I. EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 3 DÉCEMBRE 2025

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M. Laurent Lafon, président. - Avant de laisser parole à Sabine Drexler, je vous informe que nous allons procéder à de nouvelles auditions concernant le cambriolage du Louvre. Le rapport de l'enquête administrative effectuée par l'inspection générale des affaires culturelles (Igac), qui m'a été transmis par le ministère, suscite en effet certaines questions. Ce rapport étant confidentiel, il sera consultable, mais ne sera pas mis en circulation.

Mme Sabine Drexler, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux patrimoines. - L'année 2026 marquera une rupture pour le financement des patrimoines, porté par le programme 175 de la mission « Culture ».

Après une progression de 38 % entre 2017 et 2025, ces crédits vont baisser en 2026, dans le cadre des efforts d'économies visant au redressement des comptes publics. La baisse proposée est très importante, avec un recul de 106 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit une baisse de 8 %, et de 232 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE), ce qui correspond à un cinquième des crédits ouverts en 2025.

Les actions du programme sont diversement touchées. La baisse la plus importante porte sur les monuments historiques et les musées. Les crédits alloués aux actions relatives aux archives et à l'architecture en espaces protégés seront au contraire en augmentation. Enfin, le statu quo prévaudra pour l'archéologie préventive et les acquisitions muséales.

Dans l'ensemble, ces arbitrages conduiront à différer toute nouvelle opération d'investissement. À l'exception du schéma directeur du Louvre, seuls des projets déjà engagés seront financés.

Les dix-huit opérateurs du programme seront fortement touchés, et connaîtront une diminution de moitié de leurs crédits d'investissement. Les plus concernés seront le Centre des monuments nationaux (CMN), le château de Versailles et le musée du Louvre.

Je souhaite à présent vous faire part de quelques observations plus précises ainsi que des alertes qui sont remontées lors de mes auditions.

D'abord, pour les monuments historiques, un véritable effondrement des crédits est proposé, avec un recul de 209 millions d'euros en AE et de 114 millions d'euros en CP. Ainsi, ce sont les monuments historiques qui absorbent la quasi-totalité du recul des moyens dédiés aux patrimoines.

Cette baisse se traduira de deux manières. Elle conduira d'abord à un lissage des grands projets, qui touchera principalement les travaux de reconversion du palais de la Cité, le schéma directeur du château de Fontainebleau et celui du domaine de Chambord.

Le schéma directeur du Centre Pompidou sera relativement préservé, ce qui permettra de poursuivre le chantier engagé, pour une réouverture prévue en 2030.

La baisse des crédits conduira aussi au report de nombreux chantiers dans les territoires, conséquence directe de la diminution de l'enveloppe d'intervention des directions régionales des affaires culturelles (Drac), à hauteur de 38 % en AE et de 29 % en CP. En outre, les crédits du fonds incitatif et partenarial (FIP) seront divisés par deux.

Alors que leur poids dans le tour de table organisé pour financer les projets de restauration est le plus souvent déterminant, les Drac n'auront d'autre choix que de prioriser davantage encore leurs interventions. Cette réalité pèsera surtout sur les petites communes, qui concentrent la majorité des monuments sans disposer des moyens nécessaires à leur conservation.

Dans ce contexte, je regrette que le budget des patrimoines comporte deux impensés majeurs. En premier lieu, les effets du ralentissement des chantiers sur les métiers du patrimoine sont ignorés. Je souhaite ici alerter sur le coût humain de ces choix budgétaires. Les crédits du patrimoine ne sont pas seulement destinés à la préservation des édifices ; ils permettent aussi de faire vivre tout un tissu de PME dont les emplois, non délocalisables, contribuent à la vie économique des territoires et à leur attractivité.

En deuxième lieu, les exercices 2025 et 2026 constitueront des années blanches pour l'adaptation de la transition énergétique aux spécificités du bâti patrimonial. Faute de convergence au niveau interministériel et de moyens suffisants, l'évolution du diagnostic de performance énergétique (DPE) et celle des aides publiques à la rénovation énergétique sont encore une fois reportées. Il nous revient de continuer à oeuvrer pour qu'elles ne soient pas oubliées.

Le coup porté aux monuments historiques est donc rude. Alors que leur conservation requiert une visibilité pluriannuelle et des engagements financiers de long terme, ce freinage brutal sera évidemment très préjudiciable. Cependant, je vous propose d'élargir la focale en rappelant quelques éléments de contexte.

D'abord, n'oublions pas que nous partons de haut, puisque les moyens dévolus aux monuments historiques avaient atteint leur plus haut niveau en 2025, après avoir été constamment préservés les années précédentes.

Ensuite, il faut reconnaître qu'en matière patrimoniale, l'effort budgétaire ne pourra jamais être à la hauteur des besoins, tant le mur d'investissements qui se profile est important. Il faudra en effet financer, au cours des prochaines années, plusieurs grands projets en même temps que de multiples interventions autour des « petits » monuments qui maillent le territoire.

L'actualité récente nous offre des exemples frappants. Le cambriolage du 19 octobre a mis au jour l'obsolescence des équipements techniques du palais du Louvre ; l'aile François Ier du château de Chambord est en état de péril ; la nouvelle édition du bilan sur l'état sanitaire des immeubles inscrits et classés au titre des monuments historiques nous apprend qu'un quart des monuments de notre pays sont en mauvais état.

Face à ces enjeux, il nous faut désormais « changer de paradigme », pour reprendre l'expression utilisée par la présidente du CMN. Un tel changement passe d'abord par la mobilisation de nouvelles sources de financement.

