B. LE PLAN "LOIRE GRANDEUR NATURE"

1. Le retour de l'État ?

Il convient, avant de décrire le contenu du relevé de décisions du comité interministériel « Plan Loire » du 4 janvier 1994, d'évoquer sa signification en termes de rapports entre l'État et les collectivités locales. Le Plan « Loire grandeur nature » manifeste-t-il le retour en force de l'État dans un domaine où, la décentralisation aidant, il avait abandonné aux collectivités locales toute initiative ?

On a souvent observé, à propos de l'élaboration du projet d'aménagement qui a abouti au protocole d'accord de 1986, que l'État s'était fortement reposé sur l'EPALA. Il n'aurait pas, dès lors, assumé complètement sa mission de garant de l'intérêt général national face aux logiques particularistes exprimées par les collectivités locales et arbitrées par elles au sein de l'EPALA. S'il est vrai que l'État aurait pu montrer une capacité d'initiative plus importante dans cette affaire, dans le cadre de ses compétences en matière d'aménagement du territoire, de gestion du domaine public navigable, de planification de la politique de l'eau, de prévention des risques majeurs, il n'en demeure pas moins que son action n'aurait vraisemblablement pas conduit à des décisions très différentes de celles qui ont été prises et auxquelles il s'est associé dans les conditions prévues par les procédures existantes de collaboration avec les collectivités locales. Il paraît en effet raisonnable de considérer que les conceptions de l'aménagement admises dans les années 1980 auraient inspiré son action tout comme elles ont guidé l'EPALA dans la formulation de ses objectifs. Il est aussi justifié de noter que l'EPALA a constitué un remarquable outil de programmation et d'arbitrage entre des intérêts aussi divers que contradictoires. C'est d'ailleurs la qualité de cet instrument et sa nécessité, que l'État a reconnu au point 4 du relevé de décisions du 4 janvier 1994 : « le Gouvernement propose à l'EPALA, outil de mise en oeuvre de la solidarité des collectivités du bassin ligérien, de prendre part à ce plan global dans le respect des orientations définies ».

En définitive, l'État n'a-t-il pas assumé ses responsabilités, déléguant largement le rôle d'initiateur et d'impulseur à l'EPALA quand aucune dissension ne se manifestait sur le sens des actions à entreprendre, reprenant le gouvernail à partir du moment où « l'accélération de l'histoire » imposait d'infléchir la démarche, se dotant alors des moyens de parvenir au but recherché en partenariat avec les collectivités et acteurs de terrain ?

2. Un dispositif d'envergure

Le plan du 4 janvier 1994 est organisé autour de trois objectifs : la sécurité des populations face au risque d'inondation, la satisfaction des besoins quantitatifs et qualitatifs en eau, la restauration de la diversité écologique du milieu.

Ceux-ci recouvrent un certain nombre d'orientations qui vont profondément infléchir la gestion du fleuve :


• L'aspect le plus retentissant de la décision gouvernementale a été le coup d'arrêt donné à la politique des barrages avec l'abandon définitif du projet de Serre-de-la-Fare et le report à la fin 1998 de la décision sur le projet du Veurdre. En ce qui concerne la sécurité contre les crues en Haute-Loire, il a été décidé, dans la logique étudiée par le rapport Pierron de réaliser des travaux d'aménagement et de protection du lit du fleuve ainsi que le déménagement des entreprises obstruant celui-ci à Brives Charensac. Plusieurs mesures financières étaient prévues pour faciliter l'opération : financement par l'État de la réinstallation des entreprises, péréquation de la taxe professionnelle entre Brives Charensac et les communes d'accueil des entreprises expropriées, déplacement des habitations les plus exposées aux menaces de crue, maintien des assurances au-delà de la cinquième année après la date d'application du plan d'exposition aux risques.

En ce qui concerne le Veurdre, destiné à protéger la Loire majeure contre les crues centennales, mais contesté en raison de l'abaissement de la ligne d'eau constatée à l'aval (la crue centennale aura à l'avenir un profil hydrologique différent de celui constaté par le passé), il a été décidé d'étudier la faisabilité d'une politique alternative de renforcement des levées et de restauration du lit.

Ainsi, il a été prévu de relancer le programme de renforcement des levées de la Loire dans le cadre d'un plan d'ensemble de dix ans doté d'une enveloppe de 300 millions de francs. Il a aussi été décidé d'opérer de façon prioritaire la restauration du lit du fleuve, l'effort devant être poursuivi sur dix ans avec un financement de 100 millions de francs. L'étude sur l'écoulement des crues en Loire moyenne devant éclairer l'opportunité du projet du Veurdre sera effectuée par une équipe scientifique pluridisciplinaire.

En dehors de la Loire moyenne, il a été décidé, pour l'Allier, de confirmer la construction du barrage de Naussac 2, petit ouvrage destiné à faciliter l'alimentation en eau du barrage de Naussac 1, et pour le Cher d'autoriser la construction du barrage de Chambonchard, destiné à assurer l'alimentation en eau de la ville de Montluçon, pour une capacité maximale de 80 millions de m 3 , l'État ne participant au financement que de la tranche de 50 millions de m 3 , jugée suffisante, couplée avec la réserve de Rochefort, pour assurer le soutien d'étiage et les besoins d'irrigation de la vallée du Cher.


