EXAMEN DES ARTICLES
DIVISION ADDITIONNELLE AVANT LE TITRE PREMIER :

DES LOIS DE FINANCES

Commentaire : il s'agit d'insérer une division additionnelle dans laquelle sont décrits l'objet et les principales caractéristiques des lois de finances.

La présente disposition vise à faire figurer dès le début de la loi organique la définition des lois de finances.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'insérer par amendement cette division additionnelle.

ARTICLE ADDITIONNEL AVANT L'ARTICLE PREMIER

L'objet des lois de finances

Commentaire : le présent article additionnel vise à introduire, dès le début de la loi organique relative aux lois de finances, les éléments essentiels de leur définition.

Votre rapporteur vous propose d'énoncer dès le premier article de la loi organique les éléments principaux de la définition des lois de finances qui, dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, sont reportés plus loin et peuvent apparaître dispersés.

Seules quelques nuances sont apportées par rapport aux dispositions correspondantes prévues dans la proposition de loi organique transmise à votre Haute Assemblée.

I. RAPPELER L'OBJET DE LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES

La loi organique relative aux lois de finances repose sur deux articles constitutionnels :

- l'article 34 de la Constitution, alinéa 17, dispose : « Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'Etat dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ».

- l'article 47 de la Constitution, alinéa 1, prévoit quant à lui que : « le Parlement vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique ».

De ces deux articles au caractère laconique, il convenait de tirer une interprétation pour tenter de déterminer le champ d'intervention de la loi organique en matière de lois de finances.

Votre rapporteur voit dans le texte de la Constitution une contrainte mais également de nombreuses possibilités.

A. UNE CONTRAINTE : L'ORDONNANCE ORGANIQUE SUR LES LOIS DE FINANCES NE PEUT CONCERNER QUE LA DETERMINATION DES CHARGES ET DES RESSOURCES DE L'ÉTAT

La contrainte est la suivante : la loi organique relative aux lois de finances ne peut pas comporter de dispositions qui ne concerneraient pas la détermination des ressources et des charges de l'Etat .

Il apparaît ainsi que l'Etat est la seule entité dont les ressources et les charges doivent et peuvent être déterminées dans les lois de finances . Cependant, comme il n'existe pas de définition juridique incontestable de l'Etat, il faut bien admettre qu'il existe quelques marges pour préciser le contenu de cette contrainte.

Une définition trop restrictive des ressources et des charges de l'Etat qu'amènerait une définition trop restrictive de l'Etat lui-même en tant qu'acteur financier serait décevante. Faire de l'Etat un résidu, c'est à dire l'entité réunissant toutes les structures chargées de missions de services publics et non dotées de la personnalité morale, laisserait la porte ouverte à toutes les débudgétisations, l'Etat pouvant aisément se démembrer et faire ainsi échapper les opérations confiées à ses démembrements à toute détermination dans une loi de finances.

Au fil des commentaires du présent rapport, il sera proposé des solutions et des analyses interprétatives que votre rapporteur souhaite voir contribuer à une réhabilitation des lois de finances.

B. DE NOMBREUSES POSSIBILITÉS

Au terme de la Constitution, il appartient au législateur organique de prévoir les conditions dans lesquelles les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'Etat, et sous quelles réserves elles les déterminent. Cette habilitation constitutionnelle semble à votre rapporteur devoir être interprétée très largement.

1. C'est à la loi organique de prévoir comment les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'Etat.

La question du champ de cette habilitation doit être abordée. Elle implique un choix sur le sens à donner au mot « déterminent » dans l'article 46 de la Constitution. Se pose la question de savoir si la Constitution comporte, du fait de son usage, une norme stricte qui, s'imposant au législateur organique, viendrait encadrer les conditions et les réserves qu'il lui appartient de prévoir.

Votre rapporteur pense qu'il n'en va pas ainsi étant donné la pluralité des sens du terme, « détermination » et le mécanisme même instauré par le texte constitutionnel.

Le verbe « déterminer » comporte en effet une pluralité de sens.

