- L'ESSENTIEL
- I. UNE HAUSSE SIGNIFICATIVE DES CRÉDITS DU
PROGRAMME 144 EN 2026
- II. RENSEIGNEMENT : LA
« SURMARCHE » BUDGÉTAIRE INTÉGRÉE
DÈS 2026 EN RAISON D'UN CONTEXTE DE CONFLICTUALITÉ
ÉLEVÉ TOUS AZIMUTS
- III. DES CRÉDITS DÉDIÉS
À L'INNOVATION EN HAUSSE, UNE « SURMARCHE » EN
CRÉDITS DE PAIEMENT QUI N'INTERVIENDRA TOUTEFOIS QU'EN 2027
- UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS D'ÉTUDES
AMONT LÉGÈREMENT SUPÉRIEURE À CE QUI ÉTAIT
PRÉVU EN LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE
- DES PRIORITÉS RÉPONDANT AUX BESOINS
DES FORCES
- C. L'INNOVATION DE DÉFENSE FACE À
L'IMPÉRATIF DU TEMPS COURT
- 1. La révolution dans les affaires
capacitaires (RAC)
- 2. Des modes d'acquisition assouplis, des
simplifications qui demeurent cependant nécessaires
- 3. Une agilité nécessitant un recours
accru aux architectures ouvertes
- 4. Faire aboutir la refonte de l'instruction
ministérielle relative à l'innovation de défense
- 1. La révolution dans les affaires
capacitaires (RAC)
- UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS D'ÉTUDES
AMONT LÉGÈREMENT SUPÉRIEURE À CE QUI ÉTAIT
PRÉVU EN LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE
- IV. GARANTIR LA SOLIDITÉ ET LA
RÉSILIENCE DE LA BITD
- I. UNE HAUSSE SIGNIFICATIVE DES CRÉDITS DU
PROGRAMME 144 EN 2026
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
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N° 141 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026 |
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Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025 |
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AVIS PRÉSENTÉ au nom de la commission des affaires
étrangères, de la défense |
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TOME V DÉFENSE Environnement et prospective de la politique de défense (Programme 144) |
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Par M. Pascal ALLIZARD et Mme Gisèle JOURDA, Sénateur et Sénatrice |
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(1) Cette commission est composée de : M. Cédric Perrin, président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mmes Hélène Conway-Mouret, Catherine Dumas, Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Jean-Baptiste Lemoyne, Claude Malhuret, Akli Mellouli, Philippe Paul, Rachid Temal, vice-présidents ; M. François Bonneau, Mme Vivette Lopez, MM. Hugues Saury, Jean Marc Vayssouze-Faure, secrétaires ; M. Étienne Blanc, Mme Valérie Boyer, MM. François-Noël Buffet, Christian Cambon, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Olivier Cigolotti, Édouard Courtial, Jérôme Darras, Mme Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Guillaume Gontard, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Ludovic Haye, Loïc Hervé, Alain Houpert, Patrice Joly, Mmes Gisèle Jourda, Mireille Jouve, MM. Alain Joyandet, Roger Karoutchi, Ronan Le Gleut, Didier Marie, Pierre Médevielle, Thierry Meignen, Jean-Jacques Panunzi, Mme Évelyne Perrot, MM. Stéphane Ravier, Jean Luc Ruelle, Bruno Sido, Mickaël Vallet, Robert Wienie Xowie. |
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Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180 Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026) |
L'ESSENTIEL
Le projet de loi de finances pour 2026 confirme l'effort consacré à la recherche, à la prospective et à l'innovation de défense, avec une progression significative des crédits du programme 144. 2,8 Mds€ (+ 27 % par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2025) sont ainsi inscrits au titre des autorisations d'engagement (AE) et 2,3 Mds€ (+ 10,5 %) au titre des crédits de paiement (CP).
L'effort en faveur de l'innovation est particulièrement marqué, avec un montant de CP s'élevant à 1,4 Md€ (+ 127 M€). Ils permettront de financer des technologies de rupture dans des domaines tels que le quantique, l'intelligence artificielle, l'hypersonique, la robotique ou le spatial, ainsi que plusieurs démonstrateurs majeurs (avion spatial Vortex, drone sous-marin, etc.). Toutefois, la « surmarche » en CP en matière d'innovation n'est attendue qu'à partir de 2027.
Au-delà de ces projets dits d' « innovation planifiée », le retour d'expérience du conflit en Ukraine a par ailleurs mis en évidence la nécessité d'une innovation inscrite dans le temps court. Dans cette perspective, plusieurs initiatives ont été prises par les armées, la Direction générale de l'armement (DGA) et l'Agence de l'innovation de défense (AID), à l'instar de la « révolution dans les affaires capacitaires » (RAC), lancée en 2024, qui vise à accélérer le passage de l'expérimentation à la mise en service ou encore des mesures de simplification des procédures d'acquisition. Ces efforts méritent d'être poursuivis et amplifiés (réévaluation du montant de crédits délégués aux forces, simplification du recours au partenariat d'innovation, adaptation de la responsabilité pénale des acheteurs publics pour les marchés de défense, etc.). Le recours aux architectures ouvertes, qui permet l'intégration rapide de nouvelles technologies dans les équipements existants, doit par ailleurs se développer.
S'agissant du soutien apporté à la base industrielle et technologique de défense (BITD), les rapporteurs se félicitent que les alertes répétées du Parlement relatives aux difficultés de financement rencontrées par les entreprises de la défense, en particulier les PME, commencent à porter leurs fruits. La création du fonds « Bpifrance Défense », le renforcement du dialogue entre acteurs financiers et industriels dans le cadre d'un « dialogue de place », ainsi que la mise en place de dispositifs d'accompagnement pour les PME, constituent des avancées significatives. Plusieurs points d'attention demeurent cependant tels que la remontée de cas de refus d'assurance, la sous-représentation persistante des petites entreprises dans les crédits d'études amont ou encore les moyens limités alloués au réseau territorial de la DGA.
Sur le volet renseignement du programme 144 relatif à la recherche et l'exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France par la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la direction du renseignement et de la sécurité de défense (DRSD), les crédits de paiements prévus pour 2026 sont en augmentation de 13 % pour s'établir à 579 M€, contre 508 M€ en 2025.
Au total, le PLF 2026 s'inscrit dans une trajectoire cohérente avec la loi de programmation militaire 2024-2030, traduisant la volonté d'une défense plus innovante, plus agile et mieux préparée aux défis stratégiques à venir.
I. UNE HAUSSE SIGNIFICATIVE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 144 EN 2026
Le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 fixe un niveau de crédits pour le programme 144 s'élevant à 2,8 Mds€ en autorisations d'engagement (AE) et 2,3 Mds€ en crédits de paiement (CP), en hausse de 582 M€ en AE (+ 27 %) et de 218 M€ (+ 10,5 %) en CP.
Dans le détail, les crédits consacrés au renseignement progresseront de 130 M€ en AE et de 71 M€ en CP et ceux dédiés à la prospective de défense augmenteront de 451 M€ en AE et 147 M€ en CP.
La baisse des crédits de l'action 07.01 « Recherche stratégique » de près de 2 M€ résulte d'une mesure de périmètre, les crédits consacrés au programme « personnalités d'avenir défense » (PAD), au partenariat mondial du G7 contre la prolifération des armes de destruction massives et au fonctionnement de l'Irsem Europe ayant fait l'objet d'un transfert vers l'action 08 « Relations internationales et diplomatie de défense ».
