- L'ESSENTIEL
- I. L'ANNÉE 2025 TÉMOIGNE DE
L'INTENSIFICATION ET DE LA MULTIPLICATION DES CRISES
- II. UNE HAUSSE DES CRÉDITS
À LA HAUTEUR DES BESOINS DE MODERNISATION DES MOYENS DE
LA SÉCURITÉ CIVILE
- III. UN BESOIN DE CLARIFICATION QUANT AUX
PERSPECTIVES FINANCIÈRES ET OPÉRATIONNELLES DE LA
SÉCURITÉ CIVILE NATIONALE ET TERRITORIALE
- I. L'ANNÉE 2025 TÉMOIGNE DE
L'INTENSIFICATION ET DE LA MULTIPLICATION DES CRISES
- EXAMEN EN COMMISSION
- COMPTE-RENDU DE L'AUDITION DE M. LAURENT NUNEZ,
MINISTRE DE L'INTÉRIEUR
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
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N° 145 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026 |
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Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025 |
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AVIS PRÉSENTÉ au nom de la commission des lois constitutionnelles,
de législation, du suffrage universel, du Règlement et
d'administration générale (1) |
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TOME XIII SÉCURITÉ CIVILE |
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Par Mme Françoise DUMONT, Sénatrice |
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(1) Cette commission est composée de : Mme Muriel Jourda, présidente ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, M. Marc-Philippe Daubresse, Mmes Laurence Harribey, Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset, vice-présidents ; Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, Lauriane Josende, M. Olivier Bitz, secrétaires ; M. Jean-Michel Arnaud, Mme Nadine Bellurot, MM. Jean-Baptiste Blanc, François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie Briante Guillemont, M. Ian Brossat, Mme Agnès Canayer, MM. Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, David Margueritte, Hervé Marseille, Thani Mohamed Soilihi, Mme Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mme Anne-Sophie Patru, M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel. |
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Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180 Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026) |
L'ESSENTIEL
Le programme 161 « Sécurité civile » est l'un des quatre programmes de la mission « Sécurités », laquelle doit « permettre à l'ensemble des services assurant la sécurité des concitoyens de poursuivre leur engagement »1(*).
Piloté par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), le programme 161 finance les moyens nationaux de la sécurité civile, qu'il s'agisse des outils d'intervention opérationnels mis en oeuvre pour le secours à personne, les opérations de déminage ou déclenchées en cas de catastrophes majeures, qu'elles soient naturelles comme les feux de forêt, les inondations, les tempêtes ou les séismes, ou technologiques avec les risques NRBC-E (nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosif).
Le projet de loi de finances pour 2026 prévoit une augmentation substantielle des crédits alloués aux moyens nationaux de la sécurité civile. Les autorisations d'engagements s'élèvent en effet à 994,9 millions d'euros, soit une hausse de 134 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2025 et une progression de 15,7 %. Les crédits de paiements évoluent également de 6,2 % par rapport à l'exercice précédent, atteignant un montant de 882,7 millions d'euros.
Cette évolution favorable doit permettre la poursuite de projets de modernisation indispensables pour garantir la capacité opérationnelle des moyens nationaux de la sécurité civile, tels que l'acquisition de nouveaux avions bombardiers d'eau, conformément aux engagements pris par le Président de la République à la suite des lourds incendies de l'été 2022, ainsi que le renouvellement de la flotte d'hélicoptères.
Le programme 161 assure de plus le maintien du soutien de l'État à l'investissement des services d'incendie et de secours (SIS) par les pactes capacitaires. La poursuite de ce dispositif d'accompagnement est bienvenue alors que, dans la continuité du travail de concertation ayant abouti à la remise du rapport du Beauvau de la sécurité civile au ministre de l'intérieur, les départements et les SIS espèrent obtenir dans les meilleurs délais une évolution de leur modèle de financement.
Le rapporteur, Françoise Dumont, a par conséquent constaté que la hausse globale des crédits alloués permettra, conformément aux orientations définies au sein de la LOPMI, de poursuivre les multiples projets de transformation et d'adaptation du modèle français de sécurité civile face au développement des risques naturels comme technologiques. Aussi, sur sa proposition, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme.
I. L'ANNÉE 2025 TÉMOIGNE DE L'INTENSIFICATION ET DE LA MULTIPLICATION DES CRISES
Après une année 2024 relativement épargnée par les feux de forêt grâce à des conditions clémentes, l'année 2025 a connu une saison des feux intense, en raison notamment d'épisodes caniculaires successifs et d'une sécheresse prolongée. Fin août, 12 300 feux avaient déjà été répertoriés, représentant une superficie de 30 000 hectares brûlés, soit un niveau très supérieur à celui de 2024 (5 500 hectares) et à la moyenne décennale.
Plus du tiers des surfaces brûlées est dû au seul incendie de Ribaute dans l'Aude (11 000 hectares brûlés), le plus important depuis 1949, caractérisé par une vitesse de progression (5 kilomètres par heure) et une capacité de destruction (2 000 hectares par heure) hors normes, en dépit de la mobilisation totale des moyens.
L'ampleur des destructions ne remet pas en cause la doctrine française de lutte contre les feux de forêts, qui a notamment permis de maîtriser 95 % des départs de feu avant que ceux-ci n'atteignent les cinq hectares2(*). En réalité, ce lourd bilan est à mettre en rapport avec le nombre de jours d'alerte « très élevée » - 52 dénombrés lors du bilan partiel fin août 2025 -. Un tel niveau n'a pas été atteint depuis 2022 et témoigne, comme les années précédentes, de l'extension temporelle de la saison des feux. Des feux tardifs ont d'ailleurs été relevés, jusqu'à la fin octobre en Corse.
En outre, les incendies se sont concentrés dans la zone sud, et plus particulièrement les départements de l'aire méditerranéenne, qui ont concentré 42 % des incendies et 47 % des superficies touchées. L'inégalité des départements face au risque incendie souligne ainsi le besoin, pour les zones sud et sud-ouest, de disposer d'effectifs et de moyens suffisants afin de pouvoir maintenir une prévention active pour une saison des feux plus longue et plus intense qu'auparavant. La diffusion de la menace à l'ensemble de l'Hexagone (notamment cette année en Charente, dans le Maine-et-Loire ou en forêt de Brocéliande), impose de plus aux acteurs de la sécurité civile de tenir compte du risque d'accumulation de crises. De fait, la simultanéité d'incendies dans l'Aude et à Marseille, début juillet, a mis en exergue les risques de rupture capacitaire face à des crises concomitantes sur le territoire, tandis que, lors de la dernière saison d'une telle intensité - à l'été 2022 - la concentration des départs de feux en Gironde avait facilité la coordination des opérations.
Les moyens de la sécurité civile ont également été pleinement mobilisés afin de faire face aux inondations.
En effet, comme l'année précédente durant laquelle les Hauts-de-France et la région sud avaient connu des inondations sévères ayant entraîné 18 décès, plusieurs épisodes d'inondations notables ont nécessité une large mobilisation des moyens de la sécurité civile en 2025 notamment en février, en Ille-et-Vilaine, puis en mai, dans le Var. Dans ce département, des pluies d'une intensité extrême (256 millimètres par heure localement) ont provoqué des débordements de cours d'eau et entraîné, malgré de nombreux sauvetages et mises en sécurité, trois décès et d'importants dommages aux infrastructures et aux bâtiments. En juin, de violents orages en Île-de-France ont causé des inondations urbaines au cours desquelles deux personnes ont perdu la vie.
Dans le cadre de ces interventions, les forces de la sécurité civile ont heureusement pu bénéficier de nouveaux moyens de pompage de la direction générale de la sécurité civile et des crises (DGSCGC) acquis en réponse à l'épisode d'inondations massives dans le Pas-de-Calais en 2023.
Enfin, les forces de la sécurité civile ont également dû faire face, au cours de l'année, à la gestion des opérations de crise dans les territoires ultramarins, notamment dans le cadre du cyclone Chido, à Mayotte et du cyclone Garance, à La Réunion.
À Mayotte, en lien avec la cellule interministérielle de crise, le centre opérationnel de la sécurité civile (le COGIC) a coordoné l'envoi de 2 600 sapeurs-pompiers et sapeurs-sauveteurs de différentes unités, provenant de tout l'Hexagone et de La Réunion, ainsi que de 8 200 tonnes de fret. Le coût de cette mobilisation a dépassé 100 millions d'euros. D'autres interventions ont eu lieu dans les territoires ultramarins, notamment en Guyane (gestion des demandeurs d'asile, activité de lutte contre les feux de végétation, approvisionnement en eau potable) et en Nouvelle-Calédonie.
II. UNE HAUSSE DES CRÉDITS À LA HAUTEUR DES BESOINS DE MODERNISATION DES MOYENS DE LA SÉCURITÉ CIVILE
Après un budget pour 2025 marqué par une légère contraction des ressources allouées aux moyens nationaux de la sécurité civile, le programme 161 connaît une augmentation substantielle de ses crédits pour 2026.
Les autorisations d'engagement s'élèvent ainsi à 994,9 millions d'euros, soit une hausse de 134 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2025 (860 millions d'euros), et les crédits de paiements à 882,7 millions d'euros pour 2026, soit une hausse de 6,2 % par rapport à 2025 (831,4 millions l'an passé).
Ces hausses se traduisent premièrement par une forte augmentation des dépenses d'investissement : alors que les autorisations d'engagement ne représentaient, en 2025, que 49 millions d'euros, elles s'élèvent, dans le projet de loi de finances pour 2026, à 264 millions d'euros - soit une hausse de 428 %. Cette croissance doit permettre de poursuivre le projet de modernisation et de renforcement des moyens aériens de la sécurité civile, avec l'acquisition de deux nouveaux avions bombardiers d'eau représentant 209 millions d'euros en autorisations d'engagement.
Les crédits de paiement pour l'investissement, en hausse de 21 %, permettront en outre la poursuite des projets pluriannuels structurants nécessaires à la sécurité civile de faire face à la multiplication des crises, parmi lesquels le plan de renouvellement des hélicoptères, le soutien à l'investissement des services d'incendie et de secours (pactes capacitaires) et la modernisation des moyens de communication.
En outre, l'augmentation de 12 millions d'euros en dépenses de personnel doit permettre de revoir le nombre d'emplois du programme à la hausse, après un exercice 2025 caractérisé par le gel du schéma d'emplois. 30 militaires supplémentaires viendront ainsi renforcer la montée en charge progressive du 4ème régiment des formations militaires de la sécurité civile (FORMISC) à Libourne, et 20 nouveaux personnels techniques et administratifs seront recrutés.
Aussi, la hausse des crédits alloués au programme 161 pour 2026 devrait se traduire par la poursuite de la modernisation et du renforcement des moyens nationaux de la sécurité civile, en cohérence avec la multiplication des crises nécessitant leur mobilisation.
A. LA PRÉSERVATION DES CAPACITÉS OPÉRATIONNELLES AÉRIENNES DE LA SÉCURITÉ CIVILE
Le projet de loi de finances pour 2026 prend premièrement en compte les enjeux liés à la disponibilité des appareils de la sécurité civile, afin de garantir une pleine capacité opérationnelle des moyens nationaux pour la lutte contre les incendies.
Vieillissement et disponibilité de la flotte nationale de la sécurité civile pour 2025
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Appareils |
Vieillissement moyen |
Dont opérationnels au 01/07/25 |
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Groupement « Avions » |
12 Canadair CL 415 amphibies |
27,5 ans |
9 |
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8 bombardiers lourds polyvalents Dash 8 |
Génération 1 (2 appareils) : 30 ans Génération 2 (6 appareils) : 3,8 ans |
6 |
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3 avions de liaison de type Beechraft King 200 |
29 ans |
3 |
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Location d'un Dash et de 4 Air Tractor |
-- |
-- |
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TOTAL : 20 avions bombardiers d'eau + 3 avions de liaison + 5 avions loués |
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Groupement « Hélicoptères » |
26 hélicoptères EC 145 biturbines |
20,5 ans |
18 |
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10 hélicoptères H 145 |
1,7 an |
9 |
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Location de 10 hélicoptères lourds bombardiers d'eau « super puma » |
-- |
-- |
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TOTAL : 36 hélicoptères de la DGSCGC + 10 en location |
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Source : commission des lois d'après données DGSCGC.
En effet, bien que la doctrine française d'attaque massive des feux naissants ait permis, cette année encore, d'obtenir des résultats très satisfaisants, des inquiétudes quant à la disponibilité des moyens aériens nationaux demeurent, au regard des indicateurs de performance présentés dans le projet annuel de performance :
· le taux de disponibilité de la flotte d'hélicoptères de la sécurité civile en base demeure significativement inférieur à la cible fixée pour l'année 2024 (81 % de disponibilité alors que l'objectif cible est de 95 %) ;
· le taux de disponibilité opérationnelle des avions de la sécurité civile, de la même façon, n'avait toujours pas atteint sa cible en 2024, marquant même une baisse (disponibilité de 86 % en 2024 contre 89,1 % en 2023, avec un objectif cible de 98 %).
Ces performances en demi-teinte sont à mettre en regard avec la capacité à gérer des fronts de lutte contre les incendies simultanés, dans des territoires éloignés. De fait, comme l'a rappelé la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, « le sous-dimensionnement du nombre d'avions bombardiers d'eau disponibles a conduit cet été à arbitrer entre des demandes simultanées d'engagement du commandant des opérations de secours dans deux territoires distincts en juillet dernier dans l'Aude et les Bouches-du-Rhône »3(*). Le risque de rupture capacitaire ne peut donc plus être écarté.
Cette situation s'explique principalement par la vétusté de la flotte patrimoniale de la sécurité civile, bien que le projet de renouvellement des hélicoptères, lancé en 2023, permette progressivement d'améliorer les résultats. En 2023, la disponibilité des hélicoptères n'était que de 63,8 %, taux fortement en hausse en 2024 grâce aux premières acquisitions réalisées.
1. La poursuite du renouvellement de la flotte d'hélicoptères
Inscrit au sein de la LOPMI 2023-2027 et de la loi de finances pour 2023, le programme de renouvellement de la flotte d'hélicoptères prévoit l'acquisition sur sept ans de 36 appareils H 145 en remplacement des 33 EC 145. Ce programme est préservé au sein du projet de loi de finances pour 2026. En effet, 98 millions d'euros sont prévus pour l'achat de huit appareils H 145 en 2026, qui viendront s'ajouter aux onze acquis depuis 2023.
Selon la DGSCGC, le programme de renouvellement, qui portera la flotte d'hélicoptères de la sécurité civile à 40 appareils au total d'ici 2029, permettra de doter l'ensemble des bases et des détachements de la sécurité civile et de disposer par ailleurs de moyens suffisants pour la formation et le maintien en compétence des équipages.
Source : commission des lois d'après données DGSCGC.
Le rapporteur souligne néanmoins, comme l'année passée, que cette montée en puissance opérationnelle doit s'accompagner d'une révision de la doctrine d'engagement des hélicoptères de la sécurité civile, afin d'assurer un dialogue clair et équilibré entre le centre opérationnel de zone et le médecin régulateur du SAMU. Il doit également s'inscrire dans une accélération de l'expérimentation relative à la mutualisation des plateformes d'appel afin de mieux coordonner les moyens dédiés aux secours à personne. La résorption de ces problématiques d'engagement des hélicoptères de la sécurité civile est en effet une condition sine qua non de l'efficience des dépenses consenties par l'État pour l'acquisition et la préservation des aéronefs.
