ARTICLE 6

La comptabilisation des recettes et des dépenses

Commentaire : Le présent article tend à définir les règles applicables en matière de comptabilisation des recettes et des dépenses.

Le présent article pose les principes qui régissent la comptabilité de l'Etat. Il reprend le système actuel de comptabilité « de caisse » où les recettes et les dépenses sont comptabilisées au moment de leur décaissement ou de leur encaissement.

I. LE MAINTIEN DE LA COMPTABILITÉ DE CAISSE

Le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, notre collègue député Didier Migaud, justifie le choix d'un système « de caisse » par le fait qu'il permet d'assurer un meilleur suivi de l'autorisation budgétaire, et est cohérent avec la dimension prévisionnelle associée au budget de l'Etat. Il souligne en revanche que ce système soumet la détermination du résultat budgétaire de l'année à un éventuel décalage de certains encaissements ou décaissements. Lors de la première lecture de la présente proposition de loi à l'Assemblée nationale, le rapporteur a donné son avis sur un amendement de notre collègue député Jean-Jacques Jégou, visant à établir un système de comptabilisation des opérations budgétaires en droits constatés. Il a ainsi fait remarquer que « le système de caisse est plus cohérent avec la notion d'autorisation budgétaire préalable. En effet, lorsque le Parlement vote une évaluation de recettes, qui concourt à l'équilibre financier, le vote ne porte pas sur une évaluation du montant qui sera mis en recouvrement - et qui constitue une recette seulement virtuelle -, mais sur une évaluation du montant qui ira effectivement dans les caisses de l'Etat. Le Parlement ne peut voter qu'une vraie recette. Par voie de symétrie, les dépenses qui déterminent, avec ces recettes, l'équilibre financier, ne peuvent être comptabilisées qu'en caisse. »

Votre rapporteur a souhaité regrouper dans un chapitre spécifique intitulé « Des comptes de l'Etat », les dispositions relatives à la comptabilité de l'Etat, considérant qu'un tel aménagement contribuait à améliorer la lisibilité du texte de la loi organique et à donner toute sa place au système comptable de l'Etat. Il considère en effet que les dispositions relatives à la comptabilité publique revêtent une grande importance, car leur qualité conditionne pour une grande part la réussite des actions menées par ailleurs afin d'améliorer la gestion des services de l'Etat ainsi que la transparence et le contrôle sur le budget de l'Etat . C'est pour ce motif et non pour des raisons de fond qu'il vous propose de supprimer le présent article. En effet, le texte qui vous sera proposé reprend pour l'essentiel la rédaction retenue par l'Assemblée nationale sous réserve de quelques modifications allant dans le sens d'une clarification.

Votre rapporteur considère que le maintien d'un système de comptabilité « en caisse » est nécessaire afin de suivre précisément l'exécution des lois de finances. En effet, ce système permet à tout moment de connaître avec précision ce qui a été dépensé et ce qui reste dans les caisses de l'Etat. Dans son rapport intitulé « Doter la France de sa nouvelle constitution financière » 22 ( * ) , votre rapporteur avait insisté sur les difficultés de mise en oeuvre d'un budget en droits constatés, compte tenu des difficultés techniques que cela pose au regard de la comptabilisation des créances fiscales d'une part, et de la définition du fait générateur de l'enregistrement comptable, d'autre part. Le responsable de l'Agence comptable centrale du Trésor, M. Jean-Jacques François, souligne d'ailleurs que si la comptabilité en droits constatés constitue une forme élaborée de suivi, un budget en droits constatés est, à l'expérience, difficile à interpréter.

Par ailleurs, l'unification des processus budgétaires et comptables qui résulterait de la présentation du budget en droits constatés, conduirait à transformer l'autorisation parlementaire en approbation de comptes prévisionnels. Par conséquent, le Parlement aurait alors à se prononcer sur des « charges calculées » ayant pour objet de réaliser des corrections de valeurs du type amortissement ou provisions, qui reposent sur des conventions comptables et ne donnent pas lieu à de véritables décaissements. L'inclusion dans le projet de loi de finances initiale de charges calculées présenterait des inconvénients importants :

- d'une part, le vote d'une charge calculée n'aurait pas la même portée que le vote d'une autorisation d'engagement : le Parlement serait amené à constater les évaluations fournies par le Gouvernement et à les ratifier par un vote d'approbation. Les amendements porteraient alors sur les méthodes de calcul des charges retenues par convention, et n'auraient pas la même portée politique que dans une budgétisation « en caisse » ;

- d'autre part, l'introduction de charges calculées dans le budget de l'Etat poserait un problème d'affichage : dès lors que des provisions importantes seraient introduites, la dégradation du solde budgétaire qui en résulterait ne pourrait être équilibrée que par une augmentation de la fiscalité, sauf à considérer que cette dégradation n'est que la conséquence « optique » d'un changement de méthodologie comptable.

