- L'ESSENTIEL
- I. UNE BAISSE MONDIALE DE L'AIDE PUBLIQUE AU
DÉVELOPPEMENT
- II. À L'INSTAR DU RESTE DU MONDE, UNE
CONTRIBUTION FRANÇAISE QUI POURSUIT SA BAISSE
- III. L'AFRIQUE AU CoeUR DE L'APD FRANÇAISE
- IV. UNE GOUVERNANCE À PARFAIRE
- I. UNE BAISSE MONDIALE DE L'AIDE PUBLIQUE AU
DÉVELOPPEMENT
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
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N° 141 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026 |
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Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025 |
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AVIS PRÉSENTÉ au nom de la commission des affaires
étrangères, de la défense |
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TOME IV AIDE PUBLIQUE AU DEVELOPPEMENT Aide économique et financière au
développement (Programme 110) |
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Par MM. Christian CAMBON et Patrice JOLY, Sénateurs |
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(1) Cette commission est composée de : M. Cédric Perrin, président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mmes Hélène Conway-Mouret, Catherine Dumas, Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Jean-Baptiste Lemoyne, Claude Malhuret, Akli Mellouli, Philippe Paul, Rachid Temal, vice-présidents ; M. François Bonneau, Mme Vivette Lopez, MM. Hugues Saury, Jean Marc Vayssouze-Faure, secrétaires ; M. Étienne Blanc, Mme Valérie Boyer, MM. François-Noël Buffet, Christian Cambon, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Olivier Cigolotti, Édouard Courtial, Jérôme Darras, Mme Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Guillaume Gontard, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Ludovic Haye, Loïc Hervé, Alain Houpert, Patrice Joly, Mmes Gisèle Jourda, Mireille Jouve, MM. Alain Joyandet, Roger Karoutchi, Ronan Le Gleut, Didier Marie, Pierre Médevielle, Thierry Meignen, Jean-Jacques Panunzi, Mme Évelyne Perrot, MM. Stéphane Ravier, Jean Luc Ruelle, Bruno Sido, Mickaël Vallet, Robert Wienie Xowie. |
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Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180 Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026) |
L'ESSENTIEL
Suivant une tendance lourde au niveau mondial, les crédits de l'APD en France sont une nouvelle fois en régression en 2026 de 16 % en CP et de 13,6 % en AE. En deux ans, la mission APD aura ainsi perdu un tiers de ses moyens.
Notre pays s'inscrit donc dans une tendance mondiale au resserrement de l'aide, qui aura atteint un pic en 2022 avant de décroitre. Avec le retrait américain et les annonces de réduction des pays développés, ce mouvement devrait se poursuivre dans les années qui viennent et mettre en péril des pays en développement pour lesquels les besoins demeurent immenses, en particulier avec les nouveaux enjeux climatiques et démographiques, mais également fragiliser notre position géopolitique face à des concurrents stratégiques qui promeuvent une vision alternative des relations internationales.
I. UNE BAISSE MONDIALE DE L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT
A. LA CHUTE APRÈS L'EMBELLIE
Les années de crise pandémique et celles qui ont immédiatement suivi ont été marquées par de très fortes progressions des montants consacrés par les pays du Comité d'aide au développement de l'OCDE (CAD), avec un pic de 223 milliards de dollars en 2023.
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Évolution de l'APD totale des pays du CAD entre 2015 et 2027 Milliards de dollars (prix constants de 2023 |
Depuis cette date, l'APD des pays du CAD connait une forte diminution. L'OCDE1(*) table ainsi sur une contraction comprise entre 10 % et 18 % d'ici 2027, avec un degré d'incertitude très élevé en particulier lié à la politique des Etats-Unis. Dans l'hypothèse basse, l'APD retrouverait en 2027 son niveau de 2019.
De facto, après une période très positive pour l'APD, en particulier marquée par des efforts de solidarité en Europe pour l'accueil des réfugiés du Moyen-Orient et d'Ukraine, la crise pandémique et de manière générale la prise de conscience de la question environnementale comme bien public mondial, les déséquilibres budgétaires et l'impératif de réarmement face à la situation internationale pèsent en priorité sur l'APD, qui subit un très important contre- choc, inédit par son ampleur car observable partout dans le monde.
Au niveau mondial, l'APD ne représente toutefois que 20 % des flux financiers en faveur des pays en développement, derrière les investissements du secteur privé (30 %) et les transferts de fonds de la diaspora (50 %).
B. LE RETRAIT DES PAYS LES PLUS AVANCÉS
L'essentiel de cette diminution s'explique par la baisse simultanée des quatre grands contributeurs que sont les Etats-Unis, l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni, qui représentent en 2024 plus de 60 % de l'aide mondiale. Le caractère très incertain des perspectives budgétaires aux Etats-Unis ne permet cependant pas, compte tenu de leur position, d'anticiper les volumes d'APD dans les années à venir.
Les 15 premiers contributeurs à l'APD au niveau mondial en 2024
(en milliards de dollars)
Seuls quatre pays ont dépassé en 2024 l'objectif de 0,7 % de l'APD en pourcentage de la richesse nationale : le Danemark (0,71 %), la Suède (0,79 %), le Luxembourg (1 %) et la Norvège (1,02 %), pour une moyenne de 0,33 %. Premiers contributeurs en valeur absolu avec près de 30 % de l'aide totale, les Etats-Unis consacraient 0,22 % de leur richesse à l'APD en 2024.