2. L'acquisition de nouveaux avions bombardiers d'eau
Le projet de loi de finances pour 2026 marque également la poursuite de la stratégie de lutte et de prévention contre les incendies, annoncée par le Président de la République à la suite de la saison des feux exceptionnelle qu'a connu la France en 2022. Cette stratégie passe par le renouvellement et l'extension de la flotte de Canadairs afin de porter la flotte patrimoniale à seize avions bombardiers d'eau et permettre son rajeunissement, l'âge moyen étant aujourd'hui de 28 ans. Il s'agit ainsi de garantir la disponibilité des aéronefs pour assurer les missions de lutte contre les feux de forêts, de liaison et de transport dans le cadre de la gestion de crise.
Les premières acquisitions de canadairs ont ainsi été actées en 2024, dans le cadre d'un contrat d'acquisition porté par la Commission européenne auprès de l'entreprise De Havilland Canada. En effet, au terme d'un processus de candidature, six États membres de l'Union européenne4(*) pourront bénéficier de la commande de 22 appareils Canadair (DHC 515), pour partie financés par l'Union européenne. La France a ainsi signé un contrat d'acquisition de deux DHC 515 le 12 août 2024, dont les coûts d'acquisition, de 98,8 millions d'euros, seront couverts par la direction générale pour la protection civile et les opérations d'aide humanitaire européennes de la Commission européenne (DG ECHO). La France a néanmoins pris à sa charge des coûts annexes (taxe sur la valeur ajoutée, coût de la parité euro/dollar, frais de douanes et commande de lots de pièces de rechange et de provisions) dont le montant est évalué à 40 millions d'euros.
Une option d'achat portant sur 14 appareils supplémentaires, activable à l'unité, a été intégrée au contrat, avec une échéance contractuelle fixée au 30 juin 2030.
Contractuellement, et grâce à la primauté de son contrat de subvention « GRANT » avec la Commission européenne, la France devrait être livrée en priorité. Ainsi, et sous réserve du niveau d'urgence rencontré dans certains pays, dont la Grèce, les deux avions devraient être disponibles respectivement en mars et novembre 2028.
En complément de cette première commande, le rapporteur se réjouit de constater que le programme 161 prévoit, pour 2026, 209 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 20 millions d'euros de crédits de paiement consacrés à la commande de deux avions supplémentaires. Selon la DGSCGC, ces deux appareils seraient livrés entre fin 2032 et courant 2033.
La DGSCGC a en outre indiqué opérer une veille stratégique sur l'émergence de nouveaux acteurs industriels en mesure de fournir la France pour ses besoins en avions bombardiers d'eau. En effet, la dépendance de la chaîne de production des ABE à un unique acteur extra-européen doit conduire à la prudence, dans un contexte de besoins accrus de la part du Canada et des États-Unis et compte tenu des commandes déjà effectives dont les livraisons sont échelonnées jusqu'en 2034. Le rapporteur s'est ainsi vu confirmer par la DGSCGC l'émergence de trois projets français auprès desquels une veille technologique est effectuée.
Le rapporteur a également noté les éléments rassurants de la DGSCGC quant à la disponibilité des ABE de la flotte existante, la direction générale ayant notamment indiqué vouloir lutter contre la vétusté des appareils grâce à des opérations de maintenance à compter de 2027. Le rapporteur sera donc vigilant aux suites données à ce projet.
3. Le maintien du dispositif de location d'aéronefs
Enfin, en complément de la poursuite des deux programmes d'acquisition d'aéronefs pilotés par la DGSCGC depuis plusieurs années, les besoins opérationnels ont conduit cette année encore au maintien de la stratégie de location d'appareils supplémentaires afin de garantir une pleine capacité opérationnelle.
Le programme 161 conserve ainsi, pour 2026, le montant alloué pour la location d'aéronefs en 2025, soit 30 millions d'euros (en autorisations d'engagement et en crédits de paiement). Ce montant permet de disposer de dix hélicoptères bombardiers d'eau et de six aéronefs de type Air Tractor. Les appareils, prépositionnés en zone sud-ouest, sont mobilisables de juillet à septembre.
B. UN SOUTIEN CONTINU POUR L'INVESTISSEMENT DES SERVICES D'INCENDIE ET DE SECOURS
Le projet de loi de finances pour 2026 prévoit également la poursuite du soutien de l'État pour l'investissement des services d'incendie et de secours via les « pactes capacitaires ».
Initialement programmés dans le cadre de la LOPMI, les pactes capacitaires devaient permettre le soutien à l'investissement des services d'incendie et de secours par l'intermédiaire de la dotation de soutien aux investissements structurants des services d'incendie et de secours (DSIS), pour un montant de 30 millions d'euros sur cinq ans.
En réaction à la saison des feux de forêts d'une très forte intensité en 2022, le Gouvernement avait abondé le programme 161 dans le cadre des discussions budgétaires pour 2023 de plusieurs dizaines de millions d'euros afin de renforcer ce soutien.
La loi de finances initiales pour 2023 prévoyait ainsi 150 millions d'euros d'autorisations d'engagement supplémentaires dédiés aux pactes capacitaires pour le volet feux de forêt. 8 millions d'euros d'autorisations d'engagement ont également été prévus pour le volet risques complexes et émergents (RCE) de ces pactes, auxquels sont venus s'ajouter 4 millions d'euros en 2024 au bénéfice de projets permettant de combler des fragilités capacitaires portant sur différentes natures de risques du territoire.
Crédits engagés au titre des pactes capacitaires depuis 2023
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2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 - 2028 |
||||||
|
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
|
|
Volet feux de forêt |
150 |
37,5 |
0 |
42 |
0 |
45 |
0 |
22 |
0 |
3,5 |
|
Volet RCE |
8 |
1 |
4 |
4 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
7 |
|
Total |
158 |
38,5 |
4 |
46 |
0 |
45 |
0 |
22 |
0 |
10,5 |
Source : commission des lois d'après données DGSCGC.
D'après les éléments transmis les années précédentes par la DGSCGC, ces pactes devaient permettre l'acquisition de 1 079 camions-citernes feux de forêt.
Les montants engagés ont d'ores et déjà permis la livraison dans les services d'incendies et de secours de plus de 300 engins ayant la capacité de lutter à la fois contre les feux de forêt et d'intervenir en cas d'inondation. Alors que les premières livraisons ont été effectuées en 2024, l'association Départements de France a indiqué n'avoir rencontré aucune difficulté notable dans la mise en oeuvre de ce programme d'investissement. Le solde des paiements engagés depuis 2023 devrait ainsi intervenir pour l'essentiel en 2026 et jusqu'en 2028, en fonction des rythmes de livraisons.
Pour l'année 2026, 22 millions d'euros de crédits de paiement seront dédiés aux pactes capacitaires. Le rapporteur se réjouit de la poursuite de ces pactes qui contribuent à la commande d'appareils uniformisés dont les services d'incendie et de secours rappellent la nécessité pour la capacité opérationnelle de leur service. La mutualisation des commandes raccourcit en outre la diminution des délais de livraison et favorise les économies, dont le montant estimé s'élève à 8,5 millions d'euros pour 2023.
Il convient également de noter qu'après des discussions sur l'opportunité de constituer des pactes capacitaires « inondations », la DGSCGC a indiqué privilégier l'acquisition de moyens nationaux mobilisables sur l'ensemble du territoire en fonction des besoins. Après les violents épisodes intervenus au cours de l'année 2023, la DGSCGC a orienté son action selon deux axes :
· Une augmentation immédiate de la dotation en moyens de pompage détenus et mis en oeuvre par la DGSCGC au titre des moyens nationaux, grâce à des acquisitions réalisées fin 2024 par l'intermédiaire de l'UGAP. Trois pompes Hydrosub 250, équipements de pompage lourds de nouvelle génération, ont ainsi été acquises pour un montant de 3,4 millions d'euros (ayant permis une augmentation de 30 % du potentiel de pompage des moyens nationaux) ainsi que quatre pompes Hydrosub 60, aux capacités de pompage intermédiaires (1,3 million d'euros) et deux transports lourds de grande capacité, dont le coût s'élève à 0,6 million d'euros.
· En complément et à moyen terme, la DGSCGC prépare la passation d'un marché de pompes spécifiques non disponibles au catalogue de l'UGAP (pompes de très grande capacité, pompes à boue, pompes pouvant être installées en flottaison). Le marché pourrait être notifié en 2026, sous réserve des disponibilités budgétaires (montant estimatif de 6,7 millions d'euros) en vue de livraisons en 2027.
Enfin, le rapporteur salue le maintien des crédits relatifs aux colonnes de renfort (13,3 millions d'euros en AE et CP pour 2026) qui doit favoriser la mise en oeuvre de la solidarité nationale par la couverture des frais de personnel des sapeurs-pompiers, des frais de transport et d'éventuels dégâts matériels occasionnés en cas d'engagement opérationnel demandé par l'État. L'association Départements de France a ainsi confirmé le bon fonctionnement du dispositif : il n'y a pas eu de reste à charge pour les SIS et ces opérations contribuent en outre à la mobilisation des sapeurs-pompiers par le retour sur des missions « coeur de métier ».
C. LES EFFORTS DE MODERNISATION DES SYSTÈMES D'ALERTE ET D'INFORMATION
Le programme 161 pour 2026 se caractérise enfin par la poursuite des projets de modernisation des moyens de coordination, de communication et de pilotage.
S'agissant tout d'abord du système d'alerte et d'information à la population (SAIP), après l'inscription au sein de la loi de finances initiales pour 2025 de 14,5 millions d'euros inédits en autorisations d'engagement afin de poursuivre le financement des installations nécessaires au déclenchement du système par la 4G, la mise en paiement de ces efforts se poursuit dans le PLF pour 2026 avec le maintien de 4 millions d'euros en crédits de paiement (contre 4,3 en 2025). Le dispositif FR-Alert bénéficie en outre, pour 2026, de 4,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et 7,4 millions d'euros en crédits de paiement, afin d'assurer son maintien en condition opérationnelle.
Enfin, le projet NexSIS 18-112, visant la construction d'un système d'information et de gestion opérationnelle unifié des secours de nouvelle génération, continue de faire l'objet de retours positifs des services d'incendie et de secours, témoignant d'une véritable dynamique d'adhésion à la démarche portée par l'agence du numérique de la sécurité civile (ANSC). Au premier semestre 2025, 45 SIS avaient déjà accès à NexSIS, soit par accès distant, soit via l'infrastructure locale préalable à son déploiement, tandis que six mois plus tard, au 1er juillet 2025, neuf SIS étaient entrés en phase de production sur la plateforme. Afin d'accompagner son développement, le programme 161 prévoit 11 millions d'euros (contre 9,4 millions d'euros en 2025) avec l'objectif que 60 SIS puissent bénéficier, au cours de l'année, d'une première mise à l'épreuve du réel.
Le rapporteur a toutefois été alerté sur le risque de sous-dimensionnement des moyens humains de l'ANSC, entraînant le recours inefficient à une externalisation de certaines missions. De fait, alors que la LOPMI prévoyait une hausse de 28 ETP entre 2023 et 2028 en faveur de l'agence, le plafond d'emploi ne s'établit, pour 2026, qu'à 23 ETP, soit 12 de moins qu'initialement prévu. Alors que le déploiement du programme atteint aujourd'hui un point pivot et doit prochainement pouvoir s'appuyer majoritairement sur le financement des SIS afin d'être pérenne, le rapporteur appelle donc à la résorption de cet écart afin de pouvoir assurer pleinement les besoins d'accompagnement des SIS dans le cadre de l'adoption du logiciel.
III. UN BESOIN DE CLARIFICATION QUANT AUX PERSPECTIVES FINANCIÈRES ET OPÉRATIONNELLES DE LA SÉCURITÉ CIVILE NATIONALE ET TERRITORIALE
Au-delà des projections financières pour 2026, les acteurs rencontrés par le rapporteur ont unanimement souligné la nécessité d'obtenir, de la part du Gouvernement, une feuille de route claire à la suite des conclusions du Beauvau de la sécurité civile.
Le rapport de synthèse de ce travail de concertation rappelle en effet les besoins impérieux d'évolution face à un « déficit d'anticipation stratégique et de gouvernance budgétaire », et à des besoins opérationnels qui « ne font pas l'objet d'une planification suffisamment rigoureuse et prospective ». De fait, si l'ensemble des acteurs de la sécurité civile se mobilisent, année après année, pour faire face à la hausse continue et rapide des sollicitations opérationnelles, cet engagement ne peut se poursuivre dans des conditions correctes sans une visibilité et des orientations claires sur le modèle financier et opérationnel susceptibles de garantir la sécurité civile de demain.
Sur le volet du financement, qui intéresse plus particulièrement le rapporteur dans le cadre de cet avis, le rapport de synthèse reconnaît « un système à bout de souffle » en raison de sa complexité et de son inadéquation avec les risques actuels de sécurité civile. Régulièrement alerté par les départements, les services d'incendie et de secours ainsi que les associations de sécurité civile à ce sujet, le rapporteur se réjouit que le Gouvernement partage son constat sur la nécessité de revoir le modèle de financement de la sécurité civile, indissociable de son niveau de capacité opérationnelle.
Aussi, le rapporteur appelle-t-il de ses voeux le dépôt, dans les meilleurs délais, du projet de loi promis de longue date afin de repenser le financement de la sécurité civile à l'aune des besoins de résilience des territoires et de la population.
*
* *
La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Sécurité civile » de la mission « Sécurités », inscrits au projet de loi de finances pour 2026.
EXAMEN EN COMMISSION
Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous terminons nos travaux avec le rapport pour avis de notre collègue Françoise Dumont sur le programme « Sécurité civile » de la mission « Sécurités ».
Mme Françoise Dumont, rapporteur pour avis du programme « Sécurité civile ». - Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2026, il me revient de vous présenter les crédits du programme « Sécurité civile » de la mission « Sécurités ». Les crédits du programme « Sécurité civile » financent les moyens nationaux, qui recouvrent principalement, bien que non exclusivement, les dépenses liées à la flotte aérienne de la sécurité civile. Les moyens humains, comme le traitement des 43 000 sapeurs-pompiers professionnels, et les moyens matériels terrestres relèvent, quant à eux, des services d'incendie et de secours, dont le budget représente plus de 80 % des sommes dédiées à la sécurité civile.
L'année 2025 a confirmé la nécessité de garantir aux acteurs de la sécurité civile des moyens appropriés à l'état des menaces. La saison des feux a en effet été particulièrement rude. Le bilan de 30 000 hectares brûlés s'inscrit bien au-delà des tendances décennales, et nous avons dû faire face, dans l'Aude, à l'incendie le plus important depuis 1949.
En juillet dernier, la rapidité de la progression des feux à Marseille, concomitante avec plusieurs incendies dans les départements voisins, a même contraint les forces aériennes et terrestres à opérer des arbitrages stratégiques, attestant ainsi de la réalité de la menace de rupture capacitaire. Ces évènements s'inscrivent dans la continuité des observations statistiques des dernières années : la saison des feux est plus longue, n'épargne presque plus aucun territoire, et se caractérise par des incendies plus intenses qu'auparavant. Face à cette dynamique, les forces de sécurité civile, toujours plus sollicitées, doivent pouvoir compter sur des moyens adéquats.
Le niveau d'intensité opérationnelle en 2025 est également imputable aux épisodes d'inondations successifs qui s'installent dans le quotidien des citoyens et des communes. Face à cette menace également, une montée en puissance capacitaire doit être assurée.
