ARTICLE 13

Les virements et transferts de crédits entre programmes

Commentaire : le présent article définit le régime des mouvements de crédits entre programmes selon qu'ils relèvent (transferts) ou non (virements) de ministères distincts.

I. LE TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article comporte quatre alinéas :

le premier, relatif aux virements ;

le deuxième, relatif aux transferts ;

le troisième et le quatrième, posant des règles limitatives communes.

A. LES VIREMENTS

Des virements, décidés à la seule initiative du gouvernement, pourraient modifier la répartition des crédits votés par le Parlement. Ils seraient effectués par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances.

La particularité des modifications de crédits opérés par virements est qu'elles changeraient la spécialisation des crédits par programme.

Il s'agit ainsi d'une grave atteinte à l'autorité de la chose votée et c'est pourquoi, mentionne le rapport de l'Assemblée nationale, des limites seraient fixées à la faculté offerte en la matière au gouvernement :

- en premier lieu, les virements ne pourraient intervenir qu'entre les programmes d'un même ministère ;

- en second lieu, le montant cumulé des virements réalisés au cours d'un exercice ne pourrait excéder 3 % des crédits initiaux de chacun des programmes concernés.

B. LES TRANSFERTS

Des transferts, décidés à la seule initiative du gouvernement, pourraient modifier la répartition des crédits votés par le Parlement. Leur particularité serait qu'ils pourraient intervenir entre des programmes relevant de ministères distincts. Toutefois, au contraire de la procédure de virement, les transferts ne devraient pas changer la destination des crédits. Il est en effet prévu qu'ils ne puissent intervenir qu'entre des programmes poursuivant des objectifs similaires.

Des conditions sont posées à leur réalisation :

- les transferts devront être effectués par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances ;

- une information préalable des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat est prévue ;

- l'utilisation des crédits transférés donne lieu à un compte-rendu spécial inséré dans le rapport de performances du programme d'origine annexé au projet de loi de règlement.

Toutefois, nulle limite de montant n'est posée.

C. DES LIMITATIONS COMMUNES AUX VIREMENTS ET TRANSFERTS

Deux règles viendraient encadrer, de la même manière, les possibilités de virements et transferts :

- aucun virement ni transfert, ne pourrait être effectué au profit de programmes non prévus par une loi de finances, afin de prévenir l'utilisation desdites procédures pour contourner le principe de l'autorisation préalable des programmes par les lois de finances ;

- aucun virement ni transfert ne pourrait être effectué au profit du titre des dépenses de personnel à partir d'un autre titre, solution qui répond aux intentions, déjà commentées, sur lesquelles repose le mécanisme de « fongibilité asymétrique des crédits ».

II. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSSION

A. OBSERVATIONS GÉNÉRALES

1. La situation actuelle est relativement simple

Les virements et les transferts de crédits constituent des souplesses concédées à l'exécutif lui permettant de s'affranchir, en exécution, des ouvertures de crédits votées par le législateur, soit pour des raisons liées à une mauvaise évaluation initiale, soit pour des contraintes pratiques de gestion (par exemple, s'agissant des transferts de crédits contribuant à la mise en oeuvre de politiques interministérielles). Il convient toutefois de souligner que les modifications ainsi apportées aux crédits, sans faire l'objet alors d'une ratification spécifique, sont prises en compte dans les lois de règlement où elles sont fréquemment, mais de façon excessivement sommaire, exposées.

Les virements et transferts de crédits se distinguent, en théorie, nettement par leurs fonctions et par leur montant.

Les virements modifient la nature de la dépense au sein du même titre du budget d'un même ministère. Ils consistent à mouvementer les crédits de chapitre à chapitre. Leur champ d'application en limite naturellement le montant, même si une augmentation de leur volume a pu être observée ces dernières années, comme l'observe la Cour des comptes 43 ( * ) :

« En 1999, ces mouvements ont affecté les crédits à hauteur de 3 904,46 millions, soit une augmentation de 41,6 % par rapport à 1998 (2 756,9 millions), de 47,7 % par rapport à 1997 (2 679,4 millions) et de 107,6 % par rapport à 1996 (1 880,4 millions). »

Les transferts atteignent des montants beaucoup plus considérables et n'ont pas le même rôle. On rappelle que l'article 14 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 prévoit qu'ils modifient la détermination du service responsable de l'exécution de la dépense, mais non la nature de cette dernière, et que les transferts au sein du budget général se sont élevés, en 1999, à 186.335,82 millions, en augmentation de 3 % par rapport à 1998 et après une hausse de 3,6 % en 1997.

Les transferts satisfont, en réalité, deux grandes fonctions :

rattacher en gestion des crédits inscrits dans les différents fascicules budgétaires aux ministères qui les gèrent en pratique (s'agissant des dépenses de pensions, en particulier) ;

dédommager des ministères de leur contribution au fonctionnement d'autres ministères.

Même s'il faut déplorer la commission répétée d'irrégularités et le laconisme des informations concernant ces importantes opérations de gestion, la situation actuelle en matière de virements et de transferts apparaît relativement simple.

Elle contribue sans doute à fluidifier la gestion administrative et paraît économe puisqu'elle consiste, en particulier pour les virements, à financer par redéploiement des dépenses non budgétées.

2. Un contexte largement modifié par la proposition de loi organique

Les modifications apportées à la nomenclature budgétaire par la présente proposition de loi organique sont de nature à renouveler sensiblement la problématique des virements et des transferts de crédits.

