B. UNE OUVERTURE POLITIQUE ENCORE PRUDENTE

Le nouveau souverain a clairement manifesté son intention de renforcer les assises démocratiques de la Jordanie. La création, en mai 2000, d'un Comité Royal des Droits de l'Homme, présidé par la reine, constitue l'une des premières traductions de cette ambition. Elle pourrait préluder à la mise en place d'une structure permanente de contrôle.

La situation des droits de l'homme en Jordanie apparaît plus favorable que dans les autres Etats arabes de la région. La Jordanie est d'ailleurs partie aux principaux traités relatifs aux droits de la personne (Pacte international sur les droits civils et politiques, pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels, convention contre la torture, convention relative aux droits de l'enfant, convention sur l'élimination de toute forme de discrimination à l'égard des femmes). Sans doute l'opinion publique attend-elle aujourd'hui de nouvelles initiatives, en particulier l'adoption d'une loi électorale destinée à garantir, au sein du parlement, une plus juste représentation des sensibilités politiques.

Toutefois, le roi et son gouvernement dirigé depuis le 19 juin par M. Ali Abou Ragheb, est contraint d'agir avec prudence. Il lui faut en effet d'abord prendre en considération l'influence du Front d'action islamique , seule force politique vraiment organisée de Jordanie. Ce parti, qui constitue une émanation de la Confrérie des frères musulmans, a vu son audience se confirmer à la faveur de élections municipales de juillet 1999, mais aussi des élections des syndicats professionnels et des conseils d'étudiants. Il sait en effet tirer parti d'un certain climat d'insatisfaction sociale.

C. UNE INFLUENCE MODÉRATRICE DANS LA RÉGION

La diplomatie jordanienne, dont le rôle modérateur est particulièrement utile dans une région de grande instabilité, doit cependant réaliser des équilibres délicats. Il lui faut en effet concilier la priorité accordée à l'alliance avec les Etats-Unis, les exigences de la solidarité arabe mais aussi les pressions de sa propre opinion publique.

La relation privilégiée nouée avec Washington permet à la Jordanie d'obtenir une aide financière très importante dans les domaines militaire (121,6 millions de dollars en 1999 en crédits, dons de matériels et formation) et économique (225 millions de dollars environ).

La Jordanie n'hésite cependant pas à se démarquer de la diplomatie américaine dont les positions ne sont pas toujours compatibles avec ses intérêts.

Ainsi, la politique des Etats-Unis vis-à-vis de l'Irak suscite l'hostilité de l'opinion jordanienne et la réserve des autorités d'Amman.

L' Irak constitue un partenaire économique de premier plan pour la Jordanie et, dans ces conditions, les sanctions imposées à Bagdad pèsent de manière significative sur l'économie jordanienne. Par ailleurs, l'Irak fournit du pétrole au royaume dans des conditions très favorables : don à hauteur de 50 %, prix préférentiel (20 dollars en 2001) pour le reste.

Dans le cadre du processus de paix , la Jordanie, avec le soutien des Etats-Unis, joue un rôle modérateur, conforme à ses intérêts stratégiques mais aussi économiques. La Jordanie est, depuis la naissance d'Israël, le porte-parole le plus mesuré des Etats arabes. Elle a été le second pays arabe, après l'Egypte, à signer un traité de paix avec l'Etat hébreu (Wadi Araba, le 26 octobre 1994). Le nouveau souverain avait montré par ailleurs une certaine ouverture sur les questions au coeur des négociations israélo-palestiniennes : il a ainsi admis le principe d'une souveraineté partagée entre Israéliens et Palestiniens sur Jérusalem, les Hachémites ne conservant leur tutelle sur les lieux saints que dans l'attente d'un accord entre les deux parties concernées.

Malgré la signature de l'accord de paix, les relations avec Israël sont restées assez froides. Les échanges commerciaux demeurent modestes, même si les Etats-Unis ont cherché à encourager la coopération économique entre les deux pays par la création de zones industrielles qualifiantes israélo-jordaniennes destinées à permettre des exportations hors taxes vers les Etats-Unis (une seule existe déjà à Irbid).

La politique conduite à l'égard d'Israël doit tenir compte de l'hostilité persistante de la population vis-à-vis de l'Etat hébreu -hostilité encore avivée par l'exacerbation récente des tensions entre Palestiniens et Israéliens en Cisjordanie et à Gaza. Plusieurs manifestations populaires de soutien ont entraîné des débordements et l'intervention des forces de l'ordre. Le pouvoir cherche à désamorcer la pression de la rue en réaffirmant une totale solidarité avec l'Autorité palestinienne. Amman a d'ailleurs décidé de reporter le départ de son nouvel ambassadeur à Tel Aviv. Parallèlement, il manifeste sa volonté de contenir tout risque d'instabilité. L'équilibre entre cette double préoccupation constitue un exercice délicat mais indispensable. Il a pour enjeu l'harmonie de la population jordanienne composée pour plus de la moitié par des Palestiniens. Le roi Abdallah, dans son discours du trône, a d'ailleurs rappelé la nécessité de préserver l'unité nationale.

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