II. RENSEIGNEMENT : LA « SURMARCHE » BUDGÉTAIRE INTÉGRÉE DÈS 2026 EN RAISON D'UN CONTEXTE DE CONFLICTUALITÉ ÉLEVÉ TOUS AZIMUTS
A. DES CRÉDITS DE PAIEMENTS EN AUGMENTATION DE 13 % POUR 2026
Au titre du programme 144, les crédits de paiements prévus pour 2026 sont en augmentation de 13 % pour s'établir à 579 millions d'euros, répartis entre 549 M€ pour la DGSE et 30 M€ pour la DRSD. Il s'agit d'une anticipation, liée à l'intégration de la surmarche dès 2026, sur un niveau de crédits qui ne devait être atteint qu'en 2028 notamment en ce qui concerne la DRSD dont le nouveau siège a été mis en service en 2025. Les priorités pour 2026 vont porter sur la modernisation de l'environnement numérique de travail et le déploiement d'une nouvelle base de souveraineté, dénommée « système d'information de renseignement et de contre ingérence de défense » (SIRCID), qui vise à optimiser le cycle du renseignement.
S'agissant des menaces extérieures, les services relatent la permanence d'un haut niveau de pression, tant par le contexte de conflictualité élevée tous azimut (flanc oriental de l'OTAN, Moyen-Orient et, toujours, la zone sahélienne), que par la réévaluation du risque de prolifération nucléaire et par la mutation des foyers de menace terroriste (Asie centrale, zone afghano-pakistanaise). Ces axes d'effort du renseignement confirment les constats établis par le rapport de la délégation parlementaire au renseignement pour l'année 2024 dont la thématique principale traitait des mutations du renseignement en Afrique et de la bascule d'effort des services vers l'Europe de l'Est et l'Indopacifique1(*). S'y ajoutent de nouveaux axes de contribution du renseignement en matière de flux migratoires clandestins (canal du Mozambique, Mayotte) et de lutte contre la criminalité organisée.
Au total avec les crédits de personnel du programme 212 ce sont près d'1,3 milliard d'euros qui seront consacrés à la DGSE (1,14 Md€) et la DRSD (174 M€).
Avec 6 453 ETPT pour 2026, le plafond d'emplois de la DGSE continuera à progresser (contre 6 123 ETPT en 2025 et 5987 ETPT en 2024) hors service action.
En revanche, les moyens en personnel de la DRSD vont rester en 2026 en deçà de l'épure de la LPM, et même baisser (le plafond d'emploi passant de 1 691 ETPT en 2025 à 1 609 ETPT pour 2026), ce qui est préjudiciable alors même que la sécurité des TPE, PME et ETI de l'industrie de défense française est devenu un enjeu de souveraineté crucial. Comme dans le cyber, ce ne sont pas les grands groupes qui sont les plus vulnérables aux attaques mais toute la chaîne des entreprises sous-traitantes.
B. UNE ATTENTION PARTICULIÈRE DE PROTECTION À APPORTER AU TISSU DES PME ET SOUS-TRAITANTS CRITIQUES DE LA BITD
Dans le cadre de la thématique de soutien à la BITD française se pose la question des moyens nouveaux de renseignement et de contre-ingérence mis en oeuvre pour sécuriser les PME au regard des menaces nouvelles : attaques cyber, sabotages ou prises de participations hostiles. La DGSE comme la DRSD intègrent dans leur champ d'action un panel de mesures de protection dans divers domaines : la protection économique qui vise à prévenir l'embauche de cadres par des groupes étrangers, la contre-ingérence économique sur les investissements étrangers en France et la lutte contre les attaques cyber et les menaces hybrides.
À l'échelle de la BITD française, la DRSD, en lien avec la DGA, identifie un champ de compétence de 4 500 entreprises de défense pour lesquelles elle assure une mission de protection, d'inspection et d'enquêtes d'habilitation. Sur cet ensemble le périmètre des TPE/PME ne fait pas l'objet d'un suivi statistique distinct dans la mesure où le critère déterminant repose davantage sur la nature des entreprises (opérateur d'importance vitale ou non, détention d'informations et de supports classifiés) plus que sur leur taille. C'est donc au regard de ces critères que la DRSD peut être amenée à porter une attention particulière à certaines entreprises relevant de la catégorie des TPE/PME.
En réponse au sujet d'intérêt de vos rapporteurs pour avis, la DRSD a précisé le cadre de son action selon deux approches, non spécifiques aux PME mais pouvant utilement leur être appliquées :
· le périmètre « économie de guerre » : cette notion inclut celle des « sous-traitants critiques » identifiés par la DGA et dont la liste est classifiée. De ce fait, la proportion de PME comme les éventuelles statistiques d'atteinte par des actions malveillantes ne sont pas disponibles. En revanche, la direction estime utile de rappeler, à des fins de pédagogie, que les sous-traitants des entreprises de défense n'ont pas toujours pleinement conscience de leur vulnérabilité au regard de leur importance dans la chaîne de valeur. C'est dans ce cadre que des audits de sûreté sont menés par la DRSD à la demande de la DGA ;
· les mesures de protection apportées par la DRSD : 4 types de mesures sont mises en oeuvre (cf. encadré ci-dessous).
Les mesures de protection apportées par la DRSD
- Les inspections physiques et cyber visant à identifier le niveau de maturité dans ces domaines et à apporter des recommandations concrètes au regard de la menace, cette activité est en constante augmentation (171 inspections réalisées en 2024, 206 prévues en 2025 contre seulement 110 réalisées en 2020 pour le physique et, 43 en 2024 et 62 prévues en 2025 pour le cyber) ;
- Des actions de sensibilisations sont menées par le réseau en région (1 467 actions de sensibilisations représentant 45 814 personnes sensibilisées, notamment dans les établissements de recherches, réalisées entre le 1er septembre 2024 et le 31 aout 2025) et la publication d'une lettre d'information économique (LIE) qui diffuse des informations de contre-ingérence économique (propriété intellectuelle, panorama des menaces, lawfare, etc.) ;
- La création du CERT[ED] (Computer Emergency Response Team des entreprises de défense) en 2023, vise à réduire le risque sécuritaire qui pèse sur les systèmes d'information non classifiés des TPE-PME de la BITD. Cette structure accompagne 451 TPE/PME (soit environ 15 % de la BITD). 106 incidents ont été signalés au CERT-ED en 2024 ;
- Les enquêtes administratives en vue d'habilitation portent sur l'ensemble de la BITD, sans distinction statistique pour les TPE/PME (29 636 demandes d'habilitations « Secret » en 2024 et 13 013 « Très Secret » pour les personnes physiques).
Les rapporteurs saluent la prise en compte particulière du risque cyber des TPE/PME par la création du CERT[ED], dont le nombre de bénéficiaires a augmenté en 2025 pour atteindre 500 entreprises, et encouragent les services à développer une approche spécifique aux besoins de ces entreprises face à la montée des menaces hybrides de tous ordres. La montée en puissance de cette cellule est encouragée mais reste limitée par les contraintes de recrutement fixées par la direction des ressources humaine du ministère. En effet, la DRSD reste une structure d'emploi mais pas une entité de recrutement et de gestion de ses propres effectifs, ce qui limite notamment la fidélisation des personnels civils par manque de visibilité et de perspective de carrière.
