V. LA DÉFENSE ET LA PROMOTION DE LA LANGUE FRANÇAIS DANS LES INSTITUTIONS COMMUNAUTAIRES ET LE ORGANISATIONS INTERNATIONALES

1. La place du français dans les institutions de l'Union européenne

Si depuis la création de la Communauté, les institutions européennes sont régies par le principe d'égalité des langues officielles et de travail posé par le règlement du Conseil de 1958, le français pour des raisons historiques a bénéficié jusqu'à présent d'une position globalement favorable.

L'évolution récente tend cependant à réduire le rôle du français comme langue de travail. Même si dans leur grande majorité, les fonctionnaires européens ont une bonne maîtrise du français, la pratique conduit aujourd'hui à privilégier l'anglais.

En effet, le dernier élargissement, qui porte le nombre des langues officielles de 9 à 11 risque de favoriser dans la pratique l'usage de l'anglais. L'élargissement accroît la difficulté et le coût de traduction et d'interprétation. Aussi l'évocation de ces difficultés financières et pratiques pourrait justifier, si l'on n'y prenait garde, des entorses de plus en plus fréquentes au principe d'égalité des langues officielles.

En outre, l'élargissement de l'Union a conduit l'interprétariat à recourir de plus en plus fréquemment à l'usage d'une ou plusieurs « langues pivots ». Or la sous-représentation des interprètes français dans les institutions européennes (50 % seulement des salariés permanents des cabines françaises sont français) et parmi eux le nombre réduit de ceux qui maîtrisent les langues des nouveaux adhérents ne favorisent pas le choix du français comme langue pivot. Cela d'autant plus que les représentants des nouveaux États membres préfèrent en général l'usage de l'anglais notamment lors des réunions de travail non officielles.

Dans ce contexte défavorable, la situation du français demeure certes encore importante. Le français reste l'une des trois langues de travail de la Commission et du COREPER, et une des langues privilégiées dans certaines enceintes comme la Cour de Justice ou la salle de presse. Il occupe également une position remarquable dans la production des documents originaux comme dans les pratiques quotidiennes, notamment dans la PESC et le 3e pilier.

Des signes de dégradation sont toutefois déjà perceptibles dans certaines institutions européennes. En dépit du pourcentage élevé de personnels francophones au sein de la Commission, certaines directions notamment à l'occasion de la nomination de directeurs issus des nouveaux États membres se sont mises à travailler exclusivement en anglais. C'était déjà le cas à la Direction générale en charge des relations extérieures, et dans une moindre mesure, dans les directions qui traitent de la recherche et des télécommunications (DG XII, DG XIII), c'est aujourd'hui le cas à la Direction générale en charge de l'emploi. De même au sein du comité des représentants permanents (COREPER), on observe depuis deux ans un recul sensible du français. Ainsi, au premier semestre 1996, pour la première fois depuis l'origine de la communauté, une présidence italienne a opté pour l'anglais et a conduit trois semestres de présidence et de travail en anglais.

QUAND LES JOURNALISTES S'INQUIÈTENT DU RECUL DE LA LANGUE FRANÇAISE DANS LES INSTITUTIONS COMMUNAUTAIRES

Alors que les médias ne se sont jusqu'à présent, à de rares exceptions près, guère mobilisés sur les enjeux de la francophonie, on observe depuis peu une prise de conscience des conséquences que pourrait avoir un recul irrémédiable du français dans le monde. Significatif à cet égard était l'éditorial de Catherine Nay, mardi 5 novembre 1996, sur Europe 1. Après s'être demandé si la création de la monnaie unique s'accompagnera d'une langue unique -l'anglais-, la journaliste observe que l'élargissement de la communauté à 156 membres a favorisé un recul important de la langue française. Soulignant, à juste titre, qu'il y aurait un paradoxe à ce que les Européens choisissent la langue du pays le moins européen, elle invite les pouvoirs publics à mener une politique volontariste de formation des fonctionnaires communautaires à la langue française. Votre rapporteur se félicite du soutien qu'elle apporte ainsi à la politique de promotion de la langue française.

