B. LES FONDS CRÉÉS PAR LA LOI D'ORIENTATION POUR L'AMÉNAGEMENT ET LE DEVELOPPEMENT DU TERRITOIRE DU 4 FEVRIER 1995

1. Le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables (FITTVN)

L'article 22 du projet de loi de finances pour 2001 prévoit la suppression du fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables.

Au cours de son examen de la première partie du présent projet de loi de finances, le Sénat a refusé la suppression de ce fonds.

Il reproduit ci-dessous le commentaire de l'article 22 figurant dans le tome II du rapport général de votre commission des finances, qui permet de faire le point sur l'utilité du FITTVN et sur le bilan des cinq années d'existence de ce fonds :

Créé pour développer les infrastructures de transport, Le FITTVN n'a pas été pleinement utilisé

Une sous-consommation des crédits du FITTVN

Créé à l'initiative du Sénat, le Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables (FITTVN) devait répondre à un besoin essentiel, à savoir le développement de nouvelles infrastructures.

Malheureusement, il a été détourné de son objet pour compenser les défaillances du budget des transports terrestres. Entre 1996 et 1999, l'effort consenti par l'Etat pour les investissements dans le domaine des routes et des transports terrestres a en effet diminué de 1,3 milliard de francs, alors que la création d'un compte spécial du trésor avait pour justification la nécessité d'augmenter les moyens.

En outre, la consommation des crédits du FITTVN s'est montrée difficile.

Ainsi, la loi de finances initiale pour 1999 avait inscrit des crédits pour le FITTVN à hauteur de 3.930 millions de francs. Cette dotation en ligne avec les prévisions de recettes s'est révélée sous-dimensionnée par rapport à l'exécution. Les recettes de l'année se sont en effet établies à 4.352 millions de francs. Pourtant, les dépenses effectives ont encore été inférieures aux crédits ouverts avec 3.361 millions de francs, soit un écart de près d'un milliard de francs. La comparaison avec les crédits réellement disponibles, 7.265,9 millions de francs compte tenu des reports de 1998 à 1999 est encore plus édifiante.

D'une manière générale, la faible utilisation du FITTVN s'inscrit dans un contexte plus large de diminution des moyens en faveur des infrastructures de transport.

Comme l'ont montré les travaux du groupe de travail sur le financement des infrastructures de transport, présidé par notre collègue Jacques Oudin 2 ( * ) , l'investissement civil en faveur des transports a fortement chuté ces dernières années.

En 10 ans, l'investissement ferroviaire est passé de 18 milliards de francs par an à 10 milliards de francs. L'investissement routier et autoroutier stagne à 25 milliards de francs par an (y compris le financement extra-budgétaire par les concessions autoroutières) après avoir atteint 30 milliards de francs en 1996.

La crainte de l'endettement semble la justification principale du freinage des investissements. La dette liée aux infrastructures de transports atteint 340 milliards de francs, dont la majorité est constituée de la dette ferroviaire (la dette de Réseau ferré de France atteint 170 milliards de francs fin 1999). L'idée du ministère des finances, qui concerne tous les investissements, est donc que " les équipements les plus rentables socio-économiquement comme financièrement ayant été réalisés, les projets aujourd'hui à l'étude affichent un besoin en concours publics accru ".

Dans un contexte de raréfaction de la ressource budgétaire, ceci sonne comme un jugement sans appel. La suppression du FITTVN ne procède en réalité pas tant du souhait de mieux identifier les concours budgétaires aux infrastructures de transport que, in fine , de les réduire.

La suppression du FITTVN est aujourd'hui inacceptable

Une suppression expliquée par le souci de " rationaliser " le financement des infrastructures de transport

Après le Fonds pour l'aménagement de la région Ile-de-France (FARIF) l'an dernier, le présent projet de loi de finances supprime le FITTVN et réintègre ses crédits dans le budget des transports regroupant les crédits des routes et des transports terrestres. Cette rebudgétisation fait notamment suite aux critiques de la Cour des comptes et de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) menée par l'Assemblée nationale.

Des arguments techniques sont avancés pour expliquer la suppression du FITTVN, arguments qui sont souvent contradictoires.