Selon les dictionnaires, déterminer c'est préciser les termes ou les limites. Mais l'on peut préciser avec ... plus ou moins de précision et en conférant à la précision donnée une plus ou moins grande portée.

C'est d'ailleurs tout le sens de la démarche du texte constitutionnel qui, reconnaissant lui-même la variété des possibles, a précisément renvoyé à la loi organique le soin de prévoir les conditions, et les réserves, dans lesquelles la loi de finances est appelée à déterminer les ressources et les charges de l'Etat. Le mécanisme même du texte constitutionnel consiste donc à déléguer au législateur organique le soin de préciser ce qu'il faut entendre concrètement par la détermination dans les lois de finances des ressources et des charges de l'Etat, ce qui lui confère une marge d'appréciation considérable.

2. Les habilitations dont bénéficie le législateur organique lui donnent une compétence très étendue.

a) Le domaine du législateur organique en matière de lois de finances n'est borné que par le sens de la compétence qui lui est attribuée.

Dans le système juridique issu de la Constitution de 1958, le champ du règlement est de droit commun et le champ législatif est limitativement défini (articles 34 et 37 de la Constitution). Le domaine de la loi est doublement circonscrit, par l'énoncé des matières où la compétence législative est reconnue et par le niveau de précision (les règles dans certains cas, les principes fondamentaux dans les autres) que le législateur peut atteindre lorsqu'il exerce sa compétence.

Il ne paraît pas en aller ainsi pour le législateur organique en matière de lois de finances. Les habilitations qui lui sont attribuées par le texte constitutionnel ne sont assorties d'aucune condition de cette nature. Il semble donc que le législateur organique puisse aborder tous les sujets et avec tous les détails qu'il souhaite.

Il doit cependant respecter le sens des habilitations qui lui sont consenties. Dans l'exercice de sa compétence, il ne doit pas dépasser les limites de la fixation des conditions et des réserves, dans et sous lesquelles la loi de finances détermine les ressources et les charges de l'Etat et le Parlement vote les projets de loi de finances.

b) Qu'est-ce que « prévoir les conditions et les réserves selon lesquelles sont déterminées les ressources et les charges de l'Etat » ?

Il appartient d'abord au législateur organique de « prévoir » les « conditions » dans lesquelles les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'Etat. Il lui appartient aussi de « prévoir » les « réserves » sous lesquelles les lois de finances déterminent ces mêmes éléments. Ces énoncés invitent là encore à un effort de définition.

« Prévoir les conditions » dans lesquelles on détermine quelque chose c'est, compte tenu de la diversité des façons de déterminer -voir supra - préciser la nature de la détermination entreprise. Votre rapporteur propose de considérer que « prévoir les conditions » c'est, pour la loi organique, faire deux choses : d'abord, préciser la portée générale de la détermination des ressources et des charges de l'Etat par la loi de finances, qui peut aller de leur fixation à leur autorisation ; c'est également préciser les modalités pratiques selon lesquelles les lois de finances fixent ou autorisent lesdits éléments.

« Prévoir les réserves » sous lesquelles les ressources et les charges de l'Etat sont déterminées par les lois de finances, c'est d'abord préciser la portée générale de la détermination opérée par la loi de finances, c'est ensuite énoncer les conditions auxquelles cette détermination est suspendue.

L'un des prolongements de la première acception de l'expression est le principe de l'annualité budgétaire accompagné de ses amodiations.

L'un des importants prolongements de la seconde acception se trouve dans les dispositions organisant le contrôle du Parlement sur les ressources et les charges de l'Etat.

Votre rapporteur propose donc de conférer à l'habilitation donnée par la Constitution au législateur organique le sens le plus large.

Il considère en particulier que, sous certaines réserves, cette habilitation autorise le législateur organique à déléguer au législateur ordinaire le soin d'apporter des précisions et des prolongements aux règles organiques. Il observe d'ailleurs que, par exemple, l'alinéa 2 de l'article premier de l'ordonnance organique de 1959 a conféré au « législateur financier » la possibilité d'organiser l'information et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques.