Cette situation regrettable a des conséquences non seulement politiques mais également économiques. Le poids croissant de l'anglais comme langue de travail de la Commission conduit à ce que la grande majorité des appels d'offres d'organismes européens soient rédigés en langue anglaise et appellent des réponses en anglais. Ces pratiques se révèlent discriminatoires pour les entreprises, bureaux d'études ou organismes divers non anglophones qui doivent le plus souvent, pour avoir des chances d'être retenus subir le coût de l'embauche d'anglophones spécialisés.

Il serait ainsi possible de multiplier les exemples. Cette évolution des institutions européennes exige une réaction d'autant plus rapide que le prochain élargissement pourrait produire des effets identiques.

Face à cette situation, les efforts du Gouvernement en faveur du français comme langue officielle et langue de travail s'organisent.

À l'initiative du comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne (SGCI) plusieurs types d'actions ont été mises en place. Conformément à la circulaire du Premier ministre du 21 mars 1994 relative aux relations entre les administrations françaises et les institutions européennes qui confie au ministre et à tous les agents appelés à travailler en liaison avec les instances de l'Union la mission de faire respecter l'usage du français, les manquements aux règles linguistiques signalés font l'objet d'un rappel officiel aux autorités communautaires compétentes. De même un guide sur la langue française présentant les principes généraux du régime linguistique édité à l'initiative de la Délégation générale à la langue française sera diffusé à l'automne par le SGCI.

Par ailleurs, s'agissant de la disponibilité des documents nécessaires à l'information du Parlement français dans le cadre de la procédure prévue à l'article 88-4 de la Constitution, une mission a été conduite au premier semestre 1996 par le secrétaire général adjoint du SGCI auprès des instances communautaires afin de les sensibiliser au fait que les assemblées françaises refusent, au titre des dispositions de l'article 2 de la Constitution qui dispose que « la langue de la République est le français », d'enregistrer des textes rédigés en anglais. Cette mission a permis d'établir que le secrétariat général du conseil disposait des documents, en général, d'abord en français, langue de leur rédaction originelle, mais ne les diffusait que lorsque qu'ils étaient traduits dans toutes les langues officielles de l'Union. La France a donc obtenu que ces textes soient diffusés dès leur disponibilité dans la langue de rédaction, ce qui devrait représenter un réel progrès par rapport à la situation précédente, le français étant la langue de base la plus fréquente.

Cette politique de vigilance, dont votre rapporteur se félicite qu'elle soit aujourd'hui plus systématique, est cependant vouée à l'échec si elle n'est pas accompagnée d'une politique de promotion et de diffusion de la langue française auprès des administrations communautaires et des partenaires européens.

Il est notamment souhaitable, qu'au niveau du recrutement des fonctionnaires de la Commission, une action soit menée pour accroître la proportion des fonctionnaires francophones. La France a intérêt à ce que la maîtrise d'une troisième langue officielle soit exigée des candidats. Une proposition de l'Allemagne et de la France dans ce sens a été soumise à la Commission. Elle ne peut qu'être soutenue.

Plus en amont, une politique volontariste de formation doit être menée. Depuis 1994, des sessions de formation à la langue française ont été mises en place pour les fonctionnaires européens issus des nouveaux adhérents de l'Union. En 1996, un centre européen de langue française a été créé non seulement pour les fonctionnaires européens mais également pour l'ensemble des organisations et associations présentes à Bruxelles. Cette politique doit être poursuivie et renforcée. Il convient notamment de favoriser davantage les échanges de fonctionnaires.

De même un effort tout particulier devrait être consacré à la traduction et à l'interprétariat afin de remédier à la sous-représentation des interprètes français à Bruxelles et en particulier des interprètes français qui maîtrisent la langue des nouveaux adhérents.

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