Enfin, l'appui des forces de la sécurité civile dans les territoires ultramarins, particulièrement à Mayotte lors du cyclone Chido, illustre la multiplicité des crises, ainsi que l'engagement total et protéiforme des sapeurs-pompiers.
Prenant acte du besoin de modernisation et de renforcement des moyens nationaux de la sécurité civile, le programme « Sécurité civile » se caractérise cette année par une augmentation substantielle des crédits alloués. Les autorisations d'engagement (AE) s'élèvent à 994 millions d'euros, soit une hausse de 16 %, et les crédits de paiement (CP) à 882 millions d'euros, en augmentation de 6 %.
Cette évolution doit permettre de poursuivre de nombreux projets engagés ces dernières années afin de tenir compte de l'évolution des crises. Premièrement, la hausse substantielle des AE va rendre possible l'acquisition de nouveaux avions bombardiers d'eau. Pour rappel, à la suite de la saison des feux exceptionnelle connue en France en 2022, le Président de la République s'était engagé à renouveler la flotte patrimoniale alors composée de douze Canadair, et à ajouter quatre nouveaux appareils pour répondre à l'intensification de la menace.
Le programme de renouvellement a été validé en 2024, avec la signature d'un contrat d'acquisition de deux nouveaux appareils. Ce contrat s'adosse au programme d'achat de la Commission européenne, qui prend en charge le coût de ces appareils, ainsi que de 20 autres avions commandés par nos voisins européens. Sous réserve du niveau d'urgence rencontré dans certains pays, notamment en Grèce, les deux avions commandés devraient être livrés en 2028.
Depuis cette première impulsion, en revanche, aucun crédit n'avait été inscrit dans le cadre du PLF pour 2025 pour poursuivre ce projet. Je me réjouis que le programme 161 prévoie, pour 2026, une enveloppe de 209 millions d'euros afin de passer commande de deux autres Canadair, dont la livraison est attendue en 2033.
Toutefois cette commande confirme la situation de dépendance dans laquelle se trouve la France, l'entreprise canadienne De Havilland étant la seule à produire ce type d'appareil. Dans une période où les besoins sont croissants, notamment au Canada et aux États-Unis, cette configuration laisse entrevoir des risques de retard de livraison regrettables.
En ce sens, afin de garantir la souveraineté et l'autonomie d'approvisionnement de nos moyens aériens, il est impératif d'accélérer la démarche de diversification industrielle. La direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) s'est engagée dans cette voie depuis septembre 2024, avec la signature de deux courriers d'intérêts auprès d'industriels européens. Il faudra veiller à la concrétisation de cette veille stratégique, afin de remédier à la situation actuelle, qui pourrait compromettre nos capacités opérationnelles.
Par ailleurs, le budget pour 2026 assure la poursuite du renouvellement de la flotte d'hélicoptères. Validé dans le cadre de la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), il prévoit l'acquisition sur sept ans de 36 hélicoptères H145, en remplacement des 33 hélicoptères EC145. Après l'acquisition de onze appareils entre 2024 et 2025, le PLF prévoit 98 millions d'euros pour l'acquisition de huit hélicoptères, conformément à la trajectoire prédéfinie. Le bon déroulement de ce programme est à saluer. Le rajeunissement de la flotte entraîne déjà une progression soutenue du taux de disponibilité des appareils, qui était l'un des points faibles du dispositif capacitaire.
Le budget pour 2026 se caractérise également par la poursuite du soutien de l'État pour l'investissement des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis), via les pactes capacitaires. Destinés à renforcer les moyens opérationnels des services d'incendie et de secours par cofinancement, et en particulier à acquérir un millier de camions-citernes feux de forêt, ces pactes font l'objet de retours positifs des acteurs de terrain. 300 véhicules ont déjà été livrés.
Une enveloppe de 22 millions d'euros est prévue pour assurer la poursuite du programme au sein du PLF pour 2026. Le montant est plus faible que l'année précédente - 45 millions d'euros -, mais cette réduction est conforme aux engagements initiaux de l'État, et ne remet pas en cause les cibles d'acquisition prédéfinies.
S'il a été envisagé d'élargir le dispositif afin de créer des pactes capacitaires dédiés aux inondations, la DGSCGC a privilégié l'acquisition de moyens nationaux mobilisables sur l'ensemble du territoire en fonction des besoins. Cette stratégie a permis d'augmenter de 30 % les capacités de pompage au niveau national. La suite du projet devrait consister en l'acquisition de pompes spécifiques, non disponibles via l'union des groupements d'achats publics (Ugap), notamment des pompes en flottaison ou des pompes à boue.
Le budget pour 2026 présente en outre une hausse du schéma d'emplois, après une année 2025 où ce dernier avait été gelé. Cette augmentation permettra notamment de renforcer le quatrième régiment des formations militaires de la sécurité civile (Formisc) à Libourne, avec l'arrivée de 30 militaires supplémentaires. Elle rend crédible l'objectif de rassembler 580 militaires à Libourne en 2027.
Le programme 161 marque également la poursuite des projets de modernisation des systèmes informatiques d'alerte et de coordination. Les efforts budgétaires consentis les années précédentes pour le développement du système d'information et de gestion unifié de nouvelle génération - NexSIS 18-112 - semblent porter leurs fruits, avec une dynamique d'adhésion des Sdis très positive. Afin d'accompagner son développement, le programme prévoit une enveloppe de 11 millions d'euros. Ce budget doit permettre à 60 services d'incendie et de secours de bénéficier, au cours de l'année, d'une première mise à l'épreuve.
Je souligne néanmoins le risque de sous-dimensionnement des moyens humains de l'agence du numérique de la sécurité civile (ANSC), pilote de ce projet. En effet, la trajectoire du plafond d'emplois définie par la Lopmi n'est pas respectée par le PLF pour 2026. Le déficit d'équivalents temps plein (ETP) contraint d'ores et déjà l'agence à se tourner vers des prestataires externes, ce qui engendre des coûts nettement supérieurs à des embauches. J'ai exprimé à la DGSCGC mes regrets sur ce sujet, et je serai vigilante à la résorption de l'écart au cours des prochaines années, afin de garantir la montée en puissance du dispositif.
Enfin, je souhaite évoquer les conclusions du Beauvau de la sécurité civile, rendues publiques en septembre dernier, après an et demi de concertation et de réflexion. Le rapport de synthèse du Beauvau dresse un constat partagé et lucide quant aux failles de notre modèle actuel de sécurité civile, et souligne la nécessité d'y répondre au plus vite afin de préserver l'efficacité et l'agilité des capacités opérationnelles françaises. Il déplore un déficit d'anticipation stratégique et de gouvernance budgétaire, ainsi qu'un modèle de financement à bout de souffle, notamment concernant les Sdis. Pour quiconque ayant échangé avec les acteurs de terrain au cours des derniers mois, ces constats ne font pas l'ombre d'un doute.
Nous restons dans l'attente du projet de loi annoncé de longue date, notamment par notre collègue, ancien ministre, François-Noël Buffet, permettant de repenser et de pérenniser le financement de la sécurité civile. Seule une réforme globale pourra rendre à l'ensemble des maillons de la chaîne la sérénité et la capacité de s'engager activement pour l'avenir.
En conclusion, je propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Sécurité civile », car l'augmentation des moyens prévus garantit la poursuite des chantiers de modernisation des moyens nationaux de la sécurité civile.
M. Patrick Kanner. - Ces dernières années, une série de catastrophes naturelles a frappé nos départements ; je pense notamment à la Gironde, au Doubs, au Nord-Pas-de-Calais, au Jura et à l'Aude. Mes premiers mots seront donc pour remercier nos services de sécurité civile et les départements qui en ont la gestion.
Les crédits du programme 161 sont les plus favorablement dotés dans ce budget pour 2026, avec une hausse de 6,3 % en CP, pour atteindre près de 883 millions d'euros. Toutefois, comme l'a souligné notre rapporteur, nous finançons l'urgence sans considérer l'avenir.
L'essentiel de la hausse des crédits repose sur l'investissement dans deux nouveaux Canadair pour un montant de 209 millions d'euros, avec des livraisons attendues au mieux en 2033. Ces délais d'attente s'expliquent notamment par la situation de dépendance technologique qui a été évoquée, et qui n'est pas acceptable. Dans le même temps, les dépenses de maintenance aéronautique baissent de 245 à 167 millions d'euros. Nous disposons d'une flotte déjà ancienne, que nous allons moins entretenir. On peut s'interroger sur ce point.
Je souhaite également insister sur la situation des départements. Actuellement, ces derniers financent 60 % des Sdis. Or, avec la perte de recettes dynamiques, des coupes budgétaires sont à prévoir, et cela risque d'avoir des conséquences sur les Sdis. Je me réjouis donc du vote prévoyant l'augmentation de la taxe spéciale sur les conventions d'assurances (TSCA), qui contribue au financement des Sdis.
L'ANSC constitue un autre point critique, sur lequel il est inutile de revenir.
Se pose également la question récurrente du secours aux personnes et du manque de financement au regard de l'intervention exponentielle des Sdis. Un cercle non vertueux s'est mis en place, avec des pompiers qui font le travail d'autres services, sans être correctement financés pour la prise en charge de ces missions.
En conclusion, la sécurité civile est une chaîne vitale de protection. Nous connaissons l'attachement de nos concitoyens aux services de sécurité civile, en particulier les pompiers. Ce modèle n'a pas de prix, mais il a un coût qu'il s'agit d'assumer.
À ce stade, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) réserve son avis sur ce programme. Nous attendons les débats du 8 décembre prochain, en séance publique, pour déterminer notre vote.
M. Olivier Bitz. - Je remercie notre rapporteur, car sa tâche n'est pas facile. Le programme 161 ne regroupe en effet qu'une partie des dépenses de sécurité civile à l'échelle nationale. Il est donc difficile d'avancer sur la réponse opérationnelle à partir des débats budgétaires sur cette mission, dans la mesure où les Sdis ne sont pas compris dans le périmètre.
Nous attendons des suites du Beauvau de la sécurité civile des éléments sur la réponse globale à apporter. Si je prends l'exemple des moyens aériens, nous savons à quel point les enjeux sont enchevêtrés entre les Sdis et les services nationaux. Entre les moyens achetés - comme cela est prévu dans le cadre du PLF -, ceux loués par la sécurité civile et ceux loués par les Sdis, il est difficile de s'y retrouver.
Souvent, on s'imagine que le Canadair est la seule réponse à apporter aux feux d'espaces naturels. Cela explique que nous n'investissions pas suffisamment dans d'autres solutions au niveau national ; je pense notamment aux hélicoptères.
Par ailleurs, le redémarrage de la chaîne industrielle de production de Canadair est une bonne nouvelle. La commande de 20 appareils à l'échelle européenne a permis de réamorcer la chaîne de production canadienne, et nous disposerons d'ici quelques années de quatre Canadair supplémentaires, ce dont on peut se réjouir.
Cependant, je suis inquiet concernant cette commande. À ce jour, rien n'est prévu à Nîmes, sur la base qui accueille nos moyens aériens, pour à la fois accueillir, entretenir et assurer le maintien en condition opérationnelle de ces avions. Aujourd'hui, en dehors du temps de vol ou de celui dédié à la maintenance opérationnelle, notre flotte aérienne demeure à l'extérieur des hangars. Il suffirait d'un épisode de grêle et notre flotte aérienne serait ravagée.
La base de Nîmes est déjà saturée avec les douze Canadair et les autres aéronefs. Je ne vois pas comment nous pourrons accueillir quatre appareils supplémentaires. Le ministre de l'intérieur avait annoncé la création d'une deuxième base de sécurité civile dans le Sud-Ouest ; mais ce projet a été abandonné. Pour accueillir la flotte agrandie, plus de 40 millions d'euros avaient en outre été envisagés ; nous n'en voyons pas la trace dans les documents budgétaires proposés par le Gouvernement.
Enfin, je souhaite rappeler que ce programme finance également un quart de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP), à hauteur de 113 millions d'euros. Ce financement n'est pas négligeable, et il serait possible de récupérer des moyens pour des capacités d'intervention à un niveau national.
M. Jean-Michel Arnaud. - Je souhaite revenir sur le calendrier du Beauvau de la sécurité civile. Ce travail a été engagé depuis avril 2024. En septembre dernier, notre collègue, ancien ministre, François-Noël Buffet, avait présenté les grandes lignes de ses conclusions. Ce débat est vital à la fois pour un certain nombre de nos concitoyens en quête de secours, pour nos territoires les plus exposés aux risques de catastrophes naturelles et d'incendies, et pour les finances de nos collectivités locales. Or, nous attendons toujours la présentation d'un diagnostic précis, et d'orientations pour une réforme globale.
Des solutions ont été évoquées à plusieurs reprises par différents ministres. La question est de savoir quand nous allons pouvoir engager un plan pluriannuel, sur la base d'un contrat de confiance renouvelé avec les sapeurs-pompiers professionnels ainsi que, notamment dans les territoires ruraux, avec les sapeurs-pompiers volontaires, les blocs communaux et les conseils départementaux.
Le groupe Union Centriste (UC) va voter l'adoption des crédits de cette mission, mais je souhaite que nous puissions interroger le ministre de l'intérieur sur les perspectives à la suite du Beauvau de la sécurité civile, dans le cadre d'une audition.
Sur le financement de la sécurité civile par les contrats d'assurance, je me réjouis que lors de l'examen du projet de loi de finances en séance publique, un certain nombre de collègues aient suivi les propositions du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Sur ce sujet, mais également sur la remise cause d'une partie de la gratuité ou sur la question du secours à personne, il s'agit de trancher. Si tel n'est pas le cas, le jour où nous aurons affaire à de nouvelles catastrophes naturelles, nous serons responsables de l'incapacité à trouver des solutions durables.
Depuis la mise en place des schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques (Sdacr) et la responsabilisation des élus territoriaux sur la délivrance d'un service de sécurité civile, nous avançons peu ou mal. C'est la raison pour laquelle je souhaite que l'on puisse interroger le ministre de l'intérieur en vue d'avancer sur la base du travail effectué par le ministère de l'intérieur.
M. Hussein Bourgi. - Le rapport de synthèse du Beauvau de la sécurité civile illustre la complexité de la situation des Sdis. J'ai le sentiment que les choses n'évoluent pas, hormis l'augmentation annoncée du budget.
Cet été, un incendie a ravagé une large partie du département de l'Aude. Le Premier ministre de l'époque, François Bayrou, s'était rendu sur place avec une partie des membres du gouvernement. À cette occasion, il avait annoncé des commandes de Canadair, comme si cela revenait à acheter un objet dans un supermarché. La gravité du moment nous avait conduits à ne pas relever l'incongruité de ces annonces. Je regrette néanmoins que nous vivions, depuis plusieurs années, avec ces effets d'annonce.
Par ailleurs, nous pourrions nous réjouir de l'augmentation annoncée de ce budget. Mais ce qui importe, c'est le taux d'exécution, la consommation des crédits engagés sur le périmètre prévu. Pour ce qui concerne la flotte aérienne, des annonces sont faites pour 2033 ; comment fait-on d'ici là ? Nous en sommes réduits à espérer que des incendies comme celui qui a ravagé l'Aude l'an dernier ne se reproduisent pas. Si de tels incendies devaient survenir au même moment à deux endroits différents du territoire national, la solidarité entre les Sdis et l'échelon national ne suffirait plus à répondre à la situation.
Les orientations budgétaires présentées ne me rassurent pas, car elles me rappellent des épisodes précédents, avec des livraisons qui ne se concrétisent pas.