Tout d'abord, un compte d'affectation spéciale ne serait pas adapté au financement d'investissements, en raison de ses règles de gestion spécifiques, et notamment de l'obligation de disposer des crédits de paiement (CP) en compte pour ouvrir les autorisations de programme (AP), selon la formule des comptes spéciaux " AP=CP ".

Le dynamisme des recettes du FITTVN permet d'abonder régulièrement le fonds en crédits de paiement. Si celui-ci est mal utilisé, il faut plutôt en rechercher la cause dans les choix d'investissements, l'absence de politique cohérente de financement des infrastructures, et surtout les méthodes de travail du ministère de l'équipement et de ses échelons déconcentrés. Mais outre qu'il serait possible d'atténuer les rigueurs de cette formule, il faut souligner qu'elle n'emporte en soi aucun inconvénient pratique.

Par ailleurs, un autre argument est avancé : le FITTVN ne serait plus suffisant pour financer l'ensemble des projets d'infrastructures, qui nécessiteraient des dotations budgétaires plus importantes. Cet argument est pour le moins surprenant lorsque l'on sait que ce compte d'affectation spéciale dispose d'environ 4 milliards de francs de crédits de report.

Il est d'autant plus choquant de l'avancer que la rebudgétisation des crédits du FITTVN est un " trompe-l'oeil " qui montre que le gouvernement ne souhaite pas accroître son effort budgétaire, bien au contraire.

Une suppression motivée par l'importante trésorerie du fonds et le dynamisme des taxes qui lui étaient affectées

Loin de signifier une simplification du financement des investissements de transports, la suppression du FITTVN permet en réalité, au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie de puiser dans la trésorerie du fonds et d'affecter au budget général des taxes dynamiques, particulièrement la taxe d'aménagement du territoire, dont le taux avait été relevé l'an dernier, contre l'avis de votre commission.

Les ressources du FITTVN se composent en effet de deux taxes : la taxe sur les ouvrages hydroélectriques concédés et la taxe d'aménagement du territoire. Le produit de la taxe sur les ouvrages hydroélectriques a augmenté de 25 % en 1999 (+ 397,2 millions de francs) et la taxe sur les concessionnaires d'autoroute a également augmenté plus vite que prévu. Pour 2001, ces taxes devraient rapporter 4,5 milliards de francs au budget général de l'Etat.

Conséquence de la faible utilisation de ses crédits et de l'écart croissant entre les recettes affectées et les dépenses, le FITTVN disposera d'importants reports de crédits fin 2000.

Il disposera également et surtout d'un solde créditeur qui de 3,9 milliards de francs fin 1999 pourrait passer fin 2000 à 5 milliards de francs. Le sort de ce solde créditeur n'est pas mentionné par l'article ici commenté. Il devrait être transporté au compte des découverts du Trésor comme c'est la règle habituellement rappelée explicitement par les dispositions qui clôturent des comptes d'affectation spéciale. Mieux eût valu le dire que d'améliorer ainsi de façon subreptice de 5 milliards de francs le solde d'exécution 2000.

Une budgétisation très partielle des crédits

Même s'il est difficile de faire une évaluation précise, en raison du manque d'information sur les modalités de la rebudgétisation du FITTVN pour 2001, votre rapporteur général estime que les crédits de paiement inscrits au budget des transports correspondent globalement à 20 % des crédits de paiement inscrits sur le FITTVN, soit un peu moins d'un milliard de francs.

Réintégration des crédits de paiement du FITTVN dans le budget des transports pour 2001

(en millions de francs)

2000

2001

évolution

FITTVN (part transports ferroviaire et fluvial)

2.808

1.132

-59,7%

FITTVN (part routes)

1.527

-316 3 ( * )

-120,7%

Total

4 435

816

- 81,2%

La budgétisation des autorisations de programme est plus favorable, mais elle n'a qu'une signification programmatique dès lors que les crédits de paiement ne sont pas reportés sur le budget général.

Réintégration des autorisations de programme du FITTVN dans le budget des transports pour 2001

(en millions de francs)

2000

2001

évolution

FITTVN (part transports terrestres et fluvial)

2.808

2.390

-14,9%

FITTVN (part routes)

1.527

1.678

9,9%

Total

4.435

4.068

-6,2%

Certains chapitres budgétaires sont très mal dotés. Par exemple, le chapitre 53-47/30 du budget des transports, qui correspond aux investissements routiers, reprend les opérations qui étaient jusqu'alors financées sur le chapitre 53-43/20 du budget des routes et le FITTVN. Or, ce chapitre n'est doté que de 2 milliards de francs en crédits de paiement, alors que l'ancien chapitre budgétaire était doté de 2,4 milliards de francs et le FITTVN de 1,5 milliard de francs, soit au total 3,9 milliards de francs.