C'est pourquoi, compte tenu de l'effort à réaliser en direction de la protection du tissu des TPE-PME et sous-traitants de la BITD, il est préconisé de desserrer la contrainte budgétaire des crédits de titre 2 de la DRSD pour 2026 - lesquels sont fixés à 144 M€ pour 2026 au lieu de 149 M€ en 2025 - et, par principe, de confier à cette direction une véritable compétence de recrutement et de gestion de ses effectifs militaires et civils.
III. DES CRÉDITS DÉDIÉS À L'INNOVATION EN HAUSSE, UNE « SURMARCHE » EN CRÉDITS DE PAIEMENT QUI N'INTERVIENDRA TOUTEFOIS QU'EN 2027
A. Crédits consacrés à l'innovation
(en milliard d'euros)
UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS D'ÉTUDES AMONT LÉGÈREMENT SUPÉRIEURE À CE QUI ÉTAIT PRÉVU EN LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE
Source : AID, réponse au questionnaire des rapporteurs
En 2026, les CP consacrés à l'innovation (études amont hors dissuasion et subventions aux opérateurs) s'élèveront à 1,4 Md€, soit une progression de 127 M€ par rapport à la loi de finances pour 2025.
Si le montant de CP est supérieur de près de 70 M€ à ce qui était envisagé en LPM (1,32 Md€), dans le domaine de l'innovation, la « surmarche » de 3,5 Mds€ par rapport à la trajectoire inscrite en LPM dont bénéficiera la mission « Défense » en 2026 concernera essentiellement les AE. S'agissant de financement d'études et de projets menés sur plusieurs années, un décalage entre les AE et les CP n'est pas anormal. L'accentuation de l'effort s'agissant des CP ne devrait intervenir qu'à partir de 2027, selon une chronique qui devra être déterminée lors de l'actualisation annoncée de la LPM. Il aurait cependant été souhaitable que les études et projets supplémentaires lancés et financés grâce à la « surmarche » soient clairement identifiés dans les documents budgétaires.
Dans le domaine de l'innovation, l'accentuation de l'effort en crédits de paiement par rapport à la LPM ne devrait intervenir qu'à partir de 2027, selon une chronique qui devra être déterminée lors de l'actualisation annoncée.
B. Répartition des crédits d'études amont par domaine d'innovation
DES PRIORITÉS RÉPONDANT AUX BESOINS DES FORCES
Source : Ministère des armées, réponses au questionnaire budgétaire
Les crédits dédiés aux études amont, en hausse de 9 % par rapport à la LFI 2025 (1,1 Md€ en PLF 2026 contre 1 Md€ en 2025) permettront de soutenir les « technologies de rupture » dans les domaines du quantique (capteurs et communications), de l'hypersonique (projet de véhicule manoeuvrant expérimental), de l'intelligence artificielle, de la robotique terrestre et des drones navals.
Des études technologiques et d'architecture du système principal de combat terrestre (main ground combat system ou MGCS) et concernant les technologies qui concourent au système de combat aérien du futur (SCAF) et aux évolutions du programme Rafale seront en outre lancées ou poursuivies.
Démonstrateurs financés en 2026 par domaine d'innovation
(en millions d'euros)
Sur ce montant, 88 M€ en AE et 105 M€ en CP seront consacrés au financement de grands démonstrateurs parmi lesquels : des démonstrateurs d'armes à énergie dirigée, un démonstrateur de drone sous-marin océanique, des satellites à radar à ouverture synthétique et pour les opérations de proximité dans l'espace ou encore un démonstrateur de micro horloge atomique.
Source : AID, réponse au questionnaire des rapporteurs
Ces crédits financeront également de nouveaux besoins dans les domaines de la coopération drones-hélicoptères, de l'avion spatial VORTEX ou encore de la très haute altitude (ballon manoeuvrant BALMAN, avion spatial ZEPHYR, radar transhorizon NOSTRADAMUS développé par l'ONERA), etc.
Au total, les priorités inscrites dans le PLF 2026 en matière d'innovation ont été unanimement présentées comme répondant aux besoins exprimés par les forces.
C. L'INNOVATION DE DÉFENSE FACE À L'IMPÉRATIF DU TEMPS COURT
Les études et démonstrateurs constituent des projets technologiques de défense (PTD) qui participent de l'innovation dite planifiée. Celle-ci concentre la très grande majorité des crédits d'étude amont (88,7 %).
Or le retour d'expérience ukrainien a démontré que l'innovation de défense doit également s'inscrire dans le temps court.
Elle doit en particulier émaner des acteurs et industriels de la défense eux-mêmes, en s'appuyant sur les usages duaux et sur les capacités internes à concevoir des réponses concrètes aux difficultés opérationnelles rencontrées au quotidien.
Bien que limités, les crédits dédiés à l'innovation participative (1,4 M€ en 2024) ont permis le financement de projets innovants issus des armées et services du Minarm (tels que LANCEA, dispositif de simulation du gonflage des tuyaux d'incendie permettant de reproduire des conditions d'entrainement réalistes, et Télémax 360 permettant d'adapter une caméra 360°sur un robot de déminage). De tels projets sont doublement positifs : d'une part, ils apportent des solutions concrètes et immédiates aux besoins des forces et, d'autre part, ils contribuent à créer des écosystèmes d'innovation entre industriels et opérationnels.
Le retour d'expérience du conflit en Ukraine a mis en évidence que certaines technologies pouvaient s'avérer obsolètes quelques semaines à peine après leur première utilisation sur le champ de bataille.
La prise en compte du temps court est ainsi devenue une exigence stratégique, qui a conduit à la mise en oeuvre de plusieurs initiatives destinées à accélérer et fluidifier le passage à l'échelle.
1. La révolution dans les affaires capacitaires (RAC)
La « révolution dans les affaires capacitaires » (RAC), annoncée par le ministre des Armées lors de son discours d'octobre 2024 à Vaire-le-Petit, doit marquer une évolution profonde de la conduite de l'innovation.
Succédant aux dispositifs Fast Track, à la force d'acquisition réactive et aux opérations agiles, la RAC vise à la fois à faire monter en production des innovations issues des armées ou de l'industrie mais aussi à mieux prendre en compte les évolutions du besoin militaire et les évolutions technologiques, dont le rythme très rapide contraste avec le temps de vie des équipements.
Du côté de la Direction générale de l'armement (DGA), la RAC s'est traduite par la création d'une division dédiée à l'animation et à la transformation des opérations et méthodes (ATOM). L'État-major des armées (EMA) joue, pour sa part, un rôle de courroie de transmission entre les forces, qui expriment leurs besoins, et la DGA, chargée de leur traitement.
La RAC doit ainsi constituer un levier de simplification et de performance, permettant de passer plus rapidement de la validation en comité de gouvernance du passage à l'échelle (CGPAE) à l'acquisition des premiers de série, puis à leur déploiement.
Les mesures prévues dans le cadre de la RAC pourraient par ailleurs s'accompagner d'une plus grande subsidiarité dans la gestion d'une partie des crédits dédiés. Certaines personnes entendues ont en effet souligné la difficulté à disposer d'une visibilité suffisante sur l'emploi des crédits du programme 144 gérés par l'AID, ce qui peut limiter la capacité des armées à évaluer l'adéquation des dépenses aux besoins qu'elles estiment prioritaires en matière de recherche et technologie (R&T). C'est pourquoi les rapporteurs estiment qu'une discussion devrait être engagée entre l'AID et les armées sur l'adéquation du montant de crédits actuellement délégués aux forces (500 000 euros) à leurs besoins pour développer des solutions en interne. Plusieurs personnes entendues ont ainsi estimé qu'un doublement de leur montant donnerait davantage de souplesse aux armées pour lancer certains projets importants, le plafond actuel présentant, selon elles, un risque de « saupoudrage » au profit de micro-projets. En tout état de cause, une augmentation de ces crédits devrait s'accompagner d'une remontée à l'AID des projets financés afin d'éviter tout doublon.
