CHAPITRE III -

LA MONDIALISATION DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

I. CROISSANCE, CHANGEMENT ET CONCENTRATION : LE TRYPTIQUE DE LA MONDIALISATION DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

A. UN MARCHÉ MONDIAL EN TRÈS VIVE ÉVOLUTION

1. Une croissance phénoménale

a) Des bouleversements très rapides

Le secteur des télécommunications et des nouvelles technologies est sans doute à l'heure actuelle l'activité économique où les changements sont les plus rapides, la croissance la plus vive, les percées technologiques les plus rapprochées, les créations d'entreprises technologiques les plus nombreuses et les valorisations boursières des sociétés innovantes les plus démesurées. Même le secteur des biotechnologies ne bénéficie pas d'un engouement de cette ampleur des analystes et des investisseurs et n'est pas soumis à des bouleversements aussi rapides.

La seule constante de ce secteur est le changement . Qui connaissait, il y a trois ans, Worldcom, qui, avec à peine plusieurs années d'existence, vient de racheter les deux puissants opérateurs américains MCI et Sprint ? Qui connaissait, en France, Omnicom, qui vient de réussir brillamment son introduction en bourse ? Qui aurait parié sur la fin du modèle des alliances et prédit le devenir de Global One, Unisource ou Concert ?

Qui aurait pensé que France Télécom, encore il y a peu quatrième opérateur, risquerait de se voir reléguer si rapidement, malgré la croissance vive des activités, au huitième rang mondial ?

b) Une croissance fulgurante

Selon l'Idate 10( * ) , le marché mondial des services de télécommunications devrait passer de 890 milliards de dollars à 1.330 milliards de dollars entre 1999 et 2003. Parallèlement, le nombre d'internautes devrait rapidement décoller.

Les projections sont les suivantes :

En 1999



Total : 890 milliards de dollars

En 2003


Total : 1.330 milliards de dollars

Le nombre d'Internautes

(en millions)

* mars

** pour 2005 les prévisions de Computer Industry Alamanac sont de 720 millions

Source : IDATE

Rappelons que depuis 1995, le taux de pénétration mondial des téléphones portables est passé de 13 à 34 % en moyenne. L'an prochain, 500 personnes seront abonnées à un service de téléphonie mobile, contre 305 actuellement.

Certains analystes 11( * ) estiment que le trafic de données sur les réseaux mobiles aura rattrapé dès 2003 celui de la voix.

La croissance devrait être également très vive dans le marché des équipements des télécommunications, qui devrait passer, d'après l'Idate, de 297 miliards de dollars en 1999 à 331 milliards de dollars en 2003. La course aux hauts débits sur tous types d'infrastructures, la prolifération des technologies Xdsl, des boucles locales radio et des nouvelles générations de téléphone mobiles sont les moteurs de cette croissance.

Par type d'infrastructures, les prévisions de l'Idate sont les suivantes :

CROISSANCE DU MARCHÉ MONDIAL D'ÉQUIPEMENTS DE TÉLÉCOMMUNICATIONS.
En 1999 = 297 milliards de dollars



En 2003 = 331 milliards de dollars

Source : IDATE

Le développement attendu de la téléphonie sur Internet , du commerce électronique et la mise en service des réseaux satellitaires de téléphonie mobile de première et de seconde génération (à haut débit) offrent des perspectives importantes en matière tant de services que d'équipements de télécommunications.

2. De promptes concentrations

a) La fin du modèle des alliances

Après avoir déçu en termes de résultat commerciaux comme de rentabilité financière, il semble que les trois alliances mondiales d'opérateurs de télécommunications, Unisource, Global One et Concert, ne soient désormais plus le modèle de l'organisation des stratégies internationales du secteur.

Destinées initialement à fournir des prestations " sans couture " à leurs grands comptes sur l'ensemble de la planète, elles ont peu à peu cédé du terrain -voire éclaté- devant la montée en puissance d'une vague de rachats boursiers.

b) Le règne des fusions-acquisitions

L'énumération des récents achats effectués dans le secteur des télécommunications de par le monde serait si longue qu'elle revêtirait un caractère fastidieux. Les développements récents de l'actualité -l'OPA de Vodaphone sur Mannesmann annoncée le 19 novembre, par exemple, pour 124 milliards d'euros, soit le record absolu de l'histoire boursière en montant financier- ne cessent d'illustrer l'ampleur de ce mouvement.