Les perspectives sont encore orientées à la baisse parmi les pays développés. Ainsi Le Royaume-Uni a annoncé, fin février 2025 qu'il allait diminuer son budget d'APD de 0,5 % du RNB à 0,3 % d'ici à 2027, soit son plus bas niveau depuis 1999. L'Allemagne, dont les dépenses d'APD avaient fortement progressé en raison des frais d'accueil des réfugiés après 2015, puis de l'épidémie de COVID, a engagé une forte diminution depuis lors. Le projet de budget pour 2026 prévoit ainsi une baisse de 3 %. En mars 2025, les Etats-Unis, premier contributeur mondial, ont annoncé réduire de 83 % les programmes portés par USAID, soit 33 milliards de dollars en moins. De son côté, la Commission européenne prévoit de réduire de 35 % les crédits accordés aux pays les moins avancés pour la période 2025-2027 par rapport à la période 2021-2024.
C. UNE LOGIQUE QUI AURA LES CONSÉQUENCES LES PLUS GRAVES POUR LES PAYS LES MOINS AVANCÉS.
Les Pays les moins avancés (PMA) devraient subir au niveau mondial une diminution comprise entre 13 % à 25 % de l'aide bilatérale nette, et entre 16 % et 28 % pour les pays d'Afrique subsaharienne sur les deux prochaines années selon l'OCDE.
La baisse de l'APD aura donc un impact beaucoup plus important sur eux, car ils dépendent plus que les autres pays des transferts d'APD.
L'aide au domaine de la santé, qui avait beaucoup progressé durant l'épisode de COVID 19, devrait retrouver en 2026 son niveau de 2019. Une étude de la revue scientifique The Lancet de juillet 2025 estime que les seules coupes américaines pourraient entrainer 14 millions de morts supplémentaires, dont 4 à 5 millions d'enfants âgés de moins de cinq ans.
II. À L'INSTAR DU RESTE DU MONDE, UNE CONTRIBUTION FRANÇAISE QUI POURSUIT SA BAISSE
A. LA CONTRIBUTION DE LA FRANCE AU SENS LARGE SE CARACTÉRISE PAR LA MULTIPLICITÉ DES ACTEURS
La contribution de la France au sens de l'OCDE s'élève en 2025 à un peu plus de 13 milliards d'euros, dont les deux-tiers de crédits budgétaires répartis sur 24 programmes différents selon le document de politique transversale (DPT) annexé au PLF pour 2026. Elle a connu une baisse de 10,7 % entre 2024 et 2025.
Les crédits de la mission APD représentent 28 % de l'effort de l'État en faveur de l'aide au développement.
En 2025, la contribution française représenterait 0,43 % du RNB, soit un chiffre très éloigné du montant de 0,7 % fixé à l'article 2 de la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, mais qui demeure supérieur de 0,1 point à la moyenne des pays du CAD. Les perspectives pour 2026 semblent à ce stade encore orientées à la baisse.
B. UNE MISSION APD QUI POURSUIT SA CHUTE...
En 2026, la mission APD enregistre par rapport à la loi de finances initiale pour 2025 des diminutions de :
Ø 16 % en CP, soit une diminution de 704 millions d'euros ;
Ø 13,6 % en AE, soit une diminution de 698 millions d'euros.
Depuis 2024, les crédits de la mission APD auront ainsi diminué de plus de deux milliards d'euros.
Le poids de la mission APD ne cesse de se réduire dans le budget de l'État. Alors qu'elle représentait 0,75 % de l'ensemble des dépenses du budget général en 2025, elle s'établirait en 2026 à 0,62 %.
Le PLF 2026 ne fait que traduire un mouvement observé depuis 2024, avec une baisse massive qui touche aussi bien le projet initial que les crédits réellement disponibles après régulation.
Crédits de la mission APD entre 2024 et 2026
(en centaines de milliers d'euros)
- 36 %
C. ... AU PRIX DE CHOIX DOULOUREUX
La diminution des crédits de l'APD a nécessité des choix et une plus grande sélectivité de la part de la France. Tous les programmes de la mission sont ainsi touchés, à l'exception du programme 384 qui porte le Fonds de solidarité pour le développement (FSD) et dont les crédits demeurent stables.
Évolution des crédits par programme
(en centaines de milliers d'euros)
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AE |
Variation/25 |
CP |
Variation/25 |
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P. 110 « Aide économique et financière au développement |
1 352 |
- 45,05 % |
1 289 |
- 14,78 % |
|
P. 365 « Renforcement des fonds propres de l'AFD » |
100 |
- 31,03 % |
100 |
- 31,03 % |
|
P. 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » |
1 129 |
- 35,36 % |
1 541 |
- 22 % |
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P. 384 « FSD » |
1 843 |
+ 149,82 % |
738 |
= |
Le Gouvernement a actionné trois types de leviers pour comprimer les crédits.
a) Une réduction programmée de l'aide multilatérale
Entre 2017 et 2023, la France a choisi d'augmenter ses contributions volontaires aux organisations internationales, passant du 10ème au 8ème rang mondial. Le contexte budgétaire a conduit à une évolution de cette doctrine.