Une augmentation de l'enveloppe dédiée à l'innovation déléguée aux armées pourrait être envisagée tout en garantissant à l'AID une vision globale des projets menés pour éviter tout doublon.
2. Des modes d'acquisition assouplis, des simplifications qui demeurent cependant nécessaires
Sur le plan réglementaire, les articles R. 2322-15, R. 2122-9-1 et R. 2322-16 du code de la commande publique, ont permis de rendre plus souples certaines procédures de passation, notamment pour favoriser la captation de l'innovation. Ces articles ont facilité la contractualisation des expérimentations et des achats innovants et relevé les seuils pour les marchés passés sans mise en concurrence, notamment pour de petites séries. Un nombre important de procédures a bénéficié de ces ajustements.
Des améliorations restent cependant à envisager, car ces seuils demeurent souvent trop bas pour permettre des achats structurants et le passage à une échelle plus large.
Par ailleurs, l'AID a lancé plusieurs partenariats d'innovation destinés à faciliter et accélérer le passage à l'échelle (cf. encadré ci-après). Ce dispositif, qui figure à l'article L. 2172-3 du code de la commande publique, permet à l'acheteur public de mettre en place un partenariat structuré de long terme couvrant à la fois la phase de recherche et de développement ainsi que l'achat ultérieur des produits, services ou travaux en résultant, sans remise en concurrence, sous réserve que ces derniers répondent à un besoin ne pouvant pas être satisfait en ayant recours à l'offre disponible sur le marché.
Les principaux partenariats d'innovation en cours
- KALI (Kit d'adaptation des protections balistiques pour le personnel féminin) : l'appel à candidatures a été publié. L'objectif de mise en production est fixé à l'échéance de l'année 2025. Ce programme vise à adapter les équipements de protection balistique aux spécificités morphologiques féminines, dans une perspective d'amélioration de la protection individuelle et de l'ergonomie des matériels ;
- DAVID (Détection et neutralisation des engins explosifs improvisés) : le projet fait actuellement l'objet d'une phase de restructuration. Un élargissement du champ d'action au domaine maritime et portuaire est à l'étude, dans la continuité des travaux conduits dans le secteur terrestre ;
- DANAE (Drone armé de surface) : la procédure de sélection est en cours. Sept candidats ont été retenus pour la première phase. Une première évaluation, fondée sur un scénario non communiqué, interviendra au début de l'année 2026. À l'issue de cette étape, trois projets seront présélectionnés et se verront remettre le dossier de consultation des entreprises (DCE) en vue d'une seconde phase, prévue dans un délai de 15 mois.
- CISMA (Cible sous-marine autonome) : le programme a pour objet de développer une solution permettant l'entraînement autonome des sous-marins, sans recours à des moyens aériens ou navals d'accompagnement. Le lancement opérationnel est prévu dans un délai de 24 mois. Le dossier de consultation des entreprises est actuellement en phase de finalisation.
Source : état-major des armées, réponse au questionnaire des rapporteurs
Pour autant, comme l'a admis l'AID en audition, le montage des partenariats d'innovation « reste très chronophage en phase de préparation : les règles sont complexes avec les critères de sélection à identifier avant le lancement, et le nombre d'actes contractuels par titulaire est important ». Il a ainsi été indiqué aux rapporteurs qu'une « simplification du partenariat d'innovation avec la publication d'un clausier simplifié » était envisagée, laquelle apparaît en effet souhaitable.
Enfin, plusieurs personnes auditionnées ont mis en évidence une prudence excessive des acheteurs publics dans la mise en oeuvre du code de la commande publique. Celle-ci s'explique en partie par l'engagement de leur responsabilité pénale. Une adaptation du régime applicable pourrait contribuer à lever ces freins et à favoriser une prise de risque maîtrisée, indispensable à la conduite de l'innovation de défense.
L'actualisation de la LPM doit être l'occasion d'adapter le principe de responsabilité pénale des acheteurs publics dans le cadre de la passation des marchés de défense.
3. Une agilité nécessitant un recours accru aux architectures ouvertes
La prise en compte du temps court nécessite une intégration facilitée et rapide des innovations dans les équipements et matériels.
Au cours des auditions, le recours aux architectures ouvertes, c'est-à-dire aux systèmes autorisant des incréments qui ne sont pas nécessairement développés par l'industriel à l'origine de l'équipement, a ainsi été présenté comme un impératif.
Dans le domaine aéronautique, a ainsi été cité l'exemple du Mirage 2000D - conçu dans les années 1980 et doté d'un système des années 1990, en mesure de constituer une plateforme d'expérimentation pour l'intelligence artificielle embarquée grâce à un système ouvert, adaptable et optimisable en fonction des besoins opérationnels des armées -.
Ce cas de figure est cependant rare, la plupart des autres appareils étant équipés de systèmes propriétaires, plus fermés.
L'enjeu consiste donc à développer des modèles fondés sur des architectures ouvertes permettant, d'une part, aux armées de disposer d'un accès libre aux données produites par leurs équipements et, d'autre part, de pouvoir intégrer rapidement des évolutions selon les besoins du terrain.
Les États-Unis ont déjà franchi cette étape : leur cadre juridique a été adapté afin que les données issues des plateformes du Département de la Défense appartiennent à l'État. Par ailleurs, les industriels doivent se conformer à une architecture de référence définie par le gouvernement s'ils souhaitent participer aux marchés publics.
4. Faire aboutir la refonte de l'instruction ministérielle relative à l'innovation de défense
L'instruction ministérielle n° 2067 relative à l'innovation de défense, inchangée depuis la création de l'Agence de l'innovation de défense (AID), fait aujourd'hui l'objet de travaux de refonte. Trois évolutions principales ont ainsi été proposées par l'AID, sans avoir abouti :
- une meilleure description des dispositifs permettant le passage à l'échelle, notamment via la CGPAE, dotée d'un budget de 24 M€ ;
- une révision du calendrier des travaux d'orientation afin d'adapter le rythme des réflexions stratégiques et la production du document d'orientation de l'innovation de défense (DROID) ;
- la reconnaissance du rôle central de l'AID, qui devrait être informée de l'ensemble des projets d'innovation conduits par les entités du ministère, afin d'éviter les redondances.
Parallèlement, l'EMA a proposé une stratégie d'innovation de défense articulée autour de quatre axes d'effort : connecter, financer, contractualiser et valoriser. Sa mise en oeuvre repose sur trois principes : simplicité, subsidiarité et acceptation du risque (droit à l'échec).
Les rapporteurs considèrent qu'une réécriture de l'IMID n° 2067 permettrait de clarifier certaines procédures et d'en renforcer la lisibilité. Ils appellent par conséquent à l'aboutissement rapide des travaux de refonte de cette instruction intégrant les propositions de l'AID et de l'EMA.