Je salue donc la mise en place, dès 2026, d'une tarification différenciée pour les visiteurs extracommunautaires de plusieurs monuments et musées : le Louvre, les domaines de Versailles et de Chambord, la Sainte-Chapelle et la Conciergerie du Palais de justice de Paris, ainsi que le Palais Garnier.

Cependant, la tarification différenciée ne répond pas à toutes les difficultés, puisqu'elle n'est pertinente que pour les établissements fréquentés par un public largement international. Ce n'est évidemment pas le cas de la majorité des monuments et musées de notre territoire. Nous devrons donc être attentifs à ce que cette solution, qui entraîne des coûts de gestion importants, ne justifie pas à l'avenir une baisse des crédits du programme.

Je regrette par ailleurs qu'un terrain d'entente n'ait pas pu être trouvé avec le clergé pour mettre en place un droit de visite pour la cathédrale Notre-Dame de Paris.

Il est également crucial que soient maintenus les crédits d'impôt bénéficiant aux patrimoines, que ce soit grâce aux appels publics à la générosité ou au mécénat.

Au-delà du financement, il sera également nécessaire d'engager un grand chantier de réflexion sur les modalités de la gestion du patrimoine bâti.

Plusieurs pistes de réflexion ont récemment émergé dans le débat public, qui s'intéressent à l'usage partagé des édifices religieux, au cadre de gestion du CMN ou encore à la mise en place d'un National Trust, qui s'inspirerait du modèle britannique et que défend la ministre de la culture. Deux cas ont retenu mon attention au cours des auditions.

Le premier est celui du domaine national de Chambord, qui a quitté le giron du CMN en 2005, pour devenir un établissement public autonome. Ce cas offre l'exemple d'une transformation réussie, puisque le domaine a développé un modèle économique lui permettant de dégager des recettes importantes, qui couvrent la totalité de ses coûts de fonctionnement.

Cependant, ce succès n'exclut pas de fortes difficultés en matière d'investissement. Le domaine souhaite mettre en place un schéma directeur, sur le modèle de Versailles ou de Fontainebleau, pour un coût évalué à 100 millions d'euros. Ce schéma directeur couvre notamment le sauvetage de l'aile François Ier, menacée d'effondrement, qui appelle un programme de travaux d'un coût de 37 millions d'euros. Or l'État s'est désengagé de l'investissement pour le domaine, qui bénéficie de l'une des plus faibles subventions du programme 175, et qui sera fortement réduite en 2026.

Le deuxième cas est celui du Mont-Saint-Michel, aujourd'hui géré de manière duale. D'un côté, la gestion du site et de sa baie est assurée par un établissement public associant l'État et les collectivités locales, qui a su dégager d'importantes ressources propres en plus de mettre en place une programmation culturelle. De l'autre, la gestion de l'abbaye est assurée par le CMN, auquel reviennent les recettes de billetterie. Le modèle du CMN étant fondé sur la péréquation entre les monuments, ces recettes reviennent en partie seulement au Mont-Saint-Michel. Le solde bénéficie aux autres monuments du territoire, dont la moitié sont situés en zone rurale. Cette répartition est remise en question à l'heure où des travaux sont indispensables pour la préservation et le fonctionnement du site. Leur coût s'élève à 38 millions d'euros, que l'établissement public n'est pas en mesure de financer.

Sans me prononcer sur le fond de ces dossiers, j'observe que le cadre de gestion du patrimoine monumental est questionné de toutes parts. Il nous faudra suivre attentivement ces débats et y prendre notre part, pour définir un nouveau paradigme de gestion du patrimoine bâti.

Un mot à présent sur les crédits de l'ingénierie patrimoniale, qui sont préservés et connaissent même une légère augmentation, ce que je salue. L'ingénierie est cruciale pour protéger le patrimoine architectural, au même titre que le financement.

Ces crédits permettent de financer des études nécessaires à la mise en place des sites patrimoniaux remarquables (SPR) et des périmètres délimités des abords (PDA).

Ils contribuent également au financement des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE). Nous l'avons constaté lors de la table ronde que nous avons consacrée au sujet le 18 octobre : les CAUE, cruciaux pour l'ingénierie patrimoniale des collectivités à faibles ressources, connaissent une crise profonde de financement, en raison de dysfonctionnements techniques dans la collecte de la taxe d'aménagement, qui constitue 80 % de leurs ressources.

Les mesures correctives proposées par l'administration d'État ne permettront pas de rétablir le rendement de la taxe avant plusieurs années. Les CAUE ne pourront pas attendre aussi longtemps. Dans l'urgence, je propose donc de soutenir dans l'hémicycle les amendements déposés par Mme Briquet et par M. Sautarel, qui traduisent les deux premières recommandations du contrôle budgétaire flash de la commission des finances, relatif aux dysfonctionnements dans la collecte de la taxe d'aménagement et à leurs conséquences financières pour les collectivités territoriales et les CAUE.

J'en viens aux crédits des musées, qui connaissent une forte actualité du fait de la série de cambriolages survenus ces dernières semaines.

Je relève que leurs CP seront stables et même en légère augmentation. Les AE seront en revanche en recul de 26 millions d'euros, ce qui ne me paraît pas tenable.

En effet, nos travaux des dernières semaines ainsi que mes auditions du musée national de Limoges et du Muséum national d'histoire naturelle ont mis en évidence la vulnérabilité des institutions muséales face aux nouvelles menaces pesant sur leur sûreté, ainsi le besoin de mise à niveau de leurs infrastructures et de leurs équipements techniques.

