut compromettre la qualité du conseil pharmaceutique en raison d'une surcharge chronique de travail et affecter la disponibilité des produits pharmaceutiques.
L'impossibilité de considérer l'échelon intercommunal limite les possibilités d'installation dans certains territoires qui, bien que faiblement peuplés au niveau communal, s'inscrivent pourtant dans des bassins de population plus importants. La dichotomie retenue entre les communes de plus et de moins de 15 000 habitants ne correspond pas à la réalité de certains bassins de vie mahorais.
Le cas de la commune de Tsingoni
La commune de Tsingoni est située dans la communauté de communes Centre-Ouest, regroupant cinq communes. La population résidente de Tsingoni est de 13 934 habitants selon le recensement de 2017. La commune dispose d'une pharmacie mais la réglementation ne permet actuellement pas l'ouverture d'une deuxième officine car la population communale est inférieure au seuil de 14 000 habitants. La population de la communauté de communes est de 50 020 habitants. Si l'on considère la population à la maille intercommunale pour la création de nouvelles officines, l'adoption de disposition permettrait la création d'une deuxième pharmacie à Tsingoni.
L'insularité du territoire aggrave les difficultés d'accès aux produits pharmaceutiques, notamment dans les zones éloignées des principaux centres. La chaîne d'approvisionnement pharmaceutique souffre de fragilités structurelles liées à l'éloignement géographique des fournisseurs et aux contraintes logistiques spécifiques à l'île. Les contraintes topographiques d'accès, qui ne sont pas spécifiquement intégrées dans le droit actuel, peuvent théoriquement rendre une officine accessible selon les critères démographiques, bien que, dans la réalité, l'accès en soit plus difficile.
B. L'article 17 réforme les critères d'implantation pour faciliter l'installation de nouvelles officines
L'article 17 du projet de loi vise à assouplir temporairement les critères d'implantation des officines pharmaceutiques à Mayotte, permettant ainsi leur installation progressive et maîtrisée sur le territoire.
Pour ce faire, il modifie l'article L. 5511-3 du code de la santé publique régissant l'implantation des pharmacies à Mayotte.
Le 1° supprime le deuxième alinéa de cet article, prévoyant aujourd'hui que, dans les communes d'une population égale ou supérieure à 15 000 habitants, il ne peut être délivré qu'une licence par tranche entière de 7 000 habitants recensés.
Le 2° réécrit le troisième alinéa de l'article, en supprimant la distinction jusque-là fondée sur la taille de la commune. Il prévoit, ainsi, qu'il ne peut, à Mayotte, être délivré qu'une licence par tranche entière de 7 000 habitants recensés dans la commune ou, à défaut, et en vue d'assurer une desserte satisfaisante de la population, dans l'intercommunalité concernée. Le seuil de 15 000 habitants qui déterminait précédemment l'échelon territorial de référence est abandonné : toutes les communes sont désormais soumises aux mêmes règles d'installation.
Le 3° réécrit le quatrième alinéa de l'article, pour confier au directeur général de l'agence régionale de santé un pouvoir d'appréciation concernant la localisation précise des officines s'il est pris en compte la population de l'intercommunalité.
Enfin, le 4° modifie le cinquième alinéa de l'article pour préciser que la population intercommunale dont il est tenu compte pour l'application de ces critères est, comme pour la population communale, celle établie par le dernier recensement de la population publié au Journal officiel.
Le dispositif est présenté par le Gouvernement dans l'étude d'impact comme une mesure transitoire car la prise en compte de la population intercommunale ne serait possible que jusqu'à la parution du prochain recensement des populations municipales de Mayotte. Après ce dernier, seule la population municipale pourrait être prise en compte pour l'application des quotas démographiques. Le retour aux critères standards vise à garantir la cohérence du dispositif avec l'évolution réelle de la population.
II - La position de la commission
La commission a accueilli favorablement le dispositif proposé, qui devrait encourager l'augmentation quantitative de l'offre pharmaceutique grâce à l'assouplissement des conditions d'installation. En effet, la prise en compte de l'échelon intercommunal permet d'atteindre plus facilement les seuils requis. De ce fait, la couverture territoriale en pharmacie d'officine du territoire mahorais serait améliorée grâce au pouvoir d'appréciation de l'agence régionale de santé qui orienterait les installations d'officine vers les territoires les moins bien dotés. Les populations actuellement éloignées des officines existantes devraient bénéficier d'un accès facilité aux médicaments et aux conseils pharmaceutiques.