Signalons toutefois, pour France Télécom, l'acquisition récente du troisième opérateur de mobiles allemand E-Plus, qui fait suite à une prise de position au sein du câblo-opérateur britannique NTL. Ces opérations, modestes relativement à l'effervescence du secteur, n'empêchent pas l'opérateur de régresser en termes de rang mondial. Elles méritent toutefois d'être soulignées.

S'agissant de Deutsche Telekom, l'opérateur allemand a récemment pris position en Angleterre, via le rachat de l'opérateur de téléphonie mobile One 2 One et en France, via le rachat de Siris, titulaire du préfixe " 2 ".

Mais ce sont sur les marchés boursiers anglo-saxons qu'interviennent les concentrations les plus importantes.

Deux types d'opérations caractérisent ce mouvement :

- des rapprochements de croissance externe " horizontale " , à l'initiative de compagnies locales américaines (Bell Atlantic et GTE) ou d'opérateurs de longue distance (MCI et World Com), afin d'élargir leur champ d'activité et de réaliser des économies d'échelle ;

- des rachats dans d'autres segments d'activité , à l'exemple des opérateurs longue distance qui s'intéressent au marché local. Ainsi, AT&T a racheté Teleport (opérateur de boucle-locale), TCI (câblo-opérateur) et Vanguard Cellular (téléphonie mobile).

Les opérations significatives de fusions-acquisitions intervenues aux Etats-Unis - pour la seule année 1998 -, à des prix parfois astronomiques, sont résumées dans le tableau ci-dessous :

ACHETEUR

CIBLE

PRIX (EN MILLIARDS DE DOLLARS)

SEGMENT D'ACTIVITÉ

AT&T

IBM Global Data Network

4,95

Transport de données

AT&T

TCI

43,2

Téléphonie sur câble

AT&T

Teleport

10,9

Boucle locale (entreprises)

AT&T

Vanguard Cellular

1,5

Téléphonie cellulaire

Bell Atlantic

GTE

53

Opérateur régional

Frontier

Global Center

0,2

Hébergement de site WE

Qwest

ICON

0,18

Fournisseur d'accès à Internet

Qwest

LCI

4,85

Téléphonie longue distance

SBC Communications

Ameritech

62,6

Opérateur régional

SBC Communications

SNET

5,8

Opérateur régional

World Com

Brooks Fiber Properties

2,6

Boucle locale

World Com

MCI Communications

42

Téléphonie longue distance

Source : La Tribune du 8 avril 1999 - Morgan Stanley Dean Witter

En 1999, le mouvement de concentration s'est poursuivi sur le marché américain des télécommunications avec notamment le rachat de Frontier par Global Crossing pour l'équivalent de 11,2 milliards de dollars, celui de MediaOne Group par Comcast pour 59 milliards de dollars et la fusion, à parité, entre Qwest et US West.

Conséquence de l'ouverture du marché européen à la concurrence et de la globalisation au niveau mondial du secteur des télécommunications, les opérateurs européens procèdent à leur tour à des fusions-acquisitions.

En témoignent par exemple le rachat de l'opérateur mobile américain Air Touch par l'anglais Vodafone pour 60 milliards de dollars et le rapprochement de Global Telesystems Group avec Esprit Telecom puis avec le Français Omnicom.

Les opérateurs historiques n'échappent pas au mouvement de concentration : Telia, l'opérateur suédois et Telenor, l'opérateur norvégien ont annoncé leur fusion. Olivetti a pris le contrôle de Telecom Italia pour l'équivalent de 62 milliards de dollars, au détriment de Deutsche Telekom.

En Allemagne, Mannesmann, qui fait l'objet d'une offre de rachat de la part de Vodaphone pour 124 milliards d'euros, a racheté le réseau Otelo auprès de RWE et Veba pour 2,25 milliards de marks. Par ailleurs, il est désormais le deuxième opérateur italien après l'acquisition d'Oliman, holding détenant Omnitel (opérateur mobile) et Infostrada (opérateur fixe).

