II. L'EMPLOI ET L'EDUCATION

Pour votre commission des Affaires économiques, le principal mal dont souffrent les quartiers sensibles reste le chômage. C'est pourquoi la lutte contre ce fléau est, au même titre que le rétablissement de la sécurité, une priorité.

A. LES AIDES SPÉCIFIQUES À CERTAINES ZONES URBAINES

1. Mesures applicables en zone franche urbaine (ZFU)

Les emplois créés dans les ZFU bénéficient pendant 5 ans d'une exonération de cotisations patronales de sécurité sociale, dans la limite de 50 emplois par entreprise.

Devant l'incapacité du Gouvernement à établir un premier bilan -même sommaire- du fonctionnement des ZFU, votre rapporteur pour avis a recueilli des éléments chiffrés auprès de l'association nationale des villes zones franches urbaines. Il en ressort que dans l'ensemble des zones franches urbaines de métropole 14( * ) , 14.000 emplois ont été créés entre le 1 er janvier 1997 et le 1 er janvier 1998. Ce chiffre est d'autant plus remarquable que le nombre d'emplois existants dans les zones franches lors de leur création s'élevait à 50.000 environ. Il s'ensuit que le nombre d'emplois dans les ZFU a augmenté de 28 % en un an .

Afin d'obtenir une analyse plus détaillée, l'association nationale des villes zones franches urbaines a réalisé une enquête spécifique sur la nature des emplois implantés et sur la proportion qui résultaient d'une création de poste. 25 villes lui ont fourni des résultats montrant que le nombre des emplois implantés dans l'ensemble de leurs zones franches s'élevait à 7.906 et que le nombre d'emplois créés se montait à 3.235 soit 41 %.

L'association des villes zones franches note que le taux d'embauche local observé était, dans la très grande majorité des ZFU, supérieur au minimum de 20 % prévu par la loi . Ainsi, l'obligation d'embauche locale ne constitue nullement un handicap pour le dispositif. Lors de sa visite à Mantes-la-Jolie, votre rapporteur pour avis a d'ailleurs observé que le taux d'embauches locales dans la ZFU de cette commune était supérieur à 40 %, ce qui corrobore pleinement les données de l'enquête précitée.

Votre rapporteur estime que le dispositif tendant à assurer la " mixité au travail " entre les habitants des zones franches employés dans celles-ci et les personnes qui viennent y travailler sans y résider est très utile. Songer à réserver la quasi-exclusivité des emplois créés en ZFU aux habitants de ces zones reviendrait à accroître le sentiment de " relégation " que ressentent parfois les habitants des quartiers en difficulté.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, par l'association nationale des ville zones franches la tendance positive observée au cours de la première année de fonctionnement s'accélère. Le rythme de création d'emploi s'améliore par rapport aux premiers résultats.

2. Mesures applicables en zone de redynamisation urbaine (ZRU)

Une exonération de cotisations patronales de sécurité sociale, créée par le pacte de relance, s'applique dans les ZRU, pendant 12 mois, aux embauches opérées jusqu'au cinquantième salariés.

Cette mesure, qui a bénéficié à 2.245 embauches en 1997, serait susceptible d'en concerner 4.500 environ en 1998.

B. L'EMPLOI DES JEUNES

Le programme nouveaux services, nouveaux emplois et le programme " TRACE " constituent le socle de la politique de lutte contre le chômage des jeunes.

1. Le programme nouveaux services, nouveaux emplois

La loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 relative au développement de l'activité pour les jeunes a prévu la création d'un programme intitulé " nouveaux services, nouveaux emplois " afin de répondre à des besoins non satisfaits par le fonctionnement du marché de l'emploi grâce à des " emplois-jeunes ". A ce titre, l'Etat versera une aide de 92.000 francs par an et par emploi-jeune, pendant 5 ans. Au 31 juillet 1998, le programme avait permis d'embaucher, 105.000 jeunes, dont :

- 56.750 dans des associations, des collectivités locales ou des établissements publics, soit 54 % ;

- 48.000 dans l'éducation nationale (45 %) ;

- 8.250 dans la police nationale (7,8 %).

