B. LE DÉBAT CAPITALISATION OU RÉPARTITION

1. Les mérites respectifs des deux systèmes

Un récent rapport du Conseil d'analyse économique fait le point sur les mérites respectifs des systèmes de retraite par répartition et des systèmes de retraite par capitalisation.

D'une part, la capitalisation permet d'encourager l'épargne longue favorable au développement des entreprises, ce qui contribue à élever la productivité de l'économie et donc les salaires.

Du point de vue des individus, le rendement des régimes de retraite par capitalisation est supérieur : pour atteindre un même niveau de prestation, leur niveau d'effort contributif est plus bas. Le rendement implicite des cotisations versées à un système en répartition peut être estimé à 2 %, alors que le rendement sur longue période d'un portefeuille diversifié est de l'ordre de 5 %.

D'autre part, les systèmes de retraite par répartition présentent l'avantage d'assurer une plus grande solidarité entre les individus et de mutualiser les risques entre les générations. Les régimes par capitalisation sont en effet exposés au risque d'une fluctuation de la valeur réelle des actifs financiers, qui peut résulter aussi bien d'un krach boursier que d'une accélération de l'inflation.

L'auteur de cette comparaison, M. Olivier Davanne, propose de concilier les avantages des deux systèmes : "Au point de vue de l'analyse économique, le système optimal de retraite est celui que nous qualifierons de "répartition provisionnée". Dans un tel système, les régimes de retraite publics se concentrent sur leur rôle "d'assureurs intergénérationnels" et gèrent des réserves financières importantes. Les jeunes générations héritent ainsi en contrepartie de la dette implicite laissée par leurs parents d'un patrimoine important. Ce patrimoine, productif de revenus, allège le poids des cotisations retraite payées par les actifs.

"Des régimes de retraite publics accordant des droits en répartition et disposant de réserves importantes cumulent les avantages de la répartition (bonne mutualisation des risques financiers) et ceux de la capitalisation (rendement élevé et offre d'épargne élevée). Il s'agit en principe du système le plus compétitif sur le plan du couple risque-rendement
".

Le dispositif du fonds de réserve proposé par le Gouvernement s'inspire directement de ce principe de "répartition provisionnée", tout en demeurant très lacunaire.

2. Le report préjudiciable des fonds d'épargne retraite

Le débat devant l'Assemblée nationale a montré qu'il existe désormais un consensus relatif sur l'opportunité de mettre en place un troisième étage de retraite par capitalisation, qui viendrait s'ajouter aux étages des retraites de base et des retraites par répartition.

Votre rapporteur pour avis regrette toutefois le retard qui a été pris depuis dix-huit mois, avec la non application de la loi n° 97-277 du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite, dite "loi Thomas".

Outre le caractère choquant du mépris de la loi votée, ce retard est préjudiciable car la capitalisation suppose, pour être utile, une amorce du processus d'accumulation des droits la plus précoce possible.

A cet égard, il serait peu responsable d'entretenir de faux espoirs chez les Français. Quels que soient le niveau de cotisation choisi, les modalités de gestion et les avantages éventuellement consentis par les entreprises aux salariés les plus âgés, les fonds d'épargne retraite ne pourront rien pour les personnes prenant leur retraite moins de dix ou quinze après avoir commencé de cotiser. Aussi opportuns soient-il à long terme, ces fonds ne peuvent constituer une réponse à l'impact du choc démographique de 2005 sur les régimes par répartition.

Par un amendement au rapport annexé au projet de loi de financement, le Gouvernement s'est engagé à abroger la loi n° 97-277 du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite, considérant que celle-ci " favorise clairement les salariés aux revenus les plus élevés, privilégie une approche individuelle et fragilise les comptes de la sécurité sociale ".

Sans entrer dans les motifs qui conduisent le Gouvernement à rejeter la "loi Thomas", votre rapporteur pour avis estime que son abrogation n'est admissible que si un autre dispositif de fonds d'épargne retraite lui est concomitamment substitué.

3. Le CADES, ou la capitalisation à l'envers

Le débat capitalisation ou répartition, qui a jusqu'à présent servi de prétexte au report des réformes nécessaires, apparaît irréaliste lorsque l'on considère les modalités du financement de la branche vieillesse du régime général sur la période récente.

Celle-ci est restée structurellement déséquilibrée en dépit de la réforme de 1993, et son déficit cumulé a été pris en charge par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) créée par l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996.

Votre rapporteur pour avis juge particulièrement grave ce financement à crédit d'un régime de retraite par répartition, qui aboutit à une forme de capitalisation à l'envers.

Le financement par l'emprunt de la branche vieillesse du régime général reporte la charge sur le futur, accroissant ainsi les iniquités entre générations. Ce mécanisme pervers fragilise l'engagement implicite sur lequel repose tout régime de retraite par répartition.

Certes, la dette prise en charge par la CADES n'est imputable que partiellement à la branche vieillesse, l'essentiel des déficits passés du régime général étant imputable aux branches maladie et famille. Le financement par l'emprunt des dépenses de santé ou de prestations familiales est d'ailleurs aussi aberrant que celui des dépenses de retraite.

Au total, la dette reprise par la CADES s'élève à 224 milliards de francs, soit 137 milliards de francs en vertu de l'ordonnance du 24 février 1996 et 87 milliards de francs en vertu de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998. L'échéance de la CADES, fixée initialement au 1er janvier 2009, a été repoussée au 1er janvier 2014.

Du moins, la charge du financement de la CADES est-elle équitablement répartie, puisque la contribution de remboursement de la dette sociale (CRDS) au taux de 0,5 % qui l'alimente pèse aussi bien sur les revenus de remplacement ou les revenus du patrimoine que sur les revenus d'activité.

Structurellement, la CADES dégage une capacité de financement qui lui permet d'amortir sa dette. Au 31 décembre 1997, sa dette nette s'élevait à 131,6 milliards de francs, soit la différence entre un passif de 207,6 milliards de francs et un actif de 76 milliards de francs.

Le poids de la CRDS se fera sentir bien au-delà de la transition démographique de 2005, jusqu'en 2014. Le demi-point de CRDS réduira alors d'autant la marge de manoeuvre disponible pour une hausse des cotisations d'assurance vieillesse.

C'est dans le but de dégager cette marge de manoeuvre que votre rapporteur pour avis propose, dans sa proposition de loi précitée, d'affecter à la CADES les excédents éventuels du régime général afin d'accélérer le remboursement de la dette sociale.

Page mise à jour le

Partager cette page