ARTICLE 10

Les crédits évaluatifs

Commentaire : le présent article établit la liste des dépenses pouvant faire l'objet de crédits évaluatifs et précise leur régime.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale modifie en profondeur le régime des exceptions à la limitativité des crédits en supprimant la catégorie des crédits provisionnels et en réformant celle des crédits évaluatifs.

La suppression des crédits provisionnels -crédits limitatifs sous réserve de relèvement par le biais des crédits pour dépenses éventuelles ou, en cas d'urgence, par un décret d'avance particulier- ne devrait guère soulever de difficultés pratiques. En effet, il a toujours été possible de faire face aux dépenses couvertes par des crédits provisionnels (18 chapitres du budget général à l'état G pour 2001) avec la marge faible (inférieure à 5%) offerte par les crédits pour dépenses éventuelles. Votre rapporteur partage l'opinion de son homologue de l'Assemblée nationale selon lequel : « le maintien d'une nature spécifique de crédits pour satisfaire à des besoins de financement imprévus qui n'excèdent pas un faible pourcentage de la prévision initiale, apparaît peu légitime » 39 ( * ) .

Le principe du maintien et de la modification du mécanisme des crédits évaluatifs rencontre le même accord de votre rapporteur. Ils sont indispensables à la couverture d'engagements de l'Etat, et donc de dépenses obligatoires ou quasi obligatoires, dont le montant s'impose à lui en toutes circonstances.

En revanche, leur énumération, telle qu'elle figure dans la texte adopté par l'Assemblée nationale, peut soulever quelques difficultés. L'article 9 de l'ordonnance organique, après avoir défini que les « crédits évaluatifs servent à acquitter les dettes de l'Etat résultant de dispositions législatives spéciales ou de conventions permanentes approuvées par la loi », distingue des dépenses par nature (dette publique, dette viagère, frais de justice, réparations civiles, remboursements, dégrèvements, restitutions) et des dépenses imputables sur des chapitres dont la liste est fixée par la loi de finances (état F).

La réforme proposée vise à supprimer cette dernière catégorie pour ne retenir qu'une énumération par nature de dépenses. Ainsi, l'Assemblée nationale réserve-t-elle les crédits évaluatifs à ceux relatifs : à la charge de la dette de l'Etat, aux remboursements, restitutions et dégrèvements, aux dépenses de pensions et d'avantages accessoires, aux appels en garantie et à la contribution de la France au budget des Communautés européennes. Votre rapporteur, outre des amendements rédactionnels, propose d'apporter trois modifications à cette liste : l'ajout des frais de poursuite et de contentieux qui figurent dans les dépenses en atténuation de recettes au budget des charges communes, la suppression du caractère évaluatif des dépenses de pensions et d'avantages accessoires et la suppression de la contribution de la France au budget des Communautés européennes dont le régime serait maintenu dans la situation existante 40 ( * ) . Le caractère évaluatif des dépenses de pension ne semble en effet plus justifié eu égard aux progrès réalisés dans les prévisions en la matière. De plus, distinguer des crédits limitatifs pour les rémunérations d'activité et des crédits évaluatifs pour les pensions ne semble guère avoir de sens. Par ailleurs, votre rapporteur tient bien entendu à préciser qu'un programme ne pourrait comprendre à la fois des crédits évaluatifs et des crédits limitatifs. La question, certes théorique, pourrait en effet se poser s'agissant des crédits évaluatifs ouverts pour couvrir les charges de la dette, les autres types de crédits évaluatifs constituant une dotation.

S'agissant du régime des crédits évaluatifs, votre rapporteur vous proposera, outre des modifications rédactionnelles de coordination, de reprendre celui adopté par l'Assemblée nationale. Les crédits afférents aux dépenses énumérées, qui sont regroupés dans une dotation particulière afin d'éviter des programmes réservoirs ad hoc , peuvent dépasser les crédits prévus par la loi de finances de l'année. Eu égard à l'exception ainsi faite à la règle de l'autorisation, le troisième alinéa du présent article propose un régime strict d'information des commissions chargées des finances sur les raisons expliquant le dépassement et les perspectives d'exécution. Les dépassements éventuels font systématiquement l'objet d'ouverture de crédits dans le plus prochain projet de loi de finances afférent à l'exercice considéré, afin de préserver le respect du principe de sincérité par ailleurs énoncé par la présente proposition de loi.

Enfin, le quatrième alinéa prévoit de mettre fin aux possibilités, ouvertes aujourd'hui, de gager un décret d'avances par des annulations de crédits évaluatifs, d'annuler des crédits évaluatifs, de les virer et de les reporter. Votre rapporteur partage ce souci d'adopter une rédaction réaliste et propice à la bonne gestion. En revanche, il souhaite exclure de cette interdiction les annulations qui obéissent au régime de l'article 15. Il s'agirait des annulations « sèches » destinées à faire face à une détérioration de l'équilibre financier, et celles qui peuvent être réalisées par une loi de finances rectificative.

Ainsi, le régime des crédits évaluatifs, modernisé, permettra d'assurer un équilibre entre l'exception à l'autorisation budgétaire limitative et les nécessités de la couverture des obligations de l'Etat.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

* 39 Rapport au nom de la commission spéciale, Assemblée nationale, n° 2908 (XI ème législature), page 116.

* 40 Voir le commentaire de l'article 17.

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