B. BAISSE CONJONCTURELLE OU DIMINUTION DURABLE DE LA FRÉQUENTATION ?

1. Un simple point bas conjoncturel ?

L'économie du cinéma est essentiellement une économie de l'offre : le niveau de la fréquentation dépend beaucoup de la quantité et de la qualité des films qui sortent en salle. À cette aune, 2025 est une mauvaise année autant que 2024 avait été bonne.

L'année dernière, le rapporteur pour avis avait ainsi braqué les projecteurs sur trois films français ayant rencontré le succès au-delà des espérances. « Le Comte de Monte Cristo », production « de prestige » et fruit de la stratégie de « prémiumisation » du groupe Pathé, a atteint 9,2 millions d'entrées en France, le plaçant second du box-office de l'année. Le moins attendu « Un p'tit truc en plus » a, pour un coût de 6,1 millions d'euros, rassemblé près de 11 millions de spectateurs autour de son message humaniste. Quant à « Emilia Perez », il avait réalisé plus d'1 million d'entrées et obtenu le prix du jury et le prix d'interprétation féminine. À côté de ces succès français, le cinéma américain avait également connu quelques grands succès, comme « Vice-Versa 2 » avec plus de 8 millions d'entrées.

Selon l'étude « Les pratiques cinématographiques des Français en 2025 », réalisée par le CNC en septembre 2025, 93,3 % des spectateurs sont satisfaits des films français et 51,9 % déclarent aller voir des films français pour voir des acteurs qu'ils apprécient.

À l'inverse, en novembre 2025, aucun film n'atteignait un nombre d'entrées comparables. Le cinéma d'outre-Atlantique a représenté seulement 30 % des entrées en 2025, un point bas depuis plus de 40 ans. Un « cocorico » serait malvenu : ce n'est pas le dynamisme du cinéma français mais l'absence de blockbusters américains qui est responsable de ce phénomène, fragilisant toute la filière. Le plus gros succès, « Lilo et Stich », n'a fait « que » 5,2 millions d'entrées. En 2024, trois films américains avaient fait mieux. Le plus grand succès français de l'année, « God saves the Tuches », n'a réuni que 3 millions de spectateurs. Les films d'art et essais n'ont pas démérité, mais ne peuvent évidemment pallier l'absence de gros succès. Ce manque de « locomotives » américaines est sans doute imputable en partie aux conséquences différées de la grève de 146 jours des scénaristes d'Hollywood. Cependant, la sortie d'« Avatar 3 » et de « Zootopie 2 » à la fin de 2025 laisse espérer un recul un peu moins massif des entrées. Surtout, la sortie en 2026 des « Misérables », de « De Gaulle », du « Marsupilami » ou encore des « Légendaires » rend envisageable un redressement de la fréquentation des salles, comme le CNC en fait l'hypothèse.

2. Des facteurs plus structurels de tassement de la fréquentation ?

Une autre hypothèse, plus inquiétante, serait que la fréquentation a « atterri » sur un nouveau plateau sensiblement plus bas que celui de l'avant-covid, du fait d'une accentuation de tendances déjà présentes auparavant, mais masquées en 2024 par quelques succès exceptionnels :

Fréquentation cinématographique 2010 à 2026 (prévisions pour 2025 et 2026 selon le CNC)
en millions d'entrées

· une partie du public aurait définitivement basculé, à la faveur de la crise sanitaire, vers des plateformes de vidéos à la demande permettant d'accéder à un très grand nombre de films pour le prix d'un abonnement relativement peu onéreux. On peut constater que cette évolution se poursuit notamment pour le visionnage des films français :

· le public serait désorienté et aurait plus de mal à choisir les films du fait d'une absence de renouvellement des méthodes de promotion des films par les distributeurs ;

· l'inquiétude sur la situation financière et politique du pays engendrerait une prudence supplémentaire, dont les dépenses de loisirs, et parmi elles celles consacrées aux sorties cinéma, font les frais.

Le cinéma serait donc actuellement dans une position intermédiaire entre des années 2010 exceptionnelles, avec près de 210 millions de spectateurs, et des années 90 décevantes.

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