Ces mouvements devraient devenir moins nécessaires . La globalisation des crédits au sein des programmes permettra, sous les réserves indiquées par ailleurs, de se passer d'actes formels de virement au sein d'un même programme. Ceux-ci ne demeureront nécessaires que pour les crédits de programmes différents. Quant aux transferts, la faculté ouverte de construire des programmes interministériels devrait, si elle était exploitée, réduire leur utilité, sans pour autant la faire disparaître.

Ces mouvements doivent être adaptés, dans leur régime, à la nouvelle nomenclature d'exécution.

C'est d'abord le cas pour les virements. Il n'est plus utile d'en prévoir l'occurrence au sein d'un même programme, et leur réalisation entre programmes distincts a une portée sensiblement différente de celle des actuels virements. Elle est particulièrement attentatoire au principe fondamental de budgétisation par objectif, et non plus par moyens, qui anime la réforme et est susceptible de concerner des unités de spécialisation - les programmes en lieu et place des crédits - dotés de niveaux de crédits beaucoup plus élevés.

Pour les transferts, l'introduction des programmes comme unités de spécialisation des crédits, et leur substitution aux chapitres, modifient l'approche du critère de l'absence de modification de la nature de la dépense, qui en est une condition aujourd'hui.

B. PROPOSITIONS

Les propositions de votre commission découlent des analyses ci-avant, ainsi que des propositions faites par ailleurs.

1. Les virements de crédits

Votre rapporteur part de l'idée que les virements de crédits peuvent constituer un expédient, justifié par un souci d'économies budgétaires, destiné à remédier à des erreurs limitées de calibrage des crédits d'un programme. Plutôt que d'ouvrir de nouveaux crédits, dans le cadre d'un programme, il peut, en effet, être utile et économe de recycler des crédits disponibles sur un autre programme.

Cependant, l'atteinte portée ainsi par l'exécutif à la spécialisation des crédits votés par le Parlement commande d'entourer cette procédure de strictes limites. Dans la version initiale de la proposition de loi organique de l'Assemblée nationale, le plafond des virements était décalqué du texte actuel de l'ordonnance, soit 10 % des crédits concernés. La faculté ainsi ouverte était excessive et l'Assemblée nationale a finalement posé une limite de 3 % des crédits initiaux de chacun des programmes concernés. Votre rapporteur vous propose de ramener ce plafond à 2 % et, de plus, d'instaurer une dualité de références, afin de limiter l'ampleur des virements de crédits de personnel. La limite de 2 % serait alors appliquée, distinctement aux crédits de cette nature. En effet l'application uniforme d'un pourcentage relatif à l'ensemble des crédits d'un programme, alors que les virements peuvent ne concerner qu'une partie des dépenses de ce programme, pourrait conduire à virer une proportion très importante d'un type de crédits particuliers et donc altérer fortement l'autorisation parlementaire.

Comme dans le texte de l'Assemblée nationale, il n'est pas proposé de laisser la faculté d'assortir les virements concernant ces crédits des modifications correspondantes de la répartition des emplois autorisés par ministère. Il convient en effet d'éviter que des économies à caractère ponctuel ne fassent le lit de dépenses répétitives.

La substitution du terme « année » au terme « exercice », que propose votre rapporteur, pour décrire la période de computation des virements n'est pas anodine dans son esprit. Il s'agit, en creux, d'interdire tout virement de crédits au cours de la période complémentaire.

Enfin, alors que l'Assemblée nationale a ouvert la faculté de virer les crédits entre les programmes d'un même ministère, votre rapporteur souhaite privilégier les virements entre programmes d'une même mission, ce afin de limiter l'atteinte portée par les virements à la détermination des dépenses budgétaires effectuée par les lois de finances.

2. Les transferts de crédits

La procédure des transferts de crédits est destinée, dans l'esprit de votre rapporteur, à permettre la gestion pratique des crédits par le service le mieux « outillé » à cet effet. Les responsables d'un programme peuvent souhaiter déléguer certains actes de gestion à d'autres entités administratives. Les transferts sont destinés à le permettre en transportant les crédits correspondants.

Comme le programme de destination des crédits peut regrouper des moyens d'actions poursuivant des objectifs distincts de ceux du programme d'origine, il convient d'ouvrir la faculté de transferts de crédits entre des programmes ne relevant pas de la même mission. Il convient cependant de conditionner ces transferts à un principe de non dénaturation de l'objet du crédit transféré. Cette condition, qui n'est pas posée en matière de virement, est ici indispensable. L'objet du transfert n'est en effet pas d'abonder les moyens d'un programme afin de financer les politiques qui sont poursuivies en propre par lui - objet qui est celui des virements et qui justifie la définition d'une limite de montant - mais de financer les coûts mis à la charge du programme bénéficiaire pour conduire, en son sein, les actions propres à permettre une bonne gestion des actions du programme d'origine.

3. Les obligations de compte rendu

Malgré une rédaction allégée par rapport au texte de l'Assemblée nationale, il entre bien dans les intentions de votre rapporteur que l'utilisation des crédits virés ou transférés fasse l'objet d'un compte rendu spécial inséré aux rapports de performances exigés à l'appui des projets de loi de règlement.

Ce compte-rendu sera, normalement, élaboré par le responsable du programme de destination des crédits ainsi mouvementés.

4. Des mouvements de crédits dont le champ est circonscrit

Le dispositif proposé par votre commission est limité aux crédits spécialisés par programmes. On rappelle que la plupart de ces crédits sont limitatifs. Il n'est ainsi plus nécessaire de prévoir la prohibition des transferts et virements en provenance de dotations évaluatives ou provisionnelles et en direction de dotations limitatives que pour quelques hypothèses seulement. Cette disposition serait introduite à l'article 7 de la présente proposition de loi organique.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

* 43 Rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 1999.

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