Je vous proposerai donc un amendement visant à abonder, à hauteur de 30 millions d'euros, le fonds dédié à la sûreté des musées dont la création a été annoncée par la ministre, mais qui n'est pas financé en l'état du programme 175. Ce montant a été déterminé en lien avec la direction générale du patrimoine et de l'architecture du ministère de la culture, de manière à ce qu'il corresponde au plus juste aux besoins et aux capacités de consommation des établissements.

Le programme comporte également une ligne dédiée à l'enrichissement des collections des musées, qui contribue marginalement à leurs acquisitions.

Le rapport de la Cour des comptes sur le musée du Louvre a remis en question la politique d'acquisition ambitieuse du musée. Selon la Cour, cette politique a été menée au détriment de l'investissement dans la rénovation des infrastructures. À ce titre, je salue la décision de faire évoluer la disposition statutaire qui prévoit l'affectation de 20 % des recettes de billetterie aux acquisitions des musées. Pour autant, je souligne que l'enrichissement des collections fait partie des missions des musées et que nombre des acquisitions réalisées bénéficient aux musées des territoires par le biais de prêts et de dépôts.

J'en viens enfin aux crédits de l'archéologie préventive, alors que l'année 2025 a été marquée par plusieurs mouvements sociaux de la profession, d'ordinaire très rares.

Si ces crédits restent stables, deux points réclament notre vigilance. Tout d'abord, les moyens alloués permettent difficilement aux opérateurs de faire face aux besoins d'intervention sur le terrain. La situation financière de l'Inrap) se dégrade, même si le ministère y reste attentif et a pu lui allouer cette année 3 millions d'euros supplémentaires en cours de gestion. Quant aux services des collectivités territoriales, leur barème n'est sans doute pas adapté à des interventions qui se déroulent de plus en plus souvent en milieu urbain et sur des sols pollués. Je regrette donc que la concertation qui devait être menée par le ministère sur ce point en cours d'année n'ait pas pu prospérer ; nous devrons veiller à ce qu'elle se déroule bien en 2026.

Ensuite, cette insuffisance de moyens conduit à dégrader les délais et les conditions d'intervention, et donc le dialogue avec les aménageurs. Cette dégradation est dangereuse alors que l'archéologie préventive est remise en cause dans son principe, comme en témoignent plusieurs amendements au projet de loi de simplification de la vie économique. Nous devrons veiller à ce que ces tensions budgétaires ne débouchent pas sur une diminution des prescriptions, au risque de voir des sites historiques définitivement détruits, mais aussi la mise en oeuvre de projets d'aménagement fortement ralentie dans nos territoires, en cas de découvertes inopinées.

Sur le fondement de ces observations, le budget des patrimoines ne me semble pas acceptable en l'état. Il me paraît néanmoins crucial, compte tenu de nos travaux sur la sûreté du musée du Louvre, que l'amendement sur le fonds pour la sûreté des musées puisse être intégré au projet de loi de finances (PLF).

C'est donc avec de fortes réserves et en tenant compte des alertes dont je vous ai fait part que je vous propose de donner un avis favorable très mesuré aux crédits des patrimoines, augmentés de 30 millions d'euros au titre du fonds pour la sûreté des musées.

Mme Marie-Pierre Monier. - Les crédits du programme 175 baissent de 106 millions d'euros en CP. Lors du dernier exercice budgétaire, le Gouvernement avait déposé un amendement visant à augmenter les moyens dédiés à la rénovation et à la réhabilitation des monuments et bâtiments existants, à hauteur de 149 millions d'euros en CP. Cette bouffée d'air était bienvenue et répondait à une urgence quant à l'état préoccupant de notre patrimoine. Elle rend d'autant plus incompréhensible le choix de faire reposer l'intégralité de la baisse de cette année sur l'action n° 01 Monuments historiques et patrimoine monumental, qui perd brutalement 20,79 % de ses moyens.

À titre d'exemple, la restauration du patrimoine des régions avait bénéficié de 58 millions d'euros supplémentaires lors de l'examen du PLF 2025. C'est deux fois cette somme qui est retirée en 2026. Ce désengagement majeur de l'État conduit également à réduire les crédits attribués aux Drac, qui permettent de financer l'entretien et la restauration du patrimoine inscrit et classé dans nos territoires.

Le reste du tableau offre peu de perspectives réjouissantes. L'action n° 04 Patrimoine archivistique est la seule à connaître une hausse, de 13 %, qui s'explique principalement par l'extension du site de Pierrefitte-sur-Seine et les travaux du quadrilatère des Archives nationales à Paris. Les crédits des autres actions sont quasiment en stagnation, avec des hausses inférieures à 1 %. Compte tenu de l'inflation, il s'agit en fait de baisses.

Cette austérité pose de nombreuses difficultés. La hausse des CP de l'action n° 02 Architecture et sites patrimoniaux se limite à 0,7 %, ce qui freine la montée en puissance du dispositif des SPR, qui fait pourtant ses preuves de manière croissante dans les territoires. Au sein de l'action n° 03 Patrimoine des musées de France, des coupes budgétaires sont prévues pour la grande majorité des musées. Ainsi, le CMN voit ses crédits baisser de 6,4 millions d'euros, le Grand Palais de 42 millions d'euros et le château de Versailles de 6 millions d'euros.

Les crédits de l'action n° 08 Acquisition et enrichissement des collections publiques sont encore reconduits quasiment à l'identique. Cette stagnation est inquiétante dans un contexte d'inflation du marché de l'art et de forte concurrence internationale.

Concernant le patrimoine archéologique, je constate, de nouveau et à regret, l'insuffisance du niveau des subventions pour charges de service public devant permettre de réaliser les diagnostics archéologiques préventifs. Selon l'Inrap, le niveau prévu ne permettra de financer que 55 000 jours de diagnostic, alors qu'il en faudrait 70 000. Cette insuffisance aura pour conséquence un allongement potentiellement conflictuel des durées d'aménagement, qui pénalisera nos élus locaux. Ce constat doit nous conduire à nous interroger sur les modalités d'affectation des recettes de la taxe d'archéologie préventive.