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1998, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité avait décidé que 10 % au moins des emplois-jeunes seraient réservés aux jeunes issus de quartiers en difficulté. Votre Commission des Affaires économiques avait alors critiqué le caractère arbitraire de cette décision. Elle constate aujourd'hui que les doutes qu'elle avait émis étaient fondés puisque le Gouvernement a doublé la part des emplois-jeunes réservés aux personnes qui résident dans des quartiers en difficulté, prouvant par là que le chiffre de 10 % d'emplois-jeunes destinés aux quartiers sensibles était insuffisant. Elle regrette, aujourd'hui encore, que le Gouvernement ait définitivement rompu avec la logique de discrimination positive qui avait inspiré le pacte de relance au profit d'une logique de quotas, sans rapport avec les besoins réellement observés.

Le Gouvernement évalue le coût des emplois-jeunes créés dans le cadre de la politique de la ville à 20 % du montant total qui leur sera consacré au plan national, soit 2,8 milliards de francs en 1999 sur 13,9 milliards de francs. Votre Commission des Affaires économiques s'étonne d'ailleurs de l'importance des " crédits d'ingénierie " destinés à mettre en place l'ensemble des emplois-jeunes. Ceux-ci s'élèvent à 125 millions de francs en 1999 et figurent au chapitre 44-01, article 40, du fascicule budgétaire " emploi " sous le titre " Mesures d'accompagnement des projets dans le cadre du programme " nouveaux services, nouveaux emplois ". Si l'on adopte la même clé de répartition pour les crédits d'ingénierie que pour les emplois-jeunes eux-mêmes, 20 % de leur montant -soit 25 millions de francs- seraient affectés aux quartiers en difficulté !

Votre rapporteur pour avis souhaite, en outre, mettre l'accent sur le risque de détournement dont font l'objet certains emplois-jeunes. Il s'étonne de l'existence d'offres de ces emplois manifestement destinées à un public tout à fait sur-diplômé. C'est ainsi, par exemple, que pour un travail d'animateur culturel -payé 120 % du SMIC qui aurait plutôt sa place dans la Gazette des Communes ou les annonces emplois du Figaro ou du Monde -, il a pu être demandé au candidat de :

- posséder son propre véhicule pour effectuer des déplacements ;

- avoir une bonne connaissance du milieu du tourisme, des facilités de contact avec le public, une expérience en animation, le sens de l'organisation, être disponible et savoir skier ;

- disposer de connaissances en anglais et en informatique.

Une autre annonce relevée par votre rapporteur pour avis était destinée à pourvoir un poste d'agent de développement de la vie associative payé 6.798 francs par mois, par un emploi-jeune. Ce poste ne nécessitait, quant à lui, rien moins qu'une expérience exigée de 1 à 2 ans afin de :

- coordonner l'organisation de la politique associative de la ville ;

- exercer un rôle de conseil auprès de dirigeants bénévoles ;

- préparer et organiser toute action en vue de promouvoir la vie associative ;

- procéder à l'élaboration technique de projets de développement.

De tels postes ne pourraient-ils pas être pourvus par d'autres formules que des emplois-jeunes ? Votre Commission des Affaires économiques souhaite, en conséquence, que les services de l'Etat veillent à ce que les emplois-jeunes ne soient pas détournés de leur objet et ne financent pas des postes de travail qui relèvent purement et simplement du marché de l'emploi, à l'instar de ceux évoqués ci-dessus.