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Les crédits consacrés à l'aide bilatérale baissent de 12 %. |
Ainsi, la réduction de l'aide est plus concentrée sur les dotations multilatérales en 2026. Ce mouvement accentue la tendance à une plus grande bilatéralisation de l'aide française, qui passe entre 2025 et 2026 de 53 % à 55 % du total. Une grande partie de l'aide multilatérale fait l'objet d'engagements internationaux pluriannuels. Depuis 2024, la France a donc cherché à réduire ses contributions à des fonds multilatéraux de développement, en particulier trois des plus importants : |
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Les crédits de l'aide multilatérale diminuent de 22 %. |
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Le Fonds africain de développement (FAD) était doté sur la période 2023-2025 de 582,6 millions d'euros. Pour la période 2026-2028, la France s'est engagée sur un montant deux fois moins élevé de 275 millions d'euros, dont 30,55 millions en 2026. |
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La participation de la France à l'Association Internationale de développement (AID), guichet concessionnel de la Banque Mondiale qui octroie des prêts à des taux très faibles aux pays en développement les plus pauvres, s'est établi à 1,4 milliard sur la période 2021-2025. Pour le prochain cycle d'une durée de 9 ans (2026-2034), la France s'est engagée à hauteur de 1,1 milliard d'euros, soit une division par trois en moyenne annuelle. |
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La contribution de la France au Fonds pour l'environnement mondial (FEM) avait progressé de 40 % sur la période 2022-2026 pour s'établir à 298,7 millions. Notre pays devrait réduire des deux-tiers son engagement entre 2026-2030 à 100 millions d'euros. |
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Les prochaines négociations, en particulier pour le « Fonds vert » pour le climat, bras armé de l'accord de Paris, devraient vraisemblablement suivre une même logique.
b) Le décalage des paiements
En plus de négocier à la baisse ses contributions, la France a choisi d'étaler ses paiements, voire de les décaler, ce qui aura in fine un impact non négligeable sur les prochains budgets et aura tendance, si la baisse des crédits de l'APD ne s'inverse pas, à emboliser encore plus les prochains exercices budgétaires.
Deux exemples sont ainsi significatifs.
Le calendrier de décaissement pour l'AID 2026-2034 est de 50,3 millions d'euros en 2026, puis s'élève progressivement pour atteindre 196 millions en 2029.
Les prochains versements seront donc plus importants qu'en 2026 et ce jusqu'en 2034.
En ce qui concerne le Fonds Vert, la France a tout d'abord annulé sa contribution de 415 millions sous forme de prêts et une somme de 83 millions, puis a décalé les versements sur 2026 et 2027. Sa contribution finale devrait s'élever à 1,1 milliard sur 5 ans, contre 1,6 milliard sur 4 ans prévus initialement.
c) Des coupes budgétaires qui touchent notamment l'aide humanitaire
La plupart des lignes budgétaires font l'objet de réduction de crédits. Ceux dédiés à l'aide humanitaire sont particulièrement impactés par rapport au précédent PLF. Ils diminuent ainsi de 41 % entre 2025 et 2026, passant de 500 à 294 millions d'euros, et de deux tiers depuis 2024. La baisse la plus sensible s'observe pour la partie multilatérale qui recouvre la contribution volontaire de la France à l'ONU, en particulier pour le soutien aux réfugiés (HCR) ou les actions du programme alimentaire mondial (PAM).
- 30 %
294 M€
500 M€
Pour résumer, le reflux de l'aide française touche tous les segments de nos contributions.
La loi de finances pour 2025 a acté la rebudgétisation de la taxe sur les transactions financières (TTF) et de la taxe sur les billets d'avion (TSBA), coupant ainsi le lien entre cette ressource et l'APD. Le programme 384 porte désormais les crédits du FSD qui demeurent en 2026, et conformément aux engagements, au niveau qui était le leur en 2025, soit 738 millions d'euros. Il n'existe donc plus de lien juridique entre ces deux taxes et l'aide au développement. En réalité, comme on peut le constater à l'occasion des débats à l'Assemblée nationale et au Sénat, il existe cependant toujours une relation de nature politique qui tient à l'origine de ces impôts.
Lors des discussions sur le projet de loi de finances pour 2025, l'Assemblée nationale avait fait passer le taux de la TTF de 0,3 à 0,6 %. Le texte final a fixé le taux à 0,4 %. On peut noter qu'une progression de 0,1 point supplémentaire représenterait 625 millions d'euros de recettes, soit un montant presque équivalent à la baisse des crédits de la mission APD. Comme les rapporteurs le soulignaient l'année dernière, il est a minima indispensable de mener une réflexion sérieuse sur la TTF, qui porterait sur son taux, son assiette et ses conditions de recouvrement, confiée à la société privée belge Euroclear.
III. L'AFRIQUE AU CoeUR DE L'APD FRANÇAISE
A. L'INTÉRÊT PORTÉ À L'AFRIQUE
L'APD française, pour des raisons historiques, demeure très liée à l'Afrique, qui constitue de loin la première bénéficiaire, que ce soit au niveau bilatéral ou multilatéral, avec 40 % du total de l'aide française. L'aide apportée par l'Europe empreinte les canaux de l'Union européenne dans le cadre des politiques de cohésion. Les documents budgétaires ne permettent pas d'identifier les bénéficiaires d'une partie significative de l'aide.
