N° 144

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté
par l'Assemblée nationale, pour
2026,

TOME I

ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT

Diplomatie culturelle et d'influence

Par M. Claude KERN,


Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon, président ; MM. Max Brisson, Michel Savin, Jacques Grosperrin, Mme Marie-Pierre Monier, M. Yan Chantrel, Mme Samantha Cazebonne, M. Jérémy Bacchi, Mmes Laure Darcos, Monique de Marco, M. Bernard Fialaire, vice-présidents ; Mmes Anne Ventalon, Else Joseph, Colombe Brossel, M. Pierre-Antoine Levi, secrétaires ; Mmes Marie-Jeanne Bellamy, Catherine Belrhiti, Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, M. Christian Bruyen, Mmes Evelyne Corbière Naminzo, Karine Daniel, Nathalie Delattre, Sabine Drexler, M. Aymeric Durox, Mmes Agnès Evren, Laurence Garnier, Béatrice Gosselin, MM. Jean Hingray, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Mme Sonia de La Provôté, MM. Ahmed Laouedj, Michel Laugier, Jean-Jacques Lozach, Mmes Paulette Matray, Catherine Morin-Desailly, M. Georges Naturel, Mme Mathilde Ollivier, MM. Pierre Ouzoulias, François Patriat, Jean-Gérard Paumier, Stéphane Piednoir, Bruno Retailleau, Mme Sylvie Robert, MM. David Ros, Pierre-Jean Verzelen, Cédric Vial, Adel Ziane.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180

Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026)

AVANT-PROPOS

Les crédits du programme 185 s'élèvent à 605,9 M€, en diminution de 45,8 M€ (- 7 %) par rapport à la loi de finances initiale 2025. Ils s'inscrivent au sein de la mission « Action extérieure de l'État », dont les montants sont quasiment stables (- 0,3 %).

Les opérateurs, dont les subventions pour charges de service public (SCSP) représentent 70 % du programme 185, sont mis à contribution au titre de l'effort de redressement des comptes publics :

- La SCSP de l'Institut français (IF) diminue de - 1 M€ (- 3,7 %) et atteint 25,5 M€. Le rapporteur salue les efforts budgétaires de l'Institut français qui a procédé, pour la seconde année consécutive, à une revue indispensable de ses programmes.

- L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), dont la SCSP, d'un montant de 391,6 M€ représente plus de 60 % du programme 185, porte le principal effort, à hauteur de - 25 M€ (baisse de 6 %, consécutive à une baisse de 8 % en 2025). Le rapporteur regrette que cette nouvelle diminution place l'AEFE dans une situation budgétaire très déséquilibrée, et estime que les mesures de court terme conçues par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères pour pallier ces difficultés ne suffiront pas à faire l'économie d'une réflexion globale sur les objectifs de l'enseignement français à l'étranger et les modalités de son financement. L'éviction de certaines familles françaises du réseau pour des raisons financières est un sujet de préoccupation majeur.

Le rapporteur se félicite que les moyens alloués aux Instituts français, aux Instituts français de recherche à l'étranger (UMIFRE) et aux Alliances françaises soient préservés et reconduits à l'identique (63,1 M€ pour les instituts français et 7,8 M€ pour les alliances françaises). Néanmoins, une réduction de 6 M€ des crédits non spécifiques d'intervention du programme 185 impliquera une réduction des ressources du réseau culturel à l'étranger, qui a par ailleurs été fragilisé par plusieurs gels de crédits intervenus au cours de l'année 2025.

Le budget alloué aux bourses de mobilité à destination des étudiants étrangers est le plus durement touché, enregistrant une baisse d'environ 20 % (- 13,8 M€). Cette coupe drastique impliquera de recentrer l'allocation de ces bourses à des publics prioritaires. L'objectif d'atteindre 500 000 étudiants étrangers en 2027 sera quant à lui manifestement atteint, ce qui constitue un succès pour la diplomatie d'influence française.

La commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a émis, lors de sa réunion plénière du 26 novembre 2025, un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à la Diplomatie culturelle et d'influence au sein de la mission « Action extérieure de l'État » du projet de loi de finances pour 2026.

I. LE RÉSEAU CULTUREL ET DE COOPÉRATION ET SA TÊTE DE RÉSEAU

A. L'INSTITUT FRANÇAIS, UNE TÊTE DE RÉSEAU FRAGILISÉE PAR DES RESSOURCE EN DIMINUTION

Le nouveau contrat d'objectifs et de performance (COP) de l'opérateur de la politique culturelle extérieure couvre la période du 1er janvier 2025 au 31 décembre 2027. Initialement prévu pour s'appliquer entre 2024 et 2026, sa mise en oeuvre a été décalée faute notamment d'une transmission au Parlement dans les délais impartis. Le rapporteur regrette que les années 2023 et 2024 n'aient, de fait, été couvertes par aucun COP.

Dans un contexte marqué par la crise sanitaire, le précédent COP 2020-2022 avait permis à l'Institut français de développer les outils numériques, d'assurer le soutien à la création et le développement des industries culturelles et créatives (ICC) dans 37 pays définis comme prioritaires ; 11 pays étaient par ailleurs prioritaires au titre de la coopération et du développement.

Le nouveau COP « confirme l'Institut français comme un acteur incontournable de notre diplomatie de coopération culturelle » et fixe trois priorités géographiques :

- L'Afrique : elle constituait la priorité géographique première de l'ancien COP 2020-2022. Pour 2025-2027, les actions de l'Institut français sur le continent vont se concentrer sur l'entreprenariat culturel. Cette priorité géographique est également portée par l'ouverture de la maison des mondes africains (MansA) à Paris en octobre 2025.

- L'Europe : la coopération et le dialogue avec la jeunesse et les sociétés civiles y constituent la priorité, à travers le débat d'idées et des dispositifs permettant de fédérer autour de grands enjeux contemporains comme la transition écologique ou l'égalité femmes-hommes.

- La zone Indopacifique : il s'agit d'accompagner les actions culturelles stratégiques dans cette région en plein essor, et d'y favoriser l'export des industries culturelles et créatives françaises.

Le nouveau COP fixe quatre objectifs à l'Institut français :

1/ Soutenir et animer l'action du réseau de coopération et d'action culturelle français à l'étranger : via le conseil, la formation, la mise à disposition de plateformes, le cofinancement de projets et de programmes de mobilité et de résidence ;

2/ Accompagner les créateurs et les industries culturelles et créatives (ICC) françaises dans leur développement à l'international. Les ICC représentent 3 % du PIB et un million d'emplois. Dans ce cadre, les appels à projets ICC sont confiés à l'Institut français depuis 2022, et ce dernier conduit également, au côté de Business France, le programme ICC immersion doté de 10,5 M€ dans le cadre France 2030 ;

3/ Renforcer le dialogue entre les cultures, les langues et les sociétés : grâce à l'organisation de débats d'idées à l'international, à l'aide à la structuration des acteurs et des secteurs culturels dans les pays du Sud et à la promotion de la francophonie ;

4/ Renforcer le pilotage interne de l'opérateur pour le rendre plus agile, performant et responsable. Ainsi, le COP prévoit une maitrise :

· des dépenses de structure, dont le plafond est fixé à 17,5 %, en baisse de 0,5 point par rapport au COP 2020-2022. L'installation de l'Institut dans un nouveau bâtiment a permis des économies de 1 M€ par an durant le bail de neuf ans, renouvelable ;

· des dépenses de personnels, plafonnées à 40 % (elles sont actuellement de 35 %).

Cette feuille de route ambitieuse est pourtant mise à mal par la baisse de subvention à laquelle doit faire face l'Institut français, qui est mis à contribution à hauteur de - 1 M€, avec une SCSP de 25,5 M€ (- 3,7 % par rapport à 2025).

Pour rappel, dès le début de l'année 2025, à la suite de la baisse de sa SCSP (- 1,7 M €), l'Institut français avait procédé à une revue de ses programmes. Ainsi, si l'accompagnement du réseau avait été globalement préservé, plusieurs politiques avaient été affaiblies, notamment suppression de la subvention au dispositif d'aide aux cinémas du monde, baisse de la politique en faveur des résidences et des mobilités, légère baisse des partenariats européens.