Enfin, les CAUE sont indispensables et jouent un rôle important, sensible et précieux en matière d'accompagnement des projets architecturaux et paysagers, en particulier dans les territoires ruraux qui manquent de l'ingénierie nécessaire.

Pour l'ensemble de ces raisons, nous ne voterons pas en faveur de l'adoption des crédits de ce programme.

M. Pierre Ouzoulias. - Je partage votre analyse, madame la rapporteure, et je retiens le mot « effondrement », que vous avez prononcé pour décrire les moyens alloués aux monuments historiques.

La France est la première destination touristique mondiale et accueille chaque année 100 millions de visiteurs, ce qui génère 71 milliards d'euros de recettes. Le tourisme représente 3,6 % de notre PIB. Si l'offre culturelle de la France baisse, notamment en matière de monuments historiques, nos recettes diminueront. Nous sommes donc en train d'affaiblir la place de la France dans le marché du tourisme international. J'aurais pu utiliser des arguments d'un autre ordre, mais ils ne sont plus entendus ; j'en reviens donc aux arguments commerciaux.

La baisse des crédits touchera surtout les collectivités, de façon directe ou indirecte. Nous ne récupérerons jamais le 1,5 milliard d'euros que les CAUE auraient dû toucher, ce qui entraînera un manque en matière d'ingénierie pour les collectivités. De la même manière, les collectivités seront les premières à pâtir de l'incapacité de l'Inrap à faire face à ses engagements.

Enfin, je voudrais revenir sur un dossier très important, sur lequel nous avons commencé à travailler avec Rima Abdul-Malak et qui est à l'arrêt. Il s'agit de celui du patrimoine religieux, notamment juif. L'ancienne ministre de la culture nous avait promis de lancer une grande campagne de classement pour des monuments, afin de permettre leur sauvetage. Il ne s'est rien passé depuis.

À cet égard, il y a en Haute-Alsace, à Rouffach, la plus ancienne synagogue d'Europe à tenir encore debout. Cette synagogue du XIIIe siècle est aujourd'hui propriété privée et passe de main en main. Je crains qu'un jour ou l'autre elle ne disparaisse complètement. Je suis en faveur d'un rachat par l'État ou par une collectivité, qui permette à ce bâtiment exceptionnel d'entrer dans le domaine public. Je sais que vous avez déposé un amendement en ce sens. Le patrimoine juif est constitutif de l'identité culturelle de la France.

Mme Béatrice Gosselin. - L'année 2026 marquera une rupture nette, compte tenu du freinage brutal des crédits et de la disparition de toute visibilité pluriannuelle à partir de 2027. Cette incertitude fragilise directement les collectivités, les opérateurs et l'ensemble des acteurs du patrimoine.

Derrière ces lignes budgétaires se trouve une réalité dont chacun de nous peut faire le constat dans les départements : un patrimoine qui se dégrade et des communes souvent seules face à des charges d'entretien et de restauration qu'elles ne peuvent plus assumer.

Les dernières années avaient apporté une bouffée d'air, nous laissant espérer que nous allions pouvoir rénover ce patrimoine petit à petit. Or la baisse drastique de 2026, conjuguée à l'effet ciseaux dû à l'inflation du coût des travaux et à l'accélération du vieillissement des édifices, pose réellement question. L'entretien courant, qui devrait pourtant être la première manière de procéder pour éviter de réaliser des travaux d'urgence souvent plus coûteux, demeure largement insuffisant.

Les crédits déconcentrés des Drac baissent fortement, de près de 40 % en AE. Ces crédits financent l'entretien et la restauration des monuments inscrits et classés. La diminution de ces aides entraînera le report d'un très grand nombre de chantiers dans les territoires. Les petites communes sont en première ligne, alors qu'elles n'ont ni l'ingénierie ni les marges d'autofinancement nécessaires pour absorber un tel recul. À cet égard, les amendements visant à soutenir les CAUE sont les bienvenus.

Le nombre de monuments non protégés se trouvant dans un état critique est estimé à 67 000. Il faut savoir qu'un euro investi dans un chantier de restauration peut générer 21 euros de retombées économiques.

Pour l'action n° 01 Monuments historiques et patrimoine monumental, les crédits reculent de manière spectaculaire et angoissante, la baisse étant de 34 % en AE et de 21 % en CP. Alors que les chantiers déjà engagés vont pouvoir se poursuivre, d'autres projets structurants risquent de ne jamais aboutir, ce qui aura des conséquences sur la vie locale et l'attractivité des territoires. Ce manque de moyens touche directement un tissu de PME et de très petites entreprises (TPE) hautement spécialisées, qui maillent nos territoires. Ces entreprises sont irremplaçables et leurs perspectives seront fragilisées, alors qu'elles sont essentielles à la restauration du patrimoine.

Certes, des pistes de financement complémentaires existent : la générosité privée, le mécénat, le loto du patrimoine ou la réduction d'impôt de 75 % pour les dons en faveur du patrimoine religieux des communes de moins de 10 000 habitants. Ces leviers sont utiles, mais ils mettent en lumière le retrait progressif de l'État en tant qu'acteur structurant dans le financement du patrimoine. Ces dispositifs complémentaires ne peuvent compenser ce retrait.

