2. Les recettes dans le projet de loi de finances pour 2001

a) Une hypothèse de croissance " soutenue " des recettes fiscales...

Les recettes fiscales nettes avant modifications de périmètre et avant impact des allégements d'impôts sont évaluées par le gouvernement à 1.671,4 milliards de francs, soit une progression tendancielle de 5,4 % par rapport aux estimations révisées pour 2000.

Hors prise en compte des mesures fiscales, l'impôt sur le revenu progresserait spontanément de 5,6 % pour atteindre 360 milliards de francs, le produit de l'impôt sur les sociétés augmenterait fortement en raison de la croissance de 16 % des bénéfices des sociétés et la TVA progresserait de 5,2 %.

Par rapport à la progression constatée en 1998 ( + 2,5 %) et en 1999 ( + 7,8 %) pour les recettes fiscales nettes, le chiffre retenu pour 2001 semble relativement optimiste.

De fait, même avec les allégements d'impôts, le gouvernement annonce que les recettes seront "soutenues ".

Les recettes totales du budget général pour 2001 s'établiraient tendanciellement à 1.551,3 milliards de francs, soit 70 milliards de francs de plus que l'évaluation révisée pour 2000. Cette évolution résulterait des éléments suivants :

- des allégements d'impôts à hauteur de 46,7 milliards de francs pour 2001, dont 35,9 milliards de francs pesant directement sur les recettes de l'Etat ;

- un mouvement de rebudgétisation de 4,5 milliards de francs de recettes fiscales (les taxes anciennement affectées au fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables) et de 2 milliards de francs de recettes non fiscales ;

- des transferts de ressources à la sécurité sociale pour 11,1 milliards de francs.

b) ... mais le gouvernement constitue déjà des réserves de recettes non fiscales

De fortes incertitudes pèsent sur l'hypothèse de croissance retenue par le gouvernement pour 2001 (3,3 %) en raison des aléas de la conjoncture internationale. Evidemment, tout essoufflement de la croissance aurait un impact direct sur les rentrées fiscales en 2001.

Pour compenser la très forte hausse des recettes fiscales en 2000, le gouvernement a donc revu très fortement à la baisse les recettes non fiscales pour 2000 (- 18 milliards de francs), soit en chiffre révisé pour 2000, 180 milliards de francs. Ce mouvement marque un retour en arrière après la réévaluation de la loi de finances rectificative et traduit le choix de mettre en réserve des recettes pour l'exercice 2001, dont l'exécution s'annonce donc plus incertaine . Le gouvernement indique d'ailleurs, dans le document budgétaire associé au projet de loi de finances pour 2001, sa proposition de " reporter sur 2001 l'encaissement de 15 milliards de francs de recettes non fiscales ".

Hors recettes d'ordre, le produit des recettes non fiscales attendu en 2000 était évalué à 183,3 milliards de francs en loi de finances initiale pour 2000. Ce montant a été porté à 198,5 milliards de francs en loi de finances rectificative par intégration du potentiel de 15 milliards de francs de prélèvements votés en 1999 mais non effectués (fonds d'épargne et COFACE) et du report sur le début 2000 du versement de 5 milliards de francs de la CADES attendu fin 1999. Le projet de loi de finances pour 2001 intègre un report de 15 milliards de francs de recettes non fiscales dont 8 milliards de francs au titre des fonds d'épargne et 7 milliards de francs au titre de la COFACE.

Evolution des recettes non fiscales pour 2000 et 2001

(en millions de francs)

Révisé 2000

PLF 2001

Produit des entreprises publiques

21.816

20.087

Revenus du domaine, taxes et redevances

46.023

47.150

Intérêts

4.940

6.386

Retenues et cotisations au profit de l'Etat

59.161

59.605

Prélèvements sur les fonds d'épargne gérés par la Caisse des dépôts et consignations

15.000

20.000

Reversements de la COFACE

4.000

11.000

Versements de la CADES

17.500

12.500

Autres

11.845

11.248

Total

180.285

187.976

Les prévisions de recettes non fiscales, variable éminemment politique, varient au gré des hésitations gouvernementales. Il est ainsi surprenant de constater qu'après une première révision dans la loi de finances rectificative, elles sont revues à la baisse exactement pour le même montant dans les évaluations associées au projet de loi de finances pour 2001. Plus surprenant encore, les prévisions du projet de loi de finances pour 2001 font apparaître des recettes non fiscales moins élevées que celles attendues initialement pour l'an 2000, et ce malgré d'importants reports.

La plus importante variable d'ajustement est la rubrique " divers " qui regroupe les lignes 801 à 899, et qui varie d'une révision à l'autre de plus de 15 milliards de francs. La variation des recettes de la catégorie " divers " conditionne en grande partie l'évolution de l'ensemble des recettes non fiscales. Evaluées à 64 milliards de francs dans la loi de finances initiale, ces recettes ont été portées, dans un souci très temporaire de transparence, à 79 milliards de francs dans la loi de finances rectificative, avant de retomber à 66 milliards de francs dans la révision pour 2000. Malgré les reports indiqués par le gouvernement, les recettes devraient être limitées à 71 milliards de francs pour 2001.