Il s'agit donc d'adapter temporairement le cadre législatif national dans l'attente d'une mise à jour des données démographiques qui permettrait un retour au droit commun mahorais dans des conditions conformes aux réalités démographiques locales.
La commission considère que l'approche anticipative retenue par le Gouvernement se justifie par la perspective du prochain recensement de 2026, lequel, en application du droit commun actuel, entraînerait mécaniquement l'ouverture simultanée d'un nombre important de nouvelles pharmacies. Une telle situation pourrait provoquer un déséquilibre économique préjudiciable pour les officines déjà établies. L'installation échelonnée préalable au recensement constitue donc une mesure préventive visant à éviter une déstabilisation brutale du maillage pharmaceutique existant, tout en garantissant progressivement une meilleure couverture territoriale des besoins de santé de la population mahoraise.
Le rapporteur estime que le passage du critère de la commune au critère de l'intercommunalité, en favorisant l'installation de nouvelles officines de pharmacie, pourrait toutefois fragiliser le tissu officinal existant par une mise en concurrence trop rapide. En conséquence, le rapporteur estime que ces ouvertures dérogatoires doivent s'effectuer en accord avec l'ordre national des pharmaciens. À son initiative, la commission a adopté un amendement COM-48 qui prévoit l'avis conforme de l'ordre national des pharmaciens pour la création de nouvelles officines lorsque celles-ci sont décidées sur le fondement du critère intercommunal.
De plus, aucun élément juridique dans la disposition du texte déposé au Sénat ne vient matérialiser le caractère transitoire du critère intercommunal, jusqu'au prochain recensement de la population. En l'état actuel, la disposition serait permanente, alors que le Gouvernement souligne, pour l'essentiel, que l'intérêt de la mesure réside dans la possibilité de permettre l'ouverture de nouvelles officines avant la publication du prochain recensement.
En conséquence, l'amendement COM-48 adopté par la commission permet également de limiter dans le temps la validité du critère intercommunal, en prévoyant que l'ARS ne peut y recourir que lorsque la publication du dernier recensement au Journal officiel précède de plus de cinq ans une demande. Il n'est, en effet, pas à exclure qu'une telle situation d'inadéquation entre la prise en compte du critère communal et l'évolution de la démographie mahoraise se produise à nouveau à l'avenir.
La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.
Article
18
Participations des professionnels de Mayotte à l'URPS de
l'océan Indien
Cet article propose d'assouplir le cadre légal applicable à la représentation des professionnels exerçant à Mayotte dans les unions régionales de professionnels de santé de l'océan Indien.
La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article modifié par l'amendement qu'elle a adopté.
I - Le cadre juridique actuel des unions régionales de professionnels de santé ne permet pas une représentation suffisante des professionnels exerçant à Mayotte
A. Le dispositif existant prévoit une représentation limitée des professionnels de santé mahorais au sein des URPS
Les unions régionales des professionnels de santé (URPS) ont été instituées par la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST). Ces instances représentatives regroupent les praticiens exerçant en libéral pour dix professions de santé conventionnées au niveau de chaque région administrative.
Le code de la santé publique prévoit aujourd'hui que l'URPS de l'océan Indien exerce pour chaque profession, à La Réunion et à Mayotte, les compétences dévolues aux URPS17(*).
L'article L. 4031-7 du code de la santé publique précise les conditions de représentation des professionnels exerçant à Mayotte au sein de cet URPS. Il dispose qu'« un représentant des professionnels exerçant à Mayotte siège dans chaque union régionale de professionnels de santé de l'océan Indien selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'État ». Le représentant est désigné par le directeur général de l'agence régionale de santé suivant les effectifs des organisations syndicales présentes sur le territoire mahorais18(*).
Cette représentation n'est pas proportionnelle à l'importance démographique et aux besoins spécifiques de Mayotte qui rencontre des problématiques sanitaires distinctes de celles de La Réunion. Elle soulève des difficultés spécifiques quant à la représentation équitable des professionnels exerçant dans chacun de ces territoires.