La revue des actions et des dépenses pour 2026 a pour nouveauté d'introduire des efforts sur les charges de personnel, afin de maitriser l'augmentation tendancielle de la masse salariale. Les gels de postes (5 complets et 2 partiels) ont été privilégiés après le départ de salariés. Les frais de missions baissent de 14 %, le budget communication est également réduit.

Les crédits d'activité sont quant à eux en baisse de 1,8 M€ par rapport à 2025. L'accompagnement du réseau culturel français à l'étranger (appels à projet, formation) a globalement été préservé, de même que l'accompagnement des industries créatives et culturelles. En revanche, les ateliers de l'Institut français, qui réunissent chaque année l'ensemble du réseau culturel, ont été suspendus et plusieurs dispositifs sont revus à la baisse :

- le programme d'appui aux opérateurs culturels en Afrique (AOCA) est réduit d'un peu moins de la moitié ;

- le soutien à la Biennale de la danse en Afrique est arrêté ;

- le budget des dialogues et débats d'idées est réduit (notamment le cycle d'événements Face à la guerre - dialogues européens) ;

- le budget consacré aux conventions avec les collectivités territoriales est diminué d'un tiers.

Dans la projection actuelle du budget initial 2026, le pourcentage de la SCSP consacré aux crédits d'activité sera seulement de 30 %, contre 36 % en 2025 et 44 % en 2024. Les baisses de SCSP sont contrebalancées, depuis 2021, par la forte augmentation des subventions fléchées sur projet, issues du MEAE. Ces subventions ont atteint les sommes de 2,2 M€ en 2021, 2,4 M€ en 2022, 6 M€ en 2023 et jusqu'à 11 M€ en 2024. Elles sont estimées à 4 M€ pour 2025. En plus de fragiliser l'opérateur, qui ignore le montant des sommes qui lui seront versées par ce biais au cours de l'année et qui ne décide pas de leur destination, cette pratique interroge sur la sincérité budgétaire de la subvention allouée à l'Institut français en projet de loi de finances.

S'agissant des ressources propres de l'IF, elles s'élèvent en 2025 à 20 % du budget global. Elles comprennent en particulier les levées de mécénat (6 %), les fonds bailleurs pour la mise en oeuvre de programmes spécifiques (AFD 5 %, Caisse des dépôts 5 %), les partenariats avec les collectivités territoriales (1,7 %) et les financements européens (0,9 %). Les ressources propres pourraient se tarir en 2026, en raison de la difficulté à mobiliser du mécénat dans un contexte économique incertain, de la fin de certains projets bailleurs et de la baisse du financement des collectivités territoriales. Les ressources apportées par les projets européens pourraient en revanche évoluer favorablement, notamment grâce à une possible accréditation PILA (Pillar Assessed Contribution Agreements).

B. DES MOYENS PRÉSERVÉS POUR LES INSTITUTS ET ALLIANCES FRANÇAISES

Dans l'ensemble, les crédits du réseau culturel et de coopération reculent de 5 %. Néanmoins, les moyens alloués aux établissements à autonomie financière (EAF : IF et IFRE-UMIFRE) et aux alliances françaises sont préservés et reconduits à l'identique : 63,1 M€ pour les EAF et 7,8 M€ pour les alliances françaises. Les instituts français avaient bénéficié d'une hausse exceptionnelle de crédits en LFI 2024 (+ 8,2 M€) au titre de ce que l'on appelait alors le « réarmement » du réseau culturel.

Deux surgels sont intervenus au cours de l'année 2025 sur le programme 185 et ont particulièrement touché particulièrement les IF : le premier, en juin (1,7 M€ sur les IF) ; le second, en août, (1,8 M€ sur les IF).

Dans le contexte économique et social mondial, la situation financière des établissements à autonomie financière s'est détériorée en 2024. Les EAF ont vu leurs dépenses augmenter de 14 % par rapport à 2023. En 2025, les EAF prévoient, dans leurs budgets initiaux, des dépenses de fonctionnement supérieures de 15 % aux dépenses exécutées de 2024. Le fonds de roulement global connait une baisse continue depuis 2021. Le taux d'autofinancement global (instituts français pluridisciplinaires et instituts français de recherche) s'est établi à 68 % en 2024 au lieu de 74 % en 2023, mais de grandes disparités perdurent dans le réseau. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) commence à envisager de fermer, à terme, les implantations dont le taux d'autofinancement est structurellement très inférieur à la norme prudentielle de 60 jours. Pour 2026, les EAF sont incités à poursuivre la maitrise de leurs dépenses de fonctionnement et à augmenter leur taux d'autofinancement.

Le réseau des instituts français a été très stable en 2025. Seule la villa Hegra a été inaugurée en Arabie saoudite ; trois antennes ont ouvert au Canada (Toronto, Vancouver et Moncton). Le réseau d'Indonésie a été remodelé avec l'ajout de l'antenne de Thamrin et la fermeture de celle de Dili. Enfin, seule l'antenne de Yokohama (Japon) a fermé.

La fédération des alliances française remplit une mission de régulation (labellisation, promotion de la marque) et d'animation du réseau des 824 alliances, dont 49 ont vu le jour depuis 2018. 381 alliances sont conventionnées ou bénéficient d'un soutien du MEAE. Si leur coeur de métier demeure l'apprentissage de la langue française, certaines sont amenées à intervenir dans le domaine de la coopération culturelle, notamment en l'absence d'institut français dans le pays d'implantation, sur la base de conventions cadres de coopération établies entre le service de coopération et d'action culturelle (SCAC) et l'alliance française.

II. L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER (EFE), UN MODÈLE À RÉINVENTER

A. LES EFFECTIFS DES ÉTABLISSEMENTS LABELFRANCEEDUCATION À LA RESCOUSSE DES OBJECTIFS PRÉSIDENTIELS POUR LE RÉSEAU

À la rentrée 2025, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger coordonne 612 établissements homologués. L'homologation est la procédure par laquelle les deux ministres de tutelle attestent et reconnaissent que des établissements situés à l'étranger dispensent un enseignement conforme aux principes, aux programmes et à l'organisation pédagogique applicables aux établissements de l'enseignement public en France. À l'été 2025, ont été publiées par décret les règles régissant l'homologation, sécurisant ainsi les décisions de l'administration ou le silence de celle-ci. Parmi ces 612 établissements, on recense :

- 68 établissements en gestion directe : ce sont des services déconcentrés de l'agence ;

- 155 établissements conventionnés auxquels l'agence affecte des moyens publics et avec lesquels elle entretient un dialogue de gestion étroit ;

- 389 établissements partenaires, pour lesquels l'agence offre des services en matière de formation des personnels et d'aide à l'orientation des élèves. Ces établissements sont gérés par des associations, fondations ou structures sui generis, disposent de la pleine autonomie de gestion et recrutent directement leurs personnels d'encadrement et d'enseignement. La croissance dans le réseau est portée par ces établissements, dont 16 ont ouvert depuis un an. Le développement du réseau n'a ainsi pas surchargé la masse salariale des personnels détachés, l'AEFE ne détachant pas de personnel dans ces établissements.

Le réseau d'enseignement français à l'étranger scolarise 403 000 élèves en 2025-2026, contre 398 000 en 2024-2025, soit une légère augmentation de 1,2 %. Le réseau a intégré environ 50 000 élèves supplémentaires entre 2018 et 2025. Cette croissance est principalement portée par les élèves étrangers. Le réseau scolarise désormais 30 % d'élèves français ; 57 % ont la nationalité du pays dans lequel se trouve l'établissement et 13 % ont une nationalité tierce. Cette évolution confirme la plus grande frilosité de nos compatriotes pour l'expatriation familiale depuis la crise sanitaire liée au Covid-19. Les effectifs européens et américains sont en baisse ou en stagnation, tandis que l'Asie connait une hausse régulière, tant des homologations que des effectifs.