Le FITTVN jouait un rôle non négligeable dans le financement routier et autoroutier. Les programmes spécifiques d'aménagement du Massif central (les autoroutes A 20 et A 75, le programme spécifique d'accélération de la RN7) et la mise aux normes autoroutières de la RN 10 dans les Landes ont par exemple été financés sur le FITTVN depuis 1996.

Aucune assurance n'est donnée quant à l'inscription complète des crédits en compte au FITTVN sur le budget général en 2001.

Lors de la séance publique du 20 octobre 2000, plusieurs députés de la majorité plurielle, qui avaient pourtant préconisé la suppression du FITTVN, se sont alarmés de cette situation .

Notre collègue Jean-Pierre Brard a ainsi déclaré " on nous propose aujourd'hui la suppression de ce fonds qui était l'un des outils de financement de ces infrastructures et dont les ressources augmentaient, selon les années, entre 3 et 5 % par an. On le fait en outre sans nous dire si le gouvernement a prévu des modes de financement pérennes pour mener à bien les projets d'infrastructures à réaliser ". Il a ajouté : " nous souhaitons (...) que le gouvernement dise à la représentation nationale comment il comptait abonder les nouvelles lignes budgétaires créées afin de tenir les engagements pris avec les régions dans les contrats de plan et les contrats spécifiques ". De même, notre collègue Augustin Bonrepaux s'est également demandé " si les crédits prévus cette année au FITTVN s'ajouteront à ceux du budget de l'Etat ".

Notre collègue Didier Migaud, rapporteur général du budget, a conclu : " il ne faudrait pas que la suppression du FITTVN aboutisse à une diminution des moyens. Car, dans les crédits de l'Etat, il y a des pertes en lignes que nous ne nous expliquons pas ".

Les réponses de M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, ont été embarrassées et n'ont apporté aucune des clarifications nécessaires. Il a tout d'abord garanti que " l'ensemble des crédits non consommés seront reportés de telle manière que l'on procède bien à une addition (...) ", ce qui est tout de même la moindre des choses. Enfin, devant les questions insistantes de nos collègues députés, il a pris l'engagement " que les crédits non consommés, c'est-à-dire les crédits ouverts en autorisations de programme non consommés seraient intégralement reportés ".

Cette dernière observation montre que le gouvernement n'a en effet pas l'intention de reporter tous les crédits de paiement non consommés sur le budget des transports pour 2001. Ceux-ci, qui devraient représenter de 4,5 à 5 milliards de francs en fin d'année 2000, voient donc leur sort laissé dans le flou.

En conséquence, la suppression du FITTVN aura bien pour conséquence de réduire les moyens jusqu'à présent disponibles pour le développement des infrastructures de transport. La publication d'un rapport dans un an et demi, en juin 2002, ne permettra en aucune manière de modifier cet état de fait.

En revanche, le gouvernement n'a pas de doute quant au sort des taxes qui venaient alimenter le FITTVN . Si les crédits sont amputés, les recettes demeurent. Le gouvernement retire en effet de cette opération un avantage de solde, artificieux et non-reconductible, de 3,7 milliards de francs.

En conclusion, votre rapporteur général considère que, après trois années de diminution de l'investissement public en faveur des transports, la rebudgétisation du FITTVN sonnerait définitivement le glas d'une politique ambitieuse en faveur de l'investissement en infrastructures de transport. Il estime en outre, qu'à l'heure où le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, à la suite du premier ministre, souhaite lutter contre l'opacité budgétaire, les conditions de clôture du FITTVN manifestent un mépris du Parlement qui ne peut être accepté.

* 2 Ces travaux ont fait l'objet d'une communication devant votre commission des finances le jeudi 19 octobre 2000. Bulletin des commissions n° 3 (2000-2001), pages 435-442.

* 3 Cette dotation négative s'explique par le fait que les dotations budgétaires en 2001 intégrant les crédits du FITTVN seront inférieures aux seules dotations budgétaires de 2000.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page