II. L'ÉLIMINATION DES DÉCHETS : LES DIFFICULTÉS POSÉES PAR L'APPLICATION DE LA LOI DU 13 JUILLET 1992 SUR LA GESTION DES DÉCHETS

A. RAPPEL DU DISPOSITIF LÉGISLATIF ET RÉGLEMENTAIRE

Avec la loi du 13 juillet 1992 relative à l'élimination des déchets, la France s'est dotée des instruments nécessaires à une gestion optimale des déchets ménagers et assimilés. Cette loi, modifiée par celle du 2 février 1995, a posé les fondements d'une politique centrée principalement sur la réduction à la source et la valorisation optimale des déchets, destinées d'une part, à éviter des gaspillages et d'autre part, à réduire l'impact visuel et environnemental des décharges traditionnelles.

Pour cela, la production de déchets doit être réduite, la valorisation matière et la valorisation thermique favorisées, la collecte et le traitement appropriés développés. Cet objectif concerne aussi bien les déchets industriels que les déchets des communes tels qu'ordures ménagères, déchets d'espaces verts ou boues de station d'épuration. Cela signifie que les déchets doivent subir un traitement par les meilleurs procédés possibles et qu'à compter du 1 er juillet 2002, seuls seront acceptés dans les centres de stockage, les déchets ultimes résultant de ces traitements et présentant donc moins de risques d'atteinte à l'environnement.

La loi du 2 février 1995 a complété les dispositions de celle de 1992 et apporté des éléments nouveaux en vue de cette gestion optimale des déchets. Les missions attribuées à l'ADEME dans ce cadre ont été largement étendues avec en particulier, dans le domaine des déchets industriels spéciaux, la mise en place d'une taxe destinée à financer la réhabilitation des sites pollués orphelins et dans le domaine des déchets ménagers, la possibilité de financer la réhabilitation des anciennes décharges.

En matière de gestion des déchets, depuis le 4 février 1996, d'une part, les régions ont la possibilité d'avoir compétence pour l'élaboration des plans d'élimination des déchets industriels spéciaux et, d'autre part, les départements peuvent demander la compétence pour l'élaboration des plans d'élimination des déchets ménagers et assimilés.

Les objectifs essentiels des lois du 13 juillet 1992 et du 2 février 1995 sont les suivants : prévenir ou réduire la production et la nocivité des déchets, notamment en agissant sur la fabrication et sur la distribution des produits, valoriser, autant qu'il est pertinent de le faire, les déchets par réemploi, recyclage ou toute autre action visant à obtenir, à partir des déchets, des matériaux réutilisables ou de l'énergie, assurer la mise en place de systèmes de gestion de déchets performants et adaptés à leur contexte par une concertation systématique (plans départementaux et régionaux d'élimination des déchets), contrôler le transport des déchets et le limiter en distance et en volume, limiter la quantité de déchets bruts mis en décharge et garantir la sécurité de l'élimination (surveillance du site, intervention en cas d'accident, remise en état après fermeture).

Pour atteindre ces objectifs, la loi prévoit divers outils :

- un renforcement des conditions techniques et financières d'autorisation et du contrôle des sites de stockage ;

- l'élaboration, la mise en oeuvre et la révision de plans départementaux ou interdépartementaux d'élimination des déchets en concertation entre les élus et l'État ;

- le financement d'une politique d'aide aux collectivités pour les nouvelles installations de collecte et de traitement de déchets dont elles sont responsables.

Pour contribuer au financement de cette politique, une taxe sur le traitement et le stockage des déchets a été instituée par la loi du 13 juillet 1992 (modifiée par celle du 2 février 1995) et sa gestion confiée à l'ADEME. Ses conditions de perception et d'utilisation ont été définies respectivement par les décrets du 29 mars 1993 modifié et son montant a été fixé à 5.000 francs par installation par la loi du 13 juillet 1992.

La loi du 2 février 1995 a prévu une augmentation du tarif de la taxe de 5 francs par an pour passer de 25 francs au 1 er janvier 1995 à 40 francs au 1 er janvier 1998. Cette taxe est acquittée par les exploitants de décharges de déchets ménagers et assimilés et tout exploitant d'une installation collective d'élimination de déchets industriels spéciaux.

Pour le stockage des déchets industriels spéciaux, le taux est double par rapport au taux de base et s'entend avant stabilisation. Ce doublement ne s'applique pas aux résidus provenant des installations de traitement assujetties à la taxe.

Alimentées par cette taxe, les aides financières de l'ADEME ont vocation à favoriser le développement de moyens de traitements innovants, à faciliter la réalisation d'équipements collectifs exemplaires de traitement des déchets, à remettre en état des installations de stockage collectif de déchets ménagers et assimilés et à réhabiliter des sites industriels pollués « orphelins ».

