EXAMEN DES ARTICLES

Article premier -

Application de la procédure d'extrême urgence pour l'acquisition des terrains nécessaires à l'aménagement d'un itinéraire à très grand gabarit entre le port de Bordeaux et Toulouse

Cet article a pour objet d'appliquer la procédure d'extrême urgence prévue par l'article 15-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, à la réalisation de l'itinéraire à très grand gabarit. Il existe en réalité deux procédures permettant de raccourcir les délais en matière d'expropriation, une fois la déclaration d'utilité publique prononcée, et ce au stade de la phase indemnitaire et de la prise de possession des terrains. En moyenne, la procédure normale se déroule sur un an à compter de la déclaration d'utilité publique, voire plus en cas de contentieux :

- la procédure d'urgence, prévue par les articles 15-4 et 15-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique permet de réduire les délais de la phase indemnitaire et autorise la prise de possession moyennant le paiement ou la consignation préalable des indemnités, éventuellement provisionnelles, fixées par le juge ;

- la procédure d'extrême urgence est fixée par les articles 15-6 s'agissant de travaux intéressant la défense nationale, et 15-9 pour la construction d'autoroutes, de routes express, de routes nationales ou de sections nouvelles de routes nationales, de voies de chemin de fer ou d'oléoducs. Dans ce cadre, le pouvoir de prononcer l'envoi en possession de terrains est transféré du juge de l'expropriation à l'administration et cet envoi en possession peut intervenir avant que l'ordonnance de transfert soit rendue.

Des dispositions particulières encadrent la mise en oeuvre de la procédure d'extrême urgence afin de garantir les droits des personnes expropriées :

- elle ne peut s'appliquer qu'à des terrains non bâtis, situés dans l'emprise de l'ouvrage ;

- elle ne peut intervenir que si l'exécution des travaux risque d'être retardée par des difficultés tenant à la prise de possession de ces terrains ;

- la prise de possession doit être autorisée par un décret pris sur avis conforme du Conseil d'Etat, en respectant la procédure de l'article L. 15-7 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, à savoir la production par l'administration d'un projet motivé, accompagné d'un plan parcellaire répertoriant les terrains concernés et d'une description générale des ouvrages projetés. Dans les vingt quatre heures de la réception du décret, le préfet prend les arrêtés nécessaires permettant aux agents de l'administration de pénétrer dans les propriétés privées.

Cependant, la prise de possession ne peut avoir lieu qu'après paiement provisionnel d'une somme égale à l'évaluation du service des domaines, ou à l'offre de l'autorité expropriante si celle-ci est supérieure.

En cas d'obstacle au paiement ou de refus de recevoir, l'administration est obligée de consigner la somme correspondante.

Enfin, l'administration est tenue, dans le mois qui suit cette prise de possession, de poursuivre la procédure d'expropriation de droit commun. A défaut, le juge, saisi par le propriétaire, prononce le cas échéant, le transfert de propriété et fixe le montant du prix du terrain. Il peut également décider, en application de l'article L.15-8 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, d'une indemnité spéciale pour compenser le préjudice résultant de la rapidité de la procédure.

La mise en oeuvre de l'article L. 15-9 permet, à l'évidence, de raccourcir les délais, puisque l'Etat peut prendre possession des terrains sans attendre que soit opéré le transfert de propriété par voie d'ordonnance judiciaire et que les indemnités soient fixées par le juge.

Dans sa décision n° 89-256 DC du 25 juillet 1989, le Conseil constitutionnel a jugé que ce dispositif n'était contraire « à aucune règle non plus qu'à aucun principe de valeur constitutionnelle » dès lors qu'il ne pouvait être invoqué « que lorsqu'apparaissent des difficultés bien localisées susceptibles de retarder l'exécution des travaux et que la procédure normale est déjà largement entamée.

En application de l'article premier du projet de loi, le recours temporaire -géographiquement et juridiquement encadré- à la procédure d'extrême urgence est autorisé pour la réalisation de l'itinéraire à très grand gabarit.

L'article premier mentionne l'itinéraire à très grand gabarit, puisque ce dernier ne rentre pas expressément dans la liste des infrastructures visées à l'article L. 15-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

De plus, il étend le champ d'application de la procédure d'extrême urgence aux terrains bâtis.