Lorsque Gérald Darmanin était ministre de l'intérieur, il avait reconnu une difficulté avec la ligne de production des moyens aériens au Canada. On avait alors évoqué la possibilité de relocaliser cette production. Plutôt que de réaliser ces acquisitions auprès du Canada, il appartient à l'Union européenne de trouver un fabricant sur le territoire européen. Ainsi, nous pourrions concilier le renforcement de la souveraineté européenne et une meilleure lisibilité sur les délais de livraison.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. -Je veux apporter des précisions aux propos de mon collègue Olivier Bitz. La brigade des sapeurs-pompiers de Paris s'appelle improprement ainsi. En réalité, le financement de cette brigade, dont le total s'élève à 440 millions d'euros, concerne la Ville de Paris ainsi que les départements limitrophes - Val-de-Marne, Hauts-de-Seine et Seine-Saint-Denis - et 123 communes. L'État contribue à hauteur d'un quart du budget de la BSPP, notamment en raison du nombre de monuments nationaux couverts au sein de ce périmètre.
Mme Françoise Dumont, rapporteur pour avis. - Monsieur Kanner, j'estime également que nous gérons l'urgence et que nous aurions dû entrer depuis longtemps dans une phase d'anticipation plus active.
La baisse des frais d'entretien des aéronefs que vous mentionnez est due à une renégociation du marché de maintien en condition opérationnelle (MCO) avec la société Sabena. Le directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises a précisé que cette renégociation avait permis de recentrer les missions confiées à l'entreprise, avec des économies importantes à la clé.
S'agissant de la livraison des canadairs, il est regrettable que chaque année, lors de l'examen de cet avis budgétaire, j'avance une date différente pour la réception des appareils. J'espère que le calendrier sera respecté et que d'autres pays européens ne seront pas servis avant nous. En outre, parmi les projets européens qui travaillent à l'élaboration d'aéronefs en mesure de répondre aux besoins français et européens, deux dossiers ont notamment retenu l'attention du ministère de l'intérieur, qui leur a adressé des courriers d'intérêts. Néanmoins et comme cela a été rappelé, les moyens aériens ne sont pas les seules armes pour lutter contre les feux de forêt. Même si cela n'est pas l'objet de ce rapport, il est essentiel que nous soyons vigilants au fonctionnement et au budget des Sdis.
À cet égard, je rejoins vos préoccupations sur les perspectives à la suite du Beauvau de la sécurité civile ; si rien n'est fait, nous allons dans le mur. Les Sdis et les communes n'ont plus les moyens de répondre aux besoins de financement, et les départements suivent la même trajectoire. Les Sdis sont confrontés à une augmentation exponentielle des coûts d'assurance et d'entretien du matériel. Si nous ne leur donnons pas les moyens d'acquérir du matériel, la situation va devenir difficile.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Sécurité civile » de la mission « Sécurités ».
COMPTE-RENDU DE L'AUDITION DE M. LAURENT NUNEZ, MINISTRE DE L'INTÉRIEUR
Mme Muriel Jourda, présidente. - Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue devant notre commission, qui n'a pas encore eu l'occasion de vous entendre depuis votre entrée en fonctions. Nous sommes heureux de vous accueillir dans le cadre de nos travaux sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2026. Comme la précédente, cette loi de finances s'inscrit non seulement dans la poursuite d'un effort de maîtrise de la dépense publique, mais aussi dans un contexte politique particulièrement difficile.
Nous notons que les trois missions budgétaires dont vous avez la charge - « Immigration, asile et intégration », « Sécurités » et « Administration générale et territoriale de l'État » - voient leurs crédits augmenter. Il s'agit d'un effort assez important, que l'on ne saurait minimiser, et qui témoigne du caractère prioritaire de ces politiques publiques régaliennes. Toutefois, l'augmentation globale des crédits masque parfois des variations importantes parmi les composantes des dépenses, qui traduisent certains choix politiques.
Comme de coutume, je vous laisse la parole afin que vous nous présentiez les grandes lignes du projet de budget 2026 du ministère de l'intérieur. Les rapporteurs de la commission puis l'ensemble des commissaires vous poseront ensuite leurs questions.
M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur. - Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est un honneur d'être auditionné par votre commission pour défendre le projet de budget du ministère de l'intérieur pour 2026. Ce budget doit permettre d'assurer le financement des priorités indispensables pour rendre un service public de meilleure qualité, protéger nos concitoyens et lutter contre toutes les menaces que nous connaissons actuellement, en premier lieu desquelles le narcotrafic et le terrorisme.
Les crédits du ministère de l'intérieur pour 2026 s'établissent à 24,5 milliards d'euros, dont 15,4 milliards au titre de la masse salariale hors pension, et 9 milliards de dépenses de fonctionnement et d'investissement. La masse salariale représente 63 % du budget global du ministère ; elle est en diminution d'un point, puisque, dans le cadre de la loi de finances initiale (LFI) pour 2024, elle s'établissait à 64,1 %. Cette orientation, conforme à l'ambition initiale de la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), correspond à l'objectif de garantir aux agents du ministère d'exercer leurs missions dans de bonnes conditions matérielles, tout en modernisant les modalités de notre action.
Notre budget augmente de 587 millions d'euros, dont 200 millions au titre des dépenses électorales, servant à financer l'organisation des prochaines élections municipales et sénatoriales. Cette augmentation, bien qu'elle ne corresponde pas à l'euro près à la trajectoire initiale prévue par la Lopmi, permet de répondre aux besoins de modernisation du ministère. En effet, l'évolution des crédits de la mission « Sécurités » et du programme « Administration territoriale de l'État » est supérieure à celle qui était initialement prévue dans la loi d'orientation, grâce aux économies réalisées sur le programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ». Aussi le ministère de l'intérieur contribue-t-il au redressement des comptes publics, tout en finançant ses priorités en cohérence avec les ambitions de la Lopmi et en réalisant des économies sur ses fonctions support.
Ainsi, le budget pour 2026 permettra la création de 1 600 équivalents temps plein (ETP), indispensable pour assumer des missions dont le nombre augmente fortement. Il est réparti de la façon suivante : la mission « Sécurités » se voit attribuer 17,7 milliards d'euros, soit 72,3 % du budget du ministère de l'intérieur ; cette somme augmente de 371 millions d'euros par rapport à celle qui était prévue par la LFI pour 2025, et est supérieure de 103 millions d'euros à la trajectoire prévue par la Lopmi.
Nous prévoyons 2,2 milliards d'euros pour la mission « Immigration, asile et intégration », soit 8,8 % du budget du ministère, ce qui correspond à une augmentation de 80 millions d'euros par rapport à la LFI pour 2025.
Quant à la mission « Administration générale et territoriale de l'État », 3,9 milliards d'euros de crédits sont inscrits en excluant le programme « Vie politique » dépendant du calendrier électoral, soit 16,1 % du budget ministériel. Cette somme est en diminution de 72 millions d'euros par rapport à 2025, du fait des économies que j'évoquais à l'instant.
Sur la base de ce cadrage macrobudgétaire, je vous propose de détailler succinctement chacune des missions précitées, ce qui permettra de présenter les principales hypothèses retenues pour la construction du budget qui sera soumis à votre vote.
Au sein de la mission « Sécurités », les crédits du programme « Police nationale » augmentent de 158,7 millions d'euros par rapport à 2025. Nous pouvons ainsi financer les priorités suivantes : la création de 1 000 ETP supplémentaires pour répondre aux enjeux de la filière investigation, mais aussi pour armer les centres de rétention administrative (CRA) livrés l'année prochaine, en particulier à Dunkerque ; le financement du « plan investigation » dans ses autres composantes qu'humaines, en particulier le renforcement de l'équipement numérique des services ; la poursuite de l'effort en matière de transformation numérique, pour améliorer tant les conditions de travail des policiers que leur relation aux usagers - je songe notamment à l'acquisition de drones, à la lutte antidrone ou à la vidéoprotection de la préfecture de police ; la garantie d'un équipement adapté pour assurer la sécurité et l'efficacité des personnels, pour lesquels nous poursuivons évidemment nos efforts en 2026. En outre, le maintien des crédits immobiliers à un niveau élevé - 283 millions d'euros - permet de couvrir les dépenses déjà engagées, notamment les travaux de l'hôtel des polices de Nice, mais aussi d'accompagner les nouveaux programmes immobiliers.
Le budget du programme « Gendarmerie nationale » augmente de 163 millions d'euros. Il servira notamment à financer la création des 400 emplois nécessaires au déploiement des nouvelles brigades souhaitées par le Président de la République - nous prévoyons le déploiement de 58 unités en 2026. Nous poursuivons l'effort en matière immobilière, les crédits dédiés augmentant de 100 millions d'euros par rapport à 2025 pour s'établir à 279 millions d'euros en crédits de paiement. À cela s'ajoute l'autorisation interministérielle de lancer la consultation d'entreprises pour la rénovation du site de Satory, dans le cadre d'un partenariat public-privé. Le renforcement de la présence sur la voie publique est assuré par l'augmentation de 100 millions d'euros des crédits en faveur de la réserve opérationnelle - je détaillerai ce sujet en réponse à vos questions. Nous assurerons également la fourniture de certains équipements prioritaires, tels que les véhicules de maintien de l'ordre.
Les crédits du programme « Sécurité civile » augmentent de 49,8 millions d'euros, ce qui permet de financer la création de 50 emplois nouveaux, nécessaires notamment pour poursuivre la montée en puissance du quatrième régiment de sécurité civile, l'acquisition de deux nouveaux canadairs ou encore le renouvellement de la flotte d'hélicoptères.
Enfin, le budget de l'action « Sécurité et éducation routières » est stable par rapport à 2025. L'objectif prioritaire reste la diminution du délai de passage du permis de conduire. À cet effet, la mission « Administration générale et territoriale de l'État » porte la création de 10 emplois d'inspecteurs du permis de conduire.
Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » augmentent de 80 millions d'euros par rapport à 2025. Cette hausse permettra d'accompagner la mise en oeuvre du pacte européen sur la migration et l'asile, de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, ainsi que la réalisation du plan visant à créer 3 000 places dans les CRA. Nous prévoyons la livraison de deux nouveaux centres en 2026, à Dunkerque et à Bordeaux, ainsi que la création de 52 places dans le CRA de Rennes et celle de 28 places dans celui de Metz. La dernière grande priorité de cette mission est la poursuite du déploiement des grands programmes numériques, en particulier de l'administration numérique pour les étrangers en France (Anef), qui doit être sécurisé pour faciliter le travail des agents et améliorer l'accueil des usagers.
Enfin, les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » se répartissent de la façon suivante. Le budget du programme « Administration territoriale de l'État » augmente de 64 millions d'euros, ce qui permet de financer la création de 50 ETP supplémentaires et de poursuivre le rattrapage du retard d'investissement dans l'immobilier de l'administration territoriale de l'État, ainsi que la modernisation des infrastructures de services numériques.
Les crédits du programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » diminuent quant à eux de 134 millions d'euros, notamment en raison de la révision du calendrier de paiement des grands projets, en particulier celui du site unique de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), ou à cause de la prise en compte des taux de couverture en matière de vidéoprotection. Les moyens alloués permettront de poursuivre l'effort en matière numérique dans le contexte du déploiement à venir du réseau Radio du futur, mais aussi de financer la mobilisation de l'intelligence artificielle pour optimiser les processus métiers, le portage des projets du site unique de la DGSI et d'Universeine, où le regroupement de plusieurs administrations centrales permettra de réaliser à terme des économies de 35 millions d'euros par an. Enfin, nous poursuivons l'effort en matière d'action sociale, avec une hausse de plus de 10 millions d'euros, et nous créons 50 emplois visant à assurer la réinternalisation des compétences, notamment en matière numérique, qui permettront de futures économies.
Ainsi que je l'indiquais, les crédits du programme « Vie politique » augmentent de 200 millions d'euros pour financer l'organisation des élections municipales et sénatoriales.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le constatez, le budget du ministère de l'intérieur pour 2026 permet de poursuivre la modernisation et la dynamisation des services dans le souci de rendre le meilleur service au public, tout en garantissant de bonnes conditions de travail aux personnels présents sur l'ensemble du territoire national. Je le souligne, le ministère parvient à trouver un équilibre entre sa contribution au redressement des comptes publics - j'ai souligné les efforts importants en la matière - et le maintien du financement de ses priorités.
Enfin, j'appelle votre attention sur les mesures de la première partie du projet de loi de finances qui concernent le ministère de l'intérieur. Elles visent notamment à augmenter les frais administratifs payés par les étrangers, afin que le coût d'obtention d'un titre - qu'il s'agisse du timbre fiscal pour la demande d'une carte de séjour, des frais appliqués pour l'échange de permis de conduire étrangers ou des demandes de naturalisation, etc. - s'inscrive dans la moyenne européenne et soit supérieur aux coûts des titres nationaux actuellement pratiqués, pour tenir compte de l'augmentation des frais de gestion. Ces recettes supplémentaires soumises à votre vote bénéficieraient au budget du ministère de l'intérieur et serviraient à renforcer la politique d'intégration, en permettant notamment aux préfets d'accompagner la mise en oeuvre de la circulaire du 26 juin 2025 sur l'insertion professionnelle des étrangers en situation régulière, qui, ainsi que je l'affirmais à l'instant lors de la séance de questions au Gouvernement, n'est évidemment pas remise en cause.
M. Henri Leroy, rapporteur pour avis de la mission « Sécurités ». - Monsieur le ministre, afin que nous comprenions mieux la répartition des crédits entre les programmes 152 « Gendarmerie nationale » et 176 « Police nationale », j'aurai quatre questions à vous poser.
Premièrement, je constate avec satisfaction que le budget proposé pour 2026 respecte les ciblées fixées par la Lopmi, voire les dépasse dans certains cas. Pour autant, la Lopmi avait également pour objectif de rééquilibrer les dépenses au profit du fonctionnement et de l'investissement. Or le déséquilibre entre ces dernières et la courbe ascendante des dépenses de personnel ne semble pas se résorber, faisant courir à long terme un risque sur le maintien des capacités opérationnelles. Quelles actions comptez-vous engager pour rééquilibrer la répartition des dépenses, comme le préconisait la Lopmi ?
Deuxièmement, les cibles de recrutement fixées par la Lopmi pour l'année 2025 n'ont pas été respectées : les schémas d'emplois des programmes 152 et 176 étaient neutres. Si la création de 1 000 ETP pour la police nationale permet un rattrapage partiel en 2026 de cette année blanche, il n'en va pas de même pour la gendarmerie qui, avec seulement 400 postes créés, voit cette année blanche « confirmée ». Quelles raisons ont présidé à cet arbitrage, qui revient de facto à privilégier la sauvegarde de la trajectoire du programme 176 sur celle du programme 152 ? Un rattrapage est-il prévu en 2027 ? Quel sera l'impact de cette décision sur le respect du plan de création de 239 brigades de gendarmerie, dont près de la moitié, à savoir 101, devront être financées durant la dernière année de programmation ?
Troisièmement, le renouvellement du parc automobile accumule les retards. Si les crédits ouverts pour la police nationale sont pour la première fois en trois ans supérieurs au seuil de renouvellement - 2 900 acquisitions de véhicules sont programmées, pour un seuil fixé à 2 500 -, ils ne combleront que partiellement les manques de 2024 et de 2025. Les chiffres sont encore plus dégradés pour la gendarmerie, pour laquelle entre 600 et 700 acquisitions de véhicules sont programmées en 2026, quand le seuil de renouvellement du parc est fixé à 3 750 véhicules. Monsieur le ministre, vous le savez très bien pour être un ancien de la maison, le vieillissement accéléré du parc a déjà des conséquences opérationnelles. Quels leviers d'action comptez-vous employer pour inverser cette tendance ?