B. ADOPTION DES PLANS D'ÉLIMINATION DES DÉCHETS DÉPARTEMENTAUX

Le décret du 3 février 1993, relatif aux plans d'élimination des déchets ménagers et assimilés, pris en application de l'article 10-2 de la loi du 13 juillet 1992 et de la directive CEE du 18 mars 1991, a fixé les modalités selon lesquelles ces documents devaient être élaborés avant le 4 février 1996.

La loi n° 95-101 du 2 février 1995 (art. 60) a modifié l'article 10-2 de la loi de 15 juillet 1975. Elle a notamment disposé, d'une part, que le projet de plan départemental « est élaboré à l'initiative et sous la responsabilité de l'État ; toutefois, cette compétence est transférée, à sa demande, au conseil général ». Elle prévoit, d'autre part, une procédure d'élaboration quelque peu différente par rapport à celle fixée par la loi du 13 juillet 1992 (composition complétée de la commission du plan, soumission du projet au conseil général, au conseil départemental d'hygiène ainsi qu'aux conseils généraux des départements limitrophes avant l'enquête publique). Ces dispositions sont entrées en vigueur le 4 février 1996 mais les décrets d'application portant modification partielle des décrets n° 93-139 et 93-140 du 3 février 1993, relatif aux plans régionaux et aux plans départementaux d'élimination ont été examinés par le Conseil d'État en juin 1996 et sont en cours d'approbation. Le décret relatif aux plans départementaux devra notamment établir des dispositions transitoires claires, selon que le Conseil général a ou non opté, après le 3 février 1996, pour le transfert de compétences et selon que l'enquête publique a ou non été prescrite avant la date de publication du décret.

L'état d'avancement des plans au 31 juillet 1996 peut être résumé dans le tableau ci-dessous :

(1) - dont le plan du Cher, annulé par le tribunal administratif d'Orléans et pour lequel toute la procédure d'élaboration est à recommencer ;

- un plan est interdépartemental (Drôme et Ardèche). ce qui signifie qu `au total 50 départements ont adopté leur plan, le Cher exclu.

(2) dont Mayotte et St Pierre et Miquelon, pour lesquels le décret du 3 février 1993 ne s'impose pas (pas d'obligation de faire un plan départemental), et Paris qui connaît une situation particulière.

La compétence en matière d'élaboration, de suivi ou de révision du plan a été transférée au Conseil général dans les départements du Tarn et Garonne, de la Creuse, de la Lozère et de la Réunion.

En ce qui concerne l'élaboration des plans régionaux d'élimination des déchets industriels spéciaux, la loi n° 95-101 du 2 février 1995 prévoit également un transfert de compétences possibles vers les conseils régionaux, mais le décret d'application n'est pas encore paru, et donc aucun Conseil régional n'a pu faire encore de demande officielle.

Au 1 er juillet 1996, 9 plans élaborés selon l'ancienne procédure conduite par le préfet ont été approuvés. Il s'agit des régions suivantes :

- Bretagne : 20juillet 1995

- Franche Comté : 27 mars 1996

- Ile de France : 2 février 1996

- Basse Normandie : 31 janvier 1996

- Haute Normandie : 8 septembre 1995

- Nord-Pas-de-Calais : 2 février 1996

- Pays de Loire : 2 février 1996

- Picardie : 1er février 1996

- Rhône-Alpes : 28 août 1994.

C.. LES DIFFICULTÉS D'APPLICATION DE LA LOI

Force est de constater, à cinq ans, des échéances fixées par la loi du 13 juillet 1992 pour l'élimination des décharges de déchets ménagers, que les collectivités locales sont confrontées à un enjeu économique démesuré, dans le choix des outils à mettre en oeuvre.

« Les prévisions issues des plans départementaux d'élimination des déchets ménagers évaluent à 28 millions de tonnes par an la quantité de déchets ménagers et assimilés à traiter à l'horizon 2002. Sur ce tonnage, 15 millions de tonnes, au mieux, seront incinérés si tous les projets annoncés entrent effectivement en activité, » analyse l'association pour la promotion de l'élimination technique (ASPRODET) ; 3 millions de tonnes de déchets pourront être au mieux recyclés. La question reste donc posée pour 10 millions de tonnes de déchets ménagers.

De plus, les collectivités locales n'ont pas la capacité financière de supporter le coût de ces investissements. Selon les estimations de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), l'application stricte de la loi de 1992 devrait coûter environ 61 milliards de francs aux communes d'ici 2002. Or si, globalement, le coût de traitement des ordures ménagères est sensiblement équivalent quel que soit le système choisi, il ne se répercute pas de la même manière selon que l'on a préféré l'incinération ou la décharge « hyper-sécuritaire ». Cette dernière présente l'avantage, non négligeable pour un élu, de nécessiter un moindre investissement au départ : de 20 millions à 25 millions de francs pour un centre de stockage d'une capacité de 10.000 tonnes, soit environ dix fois moins que pour une usine d'incinération premier prix.

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