Rappelons que les objectifs fixés par le Président de la République en 2018, dans la stratégie « Cap 2030 », était d'atteindre 700 000 élèves scolarisés dans le réseau EFE à l'horizon 2030, avec un objectif intermédiaire fixé par le ministère de 500 000 élèves en 2026. Face à l'impossibilité manifeste d'atteindre ces objectifs, la cible de « Cap 2030 » a été redéfinie par le ministère des affaires étrangères en juin 2024 en additionnant aux élèves du réseau homologué les élèves scolarisés dans des établissements LabelFrancÉducation. Ce label, géré par l'AEFE, est accordé à des établissements étrangers dont 20 % des enseignements au moins sont dispensés en français1(*). Ce changement de périmètre, au-delà de l'illusion comptable, réduit malheureusement considérablement les ambitions françaises en matière d'enseignement à l'étranger.

Depuis 2019, le ministère prend en charge une offre pédagogique spécifique à l'attention des établissements labellisés LabelFrancÉducation, en accompagnant la formation des enseignants, développant une offre de ressources pédagogiques numériques, renforçant les rencontres régionales et l'environnement francophone pour les élèves. Depuis 2023, l'AEFE participe en outre financièrement à l'organisation des forums régionaux organisés par les postes diplomatiques au bénéfice des enseignants et élèves inscrits dans les sections francophones LabelFrancÉducation.

B. LA DIMINUTION DES RECETTES PUBLIQUES DÉDIÉES À L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER IMPLIQUE D'ORIENTER L'AEFE VERS UN NOUVEAU MODÈLE ÉCONOMIQUE

La subvention pour charges de service public prévue par le PLF pour 2026 diminue de 6 % par rapport à la LFI 2025, passant de 416 000 € à 391 000 €, ce qui aggrave la situation financière de l'agence, déjà fragilisée à l'issue de l'exercice 2025. Concomitamment à cette baisse, l'AEFE supporte l'augmentation de diverses charges :

- sa masse salariale augmente, notamment du fait du glissement vieillesse technicité et de la revalorisation de la rémunération des enseignants ;

- l'AEFE doit combler près de 10 M€ de dépenses supplémentaires, à la fois en 2025 et en 2026, pour financer l'augmentation de 4 points, en 2025 puis en 2026, de la part patronale de pensions civiles qu'elle prend en charge pour ses 5 000 personnels détachés.

L'AEFE avait prévu de supprimer, dès 2025 et pour trois années consécutives, 50 ETPT. Ces suppressions ont été entièrement compensées par l'augmentation du taux de la part patronale de pension civile.

Cette situation amènera la trésorerie des services centraux à 49 M€ au 31 décembre 2025, soit en-dessous du seuil prudentiel de 55 M€ correspondant à un mois de masse salariale, et atteindrait seulement 9,6 M€ fin 2026 en l'absence de correctif.

Pour permettre à l'opérateur de retrouver une stabilité budgétaire, une évolution du modèle économique de l'agence doit être envisagée. Un groupe de travail interministériel institué au cours de l'année 2025 a établi des propositions, en cours d'arbitrage interministériel ; ces pistes d'évolutions induiraient une hausse de la participation des établissements au financement de l'enseignement français à l'étranger et, donc in fine, une augmentation des frais de scolarité :

- dans l'immédiat et pour la seule année 2026, il s'agirait d'augmenter le taux de la participation forfaitaire complémentaire (PFC) de 6 à 10 %. Cette décision peut intervenir à la seule initiative de la directrice générale de l'AEFE ;

- à partir de 2027, l'assiette de la PRRD (participation à la rémunération de résidents et détachés), une contribution proportionnelle au nombre de personnels détachés au sein de l'établissement, inclurait le montant de la pension civile. Cette réforme nécessiterait de signer un avenant contractuel avec tous les établissements conventionnés du réseau.

La part de la contribution des parents d'élèves est donc destinée à augmenter. En 2024, les parents participaient au financement des établissements en gestion directe (EGD) et des établissements conventionnés à hauteur de 64,2 %.

La mixité sociale dans le réseau de l'enseignement français à l'étranger (EFE)

L'EFE est un système éducatif payant pour les familles, qui ne répond pas à l'obligation de la gratuité de la scolarité telle qu'elle existe dans l'enseignement public en France. Même si les droits de scolarité semblent mesurés par rapport aux établissements internationaux concurrents (notamment anglosaxons), le risque demeure que ces droits freinent la mixité sociale du réseau de l'EFE. À la rentrée 2024, la moyenne des droits de scolarité des établissements homologués est de 6 240 € par an, masquant des écarts extrêmes allant de 71 € à Madagascar contre une moyenne états-unienne de 43 336 €. Entre 2018 et 2024, ces droits ont augmenté de 15 %. Les 129 nouveaux établissements homologués entre 2019 et 2024 ont plutôt tendance à se positionner sur des tarifs plus bas que ceux de l'ensemble du réseau, et l'évolution de leur tarif sur cinq ans est inférieure à celle de l'augmentation générale du réseau.

Il n'existe pas d'outil type indice de position sociale (IPS) permettant d'établir et de coordonner des statistiques sur l'origine sociale des parents. Ainsi, seuls 72 % des chefs d'établissements disposent des moyens de connaitre la catégorie socio-professionnelle des parents.

Conformément à l'article 9 de la loi n° 2022-272 du 28 février 2022, visant à faire évoluer la gouvernance de l'AEFE à l'étranger et à créer les instituts régionaux de formation, le Gouvernement a remis au Parlement en avril 2025 un rapport évaluant la mixité sociale dans le réseau d'enseignement français à l'étranger et ses perspectives d'évolution. Le réseau présente une mixité sociale plus étendue pour les élèves de nationalité française que pour les élèves étrangers, essentiellement grâce au dispositif d'aide à la scolarité qui demeure un outil de mixité sociale efficace. Les bourses scolaires sur critères sociaux, dont le montant est fixé au programme 151 (Français à l'étranger et affaires consulaires) continuent à être un véritable levier pour permettre aux familles modestes d'accéder à l'EFE. Ces aides à la scolarité, calculées sur la base des ressources familiales, prennent la forme d'exonération partielle ou totale des droits de scolarité et bénéficiaient à environ 20 000 élèves français en 2023, soit 16 % d'entre eux. Si la quotité moyenne de bourse est de 77 %, plus de la moitié des boursiers le sont à 100 %. Pour les élèves boursiers, la rémunération des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) est prise en charge à 100 %.

La principale problématique demeure celle de la scolarisation des familles à revenus intermédiaires, ne pouvant prétendre à une bourse. La question du départ hors du réseau d'élèves français non boursiers pour des raisons budgétaires semble se poser dans environ 40 % des établissements de l'EFE. Face à ces situations, les chefs d'établissement font part de leur impuissance, ne pouvant que proposer la mise en place d'un échelonnement des paiements.

Le nombre de boursiers mais aussi le nombre de demandes de bourses diminuent fortement depuis deux ans. Le montant des bourses scolaires versé depuis le programme 151 devrait être de 105,4 M€ dans le PLF pour 2026, en baisse de 4 %, du fait d'un recul de 10 % du nombre d'élèves boursiers français.

Depuis 2019, les enseignants ne peuvent plus être maintenus en position de détachement au-delà de six années scolaires consécutives dans le réseau. Le nombre de personnels impactés par les effets de ce bornage ne dépasse pas 20 à 30 personnes en 2025 mais augmentera en 2026 pour atteindre un niveau important en 2027. Le bornage conduit à un renouvellement plus fréquent des personnels, et donc à un processus de recrutement plus intense avec des risques démultipliés de refus de détachement compte tenu de la tension sur les effectifs en France. À chaque rentrée, des personnels sélectionnés par les commissions locales voient leur demande de détachement refusée, ce qui donne lieu à des vacances de postes. C'est particulièrement le cas dans certaines académies en tension, notamment pour les professeurs des écoles. L'objectif pour 2026 est de faire diminuer le nombre de refus de détachement avec la mise en oeuvre d'un nouveau calendrier des comités sociaux d'administration, revu pour l'adapter au calendrier de recrutement des personnels enseignants détachés qui s'organise désormais en décembre à la place du mois de mars.

Il convient enfin de signaler le lancement de la plateforme « Talents » destiné à faciliter le recrutement des personnels de droit local, qui représentent au final l'immense majorité des personnels employés dans les établissements homologués de l'EFE.