Si une telle comptabilité prévisionnelle paraît donc difficile, il n'en va pas de même pour l'exécution des opérations budgétaires. Ainsi, le projet informatique ACCORD, qui vise à moderniser les conditions d'enregistrement de la dépense au niveau central, devra permettre de nourrir simultanément en informations les différents systèmes comptables que la présente loi organique souhaite voir mis en oeuvre, dont il convient de souligner qu'ils répondent chacun à des besoins spécifiques.

Votre rapporteur a donc considéré que le maintien de la dualité comptabilité générale / comptabilité de caisse était une nécessité. Il a estimé en revanche qu'un rapprochement était nécessaire entre les différentes comptabilités, et, en particulier, entre la comptabilité budgétaire et la comptabilité nationale.

Votre rapporteur vous propose de conserver la rédaction retenue pour le premier et le deuxième alinéa (1°) du présent article. Dans le troisième alinéa (2°) du présent article, il vous propose de supprimer la distinction entre les dépenses payables après ordonnancement et les dépenses payables sans ordonnancement. En effet, ainsi que l'indique le rapport de l'Assemblée nationale 23 ( * ) , le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique a complété les dispositions de l'ordonnance organique sur ce point. Un décalage existe entre le moment ou les ordonnances ou mandats sont visés par les comptables assignataires et le paiement de la dépense correspondante. Lors de son audition par la commission des finances du Sénat constituée en commission d'enquête sur le fonctionnement des services de l'Etat dans l'élaboration des projets de loi de finances et l'exécution des lois de finances, le 2 mai 2000, le directeur général de la comptabilité publique, M. Jean Bassères, indiquait que « 8 jours et demi sont effectivement les délais du comptable entre le moment où le mandat a été élaboré par le service ordonnateur et le moment où il est payé par le comptable » 24 ( * ) . Cependant, le décalage qui est visé par les dispositions du présent alinéa n'est pas celui-là, mais celui entre le moment ou le mandat est visé par le comptable et le moment où la dépense est payée. Ce délai a été considérablement réduit avec les moyens de transmission des informations par réseau informatique, et est, en pratique, quasiment nul aujourd'hui. En effet, le comptable assignataire procède au paiement de la dépense immédiatement après le visa de cette dernière. Concrètement, l'opération de paiement est une transaction qui déclenche l'envoi à la Banque de France des données nécessaires au « créditement » des comptes bancaires des différents créanciers concernés par l'opération. Le délai entre les opérations de visa et le paiement de la dépense est donc généralement inférieur à la journée, les dépassements de ce délai résultant pour l'essentiel des paiements en numéraire et du traitement des oppositions reçues.

Votre rapporteur vous propose donc d'indiquer que « les dépenses sont prises en compte au titre du budget de l'année au cours de laquelle elles sont payées par un comptable publics . » Cette simplification de la rédaction permet, outre qu'elle ne pose pas de problèmes techniques, d'affirmer la cohérence du système de comptabilisation des opérations budgétaires « en caisse », qui suppose que le décaissement et l'encaissement constituent le fait générateur de l'enregistrement comptable.

II. LES COMPTES D'IMPUTATION PROVISOIRE

Le quatrième alinéa du présent article (3°) porte sur les comptes d'imputation provisoire. Votre rapporteur se félicite de l'introduction d'une disposition relative à ces comptes, dès lors qu'ils sont susceptibles de constituer une atteinte importante au principe de sincérité de l'exécution budgétaire. Lors de son audition par la commission des finances du Sénat constituée en commission d'enquête, M. François Logerot, alors président de la première chambre de la Cour des comptes, indiquait 25 ( * ) que « en comptabilité générale, un compte d'imputation provisoire doit être soldé au 31 décembre. Dans le cas de l'Etat, l'imprécision des règles fait que ces comptes d'imputation provisoire non seulement existent, mais ne sont pas vidés au 31 décembre. Nous avons constaté qu'en 1999 les imputations provisoires de recettes fiscales ont grossi dans des proportions importantes alors que les comptes d'imputation provisoire de dépenses étaient à un niveau plus bas. Ce qui fait que, par hypothèse, au 31 décembre, tous ces comptes avaient pu être vidés et les recettes et dépenses réaffectées dans les comptes budgétaires, puisque pour l'instant elles sont dans des comptes de bilan, le déficit budgétaire se serait trouvé mécaniquement réduit par rapport à ce qu'il était en définitive. »

Dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 1999, la Cour des comptes soulignait l'utilisation condamnable des comptes d'imputation provisoire, en insistant sur le fait que la variation du solde des comptes d'imputation provisoire détermine leur impact sur le solde budgétaire. La Cour formulait les conclusions suivantes sur l'utilisation des comptes d'imputation provisoire :

- d'une part, elle indiquait que le fait de ne pas solder les comptes d'imputation provisoire n'était pas conforme à l'article 16 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ;

- d'autre part, elle soulignait que « pour remédier aux inexactitudes affectant aussi bien les recettes que les dépenses de l'Etat du fait du jeu des comptes d'imputation provisoire, il est nécessaire que ces comptes soient soldés pendant la période d'inventaire, c'est-à-dire entre le 31 décembre et la signature du compte général de l'administration des finances par le ministre. »

Les comptes d'imputation provisoires apparaissent donc comme un facteur d'opacité et de maquillage du pilotage peut-être vertueux du solde budgétaire, qui s'oppose tant à la bonne information du Parlement qu'au respect des autorisations annuelles qu'il délivre à l'occasion du vote de lois de finances. Il apparaît indispensable de prévoir dans la loi organique relative aux lois de finances, des dispositions pour encadrer les pratiques budgétaires de fin de gestion, de manière à permettre la mise en oeuvre d'un code de bonne conduite de la fin de gestion. Un des enjeux de la réforme de la loi organique relative aux lois de finances consiste en effet à réduire au maximum la marge d'arbitraire dont dispose le gouvernement lorsqu'il procède à l'arrêté définitif des comptes de l'Etat.

En dépit de ce souhait, votre rapporteur concède qu'il est nécessaire de tenir compte des contraintes techniques qui s'appliquent aux comptes d'imputation provisoire, la direction générale de la comptabilité publique n'étant pas en mesure de solder l'ensemble des comptes à l'issue de la période complémentaire. On rappellera que l'Etat utilise les comptes d'imputation provisoire plus fréquemment que ne le font les entreprises (qui disposent de comptes équivalents, dénommés « comptes d'attente »), puisque la nomenclature de la comptabilité de l'Etat recense près de 250 comptes d'imputation provisoire de recettes et de dépenses. Ce nombre s'explique par la nécessité pour l'Etat de centraliser les écritures de plus de 5.000 comptables, et par la multiplicité de ses partenaires financiers. Au cours de l'année 2000, d'après les informations recueillies auprès de la direction générale de la comptabilité publique par votre rapporteur, les opérations de l'ensemble des comptes d'imputation provisoire ont représenté une masse de recettes de 11.873 milliards de francs et une masse de dépenses de 11.866 milliards de francs, soit 7 fois le montant du budget de l'Etat. Il convient cependant de noter que seule une part mineure de ces opérations ont une incidence sur le solde budgétaire de l'Etat, la plupart d'entre elles concernant les opérations effectuées pour le compte de tiers. Enfin, il faut prendre en considération le fait que, si le paiement des dépenses est toujours réalisé par un comptable public, après vérification de leur imputation, il n'en va pas de même pour les opérations de recettes qui peuvent résulter du versement par un tiers de sommes pour lesquelles le comptable ne dispose pas toujours des éléments d'information suffisants pour permettre leur imputation définitive, et, en particulier, l'indication de la partie versante.