En revanche, il limite le recours possible à cette procédure dans le temps, puisque les décrets pris sur avis conforme du Conseil d'Etat devront intervenir au plus tard le 30 juin 2004. Compte tenu des contraintes de calendrier, s'agissant du processus industriel envisagé, les décrets interviendront bien avant cette date butoir.

On peut enfin rappeler que le Parlement a déjà été conduit à quatre reprises à autoriser l'Etat à faire usage de cette procédure d'extrême urgence, lors de :

- la réalisation des aménagements nécessaires aux jeux olympiques de Grenoble (loi n° 65-496 du 29 juin 1965) ;

- la réalisation de la ligne expérimentale d'aérotrain (loi n° 66-1065 du 31 décembre 1966) ;

- la réalisation des aménagements nécessaires aux jeux olympiques d'Albertville (loi n° 87-1132 du 31 décembre 1987) ;

- la construction du Stade de France à Saint-Denis (loi n° 93-1435 du 31 décembre 1993).

Ces textes ont été adoptés à l'unanimité et, dans la pratique, leur application n'a pas donné lieu à des contentieux particuliers entre l'administration et les personnes concernées.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 2 -

Relogement préalable des occupants

Cet article met à la charge de l'Etat l'obligation d'assurer le relogement préalable des occupants en application des articles L. 314-1 à L. 314-8 du code de l'urbanisme, au cas où il serait procédé à l'expropriation de terrains bâtis.

Cette disposition est une conséquence de l'article premier du projet de loi, qui autorise l'application de la procédure d'extrême urgence à l'expropriation de terrains bâtis.

S'agissant de la liste des bénéficiaires de cette garantie de relogement, l'article 183 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains a modifié l'article L. 314-1 du code de l'urbanisme pour viser expressément l'article L. 521-1 du code de la construction et de l'habitation, qui traite du relogement des occupants d'un immeuble insalubre ou menaçant ruine frappé d'une interdiction d'habiter.

Au sens de cet article, l'occupant bénéficiaire du droit au relogement est :

- le titulaire d'un droit réel conférant l'usage ;

- le locataire, le sous-locataire ou l'occupant de bonne fois des locaux à usage d'habitation et de locaux d'hébergement constituant l'habitation principale.

Cette modification a fait entrer les sous-locataires dans la liste des bénéficiaires du droit au relogement.

A cette catégorie de personnes, l'article L. 314-1 du code de l'urbanisme ajoute les preneurs de baux professionnels, commerciaux et ruraux.

Les articles L. 314-2 à L. 314-8 du code de l'urbanisme distinguent ensuite les cas où des travaux nécessitent une éviction définitive ou provisoire de ceux où une telle éviction n'est pas nécessaire, et fixent les règles d'indemnisation afférentes.

En cas d'éviction définitive des occupants, ceux-ci bénéficient des dispositions applicables en matière d'expropriation.

Les occupants de locaux à usage d'habitation, professionnel ou mixte, ont droit au relogement dans les conditions suivantes : il doit être fait à chacun d'eux au moins deux propositions portant sur des locaux satisfaisant aux normes d'habitabilité et à certaines conditions de localisation. Ils bénéficient, en outre, des droits de priorité et de préférence prévus aux articles L. 14-1 et L. 14-2 du code de l'expropriation, même dans le cas où ils ne sont pas propriétaires. Ils bénéficient également, à leur demande, d'un droit de priorité pour l'attribution ou l'acquisition d'un local dans les immeubles compris dans l'opération ou de parts ou actions d'une société immobilière donnant vocation à l'attribution, en propriété ou en jouissance, d'un tel local (article L. 314-2).

Les commerçants, artisans et industriels ont un droit de priorité pour l'attribution de locaux de même nature compris dans l'opération lorsque l'activité considérée est compatible avec le plan d'occupation des sols ou le document d'urbanisme en tenant lieu.

En cas d'éviction provisoire des occupants, il doit être pourvu à leur relogement provisoire dans un local compatible avec leurs besoins, leurs ressources et, le cas échéant, leur activité antérieure, et satisfaisant à certaines conditions de localisation (article L. 314-3).

Lorsque les travaux ne nécessitent pas l'éviction des occupants, ceux-ci ont droit au maintien sur place dans les conditions qui sont fixées par l'article L. 314-4 du code de l'urbanisme.