B. Les limites de la représentation actuelle n'encouragent pas l'élaboration de politiques de santé adaptées aux réalités mahoraises
L'URPS de l'océan Indien est principalement composée de professionnels exerçant sur l'île de La Réunion. La surreprésentation réunionnaise crée un déséquilibre manifeste dans la prise en compte des spécificités mahoraises.
L'agence régionale de santé mahoraise peut rencontrer des difficultés pour le développement de politiques de santé en partenariat avec l'URPS, par exemple dans l'évaluation de l'offre de soins existante et son adaptation aux réalités locales ou le développement de nouveaux modes d'exercice répondant aux défis sanitaires mahorais.
La sous-représentation peut ainsi compromettre l'efficacité des politiques de santé publique à Mayotte, territoire qui présente des indicateurs sanitaires dégradés et des défis spécifiques en matière d'accès aux soins. La valeur ajoutée d'une représentation optimale au sein des URPS pourrait dès lors constituer une valeur ajoutée significative pour l'amélioration des politiques de santé.
Bien que le cadre légal prévoie la présence d'un représentant mahorais au sein des URPS de l'océan Indien, la disposition n'est pas appliquée de manière effective. Cette situation paradoxale peut s'expliquer par le nombre restreint de professionnels de santé libéraux à Mayotte et par l'éloignement géographique entre les deux collectivités, l'URPS de l'océan Indien ne se réunissant qu'à La Réunion.
C. L'article 18 témoigne d'une volonté d'inclusion territoriale dans une logique de représentation plurielle
L'article 18 vise à renforcer la représentation des professionnels exerçant à Mayotte dans l'URPS de l'océan Indien.
Pour ce faire, il modifie le premier alinéa de l'article L. 4031-7 du code de la santé publique pour prévoir, désormais, que les représentants des professionnels exerçant à Mayotte siègent dans les URPS de l'océan Indien, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'État.
Ce faisant, l'article introduit deux modifications dans le régime applicable :
- il permet, d'une part, la présence de plusieurs représentants des professionnels mahorais dans une même URPS de l'océan Indien ;
- il assouplit, d'autre part, les contraintes de représentation des professionnels exerçant à Mayotte en ne précisant plus que cette représentation doit être effective « dans chaque union ».
Selon l'étude d'impact jointe au projet de loi, cette mesure permet « d'assouplir le cadre légal existant, en ouvrant la voie à la désignation potentielle de plusieurs représentants des professionnels de santé exerçant à Mayotte au sein d'une URPS, de représentants issus d'une profession différente de celle de l'URPS concernée ou encore d'un collège de représentants à même d'assurer une représentation tournante au sein des URPS. » D'après le Gouvernement, « ces modalités seront définies par décret en Conseil d'État, après concertation avec les représentants des professionnels de santé, des URPS et de l'agence régionale de santé de Mayotte »19(*).
II - La position de la commission
L'instauration d'une représentation multiple permettrait de refléter plus fidèlement la diversité des modes d'exercice et des problématiques rencontrées par les professionnels mahorais.
Une telle disposition pourrait favoriser l'émergence de projets de santé adaptés aux réalités locales, grâce à une meilleure prise en compte des besoins spécifiques identifiés par les professionnels exerçant sur le territoire. Elle contribuerait au renforcement de l'attractivité du territoire pour les professionnels de santé en valorisant leur rôle dans la gouvernance sanitaire de l'océan Indien. Elle serait susceptible d'améliorer la coordination au sein du territoire mahorais entre les professionnels libéraux et les établissements de santé, permettant une meilleure continuité des soins et une réduction des inégalités d'accès.
Si l'article 18 pose le principe d'une représentation multiple des professionnels mahorais au sein des URPS, les modalités précises de désignation de ces représentants devront être définies par voie réglementaire. L'option la plus naturelle serait de maintenir le principe d'une désignation par le directeur général de l'agence régionale de santé des représentants en fonction du poids des organisations syndicales mahoraises.
La voie réglementaire devra également déterminer dans quelle mesure les représentants mahorais disposeront d'une compétence renforcée sur les questions spécifiques au territoire mahorais au sein des délibérations des URPS.
Au regard des difficultés constatées dans l'application des dispositions relatives à la représentation des professionnels de santé mahorais au sein des URPS, il convient d'aborder la mise en oeuvre de cette nouvelle disposition législative avec une vigilance particulière.