La situation du Mont-Saint-Michel me préoccupe particulièrement. Il s'agit du deuxième site le plus visité en France, après la tour Eiffel. Le cadre de direction est dual, partagé entre l'établissement public industriel et commercial (Épic) du Mont-Saint-Michel et le CMN. Ce dernier génère 16,5 millions d'euros de billetterie, auxquels s'ajoutent 5,7 millions d'euros supplémentaires dus à une hausse des tarifs. Pour autant, l'Épic, qui a besoin de financer 38 millions d'euros de travaux, ne reçoit que 1,675 million d'euros du CMN, sachant que 1 million d'euros provient du ministère de la culture. Nous sommes confrontés à un problème de distorsion entre les montants générés par les billetteries et le retour de financement pour l'Épic. De plus, le Mont-Saint-Michel étant une commune, on ne peut mettre en place un droit d'entrée pour y accéder. Cette difficulté, qui concerne toute une région et les collectivités environnantes, méritera un travail approfondi.

J'en viens au DPE. Un travail avait été amorcé sur l'adaptation du dispositif aux édifices patrimoniaux, mais il semble à l'arrêt, ce qui est bien dommage. Cette situation crée le risque de rendre inéligibles, inaccessibles et irréalisables les travaux pourtant indispensables à la conservation de notre patrimoine.

Notre groupe suivra la décision de la rapporteure, prise afin de pouvoir assurer la sécurité des monuments nationaux. Cependant, les fragilités de notre politique patrimoniale rappellent l'urgence d'un engagement clair, lisible et durable de l'État aux côtés des territoires. Un patrimoine préservé constitue une chance pour l'avenir de nos communes, pour l'attractivité de nos régions, pour la transmission que nous devons à la Nation et pour l'avenir de la France et de son rayonnement à travers le monde.

Mme Monique de Marco. - Des coupes considérables sont réalisées dans les crédits dédiés à l'entretien et à la restauration du patrimoine historique et monumental. Cette saignée va toucher la majeure partie du patrimoine français. Les monuments historiques inscrits ou classés sont détenus par les collectivités territoriales à 45 % et par les propriétaires privés à 37 %. Alors que les dépenses pour le patrimoine détenu par l'État sont préservées, celles qui doivent bénéficier au patrimoine détenu par les collectivités et les particuliers sont sacrifiées. Nous observons une perte de 3 millions d'euros pour l'entretien et de 50 millions d'euros pour la restauration, ainsi que la division par deux du montant du FIP, qui passe de 20 millions à 10 millions d'euros. Ces baisses ne peuvent conduire qu'à un affaiblissement général de la qualité de la conservation des monuments présents sur l'ensemble du territoire.

Nous observons également des coupes importantes des subventions allouées aux musées de France, nationaux et territoriaux. Ces musées subissent un budget d'austérité et 11 des 13 musées nationaux voient leurs subventions pour charges de service public diminuer, tandis que les subventions d'investissement stagnent. Bien sûr, au vu des difficultés en matière de sécurité, il est nécessaire de créer un fonds pour la sûreté des musées.

Ce budget n'est pas acceptable. Compte tenu de votre analyse de la situation, madame la rapporteure, je ne comprends pas que vous finissiez par donner un avis favorable sur ces crédits.

Mme Sonia de La Provôté. - Je rebondis sur le constat d'un effondrement du budget du patrimoine, malgré l'embellie budgétaire des années précédentes. À cet égard, je souscris au souci de pondération de l'avis de notre rapporteure.

Nous sommes confrontés à un effet ciseaux puisque les coûts augmentent et que la baisse de la contribution des collectivités territoriales semble quasiment certaine. Je songe singulièrement aux communes, mais aussi aux conseils départementaux, qui sont parfois de très grands contributeurs à l'accompagnement du patrimoine. Le mécénat, pour sa part, ne connaît pas encore de situation d'effondrement.

Les choix réalisés semblent plus ou moins stratégiques. À titre d'exemple, baisser le FIP en période de disette budgétaire, alors que l'on tient tout un discours autour du patrimoine vernaculaire des petites communes, constitue une contradiction.

Nous avons découvert avec joie que les schémas directeurs constituaient le sujet à la mode au ministère de la culture. Cependant, alors qu'on nous parle des schémas directeurs des musées, de l'état du patrimoine, de l'entretien ou de la sûreté, nous découvrons qu'il n'y en a pas.

L'entretien est l'alpha et l'oméga en matière de prévention des grosses dépenses. Si nous voulons préserver un patrimoine dont l'état sanitaire est assez dramatique, l'entretien est indispensable. Cette question doit être abordée comme elle le mérite.

Par ailleurs, nous n'avons toujours pas d'inventaire complet et bien construit du patrimoine. De même, en ce qui concerne les collections des musées, il reste difficile d'avoir une vision proche de la réalité.

Dans le même temps, une réflexion est lancée sur le cadre de gestion, sur la manière dont il doit allier le public et le privé, les différents ministères concernés ou encore le mécénat. Tout est possible et cette question est importante.

Quand nous parlons de stratégie patrimoniale, abandonnons les catégories - classé, inscrit, public ou privé -, pour faire valoir une vision d'un patrimoine qui serait un grand tout, devant trouver sa traduction budgétaire.

La question du « comment » se pose, alors que les Drac sont de plus en plus déstabilisées financièrement. L'assistance en matière de maîtrise d'ouvrage devient un sujet de plus en plus crucial dans les territoires. La disparition ou la fragilisation des CAUE aggravera cette situation. Il faut tirer la sonnette d'alarme et se mettre en situation de régler les problèmes.

