C. LE PROGRAMME 138 : UNE BAISSE NOTABLE DES CRÉDITS DANS LE CADRE DE LA RÉFORME DES EXONÉRATIONS « LODEOM »
Évolution par action des crédits du programme 138 entre 2025 et 2026 (en M€)
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AE |
CP |
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Action |
LFI 2025 |
PLF 2026 |
Variation |
LFI 2025 |
PLF 2026 |
Variation |
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01 - Soutien aux entreprises |
1 822,9 |
1 479,2 |
-18,9 % |
1 822,9 |
1 479,2 |
-18,9 % |
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02 - Aide à l'insertion et à la qualification professionnelle |
318,4 |
318,4 |
+0,01% |
298 |
297,8 |
-0,1 % |
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03 - Pilotage des politiques outre-mer |
3,6 |
3,6 |
= |
3,4 |
3,4 |
= |
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04 - Financement de l'économie |
20,1 |
21,1 |
+5 % |
17,1 |
20,1 |
+17,5 % |
|
Total |
2165 |
1 822,3 |
-15,8 % |
2 141,4 |
1 800,4 |
-15,9 % |
Source : Commission des lois à partir des documents budgétaires
Les crédits du programme 138 connaissent une baisse préoccupante, de 15,8 % en AE et de 15,9 % en CP et s'établissent ainsi à 1,82 Md€ en AE et 1,80 Md€ en CP.
Le rapporteur déplore la forte diminution des crédits de soutien aux entreprises (action 1) correspondant à la compensation des exonérations de cotisations sociales patronales, qui visent à soutenir l'emploi et à améliorer la compétitivité des entreprises ultramarines. Cette diminution est liée à une réforme globale du dispositif dit « LODEOM », proposée dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026.
La réforme du dispositif LODEOM
Les dispositifs d'exonérations de cotisations sociales (LODEOM) constituent le principal axe financier d'intervention en matière de soutien à l'emploi dans les outre-mer, concourant à la lutte contre le chômage et à la compétitivité des entreprises ultramarines grâce à la réduction du coût du travail. Le coût des dispositifs LODEOM a augmenté de plus de 500 M€ depuis 2019.
Le rapport final de la mission d'évaluation, conduite par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l'Inspection générale des finances (IGF), a établi, en mai 2025, un diagnostic nuancé de l'efficacité de ces dispositifs. Ceux-ci sont décrits comme complexes et ayant peu d'effet sur l'emploi ou la rentabilité des entreprises bénéficiaires8(*).
En conséquence, le PLFSS pour 2026 prévoit une réforme du dispositif LODEOM, qui doit permettre de simplifier celui-ci tout en réduisant son coût pour l'État. Les exonérations seraient ainsi recentrées sur les niveaux de salaire où leur effet sur l'emploi est le plus important, jusqu'à deux fois le salaire minimum de croissance (SMIC). En outre, le régime « Innovation et croissance », qui présente des conditions d'éligibilité restrictives, serait supprimé.
L'Assemblée nationale a rejeté, le 7 novembre dernier, la réforme du dispositif LODEOM, qui aurait pu conduire à une hausse du coût du travail et à des fermetures d'entreprises déjà fragilisées. En retour, le Gouvernement a accepté de rediscuter des paramètres de la réforme en début d'année 2026.
Les crédits alloués à l'aide à l'insertion et à la qualification professionnelle (action 2) restent stables par rapport à l'année 2025, afin de poursuivre notamment les projets d'accompagnement des jeunes actifs ultramarins.
L'action 2 finance en premier lieu le service militaire adapté (SMA), dispositif clef dans la formation des jeunes ultramarins. Le rapporteur se satisfait de la stabilisation à un niveau élevé des crédits alloués au SMA (74 M€ en AE et 59 M€ en CP, en légère hausse par rapport à l'exercice 2025), qui permettront de continuer à développer ce dispositif efficace, avec un objectif de taux d'insertion en fin de contrat fixé à 80 % pour 2026. Ces crédits devraient notamment permettre de poursuivre la mise en place des nouvelles compagnies de Mayotte et Hao (Polynésie française), ainsi que la montée en puissance du régiment de SMA de Guyane, dans le cadre de l'ambition « Horizons 2030 ».
Le plan SMA 2025+ et l'ambition « Horizons 2030 »
Créé en 1961, le SMA est un dispositif militaire essentiel pour l'insertion professionnelle des jeunes ultramarins âgés de 18 à 25 ans les plus éloignés de l'emploi. Il vise à la fois la délivrance d'une formation à caractère éducatif et citoyen et une insertion durable dans le monde du travail. Il accueille près de 5 800 volontaires chaque année, qui bénéficient d'une offre de 98 formations réparties dans 14 familles professionnelles.