Votre rapporteur vous propose donc de reprendre, sous réserve de modifications mineures, le dispositif relatif aux comptes d'imputation provisoires contenu dans le présent article. Ainsi, dans la première phrase du quatrième alinéa (3°) du présent article, il vous propose de remplacer la référence à « la date de l'arrêté du résultat budgétaire » par « la date d'expiration de la période complémentaire ». Le rapport de l'Assemblée nationale indique que « la fin de la période complémentaire marquant la possibilité pour le Gouvernement d'arrêter le résultat budgétaire définitif de l'année précédente, il paraît logique de s'y référer. ». Votre rapporteur estime que, un délai supplémentaire pouvant exister entre la fin de la période complémentaire et la date de l'arrêté du résultat budgétaire définitif de l'exercice précédent, il apparaît préférable de mentionner la fin de la période complémentaire comme date butoir pour l'enregistrement aux comptes définitifs des recettes et des dépenses portées aux comptes d'imputation provisoires.

Reprenant à son compte les observations formulées par le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, votre rapporteur a souhaité conserver les dispositions de cet alinéa relatives aux opérations de recettes qui n'auraient pu être imputées définitivement à la fin de la période complémentaire. En effet, ces opérations ne pouvant être imputées à des comptes définitifs pour des raisons techniques, votre rapporteur considère qu'il n'est pas anormal de laisser au comptable public des délais suffisants pour déterminer l'origine des recettes enregistrées dans les comptes d'imputation provisoire, dès lors que celles-ci font l'objet d'une information spécifique et détaillée dans une annexe au projet de loi de règlement afférent à l'exercice concerné. En dépit de sa volonté initiale d'édicter des dispositions plus contraignantes en matière de solde de ces comptes, votre rapporteur considère que les contraintes fixées par le présent alinéa devraient éviter les utilisations abusives des comptes d'imputation provisoire à des fins de pilotage du solde budgétaire .

Par ailleurs, votre rapporteur se félicite de ce que la résorption des comptes d'imputation provisoire fasse l'objet d'une attention accrue de la part de la direction générale de la comptabilité publique, qui achève un plan d'actions destiné à réduire leur nombre de manière significative. Cette direction a ainsi indiqué à votre rapporteur qu'il avait été décidé de réexaminer les calendriers de clôture des opérations en fin d'exercice et de modifier les réglementations et les pratiques qui facilitent le recours aux comptes d'imputation provisoire. Par ailleurs, la direction générale de la comptabilité publique envisage de sensibiliser les ordonnateurs sur la nécessité d'émettre les titres, ordonnances et mandats dans les meilleurs délais et, à défaut, d'étudier la possibilité d'autoriser les comptables assignataires, dès lors qu'ils disposent des informations le permettant, à régulariser les recettes et les dépenses portées dans des comptes d'imputation provisoire, en procédant à leur enregistrement dans les comptes budgétaires.

Enfin, votre rapporteur insiste sur le fait que l'obligation pour l'Etat de tenir et de présenter une comptabilité générale, qui implique que les opérations soient imputées au bon exercice, limitera considérablement les hypothèses de manipulation du solde budgétaire du fait de l'utilisation des comptes d'imputation provisoire.

III. LA PÉRIODE COMPLÉMENTAIRE

Le cinquième alinéa du présent article porte sur l'existence d'une période complémentaire à l'année civile, qui déroge au principe de l'annualité budgétaire. Votre rapporteur s'est interrogé sur l'opportunité d'une suppression de la période complémentaire, compte tenu des manipulations de fin d'exercice qui y ont parfois cours, et de la forte dérogation que cette période constitue au regard du principe de l'annualité budgétaire. S'agissant des opérations pouvant être effectuées au cours de la période complémentaire, plusieurs distinctions doivent être effectuées. Ainsi, lors de son audition par la commission des finances du Sénat constituée en commission d'enquête sur le fonctionnement des services de l'Etat dans l'élaboration des projets de loi de finances et l'exécution des lois de finances, le 2 mai 2000, le directeur général de la comptabilité publique, Jean Bassères, indiquait que « e n matière de choix d'imputation sur les exercices, Monsieur le rapporteur général, vous avez distingué les recettes fiscales et les recettes non fiscales. Les recettes fiscales ne sont pas impliquées, compte tenu qu'il n'existe pas de comptabilisation de recettes fiscales en périodes complémentaires, sauf cas exceptionnel de grève où les imputations se font alors sur la base d'un décret, ainsi qu'en 1989 et 1995.

Pour les recettes fiscales, nous constatons ce qui a été passé dans les écritures au 31 décembre.