Le deuxième élément majeur du plan gouvernemental est le contrôle de l'aménagement des zones inondables.

Il s'agit d'élaborer et de publier des atlas des zones inondables de tous les vals de Loire et de contrôler les projets de construction par le biais de « projets d'intérêt général » (PIG) permettant d'introduire dans les documents d'urbanisme trois types de mesures : l'interdiction de nouvelles implantations dans les zones les plus exposées, la limitation des implantations nouvelles dans les autres zones inondables en fonction des aménagements de protection disponibles, l'absence d'aménagements de protection nouveaux susceptibles d'aggraver les risques dans les zones contiguës aux zones ainsi protégées.

ï Le troisième objectif du Plan Loire est la prévention des inondations grâce à la modernisation du système d'alerte « cristal », notamment par l'implantation d'un radar météorologique sur le haut bassin de la Loire et l'extension éventuelle du réseau aux bassins du Cher et de la Maine, grâce aussi à la sensibilisation des populations au risque d'inondation et à la révision des plans d'alerte et d'évacuation des populations.

ï Le fonctionnement naturel du fleuve et de son environnement constitue un autre objectif du plan. A ce titre, a été confirmé l'arrêt de l'extraction des granulats dans le lit mineur et sa limitation sur l'étendue du lit majeur, dans le cadre du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) du bassin Loire-Bretagne, en cours d'élaboration, et des schémas départementaux de carrière.

Dans le même esprit, a été prévu un programme de rétablissement de la libre circulation des poissons migrateurs comportant l'effacement des barrages de Maisons-Rouges sur la Vienne et de Saint-Etienne-du-Vigan sur le haut Allier, ainsi qu'un programme de reconstitution des milieux naturels d'un montant de 100 millions de francs dont l'élaboration a été confiée au comité de bassin au sein de l'Agence de l'eau Loire-Bretagne. Les actions de restauration entreprises au titre du programme européen LIFE devaient être intégrées dans ce programme. LIFE est un programme d'action sur cinq ans en faveur des milieux naturels ligériens les plus remarquables du point de vue écologique. Il porte sur sept sites de taille variable (de 1 millier d'hectares à plus de 10.000 hectares), et situés dans des secteurs très différents de la vallée de la Loire et de l'Allier (depuis le haut bassin de l'Allier jusqu'aux basses vallées angevines). Les milieux naturels rencontrés sont très variés. L'objectif est d'y concilier la protection de l'environnement avec une fréquentation maîtrisée.

Sur le plan financier, 50 % des coûts sont à la charge de l'Union européenne, 25 % à la charge de l'État, le solde revenant à chaque maître d'ouvrage local. La maîtrise foncière représente environ la moitié des dépenses du programme. Les terrains sont acquis par les maîtres d'ouvrage, conservatoires régionaux ou associations de protection de la nature associées à la mise en oeuvre du programme.


L'aménagement de l'estuaire est le troisième grand objectif du Plan Loire qui prévoit, afin de concilier le développement économique et l'équilibre du milieu : l'élaboration d'un schéma d'aménagement et de protection sous l'autorité du préfet de région ; la délimitation d'une « écharpe verte » de la Brière au lac de Grand-lieu, classant en zone de protection spéciale (ZPS) au titre de la directive « oiseaux sauvages » du 2 avril 1979,les secteurs les plus riches du point de vue ornithologique ; la préservation des vasières de l'estuaire. Enfin, le plan du 4 janvier 1994 confirme l'extension du port autonome de Nantes-Saint-Nazaire sur les vasières de Donges-est en contrepartie de la remise au Conservatoire du littoral de 1.500 hectares de terrains situés à l'intérieur de l' « écharpe verte », ces terrains devant servir à reconstituer des vasières, à l'amont de Donges-est notamment.


• Enfin, le plan « Loire grandeur nature » prévoit l'instauration progressive d'une politique d'aménagement du paysage, la création de réserves naturelles à la Charité-sur-Loire et au Val d'Allier, la valorisation du patrimoine ligérien dans ses dimensions culturelles, la mise en oeuvre de mesures agro-environnementales.

3. Les moyens de l'action

Le relevé de décisions du 4 janvier 1994 envisage les modalités administratives de mise en oeuvre du Plan Loire. En effet, le multiplicité des administrations, collectivités, établissements et associations susceptibles de concourir à l'exécution du programme rend particulièrement nécessaire un effort de coordination et de suivi.

Les décisions suivantes figurent ainsi au point 4 du relevé de décisions du 4 janvier 1994 :

« Le rôle du préfet coordonnateur de bassin sera renforcé par la mise en place auprès de lui d'une mission interministérielle « Plan Loire » chargée du suivi du plan.

Le Gouvernement associera largement le Comité de bassin à l'exécution de ce plan et à son suivi scientifique et approuve la proposition de création d'une commission Loire attachée au Comité de bassin et associant l'ensemble des partenaires. »

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