III. LA BAISSE DES CRÉDITS ALLOUÉS AUX BOURSES DESTINÉES AUX ÉTUDIANTS ÉTRANGERS ENTRAVERA LA MISE EN oeUVRE DE LA STRATÉGIE « BIENVENUE EN FRANCE »

A. DES OBJECTIFS QUANTITATIFS SUR LE POINT D'ÊTRE ATTEINTS

Campus France est un opérateur placé sous la double tutelle du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé d'assurer la promotion des formations supérieures françaises à l'étranger et de fournir des prestations aux bénéficiaires de programmes de mobilité internationale. Au PLF 2026, le montant de la subvention pour charges de service public allouée à Campus France demeure stable, à un niveau équivalent à celui de la LFI 2025 (5,2 M€).

2026 est la première année du nouveau contrat d'objectifs et de performance de Campus France, qui prévoit une approche plus qualitative des objectifs d'attractivité, conformément au rapport de la Cour des comptes publié le 10 mars 2025 sur l'attractivité de l'enseignement supérieur français pour les étudiants internationaux.

Ce rapport pointe deux écueils de la stratégie d'attractivité pour les étudiants internationaux Bienvenue en France, définie par le Président de la République en 2018. D'une part, un manque d'objectifs qualitatifs explicites, au-delà de l'objectif quantitatif de 500 000 étudiants accueillis à l'horizon 2027 - cet objectif sera d'ailleurs probablement atteint. D'autre part, un manque de priorisation des étudiants sélectionnés.

Les établissements d'enseignement supérieur français sont tenus, en vertu de la stratégie Bienvenue en France et depuis la rentrée 2019, de mettre en place des droits d'inscription différenciés pour les étudiants extra-communautaires, de façon à ce que ces étudiants supportent une partie des frais dédiés à leur formation. La Cour des comptes déplore que ce modèle de financement de la politique d'attractivité internationale ne se soit presque pas concrétisé dans les établissements et plaide pour une simplification des catégories d'exonération de ces droits. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche indique que l'application des droits différenciés et des ressources associées fera l'objet d'échanges avec les établissements d'enseignement supérieur dans le cadre de la négociation de leurs contrats d'objectifs, de moyens et de performance.

La Cour préconise en outre :

· de mettre en place une stratégie globale et interministérielle sous l'autorité du Premier ministre ;

· d'augmenter le nombre d'établissements d'enseignement supérieur rattachés aux plateformes nationales de candidatures, notamment « Études en France » ; cette plateforme, qui a vocation à devenir le « Parcoursup de l'international » (hors Europe), devrait être modernisée et sécurisée grâce au transfert des moyens nécessaires à Campus France ;

· de relever le seuil minimum de ressources exigé des étudiants internationaux : actuellement fixé à 615 € par mois, ce seuil laisse penser aux candidats étrangers qu'il s'agit d'un budget suffisant pour vivre en France, alors qu'il ne représente que 60 % du seuil de pauvreté.

B. LA POLITIQUE D'OCTROI DES BOURSES EN FAVEUR DES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS SUBIT UN COUP D'ARRÊT

La stratégie Bienvenue en France prévoyait un doublement du nombre de bourses d'études pour les étudiants étrangers d'ici 2027 (objectif : 15 000 boursiers). À ce titre, il avait été estimé nécessaire de suivre une trajectoire d'augmentation du budget des bourses sur le programme 185 à hauteur de 8 M€ annuels. La forte réduction (presque 20 %) des crédits alloués aux bourses au titre du budget 2026 (56,3 M€, en baisse de 13,8 M€) aura un impact conséquent sur le nombre de bourses attribuées, qui devrait chuter de 1 000 entre 2025 et 2026 (- 11 %). La priorisation deviendra alors une nécessité et s'opérera vers des étudiants à très haut potentiel, sur des métiers en tension et à forte valeur ajoutée (notamment dans les domaines de la haute technologie, du numérique et de l'IA). La question de savoir si les dispositifs de bourse continueront de s'adresser au monde entier, ou seront ciblés sur certaines zones géographiques ou certains pays, pourrait se poser. À titre de comparaison, l'Allemagne dispose d'un budget « bourses » à l'attention des étudiants étrangers plus de trois fois supérieur à celui de la France. Il faut néanmoins apprécier l'impact de la diminution des crédits pour les bourses de mobilité - qui bénéficient à 13 000 étudiants aujourd'hui - au regard des 443 000 étudiants internationaux qui étudient en France.

L'origine des étudiants étrangers bénéficiant de bourse est stable depuis plusieurs années, avec la zone Afrique du Nord et Moyen-Orient (25 %) puis l'Afrique (25 %) suivies des zones Europe (22 %) Asie-Océanie (16 %) et Amériques (11 %). Bien que constituant des priorités géographiques, l'Asie et l'Indopacifique peinent encore à émerger comme régions de provenance majeures de boursiers, accusant même une baisse de 5 points de pourcentage entre 2018 et 2024.

Les espaces Campus France sont quant à eux une composante des services de coopération et d'action culturelle. Au nombre de 200 dans 133 pays, ils emploient 468 ETPT. Ce sont des lieux ouverts au public, installés essentiellement dans les instituts français ou les alliances françaises, et dont la labellisation nécessite l'accord du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Ils ne constituent pas un réseau autonome et n'entretiennent pas de lien de subordination avec l'opérateur Campus France.

Enfin, la mise en place et l'animation d'un réseau des alumni étrangers passés par les établissements français font pleinement partie de la stratégie d'influence et d'attractivité française ; elles sont confiées à Campus France. En 2025, ce réseau est présent dans 130 pays et compte 623 000 membres. L'alumni day a pris cette année une ampleur inédite avec l'organisation de plus de 200 évènements en France et dans les postes diplomatiques.

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La commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a émis, lors de sa réunion plénière du 26 novembre 2025, un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à la diplomatie culturelle et d'influence de la mission « Action extérieure de l'État » du projet de loi de finances pour 2026.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 26 NOVEMBRE 2025

M. Laurent Lafon, président. - Nous examinons à présent le rapport pour avis de notre collègue Claude Kern sur les crédits relatifs à la diplomatie culturelle et d'influence.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis des crédits de la diplomatie culturelle et d'influence. - Les crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » s'élèvent dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 à 605,9 millions d'euros, en diminution de 7 %. Cette baisse s'inscrit au sein de la mission « Action extérieure de l'État », dont les montants sont, eux, quasiment stables.

Les principaux opérateurs du programme, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) et l'Institut français, dont les subventions pour charge de service public représentent 70 % du programme 185, sont mis à contribution au titre de l'effort de redressement des comptes publics.

Nous avions reçu, en début d'année, la présidente de l'Institut français qui nous avait indiqué que, à la suite de la baisse de sa subvention pour charges de service public (SCSP) l'an passé, l'Institut avait procédé à une revue de ses programmes. Ainsi, si l'accompagnement du réseau avait été globalement préservé, plusieurs politiques avaient été affaiblies : suppression de la subvention au dispositif d'aide aux cinémas du monde, baisse de la politique en faveur des résidences et des mobilités, légère baisse des partenariats européens...

À la suite de la nouvelle diminution de 1 million d'euros de sa SCSP, la revue des actions et des dépenses pour 2026 a pour nouveauté d'introduire des efforts sur les charges de personnel, afin de maîtriser l'augmentation tendancielle de la masse salariale. Les gels de postes ont été privilégiés après le départ de salariés de l'Institut français.

D'autres mesures de réduction ou de suppressions des programmes ont été décidées : le soutien à la Biennale de la danse en Afrique est arrêté, le programme d'appui aux opérateurs culturels en Afrique est réduit de près de la moitié, le budget des dialogues et débats d'idées est réduit, le budget consacré aux conventions avec les collectivités territoriales est diminué d'un tiers.