3. Une part prépondérante dans l'économie

Secteur économique d'importance par le nombre de salariés, la richesse créée et les investissements réalisés, les télécommunications sont également devenues l'un des principaux moteurs de l'économie , qu'il s'agisse de la croissance ou de la création d'emplois.

Cette réalité, intégrée depuis longtemps aux Etats-Unis, où elle est acceptée comme la manifestation d'une entrée dans l'économie de la connaissance, tend à être de mieux en mieux reconnue en France.

Ainsi, une récente étude de l'INSEE 12( * ) a montré que les technologies de l'information et de la communication (informatique, télécommunications, électronique, communication) avaient engendré en 1997, 5 % du PIB français, soit davantage que l'automobile et l'énergie réunies.

D'après cette étude, les entreprises françaises spécialisées dans ces technologies ont ainsi réalisé en 1997 un chiffre d'affaires de 828 milliards de francs, en progression de près de 7 % par rapport à 1996 .

Avec 406 milliards de francs de recettes en 1997, les entreprises industrielles spécialisées dans les technologies de l'information et de la communication représentaient 12 % de l'industrie manufacturière. L'industrie française des technologies de l'information et de la communication (TIC) occupe ainsi le quatrième rang mondial en termes de chiffres d'affaires, derrière le Japon, les Etats-Unis, et l'Allemagne, le cinquième en nombre d'emplois et le huitième rang à l'exportation.

L'INDUSTRIE FRANÇAISE DES TIC AU QUATRIÈME RANG MONDIAL POUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES

 

Chiffre d'affaires (milliards de francs)

Emplois (milliers)

Japon

1 945

1 485

Etats-Unis

1 240

994

Union européenne

997

908

Allemagne

245

231

France

186

149

Royaume-Uni

182

181

Italie

121

118

Source : Sessi - année 1997

Les entreprises de services représentent plus de la moitié des ventes des entreprises spécialisées dans les technologies de l'information et de la communication. Avec un chiffre d'affaires de 422 milliards de francs en 1997, elles ont engendré un cinquième des recettes des entreprises de services marchands stricto sensu (hors commerce, transport et activités financières).

Industrie et services confondus, les entreprises spécialisées dans les télécommunications ont réalisé un chiffre d'affaires de 256 milliards de francs en 1997, soit 31 % des recettes des entreprises des TIC.

L'informatique
a engendré en 1997 238 milliards de francs de chiffre d'affaires. Quant aux autres activités liées aux TIC, elles avaient réalisé un chiffre d'affaires de 335 milliards de francs, dont les trois quarts provenaient des activités de communication -édition, imprimerie, audiovisuel- et un quart de l'industrie électronique.

Le tableau suivant résume ces données :

LES TÉLÉCOMMUNICATIONS EN TÊTE DES TIC

 

Chiffre d'affaires (milliards de francs)

En %

Télécommunications

256

31

dont industrie

82

10

dont services

174

21

Informatique

238

29

dont industrie

83

10

dont services

155

19

Communication

247

30

dont industrie

154

19

dont services

93

11

Industrie électronique

87

10

TOTAL

828

100

Source : Enquête annuelle d'entreprises, 1997, Sessi et Insee

En plein développement, les télécommunications françaises ont particulièrment bénéficié de l'explosion de la téléphonie mobile.

La suprématie de la téléphonie fixe est menacée par l'essor d'autres services : elle représentait en 1997 62 % des recettes de services de télécommunication contre 75 % au début des années 1990. En développement rapide, téléphonie cellulaire, radiomessagerie et autres services mobiles représentaient en 1997 près de 18 % des recettes des entreprises de télécommunications (contre 11% en 1996). Depuis 1996, le nombre d'abonnés au téléphone mobile a pratiquement doublé chaque année, pour atteindre 11 millions à la fin 1998, et 17 millions en octobre 1999.

Les industriels français sont concurrencés par les constructeurs asiatiques et nordiques pour le matériel grand public, notamment les téléphones mobiles. En revanche, ils sont bien placés pour la production de matériel professionnel de transmission et surtout de commutation, ainsi que pour le matériel de transmission et surtout de commutation, ainsi que pour le matériel de transmission hertzienne, très sollicité par les télécommunications sur réseaux mobiles.

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