Enfin, quatrièmement, le renouvellement de la flotte d'hélicoptères de la gendarmerie nationale, les fameux AS350 Écureuils, est pressant : les 26 aéronefs, dont la moyenne d'âge approche les 40 ans, sont soit déjà hors service soit en passe d'être retirés du service. Faute de moyens suffisants, la gendarmerie pourrait rapidement subir une rupture capacitaire majeure dans les airs. Ma question est donc simple : les financements vont-ils être mis sur la table, et quand ? Il y a désormais urgence ; je le rappelle, il manque encore 355 millions d'euros pour financer ce renouvellement.
M. Bruno Belin, rapporteur spécial de la commission des finances sur la mission « Sécurités ». - Lors de la présentation des crédits de cette mission, la commission des finances a soulevé les mêmes points qu'Henri Leroy vient de mentionner. Un effort soutenu est réalisé pour la police nationale : dont acte. En ce qui concerne la sécurité routière, le montant prévu de 10 ETP supplémentaires semble très faible devant les difficultés pour faire passer les examens du permis de conduire.
Effectivement, les crédits affectés à la gendarmerie nationale posent d'importants problèmes. Bien sûr, un effort particulier a été fait sur l'immobilier, grâce notamment à un rapport sénatorial - veuillez excuser ce manque d'humilité, mais si les travaux commencent enfin à Dijon ou à Satory, c'est bien parce que le sujet de l'immobilier a été soulevé par le Sénat.
Ainsi qu'Henri Leroy l'a indiqué, en ce qui concerne les moyens humains, les postes dont la création est prévue par le PLF 2026 sont en réalité ceux qui étaient prévus dans le budget de l'année passée. Il y a un décalage, et la différence est donc nulle : il n'y a pas de création de postes.
En outre, de grosses difficultés concernent les matériels : rien n'est prévu pour le remplacement des Famas, les fusils d'assaut de la manufacture d'armes de Saint-Étienne ; or je ne vois pas comment des militaires sont utiles s'ils n'ont pas d'armes. Par ailleurs, les arbitrages ont fait que, sur les 26 nouveaux hélicoptères prévus par le budget de l'an passé, 24 ont été attribués à la sécurité civile. Même si ce choix était sans doute justifié, nous nous accordons tous pour dire que ces hélicoptères sont indispensables pour la surveillance du territoire. Il y a là un vrai point d'alerte.
Enfin, nous lançons une autre alerte au sujet de la réserve opérationnelle, tant de la police nationale que de la gendarmerie nationale. Nous trouvons les moyens humains, mais il faut aussi équiper les 40 000 à 50 000 volontaires qui souhaitent y entrer. Nous insistons en particulier sur les véhicules : il faudrait 3 000 véhicules supplémentaires pour assurer le renouvellement de la flotte, mais seulement 600 nouveaux véhicules sont prévus, soit 6 par département...
M. David Margueritte, rapporteur pour avis de la mission « Immigration, asile et intégration ». - Monsieur le ministre, mon collègue Olivier Bitz et moi-même avons cinq questions à vous poser.
Premièrement, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » augmentent de manière significative, notamment pour accroître les capacités de rétention et le nombre de zones d'attente. Nous nous en réjouissons, car il s'agit en effet d'une priorité. Néanmoins, cette augmentation doit être mise en regard de la sous-consommation chronique des crédits liés à l'investissement dans ces programmes immobiliers, qui semble, d'après les premiers éléments dont nous disposons, se poursuivre en 2025. L'atteinte de l'objectif de 3 000 places en CRA en métropole a été décalée de deux ans - de 2027 à 2029 - par rapport au calendrier fixé par la Lopmi, en raison notamment des difficultés rencontrées dans certains territoires, qu'il s'agisse de problèmes fonciers ou d'acceptabilité des projets. Monsieur le ministre, pouvez-vous garantir que ces 3 000 places pourront bien voir le jour d'ici à 2029 ?
Deuxièmement, malgré l'amélioration qui se dessine en 2025 en matière d'exécution des mesures d'éloignement, le compte n'y est pas encore, au moins pour deux raisons. D'une part, il faut tenir compte de l'insuffisante capacité de rétention dans les centres. Durant la séance de questions au Gouvernement, nous avons d'ailleurs entendu Marie-Carole Ciuntu s'interroger sur le rôle des associations et rappeler que sa proposition de loi relative à l'information et l'assistance juridiques en rétention administrative et en zone d'attente, adoptée par le Sénat, a été transmise à l'Assemblée nationale. D'autre part, plus essentiellement, le compte n'y est pas en raison de l'absence de coopération des États tiers, notamment de l'Algérie, d'où 40 % de la population des CRA est originaire. Le refus d'appliquer le protocole d'accord sur les réadmissions de 1994 et l'arrêt de la coopération consulaire posent de vraies difficultés. Quelles mesures concrètes proposez-vous pour restaurer le rapport de force avec les autorités algériennes ?
Ma troisième question concerne le pacte européen sur la migration et l'asile, qui entrera en application le 12 juin prochain. 85 millions d'euros sont inscrits au PLF 2026 pour l'application de ce pacte, mais en décembre dernier il était plutôt question de 150 millions d'euros. Comment expliquez-vous cet écart ? En outre, tous les acteurs que nous avons reçus nous ont fait part de leurs incertitudes quant à l'application de cette nouvelle réglementation : quand sera déposé un projet de loi visant à préciser ses conditions d'application ?
Quatrièmement, le PLF 2026 prévoit un budget constant en ce qui concerne la formation linguistique et civique, dans un contexte d'augmentation des exigences prévue par la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration. Il semblerait que l'on constate une dégradation de la qualité des formations, liée à leur passage intégral dans un format distanciel - à l'exception de celles destinées aux non-lecteurs et non-scripteurs. Pourriez-vous nous rassurer quant aux conséquences de la transition vers des formations entièrement en distanciel ?
Enfin, avec ma dernière question, je me fais le relais des élus du littoral de la Manche et de la mer du Nord. Les difficultés s'accroissent en raison de l'augmentation manifeste du nombre de migrants qui cherchent à joindre illégalement le Royaume-Uni. Quelles actions pouvez-vous mettre en place d'urgence, et quel premier bilan tirez-vous de l'accord franco-britannique signé l'été dernier ?
Mme Muriel Jourda, présidente. - Monsieur le ministre, mes chers collègues, je me permets de me substituer à nos rapporteurs pour avis qui n'ont pas pu assister à notre réunion.
Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis de notre commission sur le programme « Sécurité civile », souligne que l'acquisition d'avions bombardiers d'eau au niveau européen dépend actuellement d'un acteur canadien, en l'absence d'une production industrielle sur le territoire de l'Union européenne. Le ministère de l'intérieur a signé des lettres d'intention à destination de certains porteurs de projets européens. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer plus précisément quelles suites pourraient être apportées à cette démarche et s'il sera possible, à plus ou moins court terme, de passer commande auprès de ces porteurs de projets européens ?
Monsieur le ministre, Mme Cécile Cukierman, rapporteure pour avis de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » (AGTE), souhaite vous interroger sur le rôle du préfet, renforcé par des mesures réglementaires publiées durant l'été 2025. Devant la commission des lois de l'Assemblée nationale, vous aviez indiqué vouloir faire vivre cette politique à travers le prochain acte de décentralisation, ce qui nous convient. Toutefois, aucun moyen budgétaire spécifique n'est prévu pour accompagner cette ambition. Comment le préfet peut-il devenir le patron des services de l'État sans les moyens budgétaires associés ?
Par ailleurs, nous achevons le cycle 2022-2025 des missions prioritaires des préfectures. À moins que ces missions ne disparaissent, ce dont je doute, quel cap entendez-vous désormais donner aux agents de l'administration déconcentrée ?
Concernant les effectifs de l'administration territoriale de l'État, les schémas d'emplois déjà réalisés, conjugués aux redéploiements réalisés en 2024 et à l'annonce de la création de 50 ETP en 2026, ont permis de déployer 365 postes supplémentaires depuis 2023. Cette administration, qui compte près de 30 000 ETP, a perdu 4 700 ETP entre 2010 et 2020 alors que sa charge d'activité ne cesse de croître. En dix ans, le nombre de titres de séjour délivrés a augmenté de 56 %, tandis que les effectifs des services ont progressé de 30 %. On peut certes avancer qu'il faut tenir compte d'une amélioration de la productivité, mais cela provoque en réalité un allongement des délais et une détérioration du service. Un quart des sous-préfectures ne sont plus en mesure d'accueillir du public, alors que la proximité constitue le fondement de l'État territorial - je sais que vous partagez cette opinion, monsieur le ministre. Dès lors, comment enrayer la dégradation des services, qui pèse à la fois sur les usagers et sur les agents ?
M. Laurent Nunez, ministre. - Messieurs les sénateurs Leroy et Belin, vous avez raison : même si un certain nombre d'hélicoptères de la sécurité civile ont été renouvelés, le renouvellement de la flotte d'hélicoptères de la gendarmerie nationale est un enjeu opérationnel pour le ministère. Ainsi que je l'ai annoncé au directeur général de la gendarmerie nationale et aux représentants de la gendarmerie nationale, des travaux sont en cours pour déterminer le volume d'hélicoptères, notamment les H145, qu'il est nécessaire de commander. Nous allons lancer des travaux supplémentaires afin d'ouvrir la discussion avec le ministère des comptes publics dans la perspective du projet de loi de finances pour 2027. Pour autant, nous avons débuté le renouvellement de la flotte d'hélicoptères de la gendarmerie nationale. Dans le cadre du plan de relance, nous avons commandé dix H160 et six H145 en 2024 pour débuter le remplacement de la flotte d'Écureuils, deux d'entre eux ayant d'ailleurs été financés dans le cadre des accords de Sandhurst.
Le renouvellement du parc automobile est effectivement une question extrêmement sensible, d'autant plus que ces équipements structurants n'ont pas été renouvelés de manière linéaire ces dernières années. Des efforts très importants ont été faits dans le cadre du plan de relance en 2021-2022, permettant l'acquisition de 12 000 véhicules. Aujourd'hui, dans le contexte financier contraint actuel, la programmation des moyens mobiles s'organise en deux temps. Comme vous l'avez rappelé, dans un premier temps, le PLF pour 2026 prévoit le renouvellement de 2 900 véhicules pour la police nationale et de 600 véhicules pour la gendarmerie. En accord avec le ministre Bruno Retailleau, dont je prolonge l'action, la gendarmerie a privilégié la poursuite du renforcement des moyens financiers alloués à l'immobilier, lesquels augmentent de 100 millions d'euros. Une seconde étape est évidemment prévue. Je ne peux pas m'engager sur des chiffres, mais, ainsi que nous l'avons indiqué aux représentants de la gendarmerie, des commandes complémentaires seront passées dans le cadre du projet de loi de fin de gestion, en fonction des moyens financiers qu'il sera possible de dégager. Nous donnerons alors clairement la priorité aux moyens mobiles. Les travaux sont en cours et, dans ce cadre, il sera possible de procéder à des acquisitions supplémentaires.
Pour ce qui concerne l'évolution du schéma d'emplois, le ministère de l'intérieur a bénéficié d'un arbitrage favorable dans le PLF 2026. Je le répète, même si nous ne respectons pas forcément les trajectoires prévues par la Lopmi, ces arbitrages nous permettent de créer 1 600 ETP, dont 1 450 seront affectés au bénéfice des missions de sécurité - 1 000 pour la police nationale, 400 pour la gendarmerie nationale et 50 pour la sécurité civile. En outre, même si ces emplois ne sont pas portés par la mission « Sécurités » et bien que le chiffre paraisse insatisfaisant, nous avons tout de même prévu la création de 10 emplois d'inspecteurs du permis de conduire.
La répartition de ces créations d'emplois repose sur une démarche pragmatique. Nous avons voulu nous concentrer sur nos priorités. Pour la gendarmerie, 400 emplois sont créés au bénéfice des nouvelles brigades, dont nous poursuivons la création. Une centaine d'entre elles ont déjà été créées, et nous prévoyons d'en créer 58 autres en 2026. Il y aura évidemment une troisième année et un troisième cycle de création. Nous avons fléché ces crédits sur les brigades territoriales, qu'elles soient fixes ou mobiles.
Au sujet des moyens de la police aux frontières, nous avons également prévu la création d'effectifs pour armer les CRA. Deux CRA seront créés, et deux autres seront étendus. Il s'agit également d'armer les équipes pour assurer le déploiement du système européen d'entrée et de sortie (EES).
Nous prévoyons ensuite le renforcement de la filière investigation en matière de police. Je présenterai prochainement le « plan investigation » préparé par mon prédécesseur aux organisations syndicales. Ce plan me convient ; évidemment, je devrai également en discuter avec le garde des sceaux, lui aussi concerné. L'affectation de nos ETP correspond donc à la volonté de répondre à nos priorités. Nous avons d'ailleurs attribué une trentaine d'ETP pour assurer la montée en puissance du quatrième régiment de sécurité civile.
Monsieur le sénateur Leroy, vous avez raison de souligner l'éviction des dépenses salariales sur les dépenses de fonctionnement et d'investissement. Nous avons subi les effets de certaines mesures salariales générales, notamment les mesures dites Guerini, c'est-à-dire la revalorisation du point d'indice et l'ajout de cinq points d'indice majorés pour chaque fonctionnaire à compter du 1er janvier 2024. Ainsi, la masse salariale a augmenté : elle représentait 75,6 % des crédits de la mission « Sécurités » en LFI 2023, et s'est établie à 76,1 % dans la LFI 2024. Depuis 2025, nous avons réalisé un effort pour la maîtriser : dans le cadre du PLF 2026, elle représente 74,8 % des crédits de la mission « Sécurités ».
Cet effort en matière de crédits de fonctionnement et d'investissement permet tout de même de répondre aux ambitions de la Lopmi et de respecter les engagements pris. L'effort immobilier est notamment maintenu à un niveau assez haut, ce qui permet de porter des projets immobiliers majeurs pour la police nationale, notamment l'ouverture de l'hôtel des polices de Nice. Il permet également de remettre à niveau l'immobilier de la gendarmerie nationale : 279 millions d'euros de crédits de paiement sont prévus dans le PLF 2026, contre 176 millions dans la LFI 2025. Nous poursuivons évidemment les efforts en matière de modernisation des équipements numériques et de développement des systèmes d'information, dont le réseau « Radio du futur » et d'autres solutions d'intelligence artificielle. Par exemple, nous fondons beaucoup d'espoir sur le logiciel Parole, qui permet de retranscrire les procès-verbaux d'audition.
Monsieur le sénateur Belin, je prends note de votre remarque sur le besoin de créer des postes d'inspecteurs du permis de conduire. Dans le contexte budgétaire contraint, nous faisons tout de même un effort avec la création de 10 ETP. En ce qui concerne le remplacement des Famas, mes services réuniront davantage d'éléments.
Quant aux réserves opérationnelles, elles restent effectivement une de nos priorités. Les crédits augmentent de 25 millions d'euros pour la gendarmerie, pour atteindre 100 millions d'euros ; pour la police, ils passent de 39 à 46 millions d'euros. Nous comptons déjà 40 000 réservistes dans la gendarmerie et 10 000 dans la police, et nous avons pour objectif d'atteindre le plus vite possible 30 000 réservistes dans la police et 50 000 dans la gendarmerie. À mes yeux, cela reste une priorité, car les réserves ont maintenant un rôle opérationnel majeur.