Deux exemples d'aide au développement en Afrique
L'aide au développement permet de mener des actions concrètes en faveur des populations. Deux exemples permettent d'en témoigner.
Située au bord du lac Malawi, la ville de Nkhata Bay n'offrait en 2018 qu'un taux d'accès de 37 % à l'eau potable et de 45 % pour l'assainissement à ses près de 300 000 habitants. Un projet financé par la Banque Africaine de développement et le gouvernement du Malawi pour un total de 18,5 millions de dollars a permis de porter ces taux respectivement à 91,4 % et à 86 %, créant au passage plus de 1 000 emplois.
L'AID a apporté une garantie ayant permis de mener un projet de prêt conjoint entre Proparco (groupe AFD) et la Société Financière Internationale (SFI - filiale du groupe Banque mondiale dédiée au secteur privé) pour soutenir le développement de l'entreprise Cerba Lancet Africa, le premier acteur panafricain de biologie médicale issu d'un partenariat entre le biologiste français Cerba Healthcare et une entreprise sud-africaine. L'entreprise réalise chaque année plusieurs millions de tests médicaux dans une douzaine de pays d'Afrique sub-saharienne. Le projet, lancé en 2021, a consisté en un prêt de 15 millions de dollars, répartis à parité entre Proparco et la SFI pour financer la modernisation des laboratoires dans les pays d'opération (Eswatini, Gabon, Ghana, Kenya, Mozambique, Nigeria, Rwanda, Tanzanie, Ouganda, Zambie) et pour développer de nouveaux laboratoires en Afrique, en priorité dans les pays les plus pauvres et fragiles, où l'offre diagnostique reste limitée. 500 000 patients supplémentaires peuvent ainsi être servis, et le projet soutient 1 800 emplois, dont 140 emplois créés au niveau de Cerba.
Témoigne de cet enracinement africain la liste des 10 pays les plus aidés par notre aide bilatérale, qui comporte 8 pays africains.
10 premiers bénéficiaires de l'APD bilatérale française en 2024
(en millions d'euros)
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Pays |
2024 |
|
Côté d'Ivoire |
374,6 |
|
Maroc |
318,7 |
|
Egypte |
214,5 |
|
Sénégal |
178,6 |
|
Liban |
153,1 |
|
Cameroun |
149,1 |
|
Bangladesh |
145,3 |
|
Algérie |
140,6 |
|
Benin |
133,6 |
|
Tunisie |
126,1 |
Ensemble de l'aide bilatérale, y compris les dépenses effectuées sur le sol national dont les bourses et frais d'études des étudiants étrangers en France Source : DPT 2026
Il convient de relever que la France a cessé son aide apportée aux trois pays de l'Alliance des États du Sahel (Mali, Niger, Burkina-Faso) qui bénéficiaient en 2019 de 546 millions d'euros d'engagements de l'AFD.
IV. UNE GOUVERNANCE À PARFAIRE
A. UNE AFD PRIVÉE DE LIGNE CLAIRE
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L'Agence Française de Développement (AFD) est le bras armé de l'État en matière d'APD. Placée sous la double tutelle des ministères de l'économie et des affaires étrangères, l'Agence subit cependant depuis plusieurs années les conséquences de l'instabilité politique, ce qui la prive de la faculté de développer à moyen et long terme une stratégie cohérente. |
L'AFD est en particulier confrontée à une double difficulté.
Ø D'une part, son Contrat d'Objectifs et de Moyens (COM) 2020-2022 n'a toujours pas été renouvelé.
Cela fait donc trois ans que l'Agence est privée d'orientations politiques et stratégiques définies par les pouvoirs publics. Cette situation est d'autant plus préjudiciable qu'après avoir progressé de 145 % entre 2017 et 2025, les moyens de l'AFD commencent à décroitre significativement. Cela rend nécessaire le fait pour les autorités politiques d'assumer pleinement les choix, probablement douloureux, que l'agence sera amenée à effectuer dans les années à venir. Selon les informations transmises aux rapporteurs pour avis, les discussions autour du prochain COM 2025-2027 - qui devrait plus logiquement porter sur 2026-2028 -, seraient en voie d'achèvement, sans qu'une date précise ait pu être communiquée à ce jour en raison d'incertitudes budgétaires.
Ø D'autre part, le mandat de l'actuel Directeur général de l'AFD est arrivé à échéance au mois de septembre 2025.
Largement anticipable, cette échéance n'a cependant pas permis au gouvernement depuis cette date de confier à l'actuel titulaire du poste un quatrième mandat ou de nommer un successeur. Cette situation s'avère d'autant plus préjudiciable qu'elle prive les commissions des affaires étrangères d'un débat avec le futur directeur général de l'AFD, dont il faut rappeler qu'il est soumis aux dispositions de l'article 13 de la Constitution.
Les rapporteurs pour avis appellent donc fermement le gouvernement à mener rapidement à bien les discussions pour permettre à l'AFD de retrouver un fonctionnement normal au sein des agences de l'État.
B. UNE COMMISSION D'ÉVALUATION ENFIN INSTALLÉE
L'article 12 de la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales prévoit la mise en place d'une commission d'évaluation de l'aide publique au développement initialement placée auprès de la Cour des comptes, puis auprès du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères après l'adoption de la loi du 5 avril 2024.