Pour les recettes non fiscales, traditionnellement une appréciation est effectuée sur le choix de l'exercice d'imputation. Concernant les exercices 1999 et 2000 les ministres ont eu l'occasion de s'expliquer devant la représentation nationale sur le fait que des recettes non fiscales à hauteur de 15 milliards de francs -CADES, Caisses d'épargne et COFACE- avaient été encaissées en période complémentaire et imputées sur 2000. C'est un choix explicité par les ministres et qui, de ce point de vue, ne regarde pas les techniques comptables. » 27 ( * )

Par ailleurs, dans le cadre de son audition par la commission des finances du Sénat constituée en commission d'enquête sur le fonctionnement des services de l'Etat dans l'élaboration des projets de loi de finances et l'exécution des lois de finances, le 9 mai 2000, Christophe Blanchard-Dignac, alors directeur du budget, indiquait : « nous avons proposé de réduire la période complémentaire. Celle-ci permettait pour les recettes non fiscales, correspondant à des opérations réciproques en liaison avec d'autres administrations publiques, de continuer à percevoir des sommes jusqu'au 8 mars de l'année suivante. Aujourd'hui, c'est le 31 janvier.

Nous avons une période complémentaire d'un mois, et dans les travaux que nous menons sur la comptabilité en droits constatés, nous nous efforçons de créer les conditions, techniquement compliquées (sur lesquelles nous pourrions donner notre sentiment, si le Sénat le souhaitait) pour supprimer totalement la période complémentaire pour les ordonnateurs, c'est-à-dire qu'il n'y ait que des écritures comptables, et plus de flux financiers passés le 31 décembre. » 28 ( * )

Votre commission a envisagé dans un premier temps, la limitation de la période complémentaire à l'enregistrement comptable des opérations de recette et de dépense, en excluant ainsi toute possibilité d'encaisser des recettes ou encore d'ordonnancer des dépenses. Cette hypothèse posait cependant un problème significatif au regard des crédits qui seraient ouverts par une loi de finances rectificative promulguée au mois de décembre, qui seraient, dans ce cas, largement reportés ou inutilisés. Or, un tel report massif de crédits constituerait une atteinte majeure au principe d'annualité budgétaire, en dénaturant totalement l'objet des lois de finances rectificatives de fin d'année. Dès lors qu'une loi de finances intervient dans les derniers jours de l'année, empêcher tout acte d'engagement et de paiement au titre des crédits ouverts par elle reviendrait à la vider de toute signification. A titre d'exemple, afin de répondre à cette nécessité, les engagements de dépense portant sur les crédits de l'année 2000 ont été autorisés jusqu'au 9 janvier 2001.

La solution envisagée par votre rapporteur aurait donc contraint à modifier le calendrier législatif, en avançant la date d'examen de la loi de finances rectificative de fin d'année, traditionnellement promulguée après le 15 décembre. Or, d'une part, les dates d'examen de la loi de finances rectificative sont largement contraintes par les délais fixés par la Constitution à la discussion des projets de loi de finances initiale et, d'autre part, il convient de souligner l'intérêt des lois de finances rectificative de fin d'année. Lors de son audition par la commission des finances du Sénat constituée en commission d'enquête sur le fonctionnement des services de l'Etat dans l'élaboration des projets de loi de finances et l'exécution des lois de finances, le 26 avril 2000, notre collègue Jean Arthuis, ancien ministre de l'économie et des finances, rappelait : « l e processus de la discussion de la loi de finances est assez étonnant. Cinq semaines à l'Assemblée nationale, trois semaines au Sénat, pour une loi de finances qui est devenue quelque peu virtuelle. Comment se fait-il que nous ne parvenions pas à avoir une appréciation rigoureuse sur les effectifs ? C'est presque indicatif. C'est presque un plan média. Oui, j'ai le sentiment que le projet de loi de finances est aujourd'hui un plan de communication ! Une sorte d'image virtuelle !

Le document de vérité, je me permets d'insister sur ce point, c'est la loi de finances rectificative parce qu'elle est fondée sur des constatations en cours d'exercice. Or, elle viendra en discussion à l'Assemblée nationale juste avant Noël. Le débat va durer deux ou trois heures et au Sénat peut-être autant ! Mais c'est le document vérité. » 29 ( * ) .