IV. GARANTIR LA SOLIDITÉ ET LA RÉSILIENCE DE LA BITD
A. EN MATIÈRE D'ACCÈS AU FINANCEMENT, DES ALERTES RÉPÉTÉES QUI COMMENCENT À PORTER LEURS FRUITS
Depuis l'alerte lancée il y a cinq ans par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat2(*), de nombreux travaux ont mis en évidence une difficulté des entreprises de la BITD à accéder aux financements privés. Le suivi par le Parlement de ce sujet et les initiatives qui ont pu être portées (création d'un livret d'épargne souveraineté, fléchage d'une partie de l'encours du livret A et du livret de développement durable et solidaire vers les PME de la BITD notamment) semblent porter leurs fruits.
En 2023, un réseau de référents « défense » a ainsi été instauré au sein des réseaux bancaires afin de mieux objectiver les difficultés rencontrées par les entreprises et de lever les obstacles lorsque ceux-ci sont liés à des enjeux de défense nationale. Ce dispositif a été complété, à l'échelle régionale, par la nomination de responsables sectoriels en 2025. L'ensemble des acteurs s'accorde sur l'utilité de ce réseau, qui permet de traiter certaines difficultés dans un cadre confidentiel.
Depuis sa création, les thématiques abordées par ce réseau ont évolué. La question de l'accès au crédit, initialement prégnante, est désormais moins fréquemment signalée. En revanche, d'autres difficultés subsistent, telles que les contraintes liées au remboursement des prêts garantis par l'État (PGE) et les refus de garanties sur des montages de financement à l'export.
Depuis 2023, la médiatrice a instruit 37 dossiers, dont 20 % concernaient le financement à l'export. Les cas particuliers, tels que les refus d'ouverture de compte, représentent 8 % des dossiers.
Par ailleurs, le ministère de l'Économie et des Finances, et le ministère des Armées ont organisé une conférence sur le financement de l'industrie de la défense le 20 mars 2025, à Bercy. Celle-ci a donné lieu à plusieurs annonces dont la mise en place d'un « dialogue de place » (cf. encadré ci-après).
Les principales conclusions des groupes de travail réunis dans le cadre du dialogue de place
Le dialogue de place3(*) a été mis en oeuvre dans le prolongement de la réunion du 20 mars 2025 afin de renforcer la coordination entre les acteurs financiers et industriels. Trois groupes de travail ont été constitués portant sur : 1) les politiques d'exclusion, 2) les besoins en fonds propres et 3) la visibilité des carnets de commande.
Les conclusions de ce dialogue, remises à l'été 2025, mettent en lumière des avancées dans chacun de ces domaines.
S'agissant des politiques d'exclusion, l'ensemble des acteurs bancaires ont engagé, ou sont en phase de finalisation, l'évolution de leur doctrine, notamment en ce qui concerne le remplacement de la terminologie d' « armes controversées » par celle d' « armes interdites ». Il est par ailleurs apparu que le risque réputationnel demeurait un enjeu pour les banques, en particulier s'agissant du financement des exportations. Certaines opérations d'exportation ayant obtenu une licence de l'État français se voient ainsi refuser l'octroi d'un crédit pour des raisons extra-financières liées à la politique de conformité des acteurs bancaires, ce qui appelle à mieux communiquer sur les critères d'examen de la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG) et à envisager l'organisation d'un forum de dialogue entre les équipes conformité et les services instructeurs des licences export dans certaines situations spécifiques.
En matière de financement du haut de bilan, le besoin total est estimé à un montant compris entre 4,1 Mds€ et 5,8 Mds€ à l'horizon 2030 pour les capacités industrielles, et environ 3 Mds€ pour les entreprises technologiques duales, avec un déficit marqué sur les tours de financement de grande taille.
Sur le plan de la visibilité des carnets de commandes, il est apparu que plus de 75 % du marché défense est intermédié par les maîtres d'oeuvre industriels (MOI). Une meilleure visibilité de ces derniers sur les perspectives d'achats contribuerait directement à améliorer la capacité des PME et ETI à se financer. La LPM offre certes une projection sur sept ans, mais celle-ci ne concerne que les programmes majeurs. Le dialogue a permis de réfléchir à la manière de décliner cette visibilité le long de la chaîne de sous-traitance. Le ministère des Armées a établi des conventions avec les grands maîtres d'oeuvre afin de partager cette information lors de forums spécialisés, au moins pour les sous-traitants de rang 1, et dans la mesure du possible pour les rangs suivants. Il est apparu essentiel de ne pas se limiter aux commandes directes passées aux PME et ETI, mais de prendre en compte également celles transitant par les maîtres d'oeuvre.
Enfin, un quatrième groupe de travail sera prochainement constitué, dédié aux enjeux de trésorerie. L'ensemble de la chaîne, en particulier pour les opérations relevant des marchés publics, sera concerné, afin d'assurer une meilleure fluidité financière et un pilotage efficace des ressources tout au long du processus industriel.
Dans le prolongement de la conférence du 20 mars, Bpifrance a annoncé la création d'un fonds spécifiquement dédié au secteur de la défense (fonds Bpifrance Défense). Cet instrument, destiné à soutenir les entreprises relevant de la base industrielle et technologique de défense (BITD), est ouvert à l'ensemble des épargnants français à partir d'un ticket d'entrée de 500 euros et repose sur un horizon d'investissement de long terme, fixé à 20 ans. L'objectif de rendement annuel est estimé à 5 %, pour une taille cible de 450 M€, soit environ 10 % du besoin global estimé à 5 Mds€.
Les rapporteurs se félicitent du succès rencontré par ce nouvel instrument, qui s'est traduit par une collecte de 3 M€ dès le premier jour de souscription. Ce résultat témoigne de l'intérêt du public pour le financement de la défense, en contraste marqué avec les réticences exprimées par certaines administrations en 2023 et 2024, qui estimaient qu'un tel produit d'épargne ne rencontrerait qu'un faible écho auprès des particuliers.
Ces progrès au niveau français contrastent avec l'évolution trop lente de la doctrine interne de la banque européenne d'investissement (BEI), qui continue de s'interdire tout financement des entreprises produisant des armes et des munitions. Cette limitation constitue un frein et un mauvais signal pour les investisseurs qu'il conviendrait de lever rapidement.
De même, en auditions, la complexité d'accès aux financements du Fonds européen de défense (FED), pénalisant de facto les PME, a régulièrement été dénoncée. Un accompagnement renforcé de ces dernières par la DGA dans ce cadre serait par conséquent souhaitable.
Pour autant et d'une manière générale, si les initiatives européennes en matière de financement (mécanismes EDIP et SAFE notamment) constituent un soutien utile à la BITD européenne et donc à la BITD française, le rôle de l'Union européenne doit se limiter à celui de facilitateur et ne pas empiéter sur les compétences nationales, la défense demeurant une prérogative de souveraineté.
B. UNE REMONTÉE DE CAS DE REFUS D'ASSURANCE QUI APPELLE À LA PLUS GRANDE VIGILANCE
Au cours des auditions, il a été indiqué que plusieurs entreprises de la BITD ont fait état de difficultés d'accès à l'assurance « responsabilité civile professionnelle » en raison de leur activité dans le domaine de la défense. Si une analyse est en cours pour déterminer s'il s'agit d'une interprétation restrictive mais isolée de la politique générale du groupe, notamment en matière de responsabilité civile professionnelle ou si cette position traduit une évolution plus générale du marché, cette situation appelle à la plus grande vigilance.