J'en viens aux questions de M. le sénateur David Margueritte sur l'immigration. Nous avons bon espoir - en tout cas, j'y veillerai - de voir le plan de création de 3 000 places en CRA aboutir en 2029. Notre programme me semble réaliste au regard des prévisions. Ainsi que je l'indiquais, nous créerons en 2026 les CRA de Bordeaux et de Dunkerque, et nous étendrons ceux de Rennes et de Metz pour atteindre 2 299 places en 2026. En 2027, nous créerons le CRA de Dijon, qui comptera 140 places et nous permettra d'atteindre 2 439 places. En 2028, les CRA de Nantes, de Béziers, d'Oissel et du Mesnil-Amelot permettront d'atteindre 2 923 places. L'ouverture du CRA d'Aix-Luynes, avec ses 140 places, nous permettra d'atteindre 3 063 places en 2029. Effectivement - je reprends mon ancienne casquette de préfet de police, chargé de certains de ces projets pour la région d'Île-de-France -, les aléas immobiliers, des questions d'urbanisme, des autorisations diverses et variées et des procédures environnementales peuvent évidemment provoquer un certain nombre de retards, lesquels ont entraîné une sous-consommation de crédits, ce qui a conduit à rééchelonner le déploiement des projets sans aller toutefois au-delà de l'échéance fixée à 2029. Nous veillerons donc à atteindre l'objectif ambitieux que s'était fixé le Gouvernement.
En ce qui concerne la lutte contre l'immigration clandestine (LIC), 70 272 personnes ont été impliquées en 2024 dans des tentatives de traversée de la Manche à destination du Royaume-Uni, dont 5 156 via le seul vecteur routier, par l'intermédiaire des ferries ou du tunnel sous la Manche, et 65 116 à bord d'embarcations. La majorité des passages - 93 % des tentatives - se fait donc à bord d'embarcations de fortune, appelées small boats. Au total, 36 759 personnes ont réussi la traversée et sont parvenues au Royaume-Uni, tandis que 28 357 personnes en ont été empêchées par les forces de sécurité intérieure. Je le rappelle, le dispositif concerne 1 200 effectifs, policiers et gendarmes, présents en permanence. L'action de ces forces a permis d'intercepter 68 % des tentatives de départ d'embarcation. En 2024, nous déplorons 89 décès, 78 étant intervenus sur le seul vecteur maritime.
En 2025, l'activité migratoire sur la Manche a connu une augmentation soutenue. Le 31 octobre dernier, 36 949 personnes étaient arrivées au Royaume-Uni, soit une augmentation de 19 %. Cette hausse est due moins à celle du nombre des traversées qu'à celle de la capacité des navires, qui met en péril la sécurité de ceux qui se risquent sur la Manche : en 2024, les embarcations transportaient en moyenne 53 personnes, contre 61 personnes au cours du premier semestre 2025. Voilà pour le constat.
Dans le cadre de la lutte contre l'immigration clandestine en mer du Nord et sur la Manche, nous déployons d'importants moyens humains et matériels, dont une part importante est financée par les Britanniques au titre de l'accord de Sandhurst, en cours de renégociation. C'est dans ce sens que Bruno Retailleau avait relancé les discussions ; j'espère poursuivre dans cette voie et parvenir à une hausse des crédits britanniques.
Parmi les 1 200 effectifs de police et de gendarmerie, 850 postes sont financés par les Britanniques. Ils sont déployés quotidiennement sur le littoral afin d'empêcher les traversées irrégulières. Nous avons également développé des moyens de surveillance aérienne - drones, hélicoptères, avions -, en grande partie financés par le Royaume-Uni, qui permettent d'optimiser l'intervention au sol de nos forces de sécurité intérieure. Celles-ci sont ainsi guidées par les moyens aériens, avec des images transmises directement au centre de coordination zonal basé à Lille.
Les accords de Sandhurst prévoient également le financement d'un certain nombre d'équipements pour nos forces au sol. Ces crédits financent aussi la construction de projets immobiliers, notamment celle du CRA de Dunkerque, ainsi que celle de certains centres de formation de réservistes et une brigade de gendarmerie.
Nous devons faire évoluer notre doctrine d'intervention en mer - particulièrement attendue par la partie britannique -, afin de sécuriser et d'augmenter l'efficacité de l'intervention de nos forces de sécurité intérieure, puisque nous assistons de plus en plus à des départs qui s'effectuent en mer, avec des navires qui viennent récupérer les migrants déjà à l'eau. J'y travaille ardemment avec le secrétariat général de la mer (SGMer) et nous espérons aboutir rapidement.
L'accord conclu par mon prédécesseur et signé à la fin du mois de juillet dernier prévoit la réadmission légale sur le territoire national de personnes arrivées au Royaume-Uni en small boat et dont la demande d'asile sur ce territoire a été rejetée, en contrepartie de l'acceptation, par ce même État, dans le cadre d'une immigration légale, d'un certain nombre de ressortissants de pays tiers présents en France et souhaitant le rejoindre.
Depuis l'entrée en vigueur de l'accord, nous avons reçu de la part des autorités britanniques 304 demandes de réadmission sur notre territoire. Nous relevons que les nationalités afghane, érythréenne, iranienne et soudanaise sont les plus représentées. Dans le même temps, nous avons enregistré 1 455 demandes d'admission sur le territoire britannique. Au total, ce sont 94 individus qui ont été réadmis en France et 60 autres qui ont été admis légalement au Royaume-Uni.
Je resterai prudent, car l'accord est expérimental, son application ne fait que commencer et nous devons encore en évaluer les effets. Je dois en discuter avec mon homologue britannique dans les jours qui viennent et ma position n'est pas encore tranchée.
Comme mes prédécesseurs, mon souhait est aussi d'obtenir l'implication de l'Union européenne dans ce dossier. Nous gérons en effet, avec les Britanniques, dans le cadre d'un accord bilatéral, une frontière extérieure de l'Union - ce qui peut légitimement surprendre nos concitoyens et, a fortiori, la représentation nationale.
Toujours est-il que cet accord sera au programme des discussions relatives au renouvellement, pour la période 2026-2029, des accords de Sandhurst.
En ce qui concerne les mesures d'éloignement du territoire national, leur nombre augmente année après année, cette progression atteignant 24 % en 2025. Vous avez signalé les difficultés que nous rencontrons, au premier rang desquelles l'insuffisance des places en CRA. Soulignons aussi l'embolie dans ces mêmes centres, des personnes y restant toujours plus longtemps pour des raisons procédurales ou parce que les États ne délivrent pas les laissez-passer consulaires et n'admettent pas leurs ressortissants. Le constat n'est pas propre à nos seules relations avec l'Algérie et les préfets se mobilisent partout sur le territoire national auprès des différents consulats, afin d'obtenir ces laissez-passer. Nos concitoyens doivent comprendre la difficulté de les obtenir.
Certes, l'Algérie est impliquée dans 40 % - nous avons même atteint la proportion de 42 % - des cas d'étrangers en situation irrégulière dans les CRA. Nous espérons évidemment un déblocage de la situation. Il passera sans doute par la rediscussion avec nos partenaires algériens de l'accord de 1968 et de son avenant de 1994. Le Premier ministre l'a d'ailleurs annoncée. J'y participerai pour ma part, sans a priori, pour les sujets ayant trait à la sécurité. Nous serons jugés au résultat.
Le pacte européen sur la migration et l'asile entrera en vigueur en juin prochain et des crédits sont donc prévus pour 2026, afin de couvrir des dépenses d'investissement supplémentaires. Celles-ci seront notamment liées à l'adaptation des systèmes d'information, à l'acquisition de nouveaux équipements, à la formation des agents concernés par les nouvelles procédures ainsi qu'à l'harmonisation des garanties procédurales entre les États.
La discussion se poursuit, tant sur le mécanisme de solidarité que sur le futur règlement sur les retours. La France souhaite encore obtenir un certain nombre de « bougés », notamment, en matière de retours, l'inversion du principe actuellement appliqué du départ volontaire. Les échanges portent également sur l'acceptation sur notre territoire des décisions de reconduite prises par d'autres États.
L'application du pacte suppose des adaptations du système juridique français. À ce titre, la direction générale des étrangers en France (DGEF) élabore un projet de loi regroupant les différents règlements - procédure d'asile, conditions d'éligibilité à la protection internationale, contenu du statut de protection, filtrage et asile aux frontières, Eurodac, Dublin - ainsi que la directive Accueil. L'idée est de le déposer au début de l'année 2026, mais, compte tenu des points qui restent en discussion, le calendrier n'est à ce stade pas plus précisément défini. Une circulaire d'application globale accompagnera le dispositif.
Dans le domaine des formations linguistiques, rappelons que la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration avait prévu, à la charge des étrangers non européens primo-arrivants, une obligation de moyens, celle de se former, ainsi qu'une obligation de résultat, celle d'acquérir une maîtrise de la langue. L'offre de formation linguistique proposée aux signataires du contrat d'intégration républicaine (CIR) a été adaptée depuis le 1er juillet dernier pour répondre à ces nouvelles exigences ; elle n'est désormais plus obligatoire, mais est proposée à tous les signataires n'ayant pas le niveau A2, soit plus de 63 % d'entre eux, contre 45 % précédemment.
Votre question porte plus précisément sur les formations en distanciel. Une partie des publics est orientée vers ce type de formations et les publics les plus fragiles font l'objet d'une attention particulière. Le programme de 600 heures de formation, qui ne bénéficiait auparavant qu'à un faible nombre de signataires - ils étaient 9 000 en 2024, soit 8 % du total des signataires -, concerne désormais 35 % de ces signataires. Par ailleurs, l'atteinte du niveau requis s'inscrit dans une temporalité plus longue que celle du CIR, les étrangers pouvant renouveler leur titre temporaire jusqu'à trois fois pour le même motif.
Le PLF 2026 vise à renforcer la maîtrise de la langue française par les étrangers présents sur notre sol et à accélérer l'accès à l'emploi de ceux qui sont en droit de travailler, afin de favoriser leur autonomie, dans la continuité de la circulaire du 26 juin 2025 que j'évoquais tant dans mon propos introductif que, plus tôt dans la journée, à l'occasion des questions d'actualité au Gouvernement.
La flotte d'aéronefs de la sécurité civile comprend douze avions Canadair CL415, huit avions Dash, trois avions Beechcraft King 200 et trente-six hélicoptères bombardiers d'eau, dont treize H145-D3. Grâce au travail de fond mené par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) avec le prestataire chargé de leur entretien, le taux de disponibilité de ces équipements atteint aujourd'hui 80 %. Depuis 2023, s'ajoutent en location durant la saison de lutte contre les feux de forêt six avions et jusqu'à dix hélicoptères bombardiers d'eau supplémentaires.
Le PLF 2026 intègre l'acquisition sur fonds propres de deux nouveaux canadairs, après une précédente acquisition de deux appareils, réalisée avec le financement de l'Union européenne. En 2032, la flotte sera ainsi composée d'un total de seize canadairs, dont quatre aéronefs neufs, en propriété de l'État.
La réflexion stratégique se poursuit sur l'évolution de cette flotte, afin de l'adapter aux principaux risques à l'horizon 2035 et 2050. Elle intègre les principaux projets innovants qui sont ceux d'Hynaero, de Kepplair Évolution et de Positive Aviation, et qui nous permettront de disposer à l'avenir, dans le respect du code de la commande publique, d'une plus grande diversité de matériel.
Sur le rôle et les moyens des préfets, je confirme ma volonté forte de faire vivre et aboutir la réforme engagée par Bruno Retailleau durant l'été 2025, soutenue par le Président de la République et traduite par trois décrets du 5 septembre dernier, tendant à ériger ces préfets en pivot de la coordination interministérielle à l'échelon départemental. Je précise qu'elle mériterait d'être complétée par certaines dispositions législatives, la loi seule pouvant par exemple conférer aux préfets la responsabilité des opérateurs locaux.
Il y a parfois - je ne vous l'apprends pas - un écart entre les textes et la réalité du terrain. Je veillerai aux deux.
Quant aux moyens, nous estimons que le renforcement du rôle et des pouvoirs du préfet n'appelle pas nécessairement de crédits complémentaires. Nous ne saurions cependant dire que nous ne leur conférons aucun moyen nouveau : le programme « Administration territoriale de l'État » (ATE) comprendra en effet 50 agents supplémentaires et les crédits augmentent de 3,6 %.
Les missions prioritaires des préfectures sont réunies dans un référentiel qui a été distribué aux préfets pour la période 2022-2025, en vue d'appuyer leur travail de répartition des différents services préfectoraux. Dans ce travail, les préfets conservent évidemment une marge d'appréciation. Le cap que je fixe désormais aux agents consiste à poursuivre la trajectoire engagée au service des missions prioritaires qui ont été précédemment définies.
Sur le plan des moyens humains, l'ATE avait connu une perte d'effectifs de l'ordre de 15 % en dix ans. Cette évolution s'est arrêtée à partir de 2021 avec la stabilisation des effectifs ; depuis 2023, nous recréons des emplois. Ces créations représentent un total de 360 ETP, en incluant les 50 nouveaux ETP prévus pour 2026. C'est une première réponse et je serai attentif aux besoins humains de l'ATE.
Nous approfondirons l'étude d'autres moyens susceptibles d'améliorer son potentiel. De nombreuses expérimentations sont ainsi en cours en matière d'intelligence artificielle au sein du ministère de l'intérieur et dans les préfectures. Récemment, plusieurs de ces projets m'ont été présentés à la préfecture du Nord, à Lille. Ils représentent un gain dans l'action des services, au bénéfice à la fois des usagers et de nos agents.
M. Alain Marc. - Je m'interroge sur la distorsion qui existe entre, d'une part, l'augmentation annoncée des crédits du budget à venir et celle du nombre de policiers au niveau national, et, d'autre part, la réalité que nous observons dans nos départements.
Le maire de Rodez m'a alerté sur la situation qui le concerne : sa ville, de 23 000 habitants pour une circonscription de police d'environ 55 000 habitants, comptait en 2004 quatre unités de police - une brigade cynophile, deux brigades anticriminalité (BAC) et une police secours ; ne subsistent plus qu'une unique BAC, qui ne fonctionne plus après 1 heure du matin, ainsi qu'une police secours. Il y est parfois difficile d'obtenir un équipage entier. L'effectif a été réduit de trente agents entre 2004 et 2025.
La politique nationale que nous évoquons aujourd'hui se répercutera-t-elle véritablement jusque dans les préfectures ? En l'état actuel, les maires, tel celui de Rodez, sont contraints, pour suppléer aux carences de l'État, de recruter des policiers municipaux - ce que l'on ne manque ensuite pas de leur reprocher sous l'angle de la dépense publique.
Dans le cas précis que j'évoque, je souhaiterais que vous preniez attache avec le maire de Rodez pour lui expliquer votre démarche .
Les augmentations d'effectif dont vous faites état incluent les policiers adjoints, de même que les agents en arrêt de longue maladie. La réalité du terrain est bien celle que je décris.
Par ailleurs, la qualité du renseignement dans la gendarmerie me semble s'étioler par rapport à ce qu'elle était quelques années en arrière. Nos gendarmes, accaparés par des questions de procédure extrêmement chronophages, n'ont plus le temps d'entretenir des relations de proximité avec la population, qui, pourtant, leur permettent de savoir ce qui se passe exactement sur le terrain - notamment dans le domaine des violences intrafamiliales.