En 2026, le pourcentage de la SCSP consacré aux crédits d'activité sera ainsi de seulement 30 %, contre 45 % en 2024. Les baisses de SCSP sont contrebalancées, depuis 2021, par la forte augmentation des subventions fléchées sur projet, issues du ministère des affaires étrangères. Ces subventions ont atteint les sommes de 2,2 millions d'euros en 2021, 2,4 millions d'euros en 2022, 6 millions d'euros en 2023 et jusqu'à 11 millions d'euros en 2024. Elles sont estimées à 4 millions d'euros pour 2025. En plus de fragiliser l'opérateur, qui ignore le montant des sommes qui lui seront versées par ce biais au cours de l'année et qui ne décide pas de leur destination, cette pratique interroge sur la sincérité budgétaire de la subvention allouée à l'Institut français en PLF.

Les moyens alloués aux instituts français et alliances françaises sont quant à eux préservés et reconduits à l'identique : ils comportent notamment 63,1 millions d'euros pour les premiers et 7,8 millions d'euros pour les secondes. Les instituts français avaient bénéficié d'une hausse exceptionnelle de crédits en loi de finances initiale (LFI) 2024 au titre de ce que l'on appelait alors le « réarmement » du réseau culturel. Néanmoins, deux surgels intervenus au cours de l'été 2025 ont fragilisé les instituts français à l'étranger. Leur taux d'autofinancement est en baisse depuis plusieurs années et le ministère des affaires étrangères se pose la question de fermer, dans un avenir proche, les implantations dont le taux d'autofinancement est structurellement très inférieur à la norme.

Le réseau des instituts français a été très stable en 2025. Seule la Villa Hegra à Al-Ula en Arabie Saoudite a ouvert ses portes ; trois antennes ont été inaugurées au Canada. Le réseau d'Indonésie a été remodelé. Enfin, seule l'antenne de Yokohama au Japon a fermé.

L'autre opérateur du programme 185, l'AEFE, est bien plus fragilisé que l'institut français. L'AEFE n'est pas parvenue à faire face, l'an passé, à une baisse de 8 % de sa SCSP, qui diminue encore dans le PLF pour 2026 de 25 millions d'euros. Cette nouvelle baisse porterait la trésorerie des services centraux de l'AEFE à 49 millions d'euros au 31 décembre 2025, soit en dessous du seuil prudentiel correspondant à un mois de masse salariale, et à seulement 10 millions d'euros fin 2026 en l'absence de correctif.

Concomitamment à la diminution de ses ressources étatiques, l'AEFE doit faire face à des dépenses contraintes, notamment l'augmentation de sa masse salariale, et au défi financier induit par l'augmentation de 4 points, en 2025 puis en 2026, de la part patronale des pensions civiles prises en charge par l'agence pour ses 5 000 agents détachés. La suppression, dans son schéma d'emplois, de 50 équivalents temps plein travaillé (ETPT) chaque année de 2025 à 2027 n'a pas suffi à compenser ces charges nouvelles.

Face à la situation financière très inquiétante de l'agence, ses ministères de tutelle ont mis en place au cours de l'année 2025 des groupes de travail interministériels destinés à rééquilibrer son budget. Ils proposent de rétablir le juste coût des services proposés par l'agence aux établissements qui désirent appartenir au réseau et d'augmenter les contributions demandées aux établissements. Cette hausse des contributions aura pour conséquence inéluctable la hausse des frais de scolarité dus par les familles. Les chiffres donnés par nos différents interlocuteurs pour estimer la contribution des familles au budget de l'AEFE varient fortement, mais cette part contributive aura tendance à augmenter au cours des prochaines années.

Cela mettra-t-il à mal la mixité sociale du réseau ? Un récent sondage, réalisé par l'Agence dans le cadre de la remise d'un rapport au Parlement, indique que dans 40 % des établissements du réseau, des parents français songent à scolariser leur enfant hors du réseau pour des raisons financières. Les chefs d'établissement font part de leur impuissance, ne pouvant que proposer la mise en place d'un échelonnement des paiements. Les bourses, qui bénéficient à 16 % des élèves français du réseau et prennent la forme d'exonération de droits de scolarité, jouent un effet bénéfique en faveur de la mixité sociale au sein des établissements, difficilement analysable en l'absence d'indicateur de mesure de type indice de position sociale (IPS). Le montant des bourses scolaires versé au titre du programme 151 devrait pour sa part être en baisse de 4 %. Je précise par ailleurs que la mixité sociale est bien moindre en ce qui concerne les élèves étrangers du réseau, qui représentent 70 % des effectifs.

S'agissant du développement du réseau, il scolarise 403 000 élèves depuis la rentrée de septembre dernier, soit une légère augmentation annuelle de 1,2 %. Le réseau a intégré environ 50 000 élèves supplémentaires entre 2018 et 2025. Les effectifs européens et américains sont en baisse ou en stagnation, tandis que l'Asie connaît une hausse régulière, tant des homologations que des effectifs.

Face à l'impossibilité d'atteindre les objectifs fixés par le Président de la République en 2018, à savoir un effectif de 700 000 élèves en 2030, il a été décidé, à la suite de la revue de la politique prioritaire du Gouvernement de juin 2024, d'additionner aux effectifs du réseau de l'enseignement français à l'étranger les enfants scolarisés dans les établissements scolaires labellisés LabelFrancÉducation. Ce label sanctionne un programme local avec cours de français renforcé et une discipline non linguistique en français, pour un total de 20 % des enseignements en français. Le ministère justifie cette nouvelle cible en certifiant que les établissements détenant ce label séduisent nos compatriotes à l'étranger dans les pays où l'éducation locale est de bonne qualité. En tant que rapporteur, je ne peux que regretter que les objectifs de développement du réseau aient été aussi grandement affaiblis ; je dénonce surtout l'illusion chiffrée mise en oeuvre par le ministère, laissant entendre que l'objectif fixé en 2018 sera atteint alors qu'il n'en est rien.

De nombreuses questions se posent quant à l'avenir du réseau d'enseignement français à l'étranger. La distinction entre établissements en gestion directe, établissements conventionnés et établissements partenaires, issue de l'histoire du réseau, est-elle encore pertinente ? Quelle doit être la stratégie d'élargissement du réseau, dans une optique de soft power ?

J'en viens à une autre facette de la diplomatie culturelle et d'influence, avec la question de l'attractivité, pour les étudiants étrangers, de l'enseignement supérieur en France.

La dotation du troisième opérateur du programme 185, Campus France, demeure stable par rapport à la LFI pour 2025. Son nouveau contrat d'objectifs et de performance (COP) prévoit une approche plus qualitative des objectifs d'attractivité, conformément au rapport de la Cour des comptes de mars dernier sur l'attractivité de l'enseignement supérieur français pour les étudiants internationaux.

La Cour dresse un constat sévère de la stratégie Bienvenue en France, engagée par le chef de l'État en 2018. Si elle se félicite que l'objectif quantitatif de 500 000 étudiants soit sur le point d'être atteint, c'est bien la seule vertu qu'elle trouve à cette politique publique qui manque d'objectifs qualitatifs explicites et oublie d'établir des priorités entre les étudiants à qui elle s'adresse.

Les magistrats financiers s'émeuvent en outre que les droits d'inscriptions différenciés pour les étudiants extracommunautaires ne soient appliqués que marginalement. En réponse, le ministère chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche assure que l'application des droits différenciés et des ressources associées fera l'objet d'échanges avec les établissements d'enseignement supérieur dans le cadre de la négociation de leurs contrats d'objectifs, de moyens et de performance (Comp).

La même stratégie Bienvenue en France prévoyait un doublement du nombre de bourses d'études pour les étudiants étrangers d'ici à 2027, avec un objectif de 15 000 boursiers étrangers. À ce titre, il avait été estimé nécessaire de suivre une trajectoire d'augmentation du budget des bourses avec le programme 185, à hauteur de 8 millions d'euros annuels. La forte réduction de presque 20 % des crédits alloués aux bourses au titre du budget 2026 aura un effet important sur le nombre de bourses attribuées, qui devrait chuter de 11 % entre 2025 et 2026. L'établissement de priorités deviendra alors une nécessité et s'opérera en faveur d'étudiants à très haut potentiel, dans des secteurs en tension et à forte valeur ajoutée, notamment dans les domaines de la haute technologie, du numérique et de l'intelligence artificielle.