Plusieurs entreprises ont fait état de difficultés d'accès à l'assurance « responsabilité civile professionnelle » en raison de leur activité dans le domaine de la défense.
Par ailleurs, un niveau de sinistralité particulièrement élevé, notamment en matière d'incendie et de cybersécurité, a pu être observé dans certaines régions et certains secteurs de la BITD. Cette problématique, qui pourrait être à l'origine d'une faille de marché, les assureurs pouvant être conduits à refuser de couvrir ces entreprises en raison de la fréquence ou de la gravité des sinistres observés, nécessite d'être rapidement expertisée tant par la DGA que par le ministère de l'économie afin d'y apporter les solutions appropriées.
C. L'ACCOMPAGNEMENT DES PME DE LA DÉFENSE
1. Une sous-représentation persistante des PME dans les crédits d'études amont
Répartition des dépenses d'études amont par catégorie de bénéficiaires
Lors de l'examen du projet de LPM 2024-2030, le Sénat avait voté un amendement introduit à l'initiative de notre collègue Cédric Perrin prévoyant que les crédits d'études amont devaient notamment bénéficier aux PME.
Or, selon les chiffres communiqués par l'AID, les crédits d'études amont destinés aux petites entreprises (microentreprises, TPE, PME) demeurent très faibles (66 M€ en 2024, soit 7,2 % du total).
Ces montants ne retracent cependant que les paiements directs aux PME et ne prennent pas en compte le « ruissellement » des crédits via les grands maîtres d'oeuvre.
Les rapporteurs estiment par conséquent nécessaire qu'une traçabilité soit demandée aux maitres d'oeuvre industriels afin de mieux évaluer les flux financiers à destination des petites entreprises, lesquelles constituent un maillon essentiel de notre BITD.
En audition, l'AID a rappelé que plusieurs actions avaient été menées par le ministère pour favoriser l'accès des PME et des startups à la commande publique. En particulier, le plan « Action PME », lancé en 2018, a été renforcé en 2024 en y intégrant l'innovation. L'AID s'attache par exemple à lancer des appels à projets simplifiés, comprenant un nombre réduit d'exigences techniques. De même, elle travaille à l'élaboration d'accords-cadres dits OASIS (opérations agiles de stimulation de l'innovation appliquée à un système) permettant l'intégration de solutions développées avec des PME et des startups dans des programmes en cours de développement.
2. Un accompagnement effectif du tissu industriel assuré par la DGA qui n'empêche pas certains angles morts
Mise en place en 2024, la direction de l'industrie de défense (DID) de la DGA vise notamment à garantir le développement, la souveraineté et la résilience de la BITD. Elle assure un suivi permanent des entreprises du secteur de la défense en s'appuyant sur un dispositif comprenant notamment :
- le réseau des attachés de défense en région, qui assurent chaque année la visite d'environ un millier d'entreprises, permettant ainsi une remontée d'informations sur les besoins et fragilités constatés ;
- la mise en place d'un guichet unique, accessible à toutes les entreprises souhaitant solliciter un appui ou un accompagnement spécifique. Ce dispositif, doté d'un numéro vert, d'une adresse électronique dédiée et d'un formulaire simplifié, traite environ 350 saisines par an, avec un délai moyen de réponse de deux jours ;
- des opérations de type « PME tours » sont également organisées afin de renforcer le lien entre les acteurs institutionnels et les PME.
La DID assure en outre un suivi particulier des sociétés dites « stratégiques » ou « critiques », c'est-à-dire disposant d'une technologie unique ou d'une capacité industrielle difficilement substituable.
Des actions de « protection » sont par ailleurs menées par la DID, qui s'articulent autour de trois axes principaux :
- la protection économique, à travers le contrôle des investissements étrangers et la recherche d'alternatives souveraines face aux risques de prédation économique, en lien avec le Club des investisseurs de la défense. En cas de difficultés financières, la DGA peut intervenir en coordination avec les maîtres d'oeuvre afin de favoriser des avances de trésorerie ou des commandes anticipées ;
- la protection cyber et physique, fondée sur un référentiel de maturité cyber élaboré avec les maîtres d'oeuvre industriels, l'établissement de diagnostics partiellement subventionnés par Bpifrance, l'intégration de clauses de cybersécurisation dans les contrats armement, ainsi que des visites-conseils menées par la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) ;
- l'accompagnement à l'international, comprenant la sensibilisation des entreprises aux régimes extraterritoriaux (international traffic in arms regulations-ITAR et export administration regulations-EAR) applicables à leurs exportations.
Au total, si ce dispositif a vocation à couvrir l'ensemble du spectre industriel, des TPE aux ETI, y compris celles dont l'activité défense n'est qu'accessoire ou difficilement identifiable dans la chaîne de sous-traitance, force est de constater que les moyens dédiés demeurent limités. À titre d'exemple, le réseau des attachés de défense en région ne compte que neuf agents pour l'ensemble du territoire.
Le réseau des attachés de défense en région ne compte que neuf agents pour couvrir l'ensemble du territoire national et les 4 500 entreprises de la BITD.
En audition, il a ainsi été indiqué que certaines PME duales, dont une partie très minoritaire de l'activité pouvait cependant s'avérer stratégique, étaient susceptibles de se situer dans un angle mort et ne pas avoir connaissance des dispositifs d'accompagnement proposés par la DGA.
Le 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Philippe Paul, vice-président, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs au programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » de la mission « Défense » dans le projet de loi de finances pour 2026.
EXAMEN EN COMMISSION
Au cours de sa réunion du mercredi 26 novembre 2025, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Philippe Paul, vice-président, a procédé à l'examen des crédits du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » de la mission Défense
M. Pascal Allizard, rapporteur. - Le budget de la défense pour 2026 nous place face à notre responsabilité : garantir à nos forces armées les moyens d'anticiper, d'innover et de se préparer au durcissement du contexte stratégique mondial.
Le programme 144, qui rassemble les moyens dédiés au renseignement, à la prospective et à l'innovation de défense, connaîtra une hausse substantielle de ses crédits en 2026, à la hauteur de cette ambition. 2,8 milliards d'euros sont ainsi prévus en autorisations d'engagement et 2,3 milliards en crédits de paiement, soit une progression de respectivement 27 % et 10,5 % par rapport à la loi de finances pour 2025.
J'aborderai les questions relatives à l'innovation et au soutien à la base industrielle et technologique de défense (BITD) et laisserai ma collègue Gisèle Jourda vous détailler le volet renseignement.
En 2026, les moyens consacrés à l'innovation atteindront 1,4 milliard d'euros, en hausse de 127 millions d'euros par rapport à 2025. Ces crédits supplémentaires permettront d'avancer dans des domaines qui conditionneront les capacités de demain, tels que le quantique, l'intelligence artificielle, l'hypersonique, la robotique et le spatial. Ils financeront en outre des démonstrateurs majeurs comme le drone sous-marin océanique, les armes à énergie dirigée ou l'avion spatial Vortex.
Mais au-delà de ces projets d'innovation planifiée, c'est-à-dire s'inscrivant dans le temps long, le retour d'expérience de la guerre en Ukraine nous enseigne que la réactivité et l'agilité sont devenues centrales pour conserver une supériorité opérationnelle.
L'innovation doit donc pouvoir s'inscrire dans un temps court, fondée, d'une part, sur la capacité des forces et des industriels à concevoir rapidement des réponses concrètes aux besoins du terrain et, d'autre part, sur la possibilité de les déployer rapidement dans les forces.
