III. UN PARTENAIRE PRIVILÉGIÉ POUR L'EUROPE

Une dépendance trop étroite à l'égard des Etats-Unis peut, surtout dans le contexte de crise actuel où Washington se voit reprocher par les Etats arabes son alignement sur les positions israéliennes, constituer, pour la Jordanie, un facteur de contrainte vis-à-vis de ses voisins comme de son opinion publique. Depuis plusieurs années, ce pays, sans remettre en cause les liens privilégiés avec Washington, cherche à diversifier ses partenaires en Occident en se rapprochant de l'Union européenne. Cette orientation s'est d'abord traduite sur les plans économique et surtout financier. Elle pourrait désormais s'affirmer davantage dans le domaine politique. Les positions défendues par la Jordanie et l'Union s'accordent en effet sur l'essentiel.

De son côté, les Quinze sont conscients de la nécessité de renforcer la position d'un pays dont la stabilité et le rôle modérateur représentent un atout dans la région.

Ces intérêts convergents constituent le socle de l'accord d'association entre la Jordanie et l'Union européenne. Les relations franco-jordaniennes apparaissent aujourd'hui comme l'une des voies privilégiées pour renforcer ce partenariat.

A. DES RELATIONS PRINCIPALEMENT FONDÉES SUR UNE COOPÉRATION FINANCIÈRE MAIS DONT LA DIMENSION POLITIQUE EST APPELÉE À SE RENFORCER

Les échanges commerciaux entre les Quinze et la Jordanie se caractérisent par un déséquilibre au détriment de celle-ci. L'Union européenne fournit plus du tiers des importations. Elle absorbe 6 % de ses ventes. Les exportations de la Jordanie (d'un volume total limité à 9,4 milliards de dollars en 1999), constituées principalement de phosphates 5 ( * ) , de potasses et de leurs dérivés, se destinent à hauteur de 92 % aux pays arabes et asiatiques.

Les relations euro-jordaniennes s'inscrivent, jusqu'à l'entrée en vigueur du nouvel accord euro-méditerranéen d'association, dans le cadre de l'accord de coopération signé le 18 janvier 1977 . Ce texte prévoyait un régime d'accès préférentiel au marché communautaire pour un nombre important de produits industriels et agricoles jordaniens. Il s'est accompagné par ailleurs de quatre protocoles financiers successifs. L'enveloppe accordée à la Jordanie sur la période 1978-1996 représente un montant de 414 millions d'euros -216 millions d'euros au titre des dotations du budget communautaire, 198 millions d'euros au titre des prêts de la Banque européenne d'investissements. L'aide européenne a principalement porté sur le développement industriel (34 %) et, dans une moindre mesure, sur le secteur agricole (19 %), les infrastructures (16 %), la coopération en matière énergétique (14 %) et la formation (11 %). Le dernier protocole (1992-1996) s'est caractérisé par une très forte mobilisation des ressources dans le domaine de l'eau et de l'environnement.

A compter de 1996, le programme MEDA s'est substitué aux protocoles financiers. Il se distingue, rappelons-le, par le caractère seulement indicatif et non fixé, une fois pour toutes, du montant annuel réservé à chaque pays. Dans le cas de la Jordanie, l'enveloppe indicative initialement prévue de 158 millions d'euros a ainsi été augmentée de 60 % pour atteindre 254 millions d'euros. Ce pays s'est en effet signalé par une bonne capacité d'absorption de l'aide. Le taux de décaissement des crédits communautaires sur la période 1995-1999 s'élève à 42,5 %, soit un niveau nettement supérieur à la moyenne des pays méditerranéens. Ce résultat -certes encore insuffisant- s'explique en partie par la part prépondérante dévolue au rétablissement des finances publiques au sein de l'aide européenne à la Jordanie. Or l'aide budgétaire donne lieu à des déboursements plus rapides que l'aide-projet.

Les deux tiers de l'enveloppe jordanienne ont ainsi été octroyés sous forme de deux tranches d'ajustement structurel, proportion plus importante que pour les autres partenaires méditerranéens. La première (100 millions d'euros) n'a été signée qu'en avril 2000 afin d'accompagner les efforts déjà accomplis, en particulier dans le domaine fiscal.

Le niveau de décaissement des crédits pour la Jordanie s'explique également par la mise en oeuvre, dans de bonnes conditions, des projets sous la responsabilité de l'Etat bénéficiaire. L'aide-projet (52 millions d'euros) a surtout été consacrée au développement du secteur privé. Elle s'est répartie entre deux grandes catégories : la modernisation industrielle et l'appui aux PME.

Par ailleurs, la coopération au titre de MEDA a été complétée par des prêts de la BEI, soit 143 millions d'euros en 1997-1998 (notamment 30 millions d'euros pour la construction d'une jetée au port d'Aqaba, 43 millions d'euros pour l'amélioration du site de production de la compagnie arabe de potasse et 40 millions d'euros pour le réseau d'adduction d'eau douce dans la région d'Amman).

S'ils sont désireux de poursuivre et d'intensifier la coopération financière, les Jordaniens aspirent cependant aujourd'hui à donner aux liens noués avec l'Union européenne une dimension supplémentaire en renforçant les relations politiques. En effet, l'ouverture sur l'Europe permet tout à la fois de réaffirmer l'ancrage de la Jordanie au modèle occidental et de répondre au devoir de solidarité avec les Etats arabes, compte tenu des positions plus équilibrées de l'Union européenne sur le processus de paix que celles des Etats-Unis. Le Royaume hachémite souhaite d'ailleurs une intervention plus forte de l'Union sur les sujets politiques européens et se dit déçu de la prudence des Quinze dans ce domaine.

L'accord d'association pourrait, de ce point de vue, apporter un progrès : il fixe en effet, pour la première fois, le cadre institutionnel d'un dialogue politique. Beaucoup dépendra en la matière de la volonté politique des partenaires.

* 5 dont la Jordanie est le deuxième exportateur mondial avec 15 % des ventes.

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