Plus de quatre ans après la loi de 2021, le décret du 8 février 2025 relatif aux modalités de fonctionnement de la commission d'évaluation de l'aide publique au développement a enfin défini le champ de ses missions. Les 10 membres du collège ont été désignés par le décret du 12 août 2025 et le secrétaire général par celui du 1er septembre 2025. Les deux collèges d'experts ont également été nommés dans le courant de l'année. Le PLF prévoit un budget de deux millions d'euros pour son fonctionnement en 2026.
Au-delà d'un délai anormal essentiellement dû à des difficultés administratives évitables, les travaux de cette commission devraient être d'une grande importance pour améliorer la redevabilité de l'APD française, et éclairer les parlementaires comme les citoyens sur l'utilisation et l'efficacité des crédits votés par la représentation nationale. Les rapporteurs pour avis déplorent ce délai, car entre 2021, date de sa création dans la loi, et 2026, qui devrait la voir enfin entrer en action, la Commission aurait pu apporter des éclairages très utiles sur la hausse, puis la contraction des moyens dédiés à l'APD.
Le 3 décembre 2025, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement » dans le projet de loi de finances pour 2026.
EXAMEN EN COMMISSION
Au cours de sa réunion du mercredi 3 décembre 2025, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, a procédé à l'examen des crédits de la mission « Aide publique au développement » - programmes 110, 209, 365 et 370.
M. Christian Cambon, rapporteur pour avis. - Monsieur le président, chers collègues, nous arrivons au coeur des économies qui ont été demandées à notre commission dans le cadre des difficultés budgétaires que connaît actuellement notre pays. Avant de détailler cet effort considérable - en l'espace de deux ans, l'aide publique au développement (APD) aura perdu un tiers de ses moyens - je vous propose de prendre un peu de hauteur afin d'observer la manière dont ces politiques se répartissent à travers le monde.
Les trois dernières années ont été marquées par un reflux massif de l'APD en provenance des pays développés. Après un pic en 2022, l'aide n'a cessé de décroître et elle devrait retrouver en 2027 son niveau de 2019.
De manière générale, l'APD n'apparaît absolument plus comme une priorité. Les cinq plus gros contributeurs que sont les États-Unis, l'Allemagne, le Royaume-Uni, le Japon et la France ont tous annoncé des perspectives de diminution, parfois spectaculaires comme aux États-Unis avec la quasi-extinction de l'USAID, mais même les pays les plus généreux comme le Danemark et la Suède reviennent sur de nombreux engagements.
Comment interpréter ce retrait ce reflux observé dans tous les pays, qui est absolument unique dans l'histoire de l'APD ?
Trois raisons peuvent être évoquées : tout d'abord, les déficits budgétaires qui frappent tous les pays traditionnellement engagés, et qui contraignent à revoir les priorités ; ensuite, il faut bien le dire, une forme de lassitude face à des défis qui peuvent paraître colossaux, que ce soit en termes d'économie, d'accès à l'alimentation, à l'eau, à l'éducation, à la santé... Force est de constater que les progrès enregistrés paraissent bien lents, ou à tout le moins insuffisamment valorisés. Enfin, on peut y voir la conséquence de la fin de la période multilatérale de notre histoire géopolitique, ce qui se traduit par un resserrement des pays autour de leurs priorités nationales, avec une bien moindre attention portée au reste du monde, et singulièrement à sa partie la plus pauvre.
Bien entendu, toutes ces raisons sont légitimes et compréhensibles. Cependant, pour avoir beaucoup travaillé sur ces sujets et m'être à de très nombreuses reprises rendu sur le terrain, je peux témoigner de l'intérêt de l'aide et de son efficacité quand elle est bien menée et rigoureusement contrôlée. En effet, l'APD n'est pas simplement une politique qui sert la morale : elle sert aussi nos intérêts et nourrit notre influence, dimension à laquelle notre commission ne peut être insensible.
En termes budgétaires, la France ne fait pas exception à la règle. Alors que loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales fixait un objectif de 0,7 % du revenu national brut (RNB) consacré à l'APD, elle ne cesse de diminuer, passant de 0,56 % en 2022 à 0,43 % en 2025 et très probablement moins en 2026. Notre contribution demeure à ce stade supérieure à la moyenne de l'OCDE, mais notre avantage tend à s'étioler.
La mission « APD » ne représente que 28 % des crédits de développement et son évolution est significative, que ce soit en termes relatifs, car elle ne représenterait en 2026 que 0,62 % du budget, contre 0,75 % en 2025 ; ou en termes absolus, avec une diminution des crédits de paiement (CP) de 16 % : en deux ans, les crédits auront ainsi fondu de 2 milliards d'euros, soit une diminution de 36 %.
Le constat est donc identique à celui de l'année précédente : la mission « APD » contribue massivement à notre effort de discipline budgétaire, ce qui est assez inquiétant à terme.
En termes de gouvernance, nous enregistrons cependant cette année un motif de satisfaction. En effet, la commission d'évaluation de l'APD, prévue à l'article 12 de la loi du 4 août 2021, devrait enfin commencer ses travaux en 2026. Au bout de cinq ans, il était temps ! Le Gouvernement a ainsi publié un décret le 8 février 2025 relatif à ses modalités de fonctionnement et a enfin défini le champ de ses missions. Les collèges d'experts ont été nommés, et le président du Sénat a désigné pour représenter notre institution nos collègues de la commission Hugues Saury et Marie-Arlette Carlotti, auxquels je souhaite bon courage dans cette tâche difficile.