La « révolution dans les affaires capacitaires », engagée en 2024, marque une évolution bienvenue dans cette direction. Elle vise à simplifier et à accélérer le passage de l'expérimentation à la mise en service en rapprochant davantage l'État-major des armées, la Direction générale de l'armement (DGA) et les armées.
Pour être pleinement efficace, cette dynamique nous semble néanmoins devoir s'accompagner d'une plus grande subsidiarité au profit des forces, d'une simplification des partenariats d'innovation et d'une adaptation du régime de responsabilité pénale des acheteurs publics, lequel constitue un frein à la prise de risque pourtant indispensable concernant les projets innovants.
Par ailleurs, la capacité d'innovation de nos armées ne pourra progresser que si leurs équipements sont nativement conçus pour recevoir des incréments.
Au cours des auditions que nous avons menées, nos interlocuteurs ont ainsi mis en avant la nécessité du recours aux architectures ouvertes. L'exemple du Mirage 2000D, utilisé comme plateforme d'expérimentation grâce à un système ouvert qui permet d'y intégrer de l'intelligence artificielle embarquée, montre la voie à suivre.
À l'inverse, les systèmes propriétaires qui équipent encore la majorité de nos matériels freinent l'intégration rapide de nouvelles technologies. La France doit donc se doter d'un cadre nouveau, à l'image de celui qui prévaut déjà aux États-Unis, garantissant à l'État la maîtrise des données produites par les équipements militaires et permettant une intégration rapide des innovations.
Les crédits du programme 144 visent en outre à soutenir une base industrielle et technologique de défense innovante et résiliente.
Un constat d'abord : en dépit de ce que nous avions voté à l'initiative du Président Cédric Perrin lors de l'examen de la loi de programmation militaire (LPM), les petites et moyennes entreprises (PME) demeurent nettement sous-représentées dans les crédits d'études amont, avec seulement 7 % des montants en 2024, alors même que ces entreprises sont souvent à l'origine d'innovations de rupture. On nous explique que ce pourcentage ne reflète que les financements directs dont bénéficient les PME mais, dans le même temps, aucune traçabilité pour améliorer la connaissance des flux financiers n'est pour l'heure exigée des grands maîtres d'oeuvre industriels. C'est un point sur lequel nous souhaitons que la DGA avance.
S'agissant de la « frilosité » des investisseurs privés, les avancées récentes, comme la création du fonds Bpifrance Défense ou la mise en place d'un dialogue de place, témoignent d'une prise de conscience enfin partagée des difficultés de financement rencontrées par les entreprises du secteur. Nos alertes répétées commencent donc à porter leurs fruits et nous nous en félicitons.
Mais ces progrès au niveau français contrastent avec l'évolution trop lente de la doctrine interne de la Banque européenne d'investissement (BEI), qui continue de s'interdire tout financement des entreprises produisant des armes et des munitions. Cette limitation constitue un frein et un mauvais signal pour les investisseurs qu'il conviendrait de lever rapidement.
De même, en auditions, la complexité d'accès aux financements du Fonds européen de défense, pénalisant de facto les PME, a régulièrement été dénoncée. Un accompagnement renforcé de ces dernières par la DGA dans ce cadre serait par conséquent souhaitable.
Pour autant et d'une manière générale, si les initiatives européennes en matière de financement constituent un soutien utile à la BITD européenne et donc à la BITD française, le rôle de l'Union européenne doit se limiter à celui de facilitateur et ne pas empiéter sur les compétences nationales, la défense demeurant une prérogative de souveraineté.
Au-delà des questions de financement, un phénomène particulièrement inquiétant semble se développer, celui des refus d'assurance opposés à des entreprises en raison de leur activité dans le secteur de la défense. Cette situation constitue un nouveau point de vigilance que nous suivrons avec la plus grande attention.
Enfin, les moyens trop limités du réseau des attachés de défense en région, composé de seulement neuf agents pour plus de 4 500 entreprises, doivent être renforcés afin de mieux accompagner un tissu industriel dont certaines composantes demeurent encore insuffisamment identifiées et soutenues.
Mes chers collègues, la feuille de route est donc claire : des innovations mieux intégrées et plus rapidement, des procédures plus souples, une BITD plus résiliente et des armées préparées aux ruptures technologiques et stratégiques qui s'annoncent.
L'effort qui nous est proposé dans ce projet de budget nous semble de nature à accompagner cette ambition. C'est pourquoi nous vous proposons d'émettre un avis favorable à son adoption sans modification.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Je remercie mon collègue co-rapporteur et souscrit à la proposition d'émettre un avis favorable à l'adoption sans modification des crédits de la mission Défense au bénéfice des observations que je vais vous faire sur le volet « Renseignement » du programme 144.
Les deux services que nous avons auditionnés - la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la direction du renseignement et de la sécurité de défense (DRSD) - relatent la permanence d'un haut niveau de conflictualité, tant par le contexte de pression et de durcissement tous azimut (flanc oriental de l'OTAN, Moyen-Orient et, toujours, la zone sahélienne), que par la réévaluation du risque de prolifération nucléaire et par la mutation des foyers de menace terroriste (Asie centrale, zone afghano-pakistanaise).
Ces axes d'effort du renseignement confirment les constats établis par le rapport « Perrin » de la délégation parlementaire au renseignement, dont je suis membre, pour l'année 2024. La thématique principale de nos travaux traitait des mutations du renseignement en Afrique et de la bascule d'effort des services vers l'Europe de l'Est et l'Indopacifique. S'y ajoutent maintenant de nouveaux axes de contribution du renseignement en matière de flux migratoires clandestins (Canal du Mozambique, Mayotte) et de lutte contre la criminalité organisée.
Sur le plan intérieur, auquel la DRSD fait face pour la défense des emprises militaires et des entreprises stratégiques de notre BITD, cet environnement constitue également une menace palpable, faite d'attaques cyber et de menaces hybrides tels que des survols de drones ou des sabotages observés en Pologne ou dans les États baltes frontaliers de la Biélorussie et de la Russie.
Ce contexte explique que les crédits de paiements prévus pour 2026 soient en augmentation de 13 % pour s'établir à 579 millions d'euros, répartis entre 549 millions d'euros pour la DGSE et 30 millions d'euros pour la DRSD. Par anticipation, ce budget intègre dès 2026 la surmarche sans laquelle il aurait fallu attendre 2028 pour atteindre ce niveau de crédits.
Au total avec les crédits de personnel du programme 212 ce sont près d'1,3 milliard d'euros qui seront consacrés à la DGSE (pour 1,14 milliard d'euros et la DRSD (pour 174 millions d'euros).
Mais je voudrais signaler que cet effort n'est pas également réparti en termes d'effectifs :
- avec 6 453 équivalents temps plein travaillés (ETPT) pour 2026, le plafond d'emplois de la DGSE continuera à progresser (contre 6 123 ETPT en 2025) ;
- en revanche, les moyens en personnel de la DRSD vont baisser en 2026 (le plafond d'emploi passant de 1 691 ETPT en 2025 à 1 609 ETPT pour 2026), ce qui est préjudiciable alors même que la sécurité des TPE, PME et ETI de l'industrie de défense française est devenu un enjeu de souveraineté crucial. Comme dans le cyber, ce ne sont pas les grands groupes qui sont les plus vulnérables aux attaques mais toute la chaîne des entreprises sous-traitantes.
