CHAPITRE IER -

LA POLITIQUE EUROPÉENNE DE L'ÉNERGIE

La France a signé, en 1996 et en 1998, deux importantes directives relatives à la libéralisation des marchés intérieurs de l'électricité, d'une part, et du gaz, d'autre part. En favorisant la diminution du prix de l'énergie, ces deux directives permettront d'accroître la compétitivité de l'industrie européenne. Cependant, pour être applicables, ces deux textes nécessitent l'adoption de deux projets de loi et d'un grand nombre de textes de portée réglementaire.

I. LES TRANSPOSITIONS EN COURS

A. ACHEVER RAPIDEMENT LA TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE " ÉLECTRICITÉ "

La directive n° 96/92 du 19 décembre 1996 du Parlement européen et du Conseil concernant les règles communes pour le marché intérieur de l'électricité prévoit une ouverture progressive de ce marché.

A compter de son entrée en vigueur, le 19 février 1997, les consommateurs de plus de 100 Gwh par an sont déclarés " éligibles " : ils jouissent de la faculté d'acheter leur courant dans des conditions de marché à des producteurs qu'ils choisissent librement. La directive prévoit que l'ouverture s'effectue ensuite en trois paliers :

- le 19 février 1999 , le seuil d'éligibilité passe à 40 Gwh par an ;

- le 19 février 2000 , il est abaissé à 20 Gwh par an ;

- enfin le 19 février 2003, il diminue de nouveau à 9 Gwh .

En France, 400 sites sont éligibles depuis le 19 février dernier. Ce nombre passera à 800 en février 2.000 et à 3.000 en février 2003.

Après cette date, une nouvelle directive pourra prévoir d'accroître l'ouverture du marché en fonction des résultats obtenus.

Dans le respect du principe de subsidiarité, la directive n° 96-92 laisse aux Etats membres la faculté de choisir les modalités selon lesquelles ils entendent assurer sa mise en oeuvre, sous réserve d'atteindre les objectifs qu'elle fixe et dont les trois principaux sont :

- d'assurer une ouverture significative du marché de l'électricité ;

- de garantir un accès non-discriminatoire au réseau tant aux producteurs qu'aux clients ;

- d'interdire les abus de position dominante notamment grâce à une séparation comptable des activités des groupes intégrés.

Elle contient en outre une clause de réciprocité au bénéfice des Etats qui ont totalement libéralisé leur marché. Ceux-ci auront, en effet, la faculté d'interdire le développement des opérateurs relevant d'Etats qui n'auront pas mis en oeuvre la directive ou qui auront libéralisé leur marché moins rapidement qu'eux.

1. La transposition constitue désormais une urgence...

Votre rapporteur pour avis ne détaillera pas ici le contenu du projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public car le rapport 1( * ) de M. Henri Revol, au nom de la Commission des Affaires économiques contient un examen détaillé des dispositions techniques de ce texte.

Il tient cependant à souligner son attachement à deux dispositions de ce texte qui concernent les collectivités locales.

Afin que les autorités concédantes puissent exercer efficacement le contrôle du bon accomplissement des missions de service public, il est indispensable que les décrets d'application de l'article 17 leur permettent de consulter toutes les informations nécessaires d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique détenues par leur concessionnaire.

En outre, conformément à l'article 49 bis adopté par le Sénat, il est nécessaire que les redevances d'occupation du domaine public versées par les concessionnaires aux autorités concédantes soient relevées , au minimum en fonction de l'évolution générale des prix des travaux de génie civil.

La Commission des Affaires économiques tient à réaffirmer son attachement à une ouverture progressive du marché destinée à préserver celui-ci d'évolutions trop brutales, ainsi qu'à la préservation d'un service public de qualité grâce à un financement durable et mutualisé.

Votre Commission des Affaires économiques souhaite, en outre, comme son rapporteur l'a indiqué devant le Sénat lors de l'examen du projet de loi de transposition, que le contenu de la directive trouve une traduction rapide en droit français.


En effet, la directive est juridiquement entrée en vigueur après sa publication, le 19 février 1997. Son contenu aurait, en principe, dû être transposé en droit français avant le 19 février 1999, date de franchissement du premier seuil d'ouverture du marché aux consommateurs de plus de 40 Gwh par an.

La Commission européenne a indiqué qu'une enquête était en cours, au sujet du non-respect par la France de la directive n° 96-92. Même si l'entrée en fonction de la nouvelle Commission, présidée par M. Romano Prodi a quelque peu retardé l'action des autorités de Bruxelles, tout donne à penser que la France fera l'objet d'un recours en manquement si elle ne procède pas très rapidement à la transposition de la directive.

2. ...pour contribuer au développement d'EDF

Electricité de France conduit une politique particulièrement active de développement à l'étranger. Elle a notamment, moyennant 13 milliards de francs, pris, au début 1999, le contrôle de London Electricity en remportant l'appel d'offres lancé par Entergy, le propriétaire américain de cette société britannique.

London Electricity dessert 2 millions de clients à Londres, emploie 3.600 personnes et contrôle 7,3 % du marché du Royaume-Uni.

Elle a réalisé un chiffre d'affaires de 1,25 milliard de livres sterling en 1997-1998, et un bénéfice de 160 millions de livres .

Cette acquisition constitue une nouvelle étape dans la stratégie de développement international d'EDF, qui compte désormais 30 millions de clients en France et 17 millions de clients à l'étranger.

Cette stratégie s'est d'ailleurs poursuivie au cours de l'année 1999.

A l'automne 1999, EDF a déposé une offre d'achat de 25,01 % du capital d'EnBW, la compagnie d'électricité du Bade-Wurtenberg, pour un prix de 2,56 milliards d'euros. Cette opération, qui n'est pas encore conclue, permettrait à EDF de réaliser, selon les propres termes de son président : " une implantation stratégique en Allemagne par le biais d'une acquisition " 2( * ) . EnBW occupe, en effet, une position essentielle dans le Sud-Ouest de l'Allemagne où il jouissait d'un statut monopolistique avant la libéralisation du marché de l'électricité, juridiquement intervenue au mois d'avril 1998.

Prétextant la lenteur de la France dans la transposition de la directive, les autorités allemandes menacent d'utiliser la clause de réciprocité afin d'empêcher EDF de mettre ses projets en oeuvre. La stratégie d'expansion de notre opérateur historique en Europe risquerait donc d'être fragilisée. Or, l'opérateur historique français devra affronter, dans le futur, des groupes de plus en plus puissants, à commencer par celui créé en Allemagne par la fusion de VEBA et de VIAG dont les ventes cumulées d'électricité représenteront près de 40 % du total de l'électricité produite par EDF.

Votre Commission des Affaires économiques souhaite que la transposition rapide de la directive n° 96-92 permette à EDF de poursuivre sa croissance à l'étranger. Elle estime également que cette transposition doit être lucide et réaliste, et tenir compte des résultats obtenus chez nos principaux concurrents, lesquels ont parfois davantage ouvert leur marché en apparence qu'ils ne l'ont libéralisé en réalité.

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