L'origine des étudiants étrangers boursiers est stable depuis plusieurs années : un quart provient de la zone Afrique du Nord et du Moyen-Orient, un autre quart du reste de l'Afrique, 16 % d'Asie et d'Océanie et 11 % du continent américain. Bien que constituant des priorités géographiques, l'Asie et l'Indopacifique peinent encore à émerger comme régions de provenance majeures de boursiers, accusant même une baisse de 5 points de pourcentage entre 2018 et 2024.

Les espaces Campus France sont quant à eux une composante des services de coopération et d'action culturelle. Au nombre de 200 dans 133 pays, ils emploient 468 ETPT. Ce sont des lieux ouverts au public, installés essentiellement dans les instituts français ou les alliances françaises, et dont la labellisation nécessite l'accord du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Ils ne constituent pas un réseau autonome et n'entretiennent pas de lien de subordination avec l'opérateur Campus France.

Enfin, la mise en place et l'animation d'un réseau des alumni étrangers passés par les établissements français font pleinement partie de la stratégie d'influence et d'attractivité française ; elles sont confiées à Campus France. En 2025, ce réseau est présent dans 130 pays et compte 623 000 membres. L'Alumni Day a pris cette année une ampleur inédite avec l'organisation de plus de 200 événements en France et dans les postes diplomatiques.

Voilà, mes chers collègues, les éléments de constat et d'appréciation que je souhaitais porter à votre connaissance. Compte tenu de la diminution somme toute modérée des crédits du programme, et en dépit de la situation budgétaire délicate de l'AEFE, je propose à la commission d'émettre un avis favorable sur l'adoption des crédits du programme 185 du PLF pour 2026.

M. Yan Chantrel. - Comme vous l'avez signalé, le budget du programme est globalement en baisse de 7 %, soit une diminution de 45,8 millions d'euros de crédits de paiement. Il faut savoir que cette baisse survient après un budget qui a été largement entaillé, puisqu'il y avait eu 45 millions d'euros de coupes sur ce programme dans le projet de loi de finances pour 2025, avec une coupe supplémentaire de 25 millions d'euros de crédits par amendement au Sénat - par la sénatrice Goulet notamment. Cet amendement avait d'ailleurs été rejeté en séance et est revenu par la fenêtre de la commission mixte paritaire, ce qui n'était pas sans poser problème, puisque le ministre lui-même, qui avait déposé un amendement de diminution budgétaire, avait conseillé de ne surtout pas voter l'amendement Goulet qui mettrait l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger dans une situation très difficile.

En effet, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger est en grande difficulté. Quand on regarde la subvention qu'elle aura cette année, en euros constants, cela revient au niveau de 2009 : 391,6 millions d'euros, soit moins 25 millions d'euros encore cette année pour l'Agence. Une mission a même été mise en place par le précédent ministre, M. Saint-Martin, qui n'a malheureusement n'a pas débouché sur grand-chose. Nous rencontrons une vraie difficulté dans la mesure où ce sont les pensions civiles qui ne sont pas compensées par le Gouvernement et qui pèsent de manière très importante sur le budget de l'Agence, puisqu'elles représentent 64 millions d'euros. Nous demandons justement que ce coût des pensions soit supporté par le Gouvernement via le ministère de l'Éducation nationale. C'est une revendication que nous formulons de manière récurrente : pour le budget de l'État, beaucoup plus important, cela représente une ligne très faible, alors que cela pèse de manière disproportionnée sur l'Agence, ce qui lui pose de grandes difficultés. Quand on regarde les coupes budgétaires de ces deux dernières années, cela correspond pratiquement à l'euro près aux pensions civiles non compensées.

Nous sommes donc face à ces difficultés ; un conseil d'administration de l'agence doit se tenir demain. Un conseil extraordinaire de l'agence doit même avoir lieu le 18 décembre en raison de la crise actuelle. Des décisions sont censées être prises, qui feront porter le fardeau aux familles à travers l'augmentation des frais de scolarité. L'agence est bien obligée de trouver de l'argent et se décharge donc sur les familles en faisant augmenter les frais d'écolage, ce qui n'est pas acceptable au vu de la très forte augmentation de ces frais ces dernières années. S'y ajoute la non-augmentation, voire la diminution des bourses scolaires, qui ne pourront pas compenser cette hausse des frais de scolarité. Cela met donc en péril la mixité sociale qui fait effectivement partie de notre modèle d'éducation - vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur -, qui est tout à l'honneur de notre pays, mais qu'il faut préserver. Je voulais vraiment profiter de l'examen de votre programme pour alerter sur la situation dramatique de l'Agence. Il faudrait trouver un accord ou une entente pour la préserver de ces 25 millions d'euros, car cela risque vraiment de la mettre en grande difficulté. C'est l'une des raisons, bien évidemment, pour lesquelles nous ne suivrons pas votre avis, monsieur le rapporteur, puisque nous sommes contre le budget de ce programme tel qu'il est présenté.

Très brièvement, je voudrais revenir sur la situation des instituts et des alliances françaises à laquelle nous sommes toutes et tous très attachés. En raison de la situation budgétaire de notre pays, nous avions fait des propositions en la matière avec Catherine Belrhiti et Pierre-Antoine Levi dans notre rapport sur la francophonie, pour envisager une réflexion qui n'a toujours pas eu lieu - l'instabilité gouvernementale n'aidant pas - sur la mutualisation avec d'autres pays concernant ce réseau culturel qui bénéficie également à d'autres francophones à travers le monde. Certains pays francophones, qui n'ont pas les mêmes difficultés budgétaires que nous, sont tout à fait en capacité de participer également à notre programmation culturelle ou à son financement. Dans ce cas, il faudrait évidemment leur en ouvrir également le pilotage, à partir du moment où d'autres pays participent financièrement à des actions culturelles. Ce sont des pistes sur lesquelles nous devrions travailler pour permettre une ouverture sur la francophonie et, peut-être, déployer plus fortement la diversité culturelle francophone à travers notre réseau.

Mme Catherine Belrhiti. - Le programme 185 du projet de loi de finances, intitulé « Diplomatie, culture et influence », voit son budget baisser. Cette baisse s'élève à 7 % entre 2025 et 2026. Concrètement, elle interviendra alors que notre présence éducative et culturelle à l'étranger est un outil stratégique.

Le réseau de l'enseignement français à l'étranger rassemble aujourd'hui environ 612 établissements et plus de 400 000 élèves. Ces établissements sont les leviers directs de notre attractivité et de notre influence sur le long terme. Malheureusement, les effets attendus de cette contraction budgétaire auront des incidences concrètes sur notre projection à l'international, avec une moindre capacité d'intervention. Les bourses, les actions linguistiques et les coopérations universitaires seront fortement impactées, ce qui exercera une pression accrue sur l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger. Le réseau dépend d'un mélange de subventions et de recettes locales, ce qui engendre de réels risques géostratégiques dans un contexte de compétition internationale pour l'influence culturelle. Réduire notre capacité d'action peut aboutir à des pertes de terrain durables, difficiles ensuite à reconquérir.

Soyons vigilants face aux coupes budgétaires sur des missions stratégiques. Il nous faut sanctuariser les interventions ciblées, les bourses d'excellence, les aides aux établissements vulnérables et les dispositifs de mobilité. Ce sont les éléments les plus directement corrélés à notre influence à moyen terme. Il nous faut également cibler les moyens vers les zones stratégiques, comme en Afrique subsaharienne, dans les espaces francophones en expansion et dans les grands centres urbains émergents où le retour sur influence est mesurable. Il nous faut enfin préserver un dispositif d'action concrète et mesurable qui conditionne notre capacité d'influence durable et ainsi préserver notre diplomatie culturelle et d'influence, largement reconnue à travers le monde.

Si nous voulons vraiment redonner à la France un réarmement diplomatique crédible, il ne suffit pas d'augmenter les enveloppes ; il faut aussi garantir que chaque euro dépensé sert un objectif stratégique clair. Nous devons faire en sorte que la diplomatie culturelle ne soit pas une dépense de prestige, mais un levier d'influence, d'attractivité économique et de rayonnement durable.