Au-delà de ce délai absolument anormal, que nous dénonçons chaque année, les travaux de cette commission vont être d'une grande importance pour améliorer la redevabilité de l'APD française, et éclairer les parlementaires comme les citoyens sur l'utilisation et l'efficacité des crédits.
Je ne saurais que trop insister une nouvelle fois sur la nécessité pour notre APD de faire l'objet d'évaluations régulières afin de bien mesurer son efficacité, d'autant plus que les crédits se contractent.
Avant de donner la parole à Patrice Joly, je me dois de vous faire part de mon sentiment d'ensemble sur ces crédits. Nous avons tous, je crois, conscience de l'état de nos finances publiques et de la nécessité d'investir dans notre défense. Les crédits d'APD, en dehors d'un cercle d'experts, disposent finalement de peu de soutiens et sont par nature aisés à supprimer. Pour autant, il nous faut réfléchir à plus long terme au déploiement d'une stratégie nationale, dont les principes dont d'ailleurs été fixés dans la loi de 2001, et je veux résumer mes convictions autour des trois idées suivantes.
La première idée consiste à donner de la visibilité pluriannuelle à nos engagements de développement, car il s'agit d'un gage de crédibilité pour nos partenaires. L'amendement proposé par la commission des finances perturbe ainsi lourdement la vision globale que nous pouvons avoir de l'APD.
La deuxième idée vise à lier plus intimement notre présence militaire au développement : je suis persuadé que nous n'aurions pas eu à subir le douloureux retrait du Sahel si nous avions porté une plus grande attention au développement. Lorsqu'une zone est pacifiée, une brigade du développement doit immédiatement intervenir pour rétablir l'eau, reconstruire l'école et réorganiser la police et la justice, sans quoi d'autres acteurs s'en chargent : en l'espèce, les islamistes ont adopté cette stratégie dans les nombreux pays africains où notre présence a été gommée.
Enfin, ma troisième idée a trait au resserrement de notre politique autour de quelques priorités qui auront fait l'objet d'un vrai débat démocratique. Nous intervenons aujourd'hui sur l'ensemble des segments, ce qui finalement dilue et notre efficacité, et notre visibilité.
Sous réserve de ces remarques, dont nous aurons l'occasion de débattre lors de la nomination du futur directeur général de l'Agence française de développement (AFD), je recommande, avec toutes les retenues que l'on peut comprendre, un avis favorable sur les crédits de la mission « APD ».
Je n'aurais pas le même avis sur l'amendement de la commission des finances, en vous proposant de laisser nos collègues prendre leurs responsabilités : le dialogue que Patrice Joly et moi-même entretenons avec les ONG est extrêmement difficile, non pas à l'endroit de notre commission, mais parce qu'il faut tâcher de leur expliquer pourquoi l'APD supporte, une fois encore, l'essentiel de la diminution des crédits. Je ne soutiens donc pas la démarche de la commission des finances.
M. Patrice Joly, rapporteur pour avis - Monsieur le président, mes chers collègues, je vais rebondir sur le constat que vient d'établir Christian Cambon.
Au préalable, je tiens à rappeler les enjeux de l'APD et à citer des exemples qui donnent la mesure de ce qui est réalisé, même s'il arrive parfois que le succès ne soit pas au rendez-vous. Parmi les progrès permis par l'APD, la lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose a permis de sauver 60 millions de vies au cours des vingt dernières années ; en matière d'éducation, le nombre d'enfants non scolarisés au niveau secondaire a diminué de 30 % en l'espace de vingt ans, selon l'Unicef ; sans oublier la promotion et la protection des droits, quand bien même ce sujet reste délicat dans un certain nombre de pays.
Une diminution des crédits de l'ampleur qui a été évoquée ne sera donc pas sans conséquence pour les populations bénéficiaires, comme pour l'ensemble des réseaux d'acteurs et d'intervenants dans les pays directement concernés.
Le reflux mondial de l'aide aura un impact immédiat, notamment pour les pays les moins avancés (PMA), qui en étaient les premiers bénéficiaires. L'APD représente en effet pour eux 61 % des flux financiers, contre 21 % pour les autres pays aidés. Dès lors, ce sont ceux qui sont dans le plus grand besoin qui vont souffrir de l'attrition de l'aide mondiale.
Dans le domaine de la santé, une étude de la revue scientifique The Lancet de juillet 2025 estime que les seules coupes américaines pourraient entraîner 14 millions de morts supplémentaires d'ici à 2030, dont 4 à 5 millions d'enfants âgés de moins de cinq ans. Voilà la réalité très concrète de ce que représentent ces aides, les approches budgétaires conduisant parfois à une déshumanisation du sujet.
Comment le Gouvernement est-il parvenu à abaisser de 16 % les crédits en 2026 ? Il a eu recours à trois méthodes. Tout d'abord, l'aide multilatérale a été plus sévèrement impactée - avec une baisse globale de 22 % - que l'aide bilatérale, qui diminue de « seulement » 12 %. Nous revenons donc sur la politique de progression de nos contributions volontaires, ce qui aura un prix en termes d'influence : nos collègues qui étaient à l'Assemblée générale des Nations unies la semaine dernière pourront sans doute confirmer ce point.