L'indemnisation des commerçants et artisans afférente à l'activité qu'ils exercent dans un immeuble devant être exproprié en vue de sa démolition dans le cadre d'une opération d'aménagement fait, par ailleurs, l'objet de dispositions particulières prévues à l'article L. 314-6 du code de l'urbanisme : l'indemnisation, sur leur demande, doit avoir lieu avant l'acte portant transfert de propriété et doit être fondée sur la situation existant avant le commencement de l'opération.

Enfin, les offres de relogement, définitive ou provisoire, doivent suivre certaines modalités : elles doivent être notifiées au moins six mois à l'avance ; l'occupant doit faire connaître son acceptation ou son refus dans un délai de deux mois , faute de quoi il est réputé avoir accepté l'offre (article L.314-7)

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article additionnel après l'article 2 -

Dispositif de péréquation

L'aménagement ou la réalisation d'un itinéraire à très grand gabarit peut constituer un élément important d'aménagement du territoire favorisant le développement économique équilibré d'une région, s'il est accompagné d'un outil financier qui assure une plus juste répartition de la richesse supplémentaire induite, à un endroit du territoire, par l'existence de cet itinéraire.

En l'absence de cet outil de répartition et de solidarité, il y a tout à craindre que certaines communes situées sur le tracé de l'itinéraire, mais éloignées des lieux de production que le tracé irrigue n'en subissent en définitive, que les contraintes sans en retirer aucun bénéfice économique.

C'est pourquoi votre commission vous propose d'adopter un dispositif de péréquation qui s'inspire du principe des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle créés en 1975 et définis à l'article 1648 A du code général des impôts.

Les ressources du fond, liées à la réalisation d'un itinéraire à très grand gabarit, seront constituées, d'une part d'une fraction de la taxe professionnelle générée par l'activité permise par l'utilisation de l'itinéraire et, d'autre part, d'une fraction du produit de la majoration des taux de la cotisation de péréquation de taxe professionnelle versée au budget de l'Etat.

On peut rappeler que la cotisation de péréquation a été créée par la loi du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale. En application de l'article 1648 D du code général des impôts, elle est à « la charge des établissements situés dans les communes où le taux global de cette taxe est inférieur au taux global moyen constaté l'année précédente au niveau national ».

Initialement, cette cotisation devait abonder le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle. Mais, à deux reprises en 1989 et 1999, l'Etat a majoré les taux de cette cotisation en affectant le produit de cette majoration au budget général. Comme le déplore notre collègue Michel Mercier, rapporteur spécial des crédits Décentralisation, à l'occasion de l'examen de la loi de finances pour 2001 1 ( * ) , « depuis 1999, moins de la moitié du produit de la cotisation de péréquation sert à financer la péréquation ».

Les ressources du fonds seraient réparties entre les départements concernés selon plusieurs critères, à savoir 20 % au bénéfice du département siège des établissements utilisant l'itinéraire à très grand gabarit et 80 % pour les départements traversés par cet itinéraire.

Entre ceux-ci, la répartition s'effectuerait au prorata des kilomètres parcourus, en utilisant un coefficient de pondération selon le mode de transport choisi. En effet, on peut considérer qu'un kilomètre de voie fluviale est moins générateur de nuisances qu'un kilomètre de voie ferrée et, surtout, qu'un kilomètre de route à grand gabarit.

A ce stade de la discussion, il est prématuré de vouloir définir le montant du prélèvement alimentant le fonds, puisqu'aucune simulation n'existe sur les retombées attendues en matière de taxe professionnelle. C'est pourquoi l'article prévoit qu'un rapport d'information est transmis au Parlement, sur ce sujet, avant le 15 septembre 2002 et renvoie à la loi de finances pour 2003 pour fixer le taux de la cotisation de péréquation de la taxe professionnelle et la fraction du produit de la majoration visée à l'article 1648 D du code général des impôts.

Cet outil, tel que proposé par votre commission, constitue un élément d'équilibre indispensable à un aménagement harmonieux de nos régions et de nos territoires.

Votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel.

* 1 Rapport spécial. Loi de finances pour 2001- Décentralisation n° 92-Tome III- Annexe 30 (2000-2001)

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