Mme Mathilde Ollivier. - Avant de revenir sur le programme lui-même, je voudrais dire un mot sur le fait qu'à l'heure où nous investissons massivement dans la défense, un véritable renforcement de notre diplomatie doit nécessairement s'ensuivre. Ce renforcement passe par la construction de relations diplomatiques de confiance et de relations avec les sociétés civiles des pays dans lesquels notre diplomatie est présente. Tout cela passe par notre politique culturelle, notre politique éducative, scientifique et donc par le programme 185. Ne pas investir dans des programmes comme celui-ci, sur tous les volets évoqués, constitue un véritable renoncement aux valeurs mêmes que nous souhaitons porter avec la diplomatie pour avancer vers la paix.

Plus spécifiquement, lorsque l'on parle du programme 185, un point important est que les dépenses de personnel sont maintenant concentrées dans le programme 105. Par conséquent, ce que nous évaluons lorsque nous parlons du programme 185, ce sont les dépenses d'intervention. Nous n'avons finalement que peu de visibilité sur la manière dont les postes des personnels directement liés aux tâches qui vont être effectuées dans le cadre du programme 185 sont ventilés entre la diplomatie culturelle et la diplomatie économique.

Les baisses du programme 185 sont donc particulièrement préoccupantes : moins 15 millions d'euros sur l'enseignement supérieur et la recherche, moins 11 millions sur la coopération culturelle et la promotion du français. Les équipes des Service de coopération et d'action culturelle (SCAC) et des instituts français sont impactées. Le rapporteur a notamment parlé du risque de fermeture d'instituts français qui n'atteindraient pas les objectifs d'autofinancement. Or, cet autofinancement ne s'obtient principalement que par une seule source, les cours de français, qui sont ensuite en charge de financer le reste de la politique culturelle des instituts. On ne peut pas s'appuyer uniquement sur ces cours de français pour mener une véritable politique culturelle dans nos instituts français, qui nécessite de l'argent public.

Enfin, ces coupes sur les budgets culturels et scientifiques ont aussi un impact sur les industries culturelles et créatives (ICC). Nous avons discuté juste avant des crédits consacrés au cinéma . Les industries culturelles et créatives en France représentent 5 % du PIB, avec un fort volet international. Nous sommes le sixième marché de la musique et le septième marché du jeu vidéo. Quinze mille oeuvres littéraires françaises sont en circulation dans le monde. On dénombre deux cent cinquante millions d'euros de recettes à l'international pour le cinéma français. Tout cela dépend aussi d'une politique culturelle d'influence menée à l'étranger qui doit être ambitieuse.

S'agissant de l'AEFE, la situation est déjà critique. La nouvelle coupe de 25 millions d'euros est dramatique. Nous alertons fortement sur ce point avec nos collègues représentant les Français établis hors de France depuis plusieurs années déjà, mais l'AEFE est maintenant véritablement à l'os. L'un des points majeurs est ce manque de compensation des pensions civiles depuis 2009 et le fait que ce soit désormais l'AEFE qui porte ces pensions, avec l'augmentation de leur part dans son budget. Cela aboutit à cette fragilisation année après année et, aujourd'hui, à une situation où nous sommes au pied du mur. L'Agence réfléchit à des réductions importantes du nombre de professeurs détachés, à une réforme qui va aujourd'hui être menée de force dans un contexte budgétaire contraint. Nous l'affirmons, les problématiques de l'AEFE ne relèvent pas seulement d'une question de gestion ou d'une simple réforme de son fonctionnement ; c'est son sous-financement qui mène à la crise structurelle dans laquelle le réseau s'enfonce aujourd'hui.

Compte tenu de tous ces éléments, vous aurez compris que nous ne suivrons pas l'avis favorable du rapporteur sur le programme 185.

M. Pierre Ouzoulias. - Je souhaite rappeler les conclusions de l'excellent rapport de Catherine Morin-Desailly et Else Joseph de 2023 relatif à l'expertise patrimoniale française. Il contenait des préconisations fortes, qui n'ont été entendues par aucun ministère, et notamment des moyens de dégager des ressources propres pour un certain nombre d'instituts qui en manquent cruellement.

Je remarque qu'aujourd'hui, la France est en train d'être distancée par d'autres pays. C'est le cas notamment en Syrie, où l'Italie reprend la totalité des positions culturelles qui étaient celles de la France. La Villa Hegra est une fondation de droit saoudien financée à 100 % par l'Arabie saoudite. Je ne suis pas certain qu'il faille demander au wahhabisme de défendre la liberté culturelle. Nous créons des institutions et nous les rendons dépendantes de politiques que nous ne partageons pas. Je ne suis pas sûr que cela soit une bonne politique.

J'entends tout à fait ce que vous nous avez dit sur les bourses. Il y a là un véritable problème, et nous en reparlerons dans le cadre du budget de l'enseignement supérieur et de la recherche. En effet, vous le savez, la France est extrêmement dépendante des étudiants étrangers pour un certain nombre de filières, notamment en sciences humaines et sociales, où les étudiants étrangers représentent aujourd'hui 50 % des doctorants. Si nous recevons moins d'étudiants, nous fermerons des formations, des filières. Cela signifie que la France sera totalement absente d'un certain nombre de champs disciplinaires où elle était jusqu'à présent représentée.

Nous partageons tout à fait vos critiques, et c'est pour cette raison que nous ne vous suivrons pas dans votre avis.

Mme Samantha Cazebonne. - Je voudrais revenir sur le point important de l'enseignement français à l'étranger et essayer, mes chers collègues, de vous sensibiliser à une problématique dont les conséquences nous échappent peut-être parfois ; conséquences que nous allons collectivement, malheureusement, provoquer si nous ne stoppons pas ces coupes budgétaires pour les Français de l'étranger.

Il faut que vous sachiez qu'aujourd'hui, beaucoup de familles françaises qui vivent à l'étranger n'ont pour seul repère avec la France que cet enseignement français à l'étranger. Si demain, vous les excluez par ces coupes budgétaires, alors que ce sont des Français à part entière, ce sont des projets de vie que vous stoppez. Certaines familles de ces classes moyennes sont à 50, à 100 euros près par mois. Pourtant, elles se sacrifient pour scolariser leurs enfants dans nos écoles françaises. Certaines vont rentrer en France. Or, les élèves français de l'étranger coûtent, sur un plan éducatif, dix fois moins qu'un élève en France. On a parfois l'impression de prendre de bonnes décisions en réduisant certains budgets, mais celles-ci ont des conséquences qui vont aggraver la situation.

25 millions d'euros, pour le budget de l'État, ce n'est pas grand-chose. En revanche, déduis du budget de la diplomatie culturelle et d'influence, pour les classes moyennes françaises qui vivent à l'étranger, c'est énorme. Je le redis, ces classes moyennes françaises vont sortir de nos écoles. Chez les Français de l'étranger, la colère monte.

Une partie des enseignants va également rentrer en France, mais certains resteront quand même à l'étranger. Il va falloir, à terme, embaucher ces professeurs via des contrats de droit local, qui ne leur permettront plus de cotiser à la retraite.

Je comprends la nécessité de faire des économies, mais pas deux années de suite de manière aussi massive sur le budget de l'enseignement français à l'étranger, premier sujet de préoccupation pour les Français de l'étranger. Vous leur envoyez un très mauvais signal à travers cette coupe budgétaire, qui pourrait même encore s'aggraver. En effet, comme l'a rappelé Yan Chantrel, nous ne sommes pas à l'abri de mauvaises surprises en commission mixte paritaire.

J'aimerais en revanche saluer le maintien des budgets de Campus France, mais aussi de l'Institut français.

J'inviterai en tout cas mon groupe à s'abstenir sur ce budget.

Mme Laurence Garnier. - Je souhaite évoquer les étudiants étrangers dans nos universités françaises. Les nombreux étudiants étrangers sur nos campus représentent aujourd'hui près d'un étudiant sur six, dont plus de la moitié vient du Moyen-Orient, du Maghreb et de l'Afrique subsaharienne.