Or, dans notre souci commun, Pascal Allizard et moi-même, de soutenir la BITD française, cette contrainte d'effectif sur la DRSD est à mon sens malvenue car cette direction est un acteur direct du renseignement de sécurité des entreprises de défense face aux menaces nouvelles qui pèsent sur les PME : attaques cyber, sabotages ou prises de participations hostiles. La DGSE comme la DRSD intègrent dans leur champ d'action un panel de mesures de protection dans divers domaines : la protection économique qui vise à prévenir l'embauche de cadres par des groupes étrangers, la contre-ingérence économique sur les investissements étrangers en France et la lutte contre les attaques cyber et les menaces hybrides.
Notre rapport détaille le rôle de la DRSD, en lien avec la DGA, pour assurer la protection, les inspections de sûreté et les enquêtes d'habilitation au profit des entreprises de défense. Sur les 4 500 entreprises de défense la DRSD a identifié un périmètre « économie de guerre » qui inclut une liste de « sous-traitants critiques » identifiés par la DGA et dont les noms son classifiés. De ce fait, la proportion de PME comme les éventuelles statistiques d'atteinte par des actions malveillantes ne sont pas disponibles. Mais, à l'heure de la publication d'un guide de résilience, il est utile de rappeler, à des fins de pédagogie, que les sous-traitants des entreprises de défense n'ont pas toujours pleinement conscience de leur vulnérabilité au regard de leur importance dans la chaîne de valeur.
Ce travail de sensibilisation est donc indispensable. Et il se double de la mise en place par la DRSD d'un dispositif spécifique de protection cyber des TPE/PME de défense : le CERT[ED] (Computer Emergency Response Team des entreprises de défense), créé en 2023, vise à réduire le risque sécuritaire qui pèse sur leurs systèmes d'information non classifiés des TPE-PME de la BITD. Cette structure accompagnait 451 TPE/PME en 2024 (soit environ 15 % de la BITD) et maintenant plus de 500 entreprises.
Avec mon collègue, je salue la prise en compte particulière du risque cyber des TPE/PME par la DRSD, et je l'encourage à développer une approche spécifique aux besoins de ces entreprises face à la montée des menaces hybrides de tous ordres que j'ai déjà évoquées.
Aussi, compte tenu de l'effort de protection à réaliser en direction du tissu des TPE-PME et sous-traitants de la BITD, il est préconisé de desserrer la contrainte budgétaire des crédits de titre 2 de la DRSD pour 2026 - lesquels sont fixés à 144 millions d'euros pour 2026 au lieu de 149 millions d'euros en 2025 - et, par principe, de confier à cette direction une véritable compétence de recrutement et de gestion de ses effectifs militaires et civils.
Pour conclure, je voudrais saluer l'ensemble des personnels des services de renseignement. Ces femmes et ces hommes travaillent discrètement pour notre défense et notre sécurité nationale. Qu'ils en soient ici remerciés. Enfin, j'exprime ma préoccupation pour l'un de nos agents arrêté au Mali le 14 août dernier, en violation de l'immunité diplomatique, toujours retenu et dont nous voulons la libération dans les plus brefs délais.
Mme Michelle Gréaume. - Malgré certains aspects positifs, ce projet de budget soulève des questions qui ne nous permettent pas de l'approuver. En particulier, l'explosion budgétaire des crédits dédiés à la DGSE interpelle : + 37 % en un an, soit 128 millions d'euros supplémentaires. Dans quel autre domaine accepterait-on une telle hausse sans évaluation ? Alors que la recherche climatique et la santé publique manquent cruellement de moyens, nous finançons une course technologique sans fin et sans comité éthique. Les 85 millions d'euros annuels versés à Djibouti au titre du traité de coopération militaire posent question. Ne serait-il pas plus efficace pour notre sécurité de financier le développement et la sécurité ? Aussi, approuver de projet de budget sans réserve reviendrait à cautionner une fuite en avant technologique sans garde-fous éthiques, une militarisation de la recherche au détriment du civil et une opacité démocratique incompatible avec les principes de notre groupe. Nous choisissons donc l'abstention exigeante et attendons un contrôle parlementaire renforcé sur les budgets de renseignement, un comité éthique obligatoire sur les armes futures et une révision du traité avec Djibouti comprenant une conditionnalité sur le développement. Nous nous abstiendrons donc, non par indifférence aux menaces, mais par exigence d'une cohérence éthique et démocratique.
M. Pascal Allizard, rapporteur. - Je prends acte de la position de Michelle Gréaume et de son groupe que je respecte. Je souhaiterais simplement préciser qu'en matière de renseignement, le contrôle parlementaire est exercé par la délégation parlementaire au renseignement (DPR). On peut comprendre que la communication soit limitée mais le travail est fait.
La commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 144.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Mardi 14 octobre 2025
- Général de division Jérôme BORDELLÈS, directeur des projets « coopération capacitaire internationale », « cessions » et « innovation » auprès du sous-chef d'état-major «plans» de l'état- major des armées, Capitaine de frégate Claude BARTHÉLÉMY et Colonel Vincent MOUSSU, État-major des armées ;
- Contre-Amiral Rémi Thomas, sous-chef d'état-major Plans/ programmes et Commandant Xavier ALBEPART, État-major de la marine ;
- Général de corps d'armée Bruno BARATZ, Lieutenant-colonel Henri BUFFETEAU, et Lieutenant-colonel Louis-Dominique RICHARD, État-major de l'armée de terre.
Mardi 21 octobre 2025
- Ingénieur général de l'armement Patrick AUFORT, directeur, Ingénieur en chef de l'armement David FORICHER, Mme Nathalie GRIMBERT, cheffe du bureau soutien aux PME et Mme Maud PICHARD, responsable des relations institutionnelles de l'Agence de l'innovation de défense ;
Mercredi 22 octobre 2025
- MM. Philippe MISSOFFE, délégué général et Hervé CROCE, responsable des affaires publiques du Groupement des industries de construction et activités navales (GICAN) ;
- Mme Martine POIRMEUR, déléguée générale adjointe en charge des questions de défense et M. Vincent QUINTANA, directeur des affaires publiques du Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres (GICAT).
Mardi 4 novembre 2025
- Direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) ;
- Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE).
Mercredi 5 novembre 2025
- Général de brigade aérienne Arnaud GARY, commandant du centre d'expertise aérienne militaire, Colonel Arnaud SUDRES, État-major de l'armée de l'air et de l'espace.
Mercredi 12 novembre 2025
- Mmes Laure BANSEPT, chef du service de pilotage des ressources et de l'influence internationale, Sabine Stevant-VENEGONI, adjointe au chef de service, pilotage des ressources et de l'influence internationale et Mme Patricia LEWIN, déléguée au rayonnement, en charge des relations avec le Parlement, direction des relations internationales et de la stratégie du ministère des armées.
LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
- Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA)
* 1 Rapport n° 211 (2024-2025) relatif à l'activité de la délégation parlementaire au renseignement pour l'année 2023-2024, présenté par M. Cédric Perrin, président.
* 2 L'industrie de défense dans l'oeil du cyclone, rapport d'information n° 605 (2019-2020) de MM. Pascal ALLIZARD et Michel BOUTANT, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 8 juillet 2020.
* 3 Voir en ce sens la question écrite n° 05657 adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, publiée le 17 juillet 2025 et de la réponse du ministère le 11 septembre 2025.