Trois exemples permettent d'illustrer le propos : notre contribution au Fonds africain pour le développement sera divisée par deux sur la période 2026-2028, pour s'établir à 275 millions d'euros ; notre participation à l'Association internationale de développement (AID), le guichet de la Banque Mondiale, sera divisée par trois en moyenne annuelle entre 2026 et 2034 avec un montant de 1,1 milliard d'euros ; enfin, notre apport au Fonds mondial pour l'environnement sera réduit des deux tiers sur la période 2026-2030 à 100 millions d'euros.
Nous assistons donc bien à une forme de retrait de la France de ces instances pourtant capitales.
Le deuxième levier utilisé est celui des décalages de paiement. Cela signifie concrètement que, quand nous prenons un engagement, par exemple avec l'AID, nous choisissons de payer davantage chaque année à partir de 2027, et jusqu'en 2034. Dans le cas du Fonds vert pour le climat, nous avons ainsi obtenu d'étaler notre contribution sur une année supplémentaire pour minorer les dotations de 2025 et 2026. Cette technique, utile à court terme, aura pour conséquence dans les années à venir d'emboliser le système et de limiter notre faculté à agir sur le niveau de la dépense.
Enfin, le dernier levier correspond à des coupes massives dans la plupart des actions menées. Je vais prendre l'exemple le plus significatif, celui des crédits d'aide humanitaire. Ils diminueront de 41 % en 2026 - soit de deux tiers depuis 2024 -, alors que les besoins sont importants, comme l'a récemment rappelé l'exemple du Soudan.
Les mesures prises dans ce budget seront donc très douloureuses et devraient avoir un impact significatif en Afrique, puisque ce continent concentre, pour des raisons historiques, l'essentiel de notre aide, en particulier bilatérale.
À titre d'exemple, la chute des financements jusqu'à 60 % par rapport à 2022 aura des répercussions sur les campagnes de vaccination, le soutien aux hôpitaux communautaires et la lutte contre le VIH ; en matière d'éducation, l'APD pouvait représenter 50 % à 60 % du budget : on imagine la situation que cela va engendrer.
Cette situation me conduit à évoquer ce qui constitue, vous le savez, l'un de mes grands combats, celui de la taxe sur les transactions financières (TTF). Jusqu'en 2024, une fraction de cette taxe était attribuée au Fonds de solidarité pour le développement (FSD), également abondé par la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA). Pour des raisons juridiques, la loi de finances pour 2025 a coupé ce lien pourtant historique entre ces ressources et l'aide au développement. Néanmoins, le Gouvernement a décidé de maintenir les crédits du FSD, qui s'établissent en 2026 à 738 millions d'euros.
L'an dernier, nous avions augmenté le taux de la TTF de 0,3 % à 0,4 %, ce qui avait rapporté entre 600 et 700 millions d'euros : malheureusement, cette somme n'est pas venue abonder le fonds, mais a été réaffectée au budget général. Notre groupe proposera de prendre exemple sur la Grande-Bretagne - pays dont ne peut pas dire qu'il n'est pas attentif à la finance en général -, qui applique un taux de 0,5 %, ce qui pourrait permettre de couvrir les crédits du FSD.
Il conviendrait, en outre, de se pencher sur les modalités du recouvrement de cette taxe, car son rendement pourrait vraisemblablement être amélioré sans augmenter le taux.
Je voudrais achever mon propos avec deux points de vigilance qui concernent l'AFD, bras armé de l'État en matière d'APD.
D'une part, l'Agence attend toujours son contrat d'objectifs et de moyens (COM), le précédent ayant expiré en 2022. Il en résulte une absence d'orientations précises, ce qui est fort dommageable, tandis que le directeur général de l'AFD occupe sa fonction par intérim, ce qui interroge.
D'autre part, la banque de l'AFD, qui menait par le passé des actions de solidarité en lien avec les ONG, n'envisage plus que des actions de développement reposant sur un modèle économique solide : il est regrettable que les orientations de cet établissement financier ne soient pas liées à des orientations définies politiquement.
Pour toutes ces raisons, mon avis sera défavorable. Je déplore, plus largement, la diminution des crédits d'influence que nous avons pu constater en examinant chacune des missions : ces choix sont très désarmants, au sens propre du terme.
Mme Marie-Arlette Carlotti. - Depuis trois ans, l'APD a connu une série de coupes budgétaires drastiques, une nouvelle baisse extrêmement significative étant prévue en 2026. Jamais nous n'avons connu une crise d'une telle ampleur !
Il est donc urgent et important, mes chers collègues, de mesurer les conséquences de nos votes sur le terrain. Outre le fait que l'APD contribue au rayonnement de la France et que sa diminution entraînera un recul de l'influence de notre pays dans le monde, cette aide a un impact direct et indirect sur des dizaines de millions de personnes chaque année, en particulier dans les dix-neuf pays prioritaires dont nous avions établi la liste ici même, lors de la préparation de la loi du 4 août 2021.
Très concrètement, la validation de ces coupes revient à assumer le fait que 53 millions de personnes ne bénéficieront plus du soutien de l'AFD, dont 27 millions de personnes en Afrique, alors que nous avons un besoin urgent de renouer des liens solides avec ce continent.
