TITRE II -
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE
DE PROCÉDURE PÉNALE

Article 41 -
Possibilité de décerner un mandat de dépôt ou d'arrêt

L'article 41 du projet de loi modifie l'article 465 du code de procédure pénale. Celui-ci autorise le tribunal à décerner un mandat de dépôt ou d'arrêt en cas de délit de droit commun, et si la peine prononcée est au moins d'une année d'emprisonnement sans sursis. L'article 41 du projet de loi étend les dispositions de cet article aux délits d'ordre militaire visés par le code de justice militaire. Il s'agit :

- de l'insoumission (article 397),

- des différentes formes de désertion (articles 398 à 413),

- de la provocation à la désertion (article 414) et du recel de déserteur (article 416),

- de la mutilation volontaire dans le but de se soustraire aux obligations militaires (articles 418 à 420),

- des infractions contre l'honneur et le devoir (capitulation ; complot militaire ; pillage ; destructions ; faux, falsifications, détournements ; usurpation d'uniformes, de décorations, de signes distinctifs et emblèmes ; outrage au drapeau ou à l'armée ; incitation à commettre des actes contraires au devoir ou à la discipline),

- des infractions contre la discipline (insubordination, rébellion, refus d'obéïssance, voies de fait et outrages envers les supérieurs, violences ou insultes à sentinelle ou vedette, refus d'un service dû légalement, abus d'autorité),

- des infractions aux consignes.

Le livre III du code de justice militaire renvoie aussi aux atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation en temps de guerre (article 476-1 à 476-9) : trahison, espionnage, entreprise de démoralisation de l'armée, provocation des militaires français à passer au service d'une puissance étrangère...

Parmi ces nombreux types d'infraction, certaines peuvent induire des peines d'emprisonnement d'une durée parfois inférieure à un an -du moins en temps de paix - et de ce fait n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 41 du projet de loi. Il s'agit notament de l'insoumission (emprisonnement de deux mois à un an), des destructions (emprisonnement de six mois à trois ans - article 429 du code de justice militaire), et des usurpations d'uniforme (emprisonnement de deux mois à deux ans - article 438 du code de justice militaire).

La commission a adopté l'article 41 sans modification.

Article 42 (supprimé)

(Elargissement des compétences des chambres spécialisées)

Cet article, supprimé par l'Assemblée nationale, prévoyait de modifier les critères de compétence des chambres spécialisées en matière de crimes et délits de droit commun en substituant au critère de l'exécution du service deux nouveaux critères :

- soit les crimes et délits étaient commis dans l'exécution du service en dehors d'un établissement militaire,

- soit les crimes et délits étaient commis à l'intérieur d'un établissement militaire.

L'Assemblée nationale a considéré que cet élargissement des critères de compétence des chambres spécialisées ne permettait pas de résoudre les incertitudes liées à la complexité de la notion de service. Dans le même temps, l'article 42 se référait à la notion peu satisfaisante d'établissement militaire. Lors de son audition par la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale, Mme le garde des Sceaux a estimé contestable que, dans le cas d'infractions de droit commun (citant l'exemple de violences conjugales), commises dans un établissement militaire, les dispositions spécifiques du code de procédure pénale applicables aux infractions commises dans des établissements militaires restreignent la possibilité, pour la personne lésée, de mettre en mouvement l'action publique.

La suppression de l'article 42 par l'Assemblée nationale revient donc à préserver la notion d'exécution du service comme critère de compétence des chambres spécialisées de juridiction de droit commun.

Article 43 -
Conséquences de la compétence du tribunal aux armées de Paris

Cet article abroge l'article 697-2 du code de procédure pénale, devenu sans objet du fait de la compétence reconnue au tribunal aux armées de Paris. En effet, l'article 697-2 prévoit que, quand un tribunal aux armées n'a pas été établi auprès d'une force qui stationne hors du territoire de la République, -ce qui constitue la totalité des cas, le tribunal de Baden constituant, à ce jour, le seul exemple de ces tribunaux aux armées établis hors de France- les crimes et délits qui seraient de la compétence de ce tribunal sont portés devant les chambres spécialisées des tribunaux de grande instance mentionnés à l'article 697 du code de procédure pénale.