Face à cette situation, on nous parle de National Trust, ce qui ressemble fort à de la méthode Coué. On nous parle du loto et de faire payer l'entrée à Notre-Dame de Paris. Au bout du compte, nous avons besoin d'un premier acte, qui serait le développement d'une stratégie et d'une feuille de route du ministère en matière de patrimoine. Cette politique nationale, qui sera ensuite déclinée dans tous les territoires, aura un impact national.

Aucun financement de la sûreté n'étant prévu dans le PLF, nous suivrons l'avis de la rapporteure.

M. François Patriat. - La baisse drastique des crédits alloués au patrimoine interroge. Il reste que les efforts fournis en la matière ont été très importants au cours des huit dernières années.

J'entends dire que de petites communes se retrouvent souvent démunies. Samedi soir, dans une commune de 130 habitants, j'ai participé au lancement de travaux dont le coût s'élève à 350 000 euros et sera couvert à 70 % par des subventions. En dehors des crédits que nous examinons, l'État est souvent le premier financeur de la réhabilitation du patrimoine.

Je voudrais revenir au domaine de Chambord qui, parce qu'il est devenu un Épic, se retrouve pratiquement à l'équilibre, avec 28 millions d'euros de recettes pour 28 millions d'euros de fonctionnement. Depuis qu'il est devenu un Épic et grâce aux efforts en matière d'attractivité, le nombre de visiteurs accueillis est passé de 500 000 à 1 200 000, ce qui constitue une limite pour des raisons de sécurité. Aujourd'hui, le domaine participe à hauteur de 50 % pour financer les travaux d'investissement annuels.

L'effort consenti par l'État est différencié. Ainsi, alors qu'il s'agit du deuxième château le plus visité de France après celui de Versailles, le domaine de Chambord ne bénéficie que de 2,5 millions d'euros par an pour sa restauration. En comparaison, le château de Fontainebleau reçoit chaque année 12 millions d'euros, depuis cinq ans. L'aile droite du château de Chambord est très menacée pour des raisons climatiques, d'assèchement et d'inondation. Les travaux prévus auront un coût de 38 millions d'euros ; l'État pourrait fournir un effort supplémentaire.

Mme Else Joseph. - Je voudrais revenir à la répartition de la baisse des crédits et aux préoccupations des collectivités, notamment pour les centres anciens, dont la mise en valeur est nécessaire, que ce soit au moyen de plans de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) ou du dispositif SPR.

Ce budget n'est pas en phase avec les besoins, ce qui pose des difficultés, notamment au niveau local, où des craintes émergent au sujet de certains projets engagés, qui risquent de mettre en difficulté les communes.

Dans le cadre du projet Quartiers de demain, dix villes lauréates bénéficieront de 10 millions de crédits. On a beaucoup communiqué sur le sujet, mais les crédits ne semblent pas garantis dans le temps alors que les collectivités, notamment les communautés de communes, les villes et les départements, s'engagent dans ces projets.

J'en viens aux crédits des Drac. Outre leur baisse, qui affecte certains patrimoines comme les monuments historiques, des consignes auraient été données officieusement, indiquant que moins de 15 % de ces crédits devraient financer l'entretien, ce qui envoie un mauvais signal. De plus, la dotation du FIP est divisée par deux.

J'évoquerai une autre inquiétude, concernant le plan Culture et ruralité, qui fait partie des sujets défendus par la ministre. Apparemment, le plan fait l'objet de beaucoup de communication, mais les communes et les porteurs de projets manquent d'informations.

De plus, les mesures pour le logement en ruralité ne touchent que des propriétaires-bailleurs dans les zones peu denses. Il est question de les étendre aux centres-bourgs ruraux.

Je partage ce qui a été dit par Mme la rapporteure, ainsi que les craintes et les inquiétudes exprimées par nos collègues.

M. Adel Ziane. - Un effondrement, un mur d'investissements et un nécessaire changement de paradigme ont été évoqués. Le patrimoine connaît une phase d'abandon.

La baisse des crédits est d'autant plus incompréhensible que la Cour des comptes a estimé à 5 milliards d'euros les besoins en matière de rénovation de notre patrimoine national dans les dix prochaines années. À cet égard, il faudra compter 450 millions d'euros pour le Centre Pompidou, 450 millions d'euros pour les deux sites de l'Opéra de Paris, 1 milliard d'euros pour le Louvre, 1,4 milliard d'euros pour la Cité des sciences et de l'industrie ou encore un minimum de 100 millions d'euros pour la restauration urgente des Beaux-Arts de Paris.

Nous sommes donc confrontés à une contradiction majeure : le budget baisse, mais jamais les besoins n'ont été aussi élevés. Les données techniques sont à notre disposition : 4 000 édifices protégés doivent être restaurés de manière urgente.

Je voudrais aussi mettre en exergue la fracture qui est en train de se renforcer entre la région parisienne et les territoires. La moitié des dépenses du ministère de la culture bénéficient aujourd'hui à l'Île-de-France, ce qui pose beaucoup de questions pour le reste du pays. Dans le même temps, dans les régions, les bourgs et les petites villes, les Drac nous signalent des situations critiques. Des flèches sont fragilisées, des toitures sont en train de s'effondrer et des bâtiments sont fermés, faute de moyens d'entretien. Si nous ne faisons rien, cette dichotomie territoriale deviendra de plus en plus intenable.

De plus, on ne perçoit pas les apports du plan Culture et ruralité, qui semble plutôt relever de l'annonce symbolique et ne répond pas aux réalités du terrain.

Par ailleurs, la baisse des dotations aux collectivités territoriales enclenchera une dynamique plus négative encore. À l'échelle de mon département, un certain nombre de villes sont déjà en train de lisser sur les prochaines années des investissements pourtant urgents en matière de patrimoine.

