III. DES QUESTIONS RESTANT EN SUSPENS

Si le baccalauréat professionnel peut être considéré comme l'une des grandes réussites du système éducatif de ces dernières années, les voies technologique et professionnelle ont aussi leurs zones d'ombre : la sécurité des équipements, le développement de la violence dans les lycées professionnels, la précarisation des personnels chargés de l'insertion des jeunes, le contrôle insuffisant de l'éducation nationale sur l'apprentissage constituent quelques uns des problèmes encore non résolus. Cette liste n'est pas exhaustive puisque les problèmes d'effectifs, d'horaires, de programmes, d'équilibre entre culture générale et professionnelle, d'enseignement individualisé, de gratuité de l'enseignement, de formation des professeurs, de stages en entreprise, de développement des passerelles sont loin d'être tous réglés.

1. La mise en sécurité des établissements et des équipements

Les décrets du 11 janvier 1993 découlant de la directive européenne du 30 novembre 1989 font obligation aux régions de mettre en conformité les équipements de travail des établissements avant le 1er janvier 1997.

Il convient à cet égard de rappeler le constat et les préconisations de l'observatoire national de la sécurité des établissements scolaires présidé par M. Schléret.

Le financement de la mise en conformité des machines est en effet du ressort des régions qui, pour la majorité d'entre elles, ne se sont pas limitées aux opérations de mise en sécurité stricto sensu , mais ont procédé à une modernisation de l'ensemble des machines.

L'enquête menée par le ministère de l'éducation nationale auprès des régions faisait apparaître, à la fin de 1996 :

• 2 cas de mise en conformité à 100 % ;

• 10 cas de réalisation supérieure à 75 % ;

• 7 cas entre 40 et 65 % ;

• 2 cas entre 16 et 40 % ;

• 5 cas de réalisation inférieure à 16 % ;

soit un pourcentage de remise aux normes de 66 %.

Une nouvelle enquête lancée par le ministère en juin 1997 a permis de constater la poursuite de la mise en conformité, les académies les plus en retard ayant fourni un effort important au terme duquel le remplacement des machines dangereuses est achevé (par exemple, académie de Corse) ou effectué à 80 % (académie de Clermont-Ferrand). En revanche, les académies ayant démarré beaucoup plus tôt ne sont pas en mesure de faire état d'un progrès sensible (Lyon, Grenoble, Dijon, Amiens, Toulouse...).

S'il n'est pas possible de faire une estimation globale de l'avancement des opérations à la fin de 1997, un effort financier exceptionnel a pu toutefois être constaté dans toutes les régions au début de l'année 1997 et les crédits régionaux ont été partout en hausse sensible entre 1996 et 1997.

Les crédits d'Etat qui représentent 20 % du coût de financement de ces travaux de mise en sécurité sont passés de 31,75 millions de francs en 1996 à 40 millions de francs en 1997.

2. Un développement spécifique de la violence dans les lycées professionnels

Les enquêtes trimestrielles menées par le ministère de l'éducation nationale et portant sur les phénomènes d'absentéisme et de violence dans les établissements publics locaux d'enseignement depuis 1996 ont permis de dégager quelques éléments sur le développement spécifique de la violence dans les lycées professionnels.

Outre le fait que les élèves des lycées professionnels sont fortement concernés par l'absentéisme, ces établissements sont en particulier touchés par la violence verbale, les vols ou tentatives de vol, les détériorations de matériel et la consommation de stupéfiants. Depuis un an, on constate une augmentation de cette tendance.

Si l'on considère la gravité des problèmes de violence, il apparaît que les problèmes les moins importants relevant de l'incivilité, sont plus fréquents dans les collèges que dans les lycées professionnels.

En revanche, les faits graves, pouvant avoir un retentissement sur la communauté scolaire, se relèvent plus fréquemment dans les lycées professionnels au cours du second trimestre de 1997.