Le succès de cette disposition repose fondamentalement sur l'identification et la mobilisation de professionnels de santé mahorais volontaires pour assumer ces fonctions représentatives. L'expérience démontre que l'absence de candidats constitue fréquemment un obstacle majeur à l'application des dispositifs de représentation dans le Département de Mayotte. Il sera nécessaire de mettre en oeuvre des dispositifs qui facilitent la valorisation de cette mission représentative dans les parcours professionnels et d'organiser des sessions d'information préalables sur les enjeux et prérogatives des URPS.
La nouvelle mesure, plus ambitieuse que le dispositif actuellement en vigueur ne pourra atteindre pleinement ses objectifs sans un accompagnement structuré. À cet égard, l'instauration d'un programme de formation dédié aux futurs représentants mahorais sera indispensable pour leur permettre d'appréhender efficacement les mécanismes décisionnels et les attributions des URPS, renforçant ainsi leur capacité d'influence au sein de ces instances.
En parallèle, il apparaît essentiel de mobiliser des ressources spécifiques destinées à faciliter l'implication effective de ces représentants dans les travaux des unions régionales. Ces moyens devront notamment prendre en considération les contraintes géographiques inhérentes à l'éloignement entre les territoires concernés.
À l'initiative du rapporteur, la commission a adopté un amendement COM-49 précisant que le décret pris en Conseil d'État doit prévoir la consultation des syndicats afin de s'assurer que la disposition s'applique en concertation avec les organisations représentatives.
La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.
* 2 Ordonnance n° 96-6122 du 20 décembre 1996 relative à l'amélioration de la santé publique, à l'assurance maladie, maternité, invalidité et décès, au financement de la sécurité sociale à Mayotte et à la caisse de sécurité sociale de Mayotte et ordonnance n° 2011-1923 du 22 décembre 2011.
* 3 Loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte.
* 4 Ordonnance n° 2011-1923 du 22 décembre 2011 relative à l'évolution de la sécurité sociale à Mayotte dans le cadre de la départementalisation.
* 5 La CSSM gère ainsi le régime d'assurance maladie, maternité, invalidité et autonomie, le régime des prestations familiales, le régime d'assurance d'accidents du travail et de maladies professionnelles, le régime d'assurance vieillesse, la branche recouvrement des cotisations et contributions sociales, ainsi que l'action sociale en faveur des ressortissants des différentes branches de la sécurité sociale.
* 6 Il s'agit de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam), de la caisse d'allocations familiales (Cnaf), de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) et de l'Urssaf Caisse nationale.
* 7 Selon les informations transmises par la CSSM en réponse au questionnaire du rapporteur.
* 8 Soit - 33,9 % à partir du 3ème enfant à charge, - 62,9 % à partir du 5ème enfant à charge et - 88,6 % par enfant supplémentaire après le 5ème enfant par rapport au montant versé en Hexagone.
* 9 Le décret n° 2019-632 du 24 juin 2019 fixe l'évolution de ces taux jusqu'en 2036.
* 10 Conformément au décret n° 2010-1326 du 5 novembre 2010.
* 11 Article 18 de la loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024.
* 12 Au 1er janvier 2025, le Smic horaire brut à Mayotte était de 8,98 euros contre 11,88 euros en Hexagone et dans les Drom.
* 13 Le CICE a été supprimé dans l'Hexagone au 1er janvier 2019 mais maintenu à Mayotte afin de compenser le fait que les réductions de cotisations employeur maladie applicables en métropole n'ont pas été étendues à l'archipel.
* 14 Il est prévu que cette augmentation des prestations sociales s'accompagnera d'une hausse du Smic par voie réglementaire afin de ne pas créer d'effet de désincitation au travail. Il pourrait être envisagé d'étendre le dispositif d'exonération Lodéom applicable dans les Drom pour alléger le coût du travail.
* 15 Article L. 5125-4 du code de la santé publique.
* 16 Réponses écrites de la direction générale de l'offre de soins au questionnaire transmis par le rapporteur.
* 17 Article L. 4031-1 du code de la santé publique.
* 18 Article R. 4031-53 du code de la santé publique.
* 19 Étude d'impact jointe par le Gouvernement au présent projet de loi, p. 239.