Peut-être faudrait-il que nous nous efforcions de convaincre les nouvelles générations de gendarmes de travailler autrement, en allant au contact direct des populations. Cela permettrait de relever significativement la qualité du renseignement, tout en étant peu onéreux.
Mme Isabelle Florennes. - Lors de notre récente audition du directeur général de la gendarmerie nationale, celui-ci a attiré notre attention sur le manque de crédits et ses conséquences sur la réserve opérationnelle. Depuis le début de ce mois de novembre, la gendarmerie ne peut apparemment plus payer ses réservistes opérationnels, ce qui est en contradiction avec le déploiement de cette même réserve, qui compte actuellement près de 39 000 personnes pour l'ensemble du territoire national, avec un recrutement performant et alors que l'on connaît le fort engouement dont jouissent auprès des jeunes les préparations militaires gendarmerie.
Comment comptez-vous concilier les crédits prévus pour 2026 avec la poursuite du recrutement de réservistes opérationnels, dont le nombre total devrait atteindre 50 000 en 2027 ? Des perspectives d'augmentation de ces crédits se dessinent-elles ? Le directeur général de la gendarmerie nationale nous a fait part de besoins qui seraient de l'ordre de 220 millions à 300 millions d'euros pour employer à un bon niveau la réserve opérationnelle dans l'ensemble du territoire.
En outre, à la suite d'Alain Marc, je dois signaler que les remontées du terrain nous indiquent que les collectivités territoriales compensent d'implacables problèmes de matériel, notamment au sein de la police nationale. Sous pression à l'approche des prochaines élections municipales, tout spécialement sur les questions de sécurité qui sont au premier rang des préoccupations de leurs administrés, les maires doivent consentir à de forts investissements. Je vous alerte à mon tour à ce sujet.
Mme Olivia Richard. - Je souhaite vous interroger sur le soutien budgétaire à trois organismes qui me semblent particulièrement importants : la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (Pharos), l'office mineurs (Ofmin) et l'office central pour la répression de la traite des êtres humains (Ocrteh). Le premier a reçu 111 000 signalements en un an, alors qu'il ne compte que 49 agents ; le deuxième est destinataire de 900 signalements par jour, pour un effectif d'à peine 35 agents quand il en souhaiterait le double ; au sujet du troisième, nous savons que la France devra l'année prochaine transposer une directive européenne relative à la lutte contre la traite des êtres humains et que des associations s'alarment de l'existence de peut-être 20 000 mineurs qui, dans notre pays, seraient victimes du système prostitutionnel. Nous serons tous d'accord pour dire qu'il faut engager des moyens dans cette lutte.
Mme Patricia Schillinger. - Vous parlez de moderniser, d'innover, d'être efficace et d'investir : il faut donc des budgets.
J'évoquerai spécifiquement les moyens consacrés aux gens du voyage. Il nous faut plus d'effectifs. Dans le département frontalier du Haut-Rhin, ce sont plus de 300 caravanes, dont certaines sont immatriculées en Suisse, qui bloquent communes et entreprises. Les moyens de police et de gendarmerie s'avèrent insuffisants, la situation accapare le sous-préfet de Mulhouse et, à l'approche des élections municipales, devient particulièrement préoccupante. Prévoyez-vous une enveloppe qui permette une meilleure gestion de cette problématique ? Car si se tiendra demain une réunion avec 150 chefs d'entreprise, les maires de l'agglomération, les élus et le sous-préfet, nous ne pourrons rien faire sans les moyens adéquats.
Mme Audrey Linkenheld. - Je partage assez largement le constat de nos collègues sur l'état du budget, sur la nécessité d'une hausse des effectifs, sur la trajectoire actuelle en regard de la Lopmi, sur le contraste qui prévaut entre la réalité du terrain et les budgets de la police nationale et de la gendarmerie nationale, ainsi que les remarques relatives aux dépenses de fonctionnement par rapport aux dépenses d'investissement.
J'insisterai sur trois points.
D'une part, vous avez déclaré le 13 octobre dernier que vous reteniez deux priorités particulières. La première concerne la lutte contre le narcotrafic, dont une partie des moyens relèvent de la mission « Justice » : jugez-vous suffisants ces moyens ? La seconde a trait à la sécurité du quotidien. À ce sujet, je perçois une contradiction avec les emplois prévus au budget de la police et de la gendarmerie : les emplois de la sécurité publique sont ainsi en baisse de 23 ETP dans le PLF pour 2026. Comment, dans ces conditions, comptez-vous répondre aux différentes demandes qui vous sont adressées ? Vous avez mentionné votre déplacement à Lille, dont le maire a attiré votre attention, comme il l'avait déjà fait avec vos prédécesseurs, sur le problème du sous-effectif chronique de policiers dans sa commune et dans son arrondissement.
D'autre part, les enjeux de la sécurité routière ne sont guère éloignés de ceux de la sécurité publique quotidienne. Nombre d'accidents sont sans doute liés au déficit d'actions de prévention et de sensibilisation, et la stabilité budgétaire dans ce domaine ne contribue certainement pas à renforcer ces actions.
Enfin, le groupe Socialiste, écologiste et républicain (SER) avait indiqué l'année dernière qu'il souhaitait des progrès en matière de formation initiale et continue des forces intérieures de sécurité, indispensables à l'amélioration de leur relation avec la population. On peut noter quelques progrès dans le PLF 2026, mais on peut aussi regretter un manque de transparence sur les crédits accordés à la formation, celle-ci étant désormais noyée dans le budget général de fonctionnement. Pouvez-vous nous expliquer ce choix curieux de présentation budgétaire ?
M. Patrick Kanner. - Vous avez évoqué les moyens en investissement relatifs à la sécurité civile. Je vous interrogerai plutôt sous l'angle des dépenses de fonctionnement.
En premier lieu, le PLF 2026 alloue 22 millions d'euros aux pactes capacitaires, une somme jugée stable, quoiqu'en légère baisse par rapport à la trajectoire initialement prévue. Estimez-vous que ces crédits, dans la situation financière actuelle des départements, répondent réellement aux besoins des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) en matière d'équipements structurants notamment destinés à la lutte contre les feux de forêt et à la lutte contre les risques technologiques ? Serait-il pertinent de transformer ces pactes capacitaires en dotations pluriannuelles, territorialisées, conventionnées, afin de mieux anticiper les besoins à long terme ?
En second lieu, les responsables de Sdis nous alertent régulièrement sur l'augmentation de leurs interventions au titre des carences ambulancières qui sont dénuées de caractère d'urgence, en raison de la désorganisation du système de santé. Êtes-vous en mesure d'évaluer la part des interventions de secours à personne qui relèvent des carences ambulancières, ce que nous avons pour notre part beaucoup de mal à faire ? Par ailleurs, soutenez-vous l'idée d'une contribution spécifique du ministère chargé de la santé ou de l'assurance maladie au financement du secours à personne, dans le cadre de la solidarité gouvernementale ?
M. Laurent Nunez, ministre. - M. le député Stéphane Mazars a également attiré mon attention sur la situation des effectifs de police et de gendarmerie à Rodez. J'ai d'ailleurs prévu de me rendre sur place pour y rencontrer les élus.
Une brigade de gendarmerie mobile a été créée en juin 2024, mais je partage vos propos sur les procédures qui accaparent nos militaires de la gendarmerie, qui ne sont plus assez présents sur le terrain, ce qui pose des difficultés dans le domaine du renseignement - au sens le plus large du terme. Les gendarmes que je rencontre me le confirment. C'est pourquoi il nous faut aussi tout faire pour améliorer, dans le sens d'une simplification, la procédure pénale.
Quant à la direction départementale de la police nationale (DDPN) de l'Aveyron, elle comptait 228 agents au 31 août 2025, soit 9 de plus et une progression de 4 % par rapport à 2016. Les effectifs sont donc à la hausse. Cependant, je ne connais pas précisément la situation de cette direction et de cette circonscription de Rodez, et il arrive certes que des brigades disparaissent. Je vous promets de m'en enquérir.
J'ignorais par ailleurs que nous n'étions plus en mesure de rémunérer les réservistes de la gendarmerie. Nous en restons pourtant bien aux crédits importants que je vous ai exposés tout à l'heure : + 25 millions d'euros, pour atteindre 100 millions d'euros ; la réserve opérationnelle de la police nationale voit pour sa part ses crédits passer de 39 millions à 46 millions d'euros. Les réserves opérationnelles sont pour moi une priorité et nous allons nous pencher sur la difficulté qu'éprouve la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN).
Sur la situation des gens du voyage, nos concitoyens itinérants, rappelons que plusieurs types de procédures existent : intervention en flagrance, en cas d'installation en cours accompagnée de dégradations, et dans le cadre de laquelle les policiers peuvent procéder à une évacuation, et, quand l'installation a eu lieu, procédure judiciaire lorsque le terrain est privé ou procédure administrative lorsqu'il relève du domaine public.
Un groupe de travail, auquel des parlementaires participent, poursuit actuellement ses réflexions sur la question. Il s'est déjà réuni à de nombreuses reprises. Je m'engage à ce que nous aboutissions à proposer des mesures législatives aux solutions équilibrées, qui répondent aux attentes tout en participant à l'apaisement. Je porte du reste la plus grande attention à la situation que vous avez décrite et qui donnera lieu, demain, à une réunion.
Mme Richard, vous avez évoqué les moyens humains des offices. Je serai très clair : il importe de ne pas réduire la politique publique que nous menons en matière de sécurité et ses effets à la seule question des effectifs de telle ou telle structure, fût-elle spécialisée. Tous les services participent et doivent participer à la lutte contre la traite prostitutionnelle. Du reste, une partie des moyens financiers du « plan investigation » seront consacrés aux offices. Je ne peux cependant en dire davantage, car je dois encore en discuter avec les organisations syndicales.
La lutte contre le narcotrafic représente une priorité, chaque ministre de l'intérieur ayant apporté sa pierre à l'édifice : nous n'avons eu de cesse de renforcer les dispositifs dans ce domaine, d'autant plus que le narcotrafic alimente de très nombreux phénomènes délictueux - vols avec violence, cambriolages, séquestrations, règlements de comptes, homicides, etc. En outre, les réseaux de narcotrafic s'étendent sur l'ensemble du territoire national, avec des risques importants en termes de prise de contrôle de certains quartiers et de corruption.
Une fois ce rappel effectué, je ne veux pas laisser à penser que nous n'avons commencé ce combat qu'un ou deux ans auparavant. La loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic est un texte important qui était porté par les sénateurs, auxquels je tiens à rendre hommage : il comprend, à l'image de ce que nous avons déployé pour la lutte antiterroriste, la création d'un état-major permettant d'échanger des informations au plan national et de pouvoir identifier les ramifications des différents réseaux. Par ailleurs, cette loi a confié des prérogatives fort utiles aux préfets, prérogatives qui permettent aussi de renforcer la sécurité du quotidien avec notamment les interdictions de paraître et les fermetures de commerces.
La sécurité du quotidien, justement, ne se mesure pas uniquement en termes d'effectifs...
Mme Audrey Linkenheld. - Ma question n'était en rien un piège : je souhaite simplement savoir si vous considérez que les moyens accordés à la mission « Justice » dans le PLF sont à la hauteur.
M. Laurent Nunez, ministre. -Je ne vais pas me prononcer sur les crédits alloués à ladite mission dans la mesure où le garde des sceaux aura l'occasion de vous répondre directement sur ce sujet.
Pour en revenir à la sécurité du quotidien, je vais évidemment m'y atteler en poursuivant les politiques de présence sur la voie publique et de lutte contre les trafics, dans le cadre de partenariats et de continuums de sécurité. Lesdites politiques ne se mesurent pas en volumes d'effectifs : par le passé - je pense aux quartiers de reconquête républicaine (QRR) -, on a pu laisser penser que le volume faisait la différence, mais tel n'est pas mon avis, les méthodes de travail et la coordination me semblant essentielles. De surcroît, pour reprendre l'exemple de l'Aveyron, les effectifs sur la voie publique ont évolué à la hausse.
Monsieur Kanner, les carences ambulancières sont une problématique récurrente, le problème n'étant réglé dans aucun département, ce qui conduit les sapeurs-pompiers à prendre en charge des opérations de secours aux personnes. Cela renvoie plus largement à la problématique des secours d'urgence qu'il conviendra de clarifier avec les acteurs de la santé. C'est un sujet qui doit être traité dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile, préparé par Bruno Retailleau et François-Noël Buffet, qui devrait donner lieu à un projet de loi. Je souhaite qu'on traite cette question définitivement à cette occasion.
Les pactes capacitaires, quant à eux, induisent un soutien financier de l'État à hauteur de 150 millions d'euros. D'ici à 2027, 1 083 engins devront être livrés, 300 d'entre eux ayant déjà été livrés aux Sdis l'été dernier.
Pour ce qui est de la perspective d'une transformation en dotation, je suis très attaché au caractère partenarial de ces pactes.
M. Christophe Chaillou. - Je tiens à évoquer les centres de rétention administrative, pour lesquels empilons des moyens, avec une durée de rétention qui s'allonge, comme vous l'avez rappelé. Si nous disposons aujourd'hui d'une des plus importantes capacités d'Europe, le taux d'éloignement effectif est en même temps l'un des plus faibles, ce qui doit nous conduire à nous interroger.
Comme je l'ai constaté au CRA d'Olivet, dans le département du Loiret, la situation est tendue, avec entre autres des difficultés à retenir les effectifs de police et des conséquences très lourdes, notamment sur les tribunaux.
S'agissant des amendes forfaitaires délictuelles (AFD), qui connaissent une très forte montée en charge - 500 000 AFD ont été délivrées en 2024, selon les services statistiques de votre ministère -, nous ne disposons toujours pas de données consolidées quant à leur taux de recouvrement, qui serait a priori inférieur à 20 %. Un tel niveau nous interpelle fortement au moment où le Gouvernement prévoit d'étendre la possibilité de constater un certain nombre d'infractions pour les polices municipales. Il serait donc utile que le Parlement dispose de données exhaustives, afin d'évaluer l'efficacité du dispositif.
Par ailleurs, les délais d'obtention du permis de conduire posent de réelles difficultés dans un certain nombre de départements et appellent une adaptation des moyens, y compris dans des départements à dominante rurale tels que le Loiret.
En effet, alors que la loi a fixé un délai maximal de quarante-cinq jours, il s'élève au minimum à quatre-vingts jours dans mon département et peut dépasser cent jours, notamment pour les centres d'examen de Montargis, ce qui crée beaucoup de frustrations et de difficultés, en particulier pour de nombreux jeunes qui peuvent pourtant passer cet examen à partir de 17 ans. Or, comme nous le savons tous, l'accès à la mobilité est essentiel dans ces territoires et il serait donc urgent, monsieur le ministre, de renforcer les moyens dans ce domaine, afin d'appliquer réellement la loi.
Mme Mélanie Vogel. - Les orientations budgétaires de cette année sont-elles de nature à répondre aux questions suscitées par les révélations de la semaine précédente à propos de la manifestation de Sainte-Soline ? Grâce à la presse d'investigation, des vidéos issues des caméras embarquées des forces de l'ordre ont été publiées : elles accablent à la fois certains gendarmes, mais aussi certains de leurs supérieurs hiérarchiques et les ordres donnés, ainsi que, plus largement, la doctrine de maintien de l'ordre qui a été choisie lors de la manifestation à Sainte-Soline, le 25 mars 2023.