On note une augmentation des événements d'une gravité exceptionnelle dans les lycées professionnels alors qu'ils restent relativement stables dans les lycées et sont en légère diminution dans les collèges, ce qui renvoie à certaines conséquences d'une orientation par défaut, ou par l'échec vers ces formations.

Le plan de prévention de la violence engagé en novembre 1997 a permis de concentrer d'importants moyens humains et financiers sur les établissements les plus sensibles situés en ZEP tandis qu'un partenariat était engagé avec les ministères de l'intérieur et de la justice.

Il convient d'ajouter que des emplois-jeunes ont été implantés à titre expérimental dans les lycées professionnels, dans les mêmes conditions que dans les collèges, c'est-à-dire prioritairement dans les sites expérimentaux de prévention de la violence, dans les établissements sensibles et les zones difficiles.

Un bilan établi en juin 1998 a ainsi permis de recenser 360 aides-éducateurs recrutés dans 152 lycées professionnels et 177 emplois-jeunes dans 72 lycées d'enseignement général et technologique.

Votre commission souhaiterait pour sa part que la présence d'adultes dans toutes les fonctions administratives, éducatives et techniques soit particulièrement accrue dans les lycées professionnels.

3. La mission générale d'insertion de l'éducation nationale

a) Les actions assignées à la mission générale d'insertion de l'éducation nationale (MIGEN)

La loi d'orientation sur l'éducation de 1989 et la loi quinquennale du 20 décembre 1993, relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle ont instauré, pour tous les jeunes, le droit de se voir offrir, avant leur sortie du système éducatif et quel que soit leur niveau d'enseignement, une formation professionnelle.

La mission générale d'insertion, assignée au système éducatif, s'inscrit dans ce cadre et les actions développées poursuivent les objectifs suivants :

- préparer tous les jeunes à leur entrée dans la vie sociale, professionnelle et citoyenne ;

- faciliter l'accès à la formation professionnelle, à la qualification, en proposant des démarches pédagogiques adaptées ;

- accompagner les jeunes lors de la phase de transition vers l'insertion socio-professionnelle et l'accès à l'emploi.

b) Les personnels concernés

Ces personnels sont constitués de coordonnateurs académiques de la mission d'insertion, chargés, précédemment, de l'animation du dispositif d'insertion des jeunes (DIJEN), de formateurs, chargés de développer et de valoriser les relations entre les établissements scolaires et leur environnement socio-économique et d'équipes dont la mission doit être élargie à la préparation à l'accueil des nouveaux publics, qui, dans le cadre de la mise en oeuvre de l'article 54 de la loi quinquennale, devront obtenir une formation.

A compter de la rentrée 1998, les personnels contractuels concourant aux différentes actions organisées dans le cadre de la mission générale d'insertion, auront la possibilité de se présenter aux concours internes d'éducation, d'enseignement et d'orientation, s'ils remplissent les conditions nécessaires en ce qui concerne les diplômes et l'ancienneté.

Votre commission tient à rappeler qu'elle est actuellement saisie d'une proposition de loi n° 539 (1997-1998) présentée par MM. Yann Gaillard, Pierre Laffitte et Martial Taugourdeau relative à la titularisation des personnels de la mission générale d'insertion de l'éducation nationale.

Ce texte vise notamment à ouvrir les concours réservés créés afin de résorber l'emploi précaire dans la fonction publique aux candidats qui ont exercé en qualité de contractuel dans le cadre de la MIGEN et à permettre également à ces personnels d'être titularisés par la voie de concours internes et spécifiques.

Votre commission souhaiterait connaître les intentions du ministre sur une consolidation du statut de ces personnels et donc sur le sort qui serait réservé à cette initiative parlementaire.