Votre rapporteur a considéré qu'il n'était pas souhaitable d'empêcher l'ordonnancement des crédits ouverts par une loi de finances rectificative de fin d'année en période complémentaire. Il convient donc de permettre l'engagement de ces crédits sur l'exercice pour lequel ils ont été ouverts. En revanche, il a souhaité limiter l'ordonnancement des dépenses en période complémentaire à ces seuls crédits. Par conséquent, les seules opérations permises aux ordonnateurs pendant la période complémentaire seront celles relatives aux crédits ouverts par une loi de finances rectificative promulguée au cours du mois de décembre de l'année précédente.

Il a été indiqué à votre rapporteur que cette solution pourrait poser problème lorsque des crédits ouverts en loi de finances rectificative visent à abonder la dotation d'un programme afin de permettre de financer une opération lourde pour lesquels les crédits disponibles seraient insuffisants. Par ailleurs, il serait difficile de distinguer les crédits selon qu'ils relèvent de la loi de finances initiale ou du « collectif » de fin d'année.

Ces objections ne semblent que partiellement recevables, des solutions techniques étant disponibles. Dans le cas où un collectif viendrait abonder des crédits afférents à des actions déjà autorisées par une loi de finances antérieure, l'ordonnancement des dépenses en période complémentaire serait limité au montant des crédits ouverts par la loi de finances rectificative de fin d'année. Par conséquent, deux possibilités existent : soit l'opération devant être financée est prête à l'être, sous la seule réserve de la disponibilité des crédits. Dans ce cas, il semble possible techniquement soit d'ordonnancer la dépense avant la fin de l'année civile, soit de procéder à un ordonnancement séquencé, l'un intervenant avant la fin de la fin de l'année civile, l'autre en période complémentaire, la comptabilisation de ces opérations pouvant en tout état de cause avoir lieu au cours de la période complémentaire. Soit les dépenses afférentes à l'opération ne peuvent être ordonnancées avant la fin de l'année civile. Dans ce cas, il convient de reporter les crédits nécessaires à son financement sur l'exercice suivant, ainsi que le permet la rédaction proposée par votre rapporteur pour l'article 9 de la présente proposition de loi organique. Enfin, s'agissant de la distinction entre les crédits qui résultent du vote du collectif de fin d'année et ceux qui relèvent du vote des autres lois de finances afférentes à la même année, celle-ci ne semble pas poser de difficulté, ni pour les gestionnaires, ni pour le Parlement dans le cadre de sa mission de contrôle de l'exécution budgétaire. Il suffira en effet aux contrôleurs financier de restreindre la dépense, sur chaque programme, au montant des crédits ouverts par la loi de finances rectificative de fin d'année. Aucun virement ou transfert de crédits n'étant possible au cours de la période complémentaire, une simple comparaison entre le montant des crédits ouverts sur chaque programme et le montant des ordonnancements permettra de vérifier le respect de la norme ainsi fixée par la loi organique.

Au total, votre rapporteur vous propose de retenir un dispositif qui tout à la fois assure le respect de l'autorisation parlementaire, limite les marges laissées à l'arbitraire et tient compte des contraintes pratiques d'imputation et d'exécution.

Il vous proposera de supprimer ce dispositif pour le reprendre dans un chapitre spécialement dédié à la comptabilité de l'Etat.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

* 22 Rapport d'information au nom de la commission des finances, n°37 (2000-2001), pages 60 et 61.

* 23 Rapport au nom de la commission spéciale, n° 2908 (XIème législature).

* 24 In « En finir avec le mensonge budgétaire - Enquête sur la transparence très relative des comptes de l'Etat » Tome II du rapport n° 485 (1999-2000) de la commission des finances du Sénat, page 68.

* 25 26 In « En finir avec le mensonge budgétaire - Enquête sur la transparence très relative des comptes de l'Etat » Tome II du rapport n° 485 (1999-2000) de la commission des finances du Sénat, page 165.

* 27 In « En finir avec le mensonge budgétaire - Enquête sur la transparence très relative des comptes de l'Etat » Tome II du rapport n° 485 (1999-2000) de la commission des finances du Sénat, page 67.

* 28 In « En finir avec le mensonge budgétaire - Enquête sur la transparence très relative des comptes de l'Etat » Tome II du rapport n° 485 (1999-2000) de la commission des finances du Sénat, page 138.

* 29 In « En finir avec le mensonge budgétaire - Enquête sur la transparence très relative des comptes de l'Etat » Tome II du rapport n° 485 (1999-2000) de la commission des finances du Sénat, page 56.

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