Notre groupe émet un avis défavorable sur les crédits du programme. Soit nous choisissons de nous projeter dès à présent dans une véritable réflexion sur un plan national, soit nous continuons de poser des sparadraps sur une jambe de bois et notre patrimoine connaîtra un destin funeste.

Mme Agnès Evren. - Il y a consensus : ces coupes budgétaires sont d'autant plus inquiétantes que le patrimoine est un puissant moteur de cohésion, particulièrement en cette période de fracturation de la société.

Le PLF ne comprend pas de ligne budgétaire spécifique pour la sécurisation de notre patrimoine culturel et cultuel. Après le cambriolage du Louvre, commis en plein jour et en quelques minutes, qui a sidéré le monde entier et qui a succédé à une multitude de vols perpétrés dans nos musées régionaux et au sein d'églises rurales, la ministre a annoncé la création d'un fonds pour la sûreté des musées. Je proposerai un amendement visant à l'abonder de 12 millions d'euros, par un transfert de crédits. Ce montant constituera une sorte d'amorce, qui permettra de réaliser les audits nécessaires aux premiers arbitrages et aux travaux de sécurisation.

Concernant le Louvre, nous avons tous découvert dans la presse l'audit de sécurité datant de 2019, qui n'a même pas été mentionné par Laurence des Cars lors de son audition, ni à l'Assemblée nationale ni au Sénat, ce qui est assez consternant.

Je proposerai que ce fonds permette également de financer l'expérimentation d'un dispositif de sécurisation des grands musées nationaux avec des caméras augmentées, sur le modèle de ce qui a été fait pendant les jeux Olympiques.

Qu'est-il envisagé en matière de sécurisation ?

Mme Catherine Belrhiti. - Le nombre de monuments nécessitant des travaux dépasse largement les moyens disponibles. Les projets de restauration de longue durée pourraient être différés, ce qui créera un risque de détérioration progressive des sites patrimoniaux et de perte d'attractivité touristique.

Une pression s'exerce sur le patrimoine des collectivités locales. Le niveau des subventions pourrait ne pas suffire à couvrir les besoins croissants, notamment pour les églises, les châteaux et les sites inscrits ou classés.

Les crédits destinés aux acquisitions, à la conservation et à la restauration des collections restent stables, mais ne compensent pas l'inflation des coûts de conservation et de transport, ce qui peut limiter la capacité des musées à enrichir leurs collections. Cette semaine encore, nous avons eu l'occasion de constater que nous ne sommes pas capables de conserver certains tableaux importants. La numérisation des collections, qui nécessite des investissements technologiques importants, pourrait être retardée.

Certains monuments historiques et sites touristiques nécessitent des travaux de mise aux normes. Le budget doit concilier restauration et sécurité, sous peine de fermeture partielle de certains sites. Vous insistez sur la nécessité d'assurer la sécurité et l'accessibilité des sites patrimoniaux ; quelles sont vos recommandations pour concilier travaux de restauration, mise aux normes et accueil du public, sans compromettre la qualité des interventions ?

Enfin, il faudra s'assurer que les crédits du plan Sécurité cathédrales sont bien dépensés et à la hauteur des besoins.

M. Jean-Gérard Paumier. - En examinant ces crédits, je me demande si nous allons voir refleurir l'émission Chefs-d'oeuvre en péril du regretté Pierre de Lagarde. La richesse de notre patrimoine est immense. Il constitue un atout culturel et touristique majeur et reste un fleuron du rayonnement de la France, auquel nos concitoyens sont très attachés.

De grands projets absorbent l'essentiel des crédits et de la lumière. Ils sont mis en oeuvre à Villers-Cotterêts, au musée des sacres à Reims, au Louvre, à Versailles et bientôt à Chambord et à Fontainebleau. D'autres sites nationaux d'intérêt majeur attendent de gros travaux non financés à ce jour, comme le Mont-Saint-Michel, les tours de La Rochelle, les remparts de Carcassonne, le château d'If, le Panthéon ou la Sainte-Chapelle.

Enfin, et peut-être surtout, il faut évoquer le vaste patrimoine, notamment rural et essentiellement religieux, qui se trouve dans tous nos territoires et a besoin lui aussi, de façon urgente, de travaux d'entretien et de sécurité. Certes, l'État ne peut pas tout faire. La contribution du loto du patrimoine a eu un effet, mais nous restons loin du compte. Si la poursuite de la baisse des crédits se confirme, les conséquences seront funestes. Le patrimoine doit devenir une grande cause nationale.

Pour cela, j'entrevois trois pistes. D'abord, dans les années à venir, l'État doit reprendre le chemin de l'entretien du patrimoine, aux côtés des collectivités qui, malgré leurs difficultés, font le maximum. Le CMN dispose d'un budget annuel d'entretien qui ne s'élève qu'à 25 millions d'euros pour 110 monuments historiques.

Ensuite, l'État doit apprendre à faire moins cher en matière de rénovation du patrimoine, avec les architectes en chef des monuments historiques et les architectes des Bâtiments de France (ABF).

Enfin, n'oublions pas que le patrimoine représente un investissement économique. En effet, il repose sur des métiers hautement qualifiés dans tous nos territoires, qui ne sont pas délocalisables.

M. Laurent Lafon, président. - Compte tenu de la convergence des interventions, nous aurions intérêt à travailler l'année prochaine sur la question du patrimoine. Nous y reviendrons dans quelques jours, lorsque le Bureau évoquera les prochaines missions d'information à mener.