4. Le renforcement du rôle de l'éducation nationale dans l'encadrement de l'apprentissage

L'article L.115-1 du code du travail définit l'apprentissage comme une forme d'éducation alternée, qui a pour but de donner à des jeunes ayant satisfait à l'obligation scolaire, une formation générale, théorique et pratique, en vue de l'obtention d'un diplôme professionnel ou technologique du second degré ou de l'enseignement supérieur, ou d'un titre d'ingénieur ou d'un ou de plusieurs titres homologués.

a) Le développement de l'apprentissage sous la tutelle de l'éducation nationale

On recensait, au 31 décembre 1997, 337 058 apprentis, soit une hausse de 6,7 % par rapport à 1996.

Les apprentis sous tutelle de l'éducation nationale sont au nombre de 310 633 et celui-ci a augmenté de 51 % en cinq ans.

L'apprentissage a ainsi enregistré une hausse de ses effectifs de plus de 105 000 jeunes depuis 1992 (dont 15 000 en 1997) alors que, pendant la même période, les classes de second cycle professionnel augmentaient de 12 000 élèves et que le second cycle général en perdait plus de 66 000.

La croissance régulière des effectifs résulte, à la fois, de l'ouverture de cette voie à tous les diplômes professionnels, de la forte implication des régions, des incitations résultant des lois de 1987, 1992, 1993, 1996 et de l'action des opérateurs de formation (établissements publics locaux d'enseignement, organismes consulaires et branches professionnelles) pour cette voie de formation.

b) Les modalités d'intervention de l'éducation nationale

L'éducation nationale intervient à des titres divers dans le domaine de l'apprentissage, notamment en raison de sa responsabilité pédagogique.

Elle participe tout d'abord au développement de l'apprentissage en formant des apprentis dans les établissements publics locaux d'enseignement.

La formule traditionnelle est celle du centre de formation d'apprentis (CFA) créé par convention entre un conseil régional et un établissement public local d'enseignement : comme il a été vu, 310 633 apprentis sont ainsi recensés dans les CFA sous tutelle de l'éducation nationale.

Des modalités nouvelles ont été créées par la loi quinquennale du 20 décembre 1993, sur l'emploi :

- des sections d'apprentissage peuvent être créées par des lycées professionnels, principalement pour des formations de niveaux IV et III, en réponse à une demande du monde professionnel, par convention entre le lycée, la région et un organisme professionnel (syndicat professionnel, chambre consulaire). On dénombre près de 750 apprentis, soit un doublement de l'effectif en un an, dans 51 sections dont 23 créations pour la seule année 1997 ;

- pour les unités de formation par apprentissage (UFA), le CFA assure la responsabilité administrative tandis que l'établissement d'accueil a la charge de l'organisation des enseignements. Ce dispositif rassemble près de 1 140 apprentis dans 66 unités ;

- une convention peut être signée entre un établissement et un CFA, au titre de l'article L. 116-1 du code du travail. A ce titre, les établissements publics locaux d'enseignement ont accueilli 21 594 apprentis en CFA et sections d'apprentissage, soit plus de 6 % des effectifs d'apprentis à la rentrée 1997.

c) Les CLIPA

Les classes d'initiation préprofessionnelle en alternance sont ouvertes dans le cadre des plans régionaux de développement des formations professionnelles des jeunes. Elles peuvent accueillir, à partir de l'âge de quatorze ans, des élèves sous statut scolaire qui choisissent d'acquérir une préqualification professionnelle par la voie de la formation en alternance.

Cette formation peut être assurée, en partie, en lycée professionnel, en CFA ou en collège et en partie, en milieu professionnel. Un modèle de convention est proposé pour l'organisation de la formation des élèves en milieu professionnel.

A la rentrée 1997, 682 élèves ont été scolarisés dans des CLIPA dans des collèges et des lycées professionnels publics et privés.

d) Les observations de la commission

Il convient de saluer les efforts engagés par l'éducation nationale pour mieux encadrer l'apprentissage, même si le développement des sections au sein des lycées professionnels est resté limité.

Il reste en outre vraisemblable que l'introduction plus large de l'alternance au sein des formations professionnelles dispensées en milieu scolaire, annoncée par le ministre, aura pour conséquence de réduire à l'avenir la part de l'apprentissage.