Le plan SMA 2025+, lancé en janvier 2021, a permis de consolider les acquis du SMA et doit être étendu à l'ensemble des territoires ultramarins, dans le cadre de l'ambition « Horizons 2030 ». Celle-ci est progressivement mise en oeuvre, 17 des 19 objectifs ayant été réalisés à ce jour. Le SMA poursuit sa transformation, avec une offre de formation qualitative davantage individualisée et tournée vers les secteurs d'avenir, dans le cadre du plan IMPACT 2026-2030.
Les crédits de l'action 2 financent également la formation professionnelle en mobilité, nécessaire pour permettre aux populations ultramarines d'acquérir des compétences non accessibles via les formations locales. Les taux de qualification constatés outre-mer sont de facto en deçà de la moyenne nationale, avec par exemple 50 % des actifs à Mayotte n'ayant aucun diplôme contre 13 % pour la France hexagonale.
S'agissant de la mise en oeuvre du dispositif « Cadres d'avenir », qui permet de soutenir la formation de cadres locaux, l'année universitaire 2025-2026 marquera la troisième année d'expérimentation, avec un nombre d'étudiants entrés dans le programme inférieur à celui de l'année précédente (27 contre 33), en raison d'une baisse regrettable du nombre maximal de places.
La mise en place de trois nouvelles aides à la mobilité
Trois nouveaux dispositifs, institués par la LFI 2024, seront mis en place en 2026, après parution du décret d'application le 6 septembre dernier.
Le « Passeport pour le retour » bénéficiera à environ 400 ultramarins installés dans l'Hexagone et ayant un projet professionnel dans leur territoire d'origine, pour un coût total de 1,86 M€.
Le « Passeport pour la mobilité des actifs salariés » offrira un accompagnement à la mobilité pour formation à environ 1 000 bénéficiaires, pour un coût total de 1,34 M€.
Le « Passeport pour la mobilité des entreprises innovantes » devrait concerner environ 100 bénéficiaires, pour un coût total de 0,27 M€.
De surcroît, le rapporteur s'alarme de la diminution de la subvention pour charge de service public allouée à l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM), de 2,5 M€ en AE=CP par rapport à la LFI 2025. L'agence, chargée de la gestion du fonds de continuité territoriale, participe à la mise en oeuvre de la politique d'accès à l'emploi ainsi qu'à la qualification professionnelle des jeunes ultramarins et est donc primordiale. La modernisation de l'agence, dans le cadre du plan « Horizon 2027 », conduira en outre à une baisse des effectifs de 10 équivalents temps plein (ETP).
Les crédits affectés au pilotage des politiques des outre-mer (action 3) sont stables par rapport à l'exercice 2025.
Enfin, l'augmentation notable des crédits alloués à l'action 4 relative au financement de l'économie est une mesure bienvenue, après deux années de baisse. Les dispositifs financés concernent notamment :
· les prêts de développement outre-mer (PDOM), déployés par Bpifrance depuis 2017 et au nombre de 940 au 30 juin 2025, qui constituent une aide directe aux entreprises afin de soutenir leur croissance et leur compétitivité. Ce sont des prêts sans garantie à destination des petites et moyennes entreprises (PME), qui interviennent en cofinancement, au côté d'un financement privé (prêt bancaire, apport en capital, etc.) ou de financements participatifs ;
· l'aide au fret, qui permet de compenser les surcoûts liés à l'éloignement géographique des territoires ultramarins situés dans les DROM, à Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et aux îles Wallis et Futuna. Ce dispositif, qui bénéficie majoritairement aux entreprises de l'industrie manufacturière, lutte contre la vie chère dans les outre-mer en favorisant la production locale et en faisant baisser les prix pour les consommateurs ;
· le soutien à l'économie sociale et solidaire (ESS), qui joue un rôle central en outre-mer. Ce secteur d'activité totalise ainsi plus de 50 000 emplois, représente 1,4 Md€ de masse salariale et constitue 15 % de l'emploi privé. Ces entreprises favorisent notamment la création d'emplois non délocalisables.
La légère augmentation des moyens alloués aux PDOM et à l'aide au fret est opportune car ces deux dispositifs jouent un rôle crucial de soutien aux entreprises ainsi qu'à l'emploi local, alors que le niveau du chômage apparaît particulièrement élevé en outre-mer, les premières données de 2025 ne montrant pas d'inversion de cette tendance.
* 8 Voir le rapport « Évaluation des mesures d'exonération de cotisations sociales spécifiques aux outre-mer » du 20 mai 2025, IGAS-IGF.