On y voit des gendarmes multiplier à dessein les tirs tendus de grenades, pourtant interdits, car potentiellement létaux pour les manifestants ; on entend aussi, ce qui est très préoccupant, des insultes et une forme de jubilation partagée à l'idée de blesser - voire pire - certains manifestants. Certaines gendarmes ont ainsi pu dire : « Je ne compte plus les mecs qu'on a éborgnés » ; « Un vrai kiff » ; « En pleine tête ! » ou encore « On va les manger, il faut qu'on les tue. » Je vous passe évidemment la liste complète des citations, qui est effrayante.
Ces vidéos ont évidemment choqué et ont aussi confirmé les récits des manifestants pacifistes qui étaient présents. Manifestement, des personnes au sein de la gendarmerie ont considéré qu'il était de leur devoir républicain de diffuser ces vidéos auprès du public, estimant que les comportements en cause n'étaient pas acceptables pour leur profession et pour la mission essentielle qu'elle remplit auprès de la population.
Comment en est-on arrivé là et que faire pour éviter que de tels comportements ne se reproduisent ? Mon collègue Thomas Dossus a été auditionné par l'inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) en décembre 2023, mais nous n'avons pas eu à ce jour de nouvelles de l'enquête : un manque de moyens est-il en cause ? Plus largement, quelles actions allez-vous mettre en place pour garantir aux citoyennes et aux citoyens que les gendarmes - et l'ensemble des forces de l'ordre - soient formés pour avoir à coeur de protéger l'ordre public tout en respectant les libertés fondamentales ?
M. Thani Mohamed Soilihi. - Nous savons à quel point le Gouvernement reste mobilisé pour assurer le maintien de l'ordre dans les territoires d'outre-mer, tâche rendue d'autant plus difficile par leur étendue et leur isolement relatif. Dans le cadre du PLF pour 2026, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour y renforcer la présence et les moyens des forces de l'ordre, notamment en matière de prévention de la délinquance et de lutte contre les trafics d'armes ?
J'en profite pour rendre hommage aux femmes et aux hommes qui accomplissent ces missions dans ces territoires, dans des conditions très difficiles. Je rappelle, de plus, que nos outre-mer font de la France la deuxième puissance maritime du monde : nos territoires sont convoités, ce qui justifie d'autant plus d'y renforcer la sécurité.
Comment le ministère entend-il mieux articuler l'action des forces de l'ordre avec la prévention et l'insertion, afin d'éviter que les fléaux que je viens d'évoquer ne s'enracinent durablement dans des territoires déjà fragilisés sur le plan social ?
S'agissant de Mayotte en particulier, moins d'une année après les ravages causés par le cyclone, la période d'accalmie s'achève et les violences reprennent, violences d'autant plus insoutenables qu'elles se déroulent en milieu scolaire. Lundi dernier, le rectorat a ainsi suspendu les cours à Kawéni, localité de Mamoudzou, en raison des violences survenues au sein et aux abords du lycée des Lumières. Parallèlement, le caillassage des bus scolaires reprend.
Le Gouvernement avait, en partenariat avec le conseil départemental, décidé de mobiliser des fonds pour sécuriser ces bus : où en sont les actions en la matière ? Par ailleurs, le plan « Mayotte debout » prévoyait 55 ETP pour la gendarmerie et 60 ETP pour la police : quid des affectations de ces ETP ?
Enfin, un camp de réfugiés africains a été démantelé à Tsoundzou, mais ils se retrouvent désormais dans la nature : quelles actions le Gouvernement entend-il mener pour lutter efficacement contre l'immigration irrégulière ?
J'ajoute qu'un important groupe de migrants en provenance de Dar es Salam est arrivé aux Comores, et qu'il risque de se diriger sous peu vers Mayotte ; je rappelle aussi que le Président de la République avait annoncé, lors de sa venue, une opération « Mur de fer » pour intercepter au plus loin les migrants avant leur arrivée à Mayotte, en complément de l'opération « Wuambushu ».
Mme Corinne Narassiguin. - S'agissant de l'hébergement des demandeurs d'asile, la suppression de 1 403 places est prévue alors que les besoins sont de plus en plus importants : la part des femmes dans la population migrante avoisine désormais 50 %, d'où des besoins de logements spécifiques et sécurisés, une grande partie d'entre elles ayant très souvent été victimes - et l'étant parfois encore, même sur le territoire français - de violences sexistes et sexuelles (VSS). Quelle est la justification de cette suppression de places d'hébergement ?
Je tiens également à évoquer le centre Primo Levi, menacé par le retrait du soutien financier historique du ministère de l'intérieur, qui s'élevait à environ 700 000 euros, soit un tiers de son budget. Outre le retrait en 2024, prolongé en 2025, des crédits de la direction générale des étrangers en France (DGEF), le centre a reçu la notification d'un avis défavorable de la direction de l'asile concernant la subvention du fonds européen « asile, migration et intégration » (Fami) pour 2026, ce qui représente une perte prévisionnelle de 500 000 euros par an, alors que la structure bénéficie de ce soutien de l'Union européenne depuis plus d'une décennie.
Il ne s'agit donc pas de crédits inscrits dans le PLF, mais bien de fonds européens qui sont distribués par le ministère de l'intérieur. La seule explication qui a été donnée étant un changement dans les priorités de la direction de l'asile, j'aimerais savoir si vous allez remettre celles-ci en bon ordre, afin que le centre Primo-Levi retrouve des financements absolument nécessaires. Il accomplit en effet un travail indispensable sur deux sujets spécifiques, à savoir l'accueil et l'accompagnement des femmes victimes de violences sexuelles d'une part, et l'accompagnement des troubles mentaux d'autre part, c'est-à-dire des missions essentielles pour les personnes qui ont connu des parcours d'exil très traumatisants.
Enfin, l'administration numérique pour les étrangers en France (Anef) connaît des dysfonctionnements chroniques depuis plusieurs années, comme l'a relevé la Défenseure des droits dans un rapport relativement récent. Malgré des investissements, les dysfonctionnements de cette application persistent : y consacrerez-vous les moyens nécessaires afin d'améliorer urgemment cette situation, qui crée non seulement une surcharge de travail dans les préfectures, mais aussi un véritable problème d'accès aux droits pour des étrangers, parfois plongés dans la précarité par des problèmes informatiques ?
Mme Anne-Sophie Patru. - Monsieur le ministre, de nombreux investissements immobiliers paraissent nécessaires pour la gendarmerie nationale, notamment dans les zones rurales.
Au vu des retards pris sur ces investissements, une planification des programmes immobiliers de la gendarmerie nationale est-elle prévue ? En effet, certains projets sont initiés depuis plus de trente ans - c'est le cas dans mon territoire - et génèrent non seulement de l'inquiétude, mais aussi une certaine impatience liée à l'immobilisation des réserves foncières sur de telles durées. Les élus locaux ont besoin de visibilité.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Monsieur le ministre, vous avez évoqué tout à l'heure le fait qu'il ne fallait pas nécessairement évaluer l'efficacité des politiques publiques en fonction du nombre d'emplois ou des crédits alloués, affirmation sur laquelle je rebondis en vous interrogeant sur deux points.
Le premier concerne la politique que vous entendez mettre en place dans votre ministère contre les violences sexuelles commises par les forces de l'ordre. Nous avons tous entendu parler de cette affaire absolument terrible d'une personne qui se trouvait au dépôt du tribunal judiciaire de Bobigny et qui aurait été - l'enquête est en cours - agressée par deux membres des forces de l'ordre.
En l'espace d'une douzaine d'années, on dénombre 429 victimes et 215 agresseurs dans 130 villes : le phénomène n'est donc pas circonscrit à telle ou telle région et tous sont concernés, puisque les agressions visent à la fois des collègues, des proches, des personnes interpellées et des plaignantes. Pourtant, on ne trouve pas trace de mesures sérieuses, ni de circulaires ou de notes internes, et l'on ne connaît guère les sanctions adoptées.
Qu'entendez-vous donc faire en la matière hormis placer une fonctionnaire de police dans l'équipe de nuit du dépôt de Bobigny, ce qui envoie le signal effrayant selon lequel tous les hommes seraient des violeurs en puissance ?
J'en viens à la lutte contre l'usage détourné du protoxyde d'azote. D'après le porte-parole de la Chancellerie, il existe un problème de législation dans ce domaine. Or plusieurs propositions de loi ont été présentées et, pour certaines, adoptées : je pense notamment à la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les usages détournés du protoxyde d'azote du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, qui a été adoptée en mars 2025 et qui couvre précisément le champ nécessaire, avec la sanction pour consommation détournée, l'encadrement de la vente, la sanction du dépôt et de l'abandon sur la voie publique.
Allez-vous, monsieur le ministre, faire en sorte que ce texte ou un autre vienne en discussion afin que nous nous dotions d'une législation satisfaisante dans la lutte contre l'usage détourné du protoxyde d'azote ?
M. Laurent Nunez, ministre. - Les AFD constituent un instrument extrêmement efficace que nous envisageons d'étendre dans le cadre du projet de loi relatif à l'extension des prérogatives, des moyens, de l'organisation et du contrôle des polices municipales et des gardes champêtres. En revanche, nous ne sommes pas en mesure de connaître précisément le taux de recouvrement, mais il était à ma connaissance en augmentation grâce à la facilitation des moyens de paiement.
Concernant les permis de conduire, nous fournissons des efforts considérables afin de réduire les délais d'obtention, qui sont effectivement très élevés. Nous avons de plus saisi l'inspection générale de l'administration (IGA) afin qu'elle conduise une mission sur les dysfonctionnements constatés et les solutions susceptibles d'être adoptées. Rappelons, néanmoins, que nous avons créé 80 000 places supplémentaires d'examen et que la création de 10 postes d'inspecteurs est prévue.
S'agissant des événements de Sainte-Soline, une enquête est en cours et nous n'avons dissimulé aucun élément pendant deux ans. Des personnes ont été blessées pendant cette journée de manifestation, des plaintes ont été déposées et l'IGGN a saisi l'ensemble des vidéos dans le cadre d'une procédure judiciaire, ce qui explique pourquoi mon prédécesseur et moi-même n'y avions pas accès.
Les actes que vous évoquiez sont évidemment condamnables et des sanctions disciplinaires seront prises à la suite de l'enquête administrative en cours si les faits sont avérés. J'ajoute que cela n'exclut pas des suites judiciaires dans la mesure où, une fois encore, la justice est en possession de ces vidéos, le ministère n'ayant aucunement la volonté d'éluder quoi que soit dans cette affaire. Cependant, je tiens aussi à rappeler le contexte, caractérisé par de nombreuses violences - dont des jets de projectiles - contre les gendarmes, 48 d'entre eux ayant été blessés ce jour-là. Dans cette affaire, les propos et les gestes visibles dans ces vidéos ne sont pas acceptables, mais je ne souhaite pas que l'on généralise et que l'on condamne, à partir de ces extraits, la façon dont les gendarmes ont remarquablement travaillé à Sainte-Soline.
Pour ce qui concerne l'Anef, les dysfonctionnements sont importants, mais la situation s'améliore peu à peu grâce à une reprise en main qui doit permettre de supprimer les bugs d'ici à la fin 2026. Des interventions de nos brigades numériques ont lieu au quotidien pour améliorer le fonctionnement de cet outil.
Concernant l'hébergement des victimes de violences familiales, aucune suppression n'est en vue : au contraire, un appel à manifestation d'intérêt vient d'être lancé pour 50 places supplémentaires en 2026, en précisant que 300 places sont déjà disponibles.
Madame de La Gontrie, des sanctions disciplinaires sont prises dès lors que des violences sexuelles sont commises par des membres des forces de l'ordre, sans oublier des poursuites pénales systématiques. La hiérarchie est bien consciente de la nécessité d'être extrêmement réactive dans ces dossiers, en engageant les procédures qui s'imposent et en saisissant les tribunaux.
Le dépôt de Bobigny, plus précisément, a vu ses effectifs progresser significativement au cours des deux dernières années, avec environ 130 agents contre 80 personnels par le passé. Nous veillons à assurer la qualité du fonctionnement de ce dépôt, et je ne doute pas que mon successeur à la préfecture de police continuera dans cette voie.
Sur un autre point, des mesures législatives ad hoc sont effectivement nécessaires pour le protoxyde d'azote : il me semble qu'une proposition de loi a été adoptée au Sénat et qu'une autre lui a été transmise, et nous réunirons les parlementaires qui les ont portées afin d'identifier les dispositions qui pourraient être retenues par le Gouvernement. En tout état de cause, je vous confirme que les sanctions, les interdictions de vente et les interdictions d'usage sont des outils qui nous intéressent fortement.
J'en viens au centre Primo-Levi : en raison des annulations de crédits intervenues en février 2024, qui se sont traduites par une suspension de l'ouverture de nouvelles places d'hébergement, aucun nouvel appel à projets n'a été lancé et les financements précédemment octroyés à l'association n'ont pas été renouvelés dans la mesure où la convention était parvenue à échéance. Au regard des informations transmises par l'association, il n'a pas été possible de considérer qu'elle était éligible au Fami, notamment compte tenu du projet de budget qu'elle avait présenté.
La planification des programmes immobiliers de la gendarmerie, quant à elle, existe bel et bien : nous devons l'honorer par le biais de procédures administratives et juridiques, mais également par le budget voté par le Parlement.
J'en termine avec Mayotte, en rappelant que les effectifs y ont été durablement renforcés avec le déploiement de forces mobiles, tandis que l'acquisition d'un certain nombre d'intercepteurs doit nous permettre de mieux lutter contre l'immigration illégale.
Plus généralement, nous sommes préoccupés par la situation dans les territoires d'outre-mer, dans lesquels des effectifs sont déployés en masse. Nous continuerons dans cette voie, en lien avec la ministre des outre-mer et avec le garde des sceaux.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Merci pour vos réponses, monsieur le ministre.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Assemblée des départements de France (ADF)
M. André Accary, président du département de Saône et Loire
Mme Élodie Dubrulle, conseillère parlementaire
Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF)
M. Guillaume Bellanger, directeur de cabinet
M. le Contrôleur général Marc Vermeulen, membre du comité exécutif
M. Fabien Matras, ancien député, conseiller relations institutionnelles
Association Nationale des Directeurs et directeurs adjoints des Services d'Incendie et de Secours (ANDSIS)
M. le Contrôleur général Bruno Maestracci, directeur du SDIS 77
Colonel Jérôme Petitpoisson, directeur départemental du SDIS 38
Colonel Franck Briend, directeur départemental adjoint du SDIS 53
Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC)
M. Julien Marion, directeur général
Mme Tiphaine Pinault, directrice des sapeurs-pompiers
M. Romain Monconduit, sous-directeur des moyens nationaux
M. Bertrand Vidot, sous-directeur des services d'incendie et des acteurs du secours, Sous-direction des services d'incendie et des acteurs du secours
M. Franck Boulanjon, adjoint de la sous-directrice au sein de la Sous-Direction des Affaires Internationales, des Ressources et de la Stratégie
M. Emmanuel Juggery, adjoint à la sous-directrice de la doctrine et des ressources humaines
* 1 Projet annuel de performance de la mission « Sécurité », annexé au projet de loi de finances pour 2026.
* 2 Bilan des incendies de forêt en 2025, Office national des forêts.
* 3 Contribution écrite de la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France au rapporteur.
* 4 France, Espagne, Italie, Croatie, Grèce, Portugal.