Votre commission souhaiterait à cet égard que le ministre précise sa conception de l'alternance (contenu, suivi par les équipes pédagogiques, implication des entreprises) en indiquant le rôle qu'y est appelé à jouer l'apprentissage.

5. La réussite des baccalauréats professionnels

Considéré comme une des innovations majeures du système éducatif, le baccalauréat professionnel poursuit son développement, enregistre une augmentation continue du nombre de ses candidats et une constante amélioration du taux de réussite.

a) Une innovation majeure du système éducatif

Conçu et mis en oeuvre en étroite relation avec le monde professionnel, la vocation première de ce diplôme est l'insertion professionnelle. Il convient de noter que l'insertion des bacheliers professionnels est meilleure que celle des bacheliers technologiques, et que ce diplôme représente pour les jeunes issus du BEP ou du CAP une chance supplémentaire d'accéder à une qualification de niveau IV et ainsi de connaître une meilleure insertion. Pour autant, un seuil pourrait être atteint dans certaines spécialités qui ont comblé leur déficit initial en emplois de ce type. Le bac professionnel peut être préparé par la voie scolaire, par la voie de l'apprentissage ou celle de la formation continue.

Depuis 1985, 41 spécialités de baccalauréats professionnels ont été créées. Trente-deux relèvent du secteur industriel et neuf du secteur tertiaire. Chacun de ces diplômes est régulièrement réactualisé, en étroite concertation avec les professions intéressées.

b) Le devenir des bacheliers professionnels

La poursuite d'études n'est pas l'objectif premier du baccalauréat professionnel, et près de sept bacheliers professionnels sur dix arrêtent leurs études après l'obtention du diplôme.

Ceux qui poursuivent leurs études, le font, pour la plupart, dans les sections de techniciens supérieurs menant aux BTS et dans les spécialités correspondant à leur filière d'origine.

La poursuite d'études se fait, pour un bachelier sur trois, par la voie de l'alternance avec un contrat d'apprentissage ou de qualification. On observe enfin que les bacheliers professionnels des séries tertiaires prolongent plus souvent leur formation que ceux des séries industrielles (35,4 % contre 25,4 %).

Cependant, la formation continue permet aux bacheliers professionnels en activité de continuer à se perfectionner, de suivre les évolutions technologiques de leur métier et de faire progresser leur métier.

c) L'augmentation du nombre de candidats et l'amélioration du taux de réussite

Le taux de réussite du baccalauréat professionnel a dépassé 79 %, à la session 1997, tandis que la session de 1998 a enregistré un peu plus de 100 000 candidatures.

EVOLUTION DES EFFECTIFS DE PRÉSENTÉS ET D'ADMIS
 

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

Présentés

8 0721

19 922

33 344

47 344

60 664

73 173

82 946

92 346

92 270

96 966

101 659

Admis

6 607

14 504

35 132

35 132

46 112

52 537

67 096

67 096

72 156

76 726

-

Taux de succès (%)

75,8

72,8

74,2

74,2

76

71,8

74,1

72,7

78,2

79,1

-

* Total spécialités industrielles :44 227

Total spécialités tertiaires :57 432

Sur une période de dix ans, cette série a connu une explosion de ses candidats présentés : de 1 157 en 1987 à 96 966 cette année, sur la même période le taux de réussite a augmenté de + 3,9 % .

d) Les observations de la commission

Si votre commission ne peut que se réjouir de la réussite du baccalauréat professionnel et de son efficacité en matière d'insertion professionnelle, elle ne peut que constater que ce diplôme rend difficile la poursuite d'études dans les filières supérieures traditionnelles (BTS, IUT, premiers cycles universitaires) bien qu'ayant un statut analogue à celui des autres baccalauréats en terme d'accès à l'enseignement supérieur.

Elle envisagerait ainsi favorablement l'étude de la création d'un brevet professionnel supérieur qui serait ouvert aux bacheliers professionnels et qui comporterait une part de formation en alternance.

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