Mme Sabine Drexler, rapporteur pour avis. - L'unanimité de notre commission fait du bien, tant le patrimoine a tendance à être oublié. Aujourd'hui les yeux s'ouvrent, peut-être en raison du cambriolage du Louvre, et nous réalisons que notre patrimoine connaît une phase d'abandon. Le ministère semble ne pas posséder les leviers nécessaires pour prendre soin du patrimoine. Il nous appartient donc de prendre les choses en main, pour que le patrimoine devienne un vrai sujet en 2026.

M. Ziane, certes, la fracture existe entre la région parisienne et les régions. Cependant, pour la première fois cette année, la région parisienne est également touchée par les restrictions budgétaires.

M. Patriat, vous avez noté que des efforts importants ont été fournis ces huit dernières années, ce que nous saluons. Vous avez aussi évoqué le cas d'une commune ayant réussi à trouver des subventions ; cela est possible quand les moyens sont suffisants en matière d'ingénierie. Cependant, je connais beaucoup de petites communes qui renoncent à leur projet de restauration parce qu'elles ne savent pas comment s'y prendre pour déposer des demandes de subventions. De plus, il sera de plus en plus difficile d'obtenir des subventions qui seront de moins en moins nombreuses.

Vous avez également évoqué le domaine de Chambord et son besoin d'être davantage soutenu par l'État en matière d'investissement ; nous sommes d'accord sur ce point.

Mme Joseph, j'ai bien noté vos inquiétudes concernant les centres anciens et je rejoins vos alertes sur le sujet. J'ai interrogé le ministère de la culture sur l'avenir du groupement d'intérêt public (GIP) Europe des projets architecturaux et urbains (Epau) : on nous a assuré qu'il n'y avait pas de volonté de remettre ce groupement en cause. Il s'agit peut-être d'une bonne nouvelle à transmettre.

Concernant le plan Culture et ruralité, toutes les personnes entendues lors de nos auditions ont relevé qu'il n'avait aucun impact sur le terrain. Le ministère nous indique qu'il a principalement permis le financement de projets pour les musées ruraux.

Mme de Marco, effectivement, le patrimoine des particuliers et des collectivités sera en première ligne dans la dégradation du soutien financier des patrimoines. Mon avis favorable sur les crédits du programme est purement technique, puisqu'il s'agit de faire adopter mon amendement. La question s'est posée jusqu'à hier soir tard : compte tenu du contenu de mon rapport, est-il raisonnable de donner un avis favorable ? Oui, pour permettre l'intégration dans les dispositions du projet de loi de l'amendement relatif au fonds de sûreté.

Mme de La Provôté, vous avez bien décrit l'effet ciseaux, qui allie l'augmentation des coûts et la baisse des moyens des collectivités territoriales. Certaines n'auront plus les moyens d'accompagner les communes. L'ingénierie est au moins aussi importante que les financements. Certaines collectivités, notamment départementales, essaient de maintenir leur aide en matière d'ingénierie.

Le sujet des schémas directeurs nous a laissés dubitatifs à l'issue des auditions. L'entretien constitue aussi un impensé qui doit faire l'objet d'une réflexion plus approfondie, laquelle était d'ailleurs intégrée aux premiers travaux menés autour du National Trust.

Concernant l'inventaire, le troisième récolement décennal des musées de France sera entamé en 2026.

Mme Gosselin, les financements reculent, mais nous restons au-dessus des moyens accordés en 2022. Cependant, nous en convenons : nous ne sommes plus en mesure de réaliser les travaux d'entretien du patrimoine. Or, quand on n'entretient pas le patrimoine, il faut réaliser des travaux dans l'urgence, qui deviennent bien plus coûteux. Les dispositifs financiers complémentaires ne suffisent pas.

Merci de nous avoir sensibilisés au dossier du Mont-Saint-Michel, qui doit intégrer notre réflexion quant aux nouveaux modes de gestion du patrimoine monumental.

Nous ne lâcherons rien sur le sujet fondamental du DPE. J'ai rendez-vous début janvier avec le ministre du logement pour y travailler.

Mme Monier, certes, l'année dernière, des crédits supplémentaires avaient été votés lors de l'examen du PLF, mais une partie a été annulée en cours d'année. Quant à la réduction des crédits alloués au Grand Palais, elle correspond à la fin des travaux.

M. Ouzoulias, effectivement, pour faire comprendre que le patrimoine est important, parler de culture ne suffit plus, et il faut parler finances.

Concernant le patrimoine juif, je vous remercie pour l'alerte concernant la synagogue de Rouffach. À cet égard, nous avons déposé, avec vous et Mme Ventalon, un amendement que M. Brisson a également cosigné. Je vous invite tous à le cosigner.

Je vous invite également à cosigner mon amendement concernant le fonds pour la sûreté des musées plutôt que celui de Mme Evren, qui est très pertinent, mais ne vise à abonder le fonds qu'à hauteur de 12 millions d'euros. Nous avons travaillé sur ce sujet avec le ministère de la culture et on nous a dit qu'il serait plus importun de demander 30 millions d'euros.

Mme Belrhiti, vous avez bien analysé les différents budgets et insisté sur le fait que même les budgets stables sont en baisse, compte tenu de l'inflation.

Concernant les travaux de sécurisation, la mission sécurité, sûreté et d'audit (Missa) du ministère de la culture s'occupe d'accompagner les musées et de les conseiller.

M. Paumier, merci de parler si bien du patrimoine et de la lumière qu'il dégage, mais aussi des conséquences funestes qui surviennent lorsqu'on le néglige.

Article 49 (état B)

L'amendement CULT.1 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux patrimoines de la mission « Culture », sous réserve de l'adoption de son amendement.

AMENDEMENT DE LA COMMISSION DE LA CULTURE, DE L'ÉDUCATION,
DE LA COMMUNICATION ET DU SPORT
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