La commission a adopté l'article 43 sans modification.

Article 44 -
Correction rédactionnelle due à l'introduction d'un nouvel article

En conséquence de l'insertion d'un nouvel article 698-9 dans le code de procédure pénale (voir l'article 8 du projet de loi), l'article 44 étend à ce nouvel article 698-9 la liste des articles du code de procédure pénale auquel se réfère l'article 698 du même code. Cette liste définit la procédure particulière applicable à l'instruction et au jugement des infractions relevant de la compétence des chambres spécialisées de juridiction de droit commun.

La commission a adopté l'article 44 sans modification.

Article 45 -
Restriction de la notion de flagrance
au regard de l'avis du ministre de la défense

Cet article modifie l'article 698-1 du code de procédure pénale relatif à la mise en mouvement de l'action publique par le procureur de la République, en cas de crimes et délits en matière militaire et en temps de paix.

. La situation actuellement en vigueur, quand le ministre de la défense ne procède pas à la dénonciation des faits (ce qui a pour conséquence de saisir la justice), est la suivante:

- en dehors du cas de flagrance : le procureur de la République doit demander l'avis préalable du ministre de la défense pour engager les poursuites (le délai requis pour rendre cet avis est d'un mois ; il est réduit en cas d'urgence). L'absence d'avis du ministre de la défense est un cas de nullité, sauf si l'avis n'a pas été formulé dans les délais prescrits ;

- en cas de flagrance, l'avis du ministre de la défense n'est pas requis, et le procureur de la République met en mouvement l'action publique sans solliciter cet avis ;

- la définition de la flagrance obéit aux critères définis par l'article 53 du code de procédure pénale : le crime ou le délit se commet actuellement (ou vient de se commettre) ; la personne soupçonnée est " poursuivie par la clameur publique ou est trouvée en possession d'objets (...) laissant penser qu'elle a participé au crime ou au délit " ; le crime ou le délit a été commis dans une maison dont le chef requiert le procureur de la République (ou un officier de police judiciaire) pour le constater.

En vertu de ce dernier critère (second alinéa de l'article 53 du code de procédure pénale), un chef de corps peut donc saisir le procureur de la République et faire engager des poursuites contre l'auteur d'un crime ou d'un délit sans qu'intervienne l'avis du ministre de la défense.

. Le projet de loi supprime la référence au second alinéa de l'article 53 (cas où un chef de corps ferait intervenir directement le procureur de la République), en cohérence avec une modification en cours du code de procédure pénale, qui tendrait à supprimer la notion de flagrance par assimilation, rendant sans objet le second alinéa de l'article 53 du code de procédure pénale.

La commission a adopté l'article 45 sans modification.

Article 45 bis -
Extension des conditions de mise en mouvement de l'action publique

Cet article, inséré dans le présent projet de loi par l'Assemblée nationale, met fin aux restrictions apportées à la mise en action de l'action publique par l'article 698-2 du code de procédure pénale.

. En effet, le projet de loi, dans sa version initiale, maintenait les conditions prévues par l'article 698-2 du code de procédure pénale en matière de mise en mouvement de l'action publique par une victime lésée (décès, mutilation ou invalidité permanente).

Par ailleurs, l'article 46 du projet de loi faisait intervenir un avis préalable du ministre de la Défense en cas de mise en mouvement de l'action publique par une victime lésée. Cet avis n'est pas prévu par la loi actuellement en vigueur.

. Rappelons que la loi n° 82-621 du 21 juillet 1982 a permis aux victimes d'une infraction, dans le cadre d'une procédure pénale militaire, d'obtenir réparation d'un dommage, ce que ne prévoyait pas les textes en vigueur avant 1982. Cette réforme de 1982 n'a cependant pas autorisé les victimes d'une infraction à mettre elles-mêmes en mouvement l'action publique.

La loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 a, par la suite, assoupli l'article 698-2 du code de procédure pénale, en permettant aux victimes de mettre elles-mêmes en mouvement l'action publique. Cette faculté demeurait cependant limitée aux hypothèses très restrictives ci-dessus précisées (décès, mutilation ou infirmité permanente).

. L'Assemblée nationale propose d'aller plus loin que la réforme de 1992 en alignant les conditions de mise en mouvement de l'action publique prévues par le code de procédure pénale, pour les crimes et délits en matière militaire et en temps de paix, sur les articles 85 et suivants du code de procédure pénale.

Ceux-ci définissent les conditions dans lesquelles " une personne lésée peut, en portant plainte, se constituer partie civile devant le juge d'instruction compétent ". Notons toutefois que ces articles du code de procédure pénale excluent la citation directe devant la juridiction de jugement. La nouvelle rédaction de l'article 698-2 du code de procédure pénale proposée par l'Assemblée nationale semble donc revenir à limiter l'ouverture de la mise en mouvement de l'action publique par la victime aux cas où intervient implicitement un avis préalable du ministre de la défense, par le biais du procureur de la République. L'intervention de celui-ci serait, selon les informations transmises à votre rapporteur, induite par le dépôt d'une plainte devant le juge d'instruction.

. Par ailleurs, l'article 45 bis du projet de loi reporte l'entrée en vigueur de ces nouvelles modalités de mise en mouvement de l'action publique par la partie lésée à la fin de la période de transition entre l'armée mixte et l'armée professionnelle (c'est-à-dire au 1er janvier 2002). Cette disposition a été ajoutée à l'article 45 bis au cours des débats éviter que, en autorisant tout militaire -et donc tout appelé- à mettre en mouvement l'action publique pour des infractions de faible gravité souvent liées à la nature même des activités militaires, la nouvelle rédaction proposée pour l'article 698-2 du code de procédure pénale ne déstabilise l'institution militaire.

La commission a adopté l'article 45 bis sans modification.

Article 46

Confirmation de l'avis du ministre de la défense en cas d'engagement des poursuites sur plainte ou constitution de parties civiles

Souhaitant confirmer que l'ouverture de la mise en mouvement de l'action publique par la victime lésée selon les procédures définies par les articles 85 et suivants du code de procédure pénale passe explicitement par l'intervention d'un avis préalable du ministre de la défense, et soucieuse de préserver un élément important de l'information des juridictions, la commission a adopté un amendement tendant à rétablir l'article 46, supprimé par l'Assemblée nationale, et qui prescrit très clairement l'avis du ministre de la défense en cas de mise en mouvement de l'action publique par la victime lésée.

Article 47 -
Abrogation d'articles divers

Cet article supprime de l'article 698-5 du code de procédure pénale, les références à des articles du code de justice militaire abrogés par le présent projet de loi, et introduit des références aux articles nouveaux insérés par ce projet dans le code de justice militaire.

La commission a adopté l'article 47 sans modification.

Article 48 -
Décision d'audience à huis clos

Cet article ajoute une disposition nouvelle aux articles du code de procédure pénale relatifs à la procédure de l'instruction et du jugement des crimes et délits en matière militaire commis en temps de paix sur le territoire de la République.

L'article 698-9, que l'article 48 du projet de loi tend à insérer dans le titre XI du code de procédure pénale, autorise le huis clos des débats en cas de risque de divulgation d'un secret de la défense nationale.

L'Assemblée nationale a introduit dans la présentation de ce nouvel article 698-9 une nuance importante, en réduisant le champ d'application de cet article aux juridictions visées à l'article 697 du code de procédure pénale, c'est-à-dire aux chambres spécialisées en matière militaire des juridictions de droit commun. Le texte initial de l'article 48 du projet de loi, en effet, concernait " toute juridiction de jugement ". Le rapporteur de l'Assemblée nationale a considéré qu'une disposition aussi importante du code de procédure pénale devait faire l'objet d'une étude approfondie, avant d'être étendue à toutes les juridictions, compte tenu de la complexité des questions relatives au secret de la défense nationale.

La commission a adopté cet article sans modification.

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