2. Le programme TRACE

Votre Commission des Affaires économiques s'était inquiétée, lors de l'examen du dernier projet de loi de finances, des problèmes posés par " l'employabilité " de certains jeunes qui ne pouvaient bénéficier ni d'emplois de ville, ni d'emplois jeunes. Elle avait alors demandé que ces jeunes reçoivent une aide spécifique destinée à les mettre en mesure d'occuper un emploi. Aussi se félicite-t-elle du lancement d'un programme d'accompagnement spécialisé dénommé Trajet d'accès à l'emploi ou " TRACE ". Réservé aux jeunes de 16 à 25 ans qui rencontrent de grandes difficultés et sont issus de quartiers relevant de la politique de la ville, il tend à les accompagner vers un emploi stable en 18 mois. Il devrait bénéficier à 10.000 personnes en 1998 et à 6.000 autres en année pleine. Votre Commission des Affaires économiques approuve d'autant plus cette initiative ciblée sur les jeunes issus des quartiers en difficulté qu'elle procède -sans que cela soit dit ouvertement- de la logique de " discrimination positive " qu'a toujours prônée le Sénat.

C. LA LUTTE CONTRE LE CHÔMAGE DE LONGUE DURÉE

Le contrat emploi-solidarité est un dispositif transitoire d'insertion de douze mois inscrit dans un parcours d'insertion sociale et professionnelle. Ses bénéficiaires peuvent participer à des cycles de formation au financement desquels l'Etat contribue. Six cent huit mille CES ont été signés en 1996, 542.061 en 1997 et 230.280 au premier semestre 1998 . Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, l'essoufflement apparent du recours au CES s'expliquerait par son recentrage du fait des " emplois-jeunes " vers des publics adultes en difficulté : chômeurs de très longue durée, allocataires du RMI et handicapés, notamment.

Le CES n'est pas réservé à certaines zones spécifiques du territoire. Selon une étude du ministère du travail, ce contrat serait : " utilisé au bénéfice des chômeurs de longue durée, résidants des quartiers sensibles en proportion au moins égale à leur utilisation pour des chômeurs de longue durée du reste de l'agglomération ". Votre rapporteur pour avis estime que l'on ne peut pas se satisfaire d'une telle appréciation qui revient à constater que les chômeurs de longue durée des zones urbaines sensibles ne sont pas moins bien traités que les autres ! En effet, les statistiques de l'INSEE montrent clairement que le taux de chômage dans les ZUS est très supérieur à celui observé dans le reste des agglomérations. Il atteindrait, en moyenne, 15,4 % pour les hommes de 15 à 59 ans contre 7,9 % dans le reste de l'agglomération, et pour les femmes, respectivement 23,5 % et 10,4 % 15( * ) .

Votre Commission des Affaires économiques estime que le Gouvernement devrait, en conséquence, renforcer l'utilisation des CES dans les zones concernées par la politique de la ville, tout comme il l'a fait pour les emplois-jeunes.

D. LES ACTIONS EN MATIERE D'EDUCATION

Votre rapporteur pour avis s'est, dès 1992, déclaré soucieux d'une amélioration de la carte des zones d'éducation prioritaires (ZEP).

Les 564 ZEP couvrent désormais 6005 écoles et établissements scolaires et concernent 1,2 millions d'élèves .

Votre Commission des affaires économiques se félicite de la relance des ZEP, et de la mise en place de contrats éducatifs locaux, afin de prévenir la violence et de favoriser l'apprentissage de la citoyenneté. Le CIV du 30 juin dernier a, en outre, prévu le développement de comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté qui coopéreront avec les collectivités locales et l'accroissement du soutien aux parents et aux acteurs du système éducatif, notamment grâce à l'action d'aides éducateurs. Des initiatives seront également prises en matière de santé scolaire et de suivi sanitaire de la petite enfance et de l'adolescence.

Votre rapporteur pour avis estime souhaitable de renforcer les moyens des services de l'éducation nationale dans les ZEP , conformément aux orientations définies dans le pacte de relance pour la ville. Il note, sur ce point, que le nombre total des postes budgétaires affectés en ZEP afin d'alléger les effectifs et de scolariser les enfants dès deux ans a atteint 3995 au total pour l'année scolaire 1997-1998.

Le versement d'indemnités de sujétion spéciale aux personnels et aux enseignants, et le dispositif destiné à promouvoir la carrière de ces personnels sont également maintenus, ce qui est toujours apparu nécessaire à votre rapporteur pour avis.

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