Campus France doit vérifier, lorsque les étudiants étrangers élaborent leur dossier d'admission après l'acceptation de leur candidature par les universités, qu'ils disposent bien sur leur compte en banque d'au moins 7 200 euros pour leur permettre de subvenir à leurs besoins, en tout cas dans les premières semaines et les premiers mois qui suivent leur arrivée dans notre pays. Nous avons terminé, avec Pierre-Antoine Levi, une mission d'information sur les universités, au cours de laquelle plusieurs présidents d'université nous ont expliqué qu'il s'agissait en réalité de réseaux mafieux, de passeurs, qui mettaient cette somme à la disposition des étudiants et s'empressaient de la retirer après leur arrivée dans nos universités françaises, précipitant ainsi ces jeunes qui viennent faire leurs études en France dans une forme de précarité qui les mène parfois à dormir sous les ponts. Campus France doit prendre la mesure de cette difficulté, car, évidemment, la présence d'étudiants étrangers dans nos universités françaises participe de la francophonie, qui a été évoquée par nos collègues socialistes, et du rayonnement culturel de notre pays. Toutefois, lorsque l'on prend la mesure des difficultés rencontrées par ces étudiants étrangers, il n'est plus question de diplomatie culturelle mais bien de précarisation de nos étudiants, et cela doit nous interpeller.

M. Adel Ziane. - Je m'inscris dans une position que je qualifierais de critique sur cette diplomatie d'influence. Sur la question de la francophonie, les projections internationales annoncent 800 millions de francophones à l'horizon 2050 et une dynamique portée principalement par le continent africain, qui pourrait représenter 85 % de la francophonie mondiale. C'est une perspective démographique qui ne doit pas masquer une réalité plus fragile. Dans l'immense majorité de ces pays, le français n'est pas une langue maternelle, mais est transmis par l'école ; il est donc vulnérable à toute crise éducative ou politique. Dans ce contexte, notre diplomatie culturelle devrait être renforcée. Je m'inscris totalement dans les propos qui ont été tenus : nous nous trouvons aujourd'hui à la croisée des chemins.

Je me suis replongé dans mes tableaux statistiques du temps où je travaillais aux affaires étrangères sur le programme 185. Le budget du programme 185 en 2008-2009 était d'environ 1 milliard d'euros. Or, ce que l'on nous propose dans ce programme 185, c'est un budget qui sera de 600 millions d'euros. Le « bleu » budgétaire qui nous a été présenté invite à investir résolument le champ de l'influence, à renforcer la diffusion du français et à faire des industries culturelles et de l'action linguistique des priorités nationales. Aujourd'hui, ce n'est pas à l'os que nous arrivons, mais à une forme d'hypocrisie globale. En effet, quand on voit que les crédits du réseau culturel reculent de 5,4 millions d'euros, que les mobilités étudiantes - dans un monde où la compétition internationale autour de l'université s'intensifie - chutent de 13,7 millions d'euros également, et que l'Institut français, qui a un budget aujourd'hui de 25 millions d'euros, connaîtra une coupe de 1 million d'euros, cela montre bien que nous reculons pendant que d'autres puissances comme la Russie, la Chine ou la Turquie renforcent massivement leur réseau culturel. La France ne respecte plus le principe d'universalité du réseau depuis de nombreuses années. Le réseau s'affaiblit, avec 96 instituts français et 800 alliances françaises qui n'ont pas les moyens de mener cette politique d'influence.

Je reviens également sur la question des étudiants étrangers. Comment prétendre renforcer concrètement l'attractivité universitaire tout en réduisant les crédits de mobilité, en envisageant de supprimer les Aide personnalisée au logement (APL) pour les étudiants extracommunautaires, après avoir augmenté leurs frais de scolarité en 2019 ? Soyons concrets : on ne peut pas décemment dire que nous allons porter la voix de la France dans cette compétition universitaire internationale sans s'en donner les moyens. À l'étranger, cette séquence est désastreuse. J'en veux pour preuve également le fait que, lorsque le Président de la République, en 2021, a demandé à Achille Mbembe, historien camerounais, de réfléchir à la refondation de la relation France-Afrique, celui-ci a mis en garde : « En Afrique, la France risque de subir un Waterloo intellectuel, militaire, politique et économique, autrement dit une défaite intégrale après laquelle personne ne voudra d'elle. » C'est malheureusement aujourd'hui, quand on voit ce qui se passe en Afrique, une forme de prophétie annoncée. En conclusion, il est nécessaire que, sur le temps long, nos travaux s'interrogent véritablement sur les moyens de notre réseau et sur son universalité, qui est clairement revendiquée mais qui n'est pas mise en oeuvre dans la pratique. Il faut une révision des moyens culturels et linguistiques, il faut s'interroger sur le soutien accru aux alliances françaises et à l'Institut français, et se poser vraiment la question d'une politique d'attractivité cohérente qui cessera de fragiliser les étudiants étrangers. Eu égard à la chute des moyens de la diplomatie d'influence, nous voterons contre ces crédits.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Le groupe Union centriste soutiendra l'avis du rapporteur, tout en soulignant, comme lui, que, depuis des années et des années, il existe une décorrélation, une déconnexion, entre les ambitions toujours affichées et les moyens qui n'ont cessé de diminuer, fragilisant ainsi le réseau. Nous nous en rendons compte lorsque nous nous déplaçons à l'étranger dans le cadre de missions parlementaires.

Je souhaite redire également que la France est toujours attendue. Nous avons pu encore nous en rendre compte lors du déplacement d'une délégation de notre commission en Égypte au mois de septembre. La politique d'influence de la France et de soutien à la francophonie - qui représente, au-delà de notre langue, des valeurs - est importante. Elle se décline à différents niveaux : le soutien aux lycées français, le soutien à l'université française d'Égypte, à l'apprentissage de la francophonie, au réseau culturel.

Un important travail est donc devant nous pour déterminer comment nous pouvons continuer à afficher des ambitions aussi fortes tout en mettant en oeuvre des moyens qui ne font que s'affaiblir.

M. Claude Kern. - Il est vrai que l'AEFE présente aujourd'hui un modèle un peu trop rigide. Après discussion avec la directrice générale de l'AEFE et avec les ministères, un programme est enclenché pour renouveler le fonctionnement de l'agence ; une réflexion est donc en cours.

Je voudrais préciser, à l'attention de Mme Mathilde Ollivier, que le programme 185 comprend tout de même les salaires des 5 000 personnes qui sont détachées par l'AEFE.

Pour répondre à M. Yann Chantrel, mutualiser le réseau avec d'autres pays francophones est une idée à laquelle il faut réfléchir, mais qui ne semble pas d'actualité, puisqu'aucun de nos interlocuteurs n'a évoqué cette piste.

Mme Samantha Cazebonne, je l'ai dit dans mon intervention, la question du maintien dans le réseau des élèves français doit effectivement être la priorité de l'AEFE. Je veillerai à ce que l'agence me fournisse des données chiffrées à ce sujet dans les mois à venir.

Mme Laurence Garnier, dans son rapport de mars 2025, la Cour des comptes préconise de relever le seuil minimum des ressources exigées pour les étudiants internationaux. Il est actuellement fixé à seulement 615 euros par mois.

Je partage la plupart de vos constats. Nous sommes cependant aujourd'hui dans une situation budgétaire telle que je maintiens mon avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 185 relatif à la Diplomatie culturelle et d'influence de la mission « Action extérieure de l'État » du projet de loi de finances pour 2026.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Mercredi 22 octobre 2025

- Institut français : Mme Eva NGUYEN BINH, présidente, et M. Thomas HANNEBIQUE, secrétaire général.

Jeudi 6 novembre 2025

- Ministère de l'Europe et des affaires étrangères, direction de la diplomatie culturelle, éducative, universitaire et scientifique : Mme Clarisse GERARDIN, sous-directrice de la langue française et de l'éducation, MM. Léo LAPORTE, adjoint au sous-directeur du réseau de coopération et d'action culturelle, et Stéphane ROBERT, chargé d'études.

- Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) : Mmes Claudia SCHERER-EFFOSSE, directrice générale et Vanessa LÉGLISE, conseillère relations institutionnelles et référente égalité.

Contribution écrite

Fédération des associations de parents d'élèves des établissements d'enseignement français à l'étranger (Fapee) : M. Brice Bultot, président.


* 1 Cette proportion de 20 % a été assouplie par le décret n° 2025-916 du 5 septembre 2025 portant modification du décret n° 2012-40 du 12 janvier 2012 portant création du label « LabelFrancÉducation »

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