Les recettes de la catégorie " divers " comprennent essentiellement les recettes accidentelles à différents titres (3,5 milliards de francs dans l'évaluation révisée pour 2000), les recettes en atténuation des charges de la dette et des frais de trésorerie (19,9 milliards de francs), les reversements de la COFACE (4 milliards de francs), les prélèvements sur les fonds d'épargne (11 milliards de francs) et les versements de la CADES (17,5 milliards de francs). Les trois dernières catégories de recettes font l'objet de modifications constantes, en fonction des besoins de la conjoncture.

D'une manière générale, comme l'a souligné la commission d'enquête du Sénat, les recettes non fiscales sont la variable " politique " par excellence.

Une constante soulignée par la commission d'enquête :
le pilotage politique du niveau des recettes non fiscales

La direction du budget note : " Les recettes non fiscales revêtent des spécificités fortes puisqu'une partie d'entre elles ont par nature un caractère exceptionnel ou volatil. Tel est le cas des prélèvements opérés sur la trésorerie d'entités agissant pour le compte de l'Etat (compte Etat à la Coface, fonds d'épargne gérés par la Caisse des dépôts et consignations, par exemple ). L'opportunité d'opérer ces prélèvements doit être appréciée en fonction de l'évolution en cours d'année de la situation financière de ces organismes, de leurs règles de provisionnement, de leurs perspectives à moyen terme et de l'évolution de l'ensemble des recettes de l'Etat. La direction du budget examine donc, en cours d'année, la faisabilité ainsi que les avantages et inconvénients de ces prélèvements. Elle soumet son analyse au ministre qui prend les décisions. Les décisions du ministre sont, autant que possible, et en fonction des contraintes de calendriers, retracées dans le PLFR de fin d'année " .

Dans ces conditions, il est bien difficile à votre rapporteur général de se prononcer sur la sincérité des évaluations de recettes non fiscales pour 2000 et 2001, compte tenu de leur caractère de variable d'ajustement. Il note pourtant une tendance forte associée au projet de loi de finances : la révision à la baisse d'un très grand nombre de recettes non fiscales, avec des explications très limitées.

S'agissant de la contribution représentative de l'impôt sur les sociétés versée par la Caisse des dépôts et consignations (ligne 110), la contribution est revue à la hausse pour 2000 (2,4 milliards de francs et non 1,8 milliard de francs) mais elle serait nulle pour 2001, du fait de " l'effet amplificateur du mécanisme des acomptes ".

De même, le produit des participations de l'Etat dans les entreprises non financières et les bénéfices des établissements publics non financiers chuterait de 7,4 milliards de francs en évaluation révisée pour 2000 à 6,9 milliards de francs en prévisions pour 2001.

De nombreuses lignes de la rubrique taxes, redevances et recettes assimilées sont revues en baisse pour 2000 et stagnent pour 2001. Il s'agit notamment des prélèvements sur les produits des jeux dans les casinos et du PMU, dont les recettes en 2001 correspondraient exactement aux évaluations de la loi de finances initiale pour 2000 (respectivement 5,2 milliards et 2,2 milliards de francs), des frais d'assiette et de recouvrement des impôts locaux, de la rémunération des prestations rendues par divers services ministériels.

Les intérêts des avances, des prêts et dotations en capital sont également revus en forte baisse pour 2000 (de 6,5 milliards de francs à 4,9 milliards de francs) pour revenir au niveau de la loi de finances initiale pour 2000 en 2001. Les retenues et cotisations sociales au profit de l'Etat seraient stables en 2001 à 59,6 milliards de francs.

Les recettes provenant de l'extérieur progresseraient modestement, de 1,5 milliard de francs à 1,7 milliard de francs, en raison de la réintégration des droits de chancellerie auparavant comptabilisés en recettes de fonds de concours (119 millions de francs).

Les opérations entre administrations et services publics, d'un montant limité, passeraient de 623 millions de francs évaluées en loi de finances initiale pour 2000 à 570 millions de francs en évaluations révisées et 580 millions de francs en 2001.

Les opérations " diverses " connaissent les modifications les plus erratiques, compte tenu des reports affectant les versements de la COFACE et les prélèvements sur les fonds d'épargne pour 15 milliards de francs. Malgré ces reports, elles ne progresseraient que de 5 milliards de francs pour 2001.

Il faut donc considérer que les évaluations de recettes non fiscales pour 2001 soit ne sont pas sincères, et cherchent à minorer le produit attendu, soit traduisent une diminution inquiétante d'importantes ressources pour l'Etat.

Les révisions à la baisse portent en particulier sur les ressources provenant des entreprises publiques, de la Caisse des dépôts et consignations et du produit des jeux. Si ces révisions sont exactes, elles traduiraient l'anticipation de résultats moins favorables pour le secteur public, ce qui serait le signe d'un certain pessimisme quant aux perspectives d'évolution de l'économie française pour 2001. Dans un contexte de relative inquiétude du gouvernement quant aux perspectives de croissance dont découlent directement les recettes fiscales, la possibilité d'un recours limité aux recettes non fiscales restreindrait donc les " marges de manoeuvre " traditionnelles du gouvernement.

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