De la même manière, 2 millions de personnes ne bénéficieront plus d'un accès aux services de santé ; 1 million de personnes ne pourront plus accéder à l'eau potable et plus de 100 000 exploitations agricoles familiales ne seront plus soutenues...la liste peut encore être complétée, notamment par les 10 000 salariés à 15 000 salariés d'associations qui sont en train de perdre leur travail.
Pourtant, des solutions existent pour venir en aide à l'APD - j'allais même dire pour la sauver -, dont le rehaussement du taux de la TTF et son affectation à ladite aide.
Il est de notre devoir, au sein de cette commission, de sauver l'APD de la France, et je regrette que certains développent les mêmes arguments pour finalement aboutir à un vote favorable.
En ce qui concerne, nous voterons contre ce budget.
M. Guillaume Gontard. - Nous voterons également contre ces crédits, et, pour aller dans le même sens que ma collègue, je peine à comprendre l'avis du rapporteur Christian Cambon après le discours qu'il a tenu, et que je partage en grande partie.
L'APD est un instrument concret de la solidarité internationale et notre pays s'écarte encore un peu plus de ses engagements. Or la France ne peut pas se contenter d'un discours d'influence quand les moyens de sa diplomatie solidaire s'amenuisent : une véritable politique de coopération ne se mesure pas en tribunes, mais bien en crédits budgétaires.
Les coupes budgétaires opérées au sein de cette mission contredisent nos objectifs de justice climatique, de soutien aux droits humains, à la santé et à l'éducation pour tous : tout cela est d'autant plus incompréhensible dans un contexte marqué par des crises multiples - guerres, chaos climatique, migrations forcées, etc.
Je rappelle, enfin, que l'APD représente aussi un moyen de renforcer la présence des entreprises françaises, car les projets soutenus par la France offrent souvent des opportunités aux savoir-faire français, qu'il s'agisse de l'eau, de l'énergie ou de la santé.
En réalité, ces baisses successives sont un bien mauvais calcul pour l'avenir et ne sont guère raisonnables.
M. Olivier Cadic. - Siégeant au conseil d'administration de l'AFD, je ne peux que souscrire aux propos de notre rapporteur Christian Cambon et alerter sur la nécessité de redéfinir notre vision globale de l'aide au développement, afin que chacun comprenne son importance.
J'ai visité le centre national de transfusion sanguine en Mauritanie, structure que nous avons aidé à mettre en place : 35 % des besoins sont déjà couverts et un plan en cours de déploiement vise à atteindre 100 % des besoins d'ici à 2030. L'AFD mène donc un véritable travail pour accompagner le développement ; s'il n'était pas utile, les terroristes ne s'en prendraient pas en priorité aux hôpitaux et aux écoles afin de pousser la population à quitter les campagnes et de créer les conditions d'un basculement des pays.
C'est très précisément ce travail de développement qui est attaqué au Sahel, d'où la nécessité de faire prendre conscience à nos citoyens de son importance, et de le soutenir.
M. Cédric Perrin, président. - Comme je l'ai indiqué au rapporteur général, la commande de 300 millions d'euros passée à Alstom par l'Ukraine apportera de l'activité et de l'emploi en France, grâce à des crédits qui sont aussi liés à l'APD. Nous parvenons à placer nos produits et à positionner nos entreprises en participant à ce type de financements, et nous le répéterons autant que nécessaire.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 110 « Aide économique et financière au développement », 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », 365 « Renforcement des fonds de l'Agence Française de Développement », 370 « Restitution des biens mal acquis » et 384 « Fonds de solidarité pour le développement » de la mission « Aide publique au développement ».
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Mardi 14 octobre 2025 :
- M. Olivier Bruyeron, Président, Coordination SUD
- Mme Yolaine Guérif, Directrice générale, PARTAGE avec les enfants du monde
- M. Frédéric Apollin, Directeur général délégué, Agronomes et Vétérinaires sans frontières
- M. Gautier Centlivre, Coordinateur plaidoyer, Action Santé Mondiale
- M. Corentin Martiniault, Chargé de plaidoyer APD, Coordination SUD
Mardi 21 octobre 2025 :
Direction générale du Trésor :
- Mme Shanti Bobin, Sous-directrice des Affaires financières multilatérales et du développement (MULTIFIN) au Service des affaires multilatérales et du Développement (SAMD)
- Mme Laura Quincampois, Adjointe à la cheffe du bureau Aide publique au développement (MULTIFIN 5)
- Mme Sarah Chleilat, Adjointe au chef de bureau Afrique subsaharienne, coopération monétaire et AFD (MULTIFIN 2)
- M. Tanguy Bernon, Adjoint au chef de bureau Financement multilatéral du développement et du climat (MULTIFIN 3)
- M. Sofien Abdallah, Conseiller parlementaire et relations institutionnelles
Mardi 4 novembre 2025 :
- M. Yasmin Ahmad, Responsable des collectes de données dans la Direction de Coopération et Développement de l'OCDE
Lundi 10 novembre 2025 :
- M. Rémi Rioux, Directeur général de l'Agence française de développement
* 1 Réductions de l'aide publique au développement, projections de l'OCDE pour 2025 et à court terme, juillet 2025 https://www.oecd.org/fr/publications/2025/06/cuts-in-official-development-assistance_e161f0c5.html