Il souligne incidemment que, par cette formule visant les finances publiques, l'ordonnance organique a mentionné, à très bon droit, un concept plus large, par son objet, que celui dévolu par la Constitution aux lois de finances. Il remarque enfin qu'en réservant ainsi la possibilité au « législateur financier » de pénétrer le champ du contrôle et de l'information du Parlement, le législateur organique, qui est lui-même habilité à agir en la matière, n'a pas mésestimé la répartition des compétences fixée par la Constitution. Il a simplement souhaité dire que, du fait de son objet, il est naturel que la loi de finances puisse, à côté de la loi organique, poser des règles en matière d'information et de contrôle sur les finances publiques, ces deux éléments étant indissociables de la détermination des ressources et des moyens de l'Etat par elle.

Dans ces conditions, votre rapporteur vous propose, non seulement de prévoir que les lois de finances peuvent comporter toutes dispositions relatives au contrôle et à l'information du Parlement sur la gestion des finances publiques, solution que comporte le texte de l'Assemblée nationale, mais encore d'ouvrir à leur compétence les règles relatives à la comptabilité de l'Etat.

Dans l'esprit de votre rapporteur, ces matières relèveraient de compétences partagées.

La loi organique n'aurait pas le monopole des dispositions relatives à l'information et au contrôle, la loi de finances et la loi ordinaire, solution nouvelle, pouvant désormais intervenir dans ce champ.

La loi de finances n'aurait nul monopole en matière de règles comptables, le pouvoir réglementaire étant qualifié pour les fixer, sous réserve des hypothèses où la loi de finances ou la loi ordinaire auraient seules qualité pour cela. Ces hypothèses se rencontreraient, soit du fait de dispositions constitutionnelles générales, soit de l'intervention du législateur dans le champ des règles comptables.

II. CONFÉRER LA MÊME DIGNITÉ À L'ÉQUILIBRE FINANCIER ET À L'ÉQUILIBRE BUDGÉTAIRE

Les opérations financières de l'Etat que déterminent les lois de finances sont appelées à être articulées dans deux paradigmes comptables, le premier, budgétaire, correspondant aux ressources, aux charges et à l'équilibre budgétaire, le second, financier, correspondant à la prise en compte des droits et charges constatées au cours d'une année et de l'équilibre financier qui en découle.

Si ce deuxième équilibre n'a pas vocation, en l'état actuel des choses, à figurer dans les lois de finances de l'année, il sera un élément déterminant des lois de règlement, et compte tenu de la nécessaire revalorisation du rôle de ces dernières, deviendra un critère d'appréciation de l'équilibre budgétaire prévisionnel proposé par les lois de finances de l'année.

C'est dans ce contexte que votre rapporteur souhaite consacrer l'équilibre financier en le mettant sur un plan d'égale dignité avec l'équilibre budgétaire.

III. MENTIONNER EXPRESSÉMENT LE LIEN ENTRE LA DÉTERMINATION DES CHARGES DE L'ÉTAT ET LES OBJECTIFS DES ACTIONS PUBLIQUES

Si votre rapporteur vous proposera par souci de réalisme de conserver, à titre limité, une unité de spécialisation des crédits - la dotation - pour les crédits insusceptibles d'être directement mis en relation avec des finalités précises de l'action publique, l'une des grandes innovations de la réforme n'en est pas moins l'introduction d'une « budgétisation de la performance ». Celle-ci passe en particulier par le regroupement des crédits budgétaires finançant les moyens consacrés à des actions particulières poursuivant des objectifs précis, dont les résultats devront faire l'objet d'un suivi rigoureux et d'un compte-rendu fidèle.

Le regroupement des crédits dans les nouvelles unités de spécialité budgétaire que formeront les programmes sera ainsi la manifestation la plus essentielle de détermination des charges de l'Etat par les lois de finances.

Votre rapporteur souhaite que le présent article l'énonce avec solennité en rappelant que l'un des objets fondamentaux de la réforme est que dorénavant, plutôt que de déboucher sur l'addition de moyens sans justification, la détermination des ressources de l'Etat et de ses dépenses par les lois de finances provienne d'une fixation des dépenses de l'Etat au terme d'un processus d'examen des objectifs poursuivis et des résultats obtenus.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article additionnel.

